DELOITTE INC.

DELOITTE INC.
c.
MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS ET MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2016-069

Décision et motifs rendus
le mardi 25 juillet 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Deloitte Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

DELOITTE INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS Institution fédérale

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

En vertu des paragraphes 30.15(2) à 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal recommande que le ministère des Pêches et des Océans verse à Deloitte Inc. une indemnité pour perte de profits pour la Phase 1 des travaux et, dans la mesure où le ministère des Pêches et des Océans a déjà exercé, ou entend exercer, ses options à leur égard, les travaux de la Phase 2 et de la Phase 3.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande aussi que les parties négocient le montant de l’indemnité à payer et qu’ils en avisent le Tribunal canadien du commerce extérieur dans les 30 jours après le prononcé des motifs de la présente décision.

Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnité, Deloitte Inc. déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours après le prononcé des motifs de la présente décision, des observations sur la question de l’indemnité. Le ministère des Pêches et des Océans disposera alors de sept jours ouvrables après réception des observations de Deloitte Inc. pour déposer une réponse. Deloitte Inc. disposera alors de cinq jours ouvrables après réception des observations en réponse du ministère des Pêches et des Océans pour déposer des observations supplémentaires. Les conseillers juridiques doivent faire parvenir simultanément leurs documents au Tribunal canadien du commerce extérieur et à l’autre partie.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Deloitte Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le ministère des Pêches et des Océans. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, l’indication provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur du degré de complexité de la plainte est le degré 2, et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la décision, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public.

Il relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

Membre du Tribunal : Peter Burn, membre présidant

Personnel de soutien : Rebecca Marshall-Pritchard, conseillère juridique
Dustin Kenall, conseiller juridique

Partie plaignante : Deloitte Inc.

Conseillers juridiques pour la partie plaignante : Vincent DeRose
Jennifer Radford

Institutions fédérales : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
ministère des Pêches et des Océans

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Roy Chamoun
Susan Clarke
Ian McLeod
Kathryn Hamill

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le 29 mars 2017, Deloitte Inc. (Deloitte) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no F5211-160590) publiée le 13 janvier 2017 par le ministère des Pêches et des Océans (MPO) dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement no E60ZN-15TSSB pour les Services professionnels centrés sur les tâches et les solutions, émise par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), pour trois phases des travaux associés aux exigences en matière de planification des approvisionnements de la flotte de la Garde côtière canadienne (GCC).
  2. Deloitte prétend que le MPO a établi de façon incorrecte que sa proposition ne démontrait pas clairement l’expérience répondant aux cinq exigences cotées. Deloitte affirme que, n’eût été ces erreurs, elle aurait eu une proposition conforme et classée au premier rang, et aurait remporté le contrat subséquent avec les deux options de prolongation de un an (si le MPO choisissait de les exercer).
  3. À titre de mesure corrective, Deloitte demande une compensation pour sa perte de profits ou, à titre subsidiaire, l’occasion perdue qu’elle aurait réalisée si on lui avait confié les travaux de la Phase 1. En outre, Deloitte demande que les contrats de la Phase 2 et de la Phase 3 lui soient attribués ou, à titre subsidiaire, que le MPO relance l’appel d’offres pour les contrats des Phases 2 et 3, et que les coûts engagés pour le dépôt de la présente plainte lui soient remboursés. Deloitte n’a pas demandé à être indemnisée pour les frais de préparation de sa soumission.
  4. Le Tribunal a désigné TPSGC en tant qu’institution gouvernementale défenderesse dans cette affaire avec le MPO puisque, même si le MPO a publié la demande de propositions et a réalisé l’évaluation technique, TPSGC est l’autorité contractante pour le contrat subséquent attribué à QinetiQ Ltd. (QinetiQ), le soumissionnaire retenu.

CONTEXTE

  1. La DP vise la fourniture de services de consultation, dans trois phases de travaux successives, pour aider la GCC à élaborer son Plan de renouvellement de la Flotte 2017 (PRF 2017). La Phase 1 concerne l’élaboration d’un concept d’analyse pour une étude sur l’optimisation de la flotte afin de déterminer et d’évaluer les différentes options d’approvisionnement possibles qui permettraient d’obtenir une composition, un nombre et un ordre de renouvellement de navires optimaux pour le PRF 2017. La Phase 2 est un contrat (au gré du MPO) pour mener l’étude sur l’optimisation de la flotte. La Phase 3 (aussi au gré du MPO) concerne l’évaluation, la planification et la mise en œuvre du PRF 2017, au besoin[2].
  2. La DP prévoit l’adjudication d’un contrat au soumissionnaire conforme ayant obtenu les notes techniques et financières combinées les plus élevées, représentant 70 % et 30 %, respectivement. La DP comprend quatre critères obligatoires (CO-1 à CO-4) et douze exigences cotées (EC-1 à EC-12). Les exigences cotées EC-1 à EC-5 sont liées aux travaux de la Phase 1; les exigences cotées EC-6 à EC-11, aux travaux de la Phase 2; et l’EC-12, aux travaux de la Phase 3[3].
  3. La grille de notation pour l’évaluation des soumissions prévoyait les notes de 0, 10, 30 ou 50 points pour les critères cotés basés sur l’expérience démontrée, pour une note maximale possible de 600 points. Les propositions techniques ont été évaluées du 6 au 9 février 2017, d’abord sur une base de notation individuelle et ensuite sur une base de notation finale consensuelle par un comité formé de quatre représentants expérimentés de la GCC[4]. Les notes individuelles et les notes manuscrites (d’abord à l’encre bleue, puis à l’encre rouge après la réunion de consensus) ont été consignées sur les grilles de notation de l’évaluation technique (grilles individuelles)[5]. La note finale attribuée par consensus a été consignée sur les grilles sommaires de l’évaluation technique (grilles sommaires)[6]. Les seuls documents produits dans le cadre de cette procédure qui consignent le raisonnement de membres du comité d’évaluation à l’appui de leurs notes sont les grilles individuelles.
  4. La DP a été publiée le 13 janvier 2017. Le 23 janvier 2017, le MPO a publié un addenda 1 à la DP pour proroger la date de clôture du 30 janvier 2017 au 3 février 2017. Le 25 janvier 2017, il a publié un addenda 2 modifiant les exigences de la certification en matière d’établissement des coûts relatives à l’EC‑11 et renfermant la grille de notation pour l’évaluation des soumissions. L’addenda 3, modifiant davantage les exigences relatives à l’EC-11, a été publié le 31 janvier 2017.
  5. Deux soumissionnaires ont soumis des propositions : Deloitte et QinetiQ. La proposition technique de Deloitte comprenait les curriculums vitæ et les courtes biographies de chacune des ressources proposées pour le travail, des descriptions de projets sur lesquels ces ressources ont travaillé, et des descriptions des travaux menés spécifiquement par ces individus dans le cadre des projets cités en référence sur lesquels Deloitte s’appuyait dans sa réponse aux critères cotés.
  6. Deloitte a satisfait à l’ensemble des critères obligatoires et a reçu tous les points pour les exigences cotées EC-1 à EC-5 (les travaux de la Phase 1) et l’EC-12 (les travaux de la Phase 3). Cependant, la proposition de Deloitte n’a pas reçu le maximum de points pour les six critères cotés pour les travaux de la Phase 2 (l’étude sur l’optimisation de la flotte). Dans sa plainte, Deloitte prétend qu’elle aurait dû recevoir le maximum de points sur cinq de ces critères, à savoir l’EC-6, l’EC-7, l’EC-8, l’EC-10 et l’EC-11.

ACCORDS COMMERCIAUX

  1. La section 1.2.1 de la Partie 1 de la DP prévoit qu’elle est régie par l’Accord sur le commerce intérieur[7], l’Accord de libre-échange nord-américain[8] et l’Accord sur les marchés publics[9].
  2. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que

    [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

  1. L’Article 1013 de l’ALÉNA prévoit que

    [l]a documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également :

    [...]

    h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...].

  1. Enfin, l’article XII de l’AMP prévoit que

    [l]a documentation relative à l’appel d’offres remise aux fournisseurs contiendra tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent présenter des soumissions valables, notamment [...]

    h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...].

  1. Deloitte soutient qu’en ne lui attribuant pas la totalité des points pour les cinq critères cotés, le MPO n’a pas appliqué les critères d’évaluation publiés énoncés dans la DP et a introduit des critères d’évaluation non divulgués, contrevenant ainsi aux dispositions des accords commerciaux susmentionnés.

ANALYSE

  1. Les principes régissant l’examen par le Tribunal des évaluations de propositions en approvisionnement d’institutions gouvernementales sont bien établis et énoncés simplement. Il incombe au soumissionnaire de s’assurer que sa soumission démontre clairement et sans ambiguïté sa conformité aux exigences d’une invitation à soumissionner[10]. Le Tribunal interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle est réputée déraisonnable et il ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs, à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure[11]. En outre, le Tribunal a déjà indiqué que la décision d’une entité publique sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal[12].

EC-6 relative à la simulation et à la modélisation

  1. L’EC-6 requiert ce qui suit :

    Le soumissionnaire démontre que les ressources proposées pour mener l’étude sur l’optimisation de la flotte ont une expérience préalable dans la conduite de la simulation et de la modélisation d’une étude de taille, de portée et de complexité similaires.

    [Traduction]

  1. Le barème de notation suivant était employé pour l’EC-6 (tout comme pour l’EC-7 et l’EC-8) :
    • 0 point lorsque « [l]e soumissionnaire ne démontre pas clairement l’expérience pertinente au critère »;
    • 10 points lorsque « [l]e chef d’équipe du soumissionnaire pour l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’il a une expérience qui répond au critère »;
    • 30 points lorsque « [l]e chef d’équipe et la majorité du personnel proposé par le soumissionnaire pour l’étude sur l’optimisation de la flotte démontrent clairement qu’ils ont l’expérience qui répond au critère »;
    • 50 points lorsque « [l]e chef d’équipe et tous les membres du personnel proposés par le soumissionnaire pour l’étude sur l’optimisation de la flotte démontrent clairement qu’ils ont l’expérience qui répond au critère »[13].

    [Nos italiques, traduction]

  1. Pour l’EC-6, Deloitte a désigné un chef d’équipe et six ressources supplémentaires au sein de l’équipe. Même si trois des évaluateurs ont initialement accordé à Deloitte la totalité des points dans leurs évaluations individuelles, lors de la réunion de consensus, le comité a convenu d’une note finale de ██ ████, au motif que la proposition de Deloitte ne démontrait pas clairement que le membre de l’équipe ██ possédait une expérience dans la conduite des activités de simulation et de modélisation.

Position des parties

  1. Deloitte affirme que la notation du MPO ne tient pas compte des représentations explicites dans sa proposition concernant l’expérience de ██ dans la simulation et la modélisation, y compris ce qui suit[14] :
    • la description de sa spécialité dans sa biographie comme incluant « l’établissement des coûts et la modélisation du cycle de vie au sein des gouvernements et des secteurs commerciaux » [traduction];
    • la description du travail de Deloitte sur le Livre blanc de la New Zealand Defence Force (NZDF) (pour lequel ██ est citée comme étant la seule « Ressource impliquée » [traduction]) comme incluant ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ █████ ███ ███ ████ ███ █████ ███████████ █████ ████ █████ [traduction];
    • la déclaration dans la proposition selon laquelle ██ « a joué un rôle central dans l’équipe responsable de la stratégie financière et de la modélisation dans le cadre du [Livre blanc de la NZDF] » [traduction];
    • la déclaration dans la proposition selon laquelle ██ « a effectué une modélisation de simulation à l’aide de l’outil de planification des immobilisations afin d’élaborer des plans d’immobilisations pour la ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ██ » [traduction].
  1. À l’étape de l’évaluation individuelle, l’évaluateur (NG), qui n’avait pas initialement accordé à Deloitte le maximum de points pour l’EC-6, a noté sur sa grille individuelle qu’« ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███[15] » [traduction]. Un autre évaluateur (JO), bien qu’il n’ait déduit aucun point à cette étape, a écrit ce qui suit : « ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███[16] » [traduction].
  2. Après l’attribution de la note par consensus, les commentaires suivants ont été ajoutés par les évaluateurs à leurs grilles individuelles pour expliquer la note finale[17] :

    ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ██████████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███ [NP];

    ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ██████ [JO];

    ███████ █████ █████ ███████ ██ [KM].

    [Traduction]

  1. Dans le Rapport de l’institution fédérale (RIF), le MPO prétend que les évaluateurs ont raisonnablement conclut que la proposition de Deloitte ne contenait pas suffisamment de détails justificatifs concernant le type et l’étendue de la modélisation de simulation effectuée par ██, et ne répondait donc pas au critère d’expérience nécessaire pour obtenir la totalité des 50 points.
  2. Dans sa réponse au RIF, Deloitte soutient que le Tribunal devrait conclure que l’évaluation a contrevenu aux accords commerciaux parce que le MPO n’a pas expliqué comment trois des quatre évaluateurs, qui avaient initialement accordé la totalité des points, ont changé d’avis à l’étape de la notation consensuelle. En outre, Deloitte soutient que le changement dans la notation indique que les évaluateurs avaient chacun des interprétations différentes de ce qui était requis pour « démontrer clairement » [traduction] l’expérience et qu’il y avait une ambiguïté latente quant au niveau de détails devant être fournis par les soumissionnaires.

Analyse

  1. La note de Deloitte est fondée sur la conclusion de l’équipe d’évaluation selon laquelle le rôle de ██ n’était pas clairement déterminé dans le Livre blanc de la NZDF relativement à la modélisation de simulation. Pour obtenir la totalité des points pour l’EC-6, un soumissionnaire doit seulement démontrer clairement que toutes ses ressources proposées ont une expérience qui répond au critère, en l’occurrence l’expérience préalable dans la conduite de la simulation et de la modélisation d’une étude de taille, de portée et de complexité similaires. L’équipe d’évaluation n’a pas conclu que le Livre blanc de la NZDF n’était pas une étude de taille, de portée et de complexité similaires. Elle a simplement conclu que le rôle et l’étendue de l’expérience de ██ dans cette étude n’étaient pas clairement démontrés[18]. D’après le travail expressément attribué à ██, elle a été « détachée » [traduction] auprès de l’équipe responsable de la stratégie financière et de la modélisation de la NZDF, elle « a joué un rôle central » [traduction] dans cette équipe, et elle « a effectué une modélisation de simulation à l’aide de l’outil de planification des immobilisations afin d’élaborer des plans d’immobilisations pour le ██ ██ » [traduction].
  2. Le Tribunal conclut que l’équipe d’évaluation a raisonnablement déterminé que les renseignements ci-dessus fournis par Deloitte concernant ██ n’étaient pas suffisamment précis pour démontrer clairement son expérience de la modélisation de simulation. Il est bien établi qu’un soumissionnaire doit démontrer en quoi il satisfait aux exigences d’une DP; cela va au-delà du fait de simplement reprendre les termes des exigences et d’affirmer de manière catégorique qu’il les satisfait[19]. Cette instruction était également incluse dans la DP, qui avertissait les soumissionnaires que le fait de « [simplement] répéter l’énoncé contenu dans l’invitation à soumissionner n’est pas suffisant[20] » [traduction]. Il incombe au soumissionnaire de démontrer clairement qu’il satisfait aux exigences de l’appel d’offres et non l’inverse. Il en est ainsi parce l’un des principaux objectifs du processus d’approvisionnement est de minimiser l’étendue de l’interprétation subjective (et discriminatoire) des soumissions[21]. Les accords commerciaux requièrent que les exigences et les critères soient clairement formulés par écrit. Il incombe au soumissionnaire de garantir que sa proposition répond sans ambiguïté à ces exigences et à ces critères. Parallèlement, l’institution gouvernementale doit évaluer les propositions de manière approfondie et en se basant uniquement sur le contenu de la proposition[22]. Ce cadre structuré laisse, tout à fait délibérément, très peu de place pour des hypothèses de la part du soumissionnaire ou des évaluateurs.
  3. Ainsi, la déclaration de Deloitte selon laquelle ██ « a joué un rôle central » [traduction] dans la modélisation du Livre blanc de la NZDF ne démontrait pas clairement en quoi consistait ce rôle ni le degré d’expérience directe qu’elle possédait à cet égard. Il était raisonnable pour le MPO d’avoir une telle préoccupation, étant donné qu’elle a obtenu son diplôme de premier cycle et s’est jointe à Deloitte en 2011, et que sa première et seule expérience de la modélisation mentionnée est celle de 2016 pour le Livre blanc de la NZDF. De plus, la seule expérience de la modélisation mentionnée de façon précise est son expérience de l’utilisation de l’outil de planification des immobilisations pour élaborer des plans d’immobilisations dans le cadre de ce projet.
  4. Enfin, quant à l’opposition de Deloitte au changement dans les notes finales à l’étape du consensus, elle n’a renvoyé à aucune partie de la DP qui n’interdisait cette façon de procéder ni à l’attribution de note par consensus en général. En outre, elle n’a cité aucune affaire ni aucun autre précédent pour appuyer sa prétention selon laquelle une conclusion défavorable devrait être tirée ou une ambiguïté latente devrait être reconnue simplement à cause d’une divergence entre les notes individuelles et la note attribuée par consensus (ce qui est normal dans un comité formé de quatre différentes personnes). Les cours ont confirmé les décisions du Tribunal rejetant de telles plaintes lorsque la preuve démontre que les notes individuelles étaient simplement le « point de départ » pour une discussion et un débat; donc, il est raisonnable de conclure que les notes attribuées par consensus « [ne correspondent] pas toujours [...] aux moyennes ou aux médianes des notes[23] ». Elles ont aussi conclu que « l’écart par rapport aux cotes individuelles moyennes » n’est pas suffisant « pour établir l’existence d’une injustice[24] ». En l’espèce, il n’est pas contesté que les notes individuelles n’étaient rien d’autre qu’un point de départ pour la discussion et le débat à parachever à l’étape de l’attribution d’une note par consensus. Par ailleurs, l’attribution finale de ██ ████ cadre avec la grille de notation pour l’évaluation des soumissions préétablie pour les cas où la proposition ne démontre pas clairement que chaque membre de l’équipe possède l’expérience pertinente. En conséquence, le changement à la notation n’est pas un motif de plainte valide.

EC-7 relative à l’analyse décisionnelle multicritères

  1. L’EC-7 requiert ce qui suit :

    Le soumissionnaire démontre que les ressources proposées pour mener l’étude sur l’optimisation de la flotte possèdent une expérience préalable dans la réalisation d’analyses décisionnelles multicritères pour évaluer l’efficacité opérationnelle de chaque option et formuler des recommandations pour une étude de taille, de portée et de complexité similaires.

    [Traduction]

  1. Pour l’EC-7, même si trois des évaluateurs ont initialement accordé à Deloitte la totalité des points, lors de la réunion de consensus, le comité a convenu d’une note finale de 30 points, au motif que la proposition ne démontrait pas clairement que le membre de l’équipe proposé, ██, possédait une expérience dans la réalisation d’analyses décisionnelles multicritères (ADM).
  2. À l’étape de l’évaluation individuelle, l’évaluateur (NG), qui n’avait pas initialement accordé le maximum de points pour l’EC-7, a indiqué sur sa grille individuelle que « ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███[25] » [traduction]. Un autre évaluateur (JO), bien qu’il n’ait déduit aucun point à cette étape, a écrit que « ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███[26] » [traduction].
  3. Après la notation par consensus, les commentaires suivants ont été ajoutés par les évaluateurs à leurs grilles individuelles pour expliquer la note finale[27] :

    ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ██████████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███

    ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███

    ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███

    [Traduction]

Position des parties

  1. Dans le RIF, le MPO soutient que les concepts d’ADM et d’analyse multicritères (AMC) sont liés, mais distincts. En se fondant sur des définitions tirées d’un manuel et d’un article de périodique (dont aucun n’est cité en référence dans la DP), le MPO affirme que l’AMC est « une méthode de recherche et d’analyse décisionnelle qui s’applique particulièrement aux problèmes complexes lorsqu’une approche fondée sur un seul critère est insuffisante, et qu’elle est nécessaire pour inclure une gamme complète d’analyses détaillées des aspects géographiques, économiques, sociaux, environnementaux et techniques pertinents, entre autres facteurs, afin de produire des éléments de preuve à l’appui de la prise de décision » [traduction], alors que l’ADM est « une méthodologie qui soutient les décideurs dans l’évaluation et le classement ou le choix de différentes solutions de rechange, au moyen d’une analyse systématique qui permet de dépasser les limites d’un processus décisionnel par un individu ou un groupe non structuré[28] » [traduction]. Le MPO soutient que, même si la proposition indiquait que ██ avait une expérience de l’AMC, elle ne confirmait pas explicitement son expérience de l’ADM et que, par conséquent, Deloitte ne satisfaisait pas complètement à l’EC-7 et s’est vu accorder une note de ██ au lieu de la totalité des 50 points disponibles.
  2. Pour l’EC-7 concernant XX, Deloitte a fait référence au ███████ █████ █████ █ ███, dans lequel la proposition présente son expérience comme suit[29] :
    • ██ a été embauchée pour réaliser l’analyse d’une série d’options afin de déterminer la meilleure option pour ████ ██ en fonction d’une analyse multicritères.
    • ██ a adopté une approche d’évaluation et de sélection, comprenant la définition du processus et l’établissement des critères, et a animé des ateliers auprès des intervenants supérieurs pour réaliser l’évaluation et choisir une option recommandée.
    • ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ██████████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ █████████
    • ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███

    [Traduction]

  1. Plus important encore, la proposition comprend une section décrivant le ███████ ██████████ ███████ lui-même. Elle identifie explicitement ██ (et seulement ██) sous la ligne « Ressource impliquée » [traduction] et présente sous forme de liste à puces l’expérience suivante sous le titre « Soutien de Deloitte pertinent à l’Énoncé de travail[30] » [traduction] :
    • a élaboré des options pour une approche d’évaluation et de sélection au moyen de l’analyse décisionnelle multicritères;
    • a appuyé le client dans la définition du processus, l’établissement des critères et l’animation d’ateliers auprès des intervenants supérieurs pour réaliser l’évaluation et choisir une option recommandée;
    • ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███

    [Nos italiques, traduction]

  1. Deloitte soutient que l’industrie n’a pas fait de distinction entre l’AMC et l’ADM. Subsidiairement, dans la mesure où le MPO entendait exiger uniquement l’expérience de l’AMD, la distinction est si subtile que trois de ses propres évaluateurs ne l’ont pas initialement reconnue. Par conséquent, soutient Deloitte, cela équivaut à une ambiguïté latente pour laquelle elle ne devrait pas être pénalisée.

Analyse

  1. En l’espèce, le MPO n’a pas déduit de points de la proposition de Deloitte en raison de l’omission de fournir des détails suffisants pour évaluer le niveau d’expérience de ██ (comme il l’a fait pour l’EC-6), mais plutôt parce que le MPO a fait la distinction entre deux types d’expérience (AMC et ADM).
  2. Le Tribunal conclut que cette distinction n’est pas soutenue par le libellé de la DP. De plus, même si une telle distinction était valide, la substance de l’expérience de ██, telle qu’elle est décrite, démontre clairement qu’elle satisfait à l’exigence d’expérience en matière d’ADM.
  3. Premièrement, le Tribunal conclut que la soi-disant distinction du MPO entre l’ADM et l’AMC peut être considérée comme une ambiguïté latente. Le Tribunal a conclu ce qui suit :

    Lorsqu’il existe une ambiguïté latente, le fournisseur potentiel ne la découvrira vraisemblablement pas avant de prendre connaissance des résultats de l’évaluation. Lorsqu’il existe une ambiguïté manifeste, elle est (ou devrait être) visible au vu de l’article de la DP ou de la modification en cause, et le fournisseur potentiel doit tenter d’obtenir des éclaircissements sur ce qui est exigé ou, sinon, déposer une opposition ou une plainte dans les délais prescrits[31].

  1. Lorsqu’un soumissionnaire a raisonnablement interprété une ambiguïté latente introduite par l’institution gouvernementale, le Tribunal conclut que le soumissionnaire ne devrait pas être pénalisé[32]. En l’espèce, peu importe si, en fait, il y a une différence reconnue au sein de l’industrie ou du milieu universitaire entre l’AMC et l’ADM, le MPO ne l’a relevée nulle part dans la DP elle-même : ni par renvoi dans les instructions pour la préparation des soumissions, ni dans les procédures d’évaluation, les critères techniques ou les trois phases des produits livrables dans l’Énoncé de travail, c’est-à-dire le concept d’analyse, l’étude sur l’optimisation de la flotte et les travaux de consultation selon les besoins.
  2. Deuxièmement, même en supposant que la différence entre l’AMC et l’ADM est (comme le prétend le MPO) que la dernière est axée sur le processus décisionnel plutôt que sur l’analyse, les renseignements fournis dans la proposition appuient une conclusion selon laquelle l’expérience de ██ dans le ███████ █████ █████ ███████ █ comprenait ce travail d’ADM par la formulation de recommandations au client. AH n’a pas simplement analysé des options relatives aux critères multiples, mais a aussi, selon la proposition, élaboré une « approche de sélection » [traduction], animé des « ateliers avec des intervenants supérieurs pour réaliser l’évaluation et choisir une option recommandée » [traduction], et pris « ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ████████ » [traduction]. Tous ces points cadrent avec la définition par le MPO de l’ADM comme étant « une méthodologie qui soutient les décideurs dans l’évaluation et le classement ou le choix de différentes solutions de rechange, au moyen d’une analyse systématique qui permet de dépasser les limites d’un processus décisionnel par un individu ou un groupe non structuré » [traduction].
  3. Troisièmement, la description du projet dans la proposition utilise précisément les mots « analyse décisionnelle multicritères »; il est raisonnable d’attribuer ce travail à ██ puisqu’elle est la seule personne identifiée comme « Ressource impliquée » [traduction] pour ce projet, et parce que la proposition indiquait précisément qu’elle « a été embauchée pour réaliser l’analyse d’une série d’options » [traduction] pour le projet, que la proposition a décrit plus tôt comme étant « une approche d’évaluation et de sélection au moyen de l’analyse décisionnelle multicritères » [traduction].
  4. En conséquence, il ne s’agit pas d’un cas où le Tribunal réexamine l’exercice du pouvoir discrétionnaire ou du pouvoir de décision du comité d’évaluation, mais plutôt d’un cas où les évaluateurs n’ont pas correctement étudié la substance de la proposition en la jugeant non conforme sur la base de la pure sémantique. De plus, le MPO a fait fi de l’information essentielle dans la proposition qui démontrait la conformité et la cohérence avec la propre interprétation restrictive et dénuée de fondement de l’exigence donnée par les évaluateurs. Tout comme il est inapproprié pour un soumissionnaire de tenter de démontrer la conformité en répétant simplement mot pour mot les exigences cotées, il est inapproprié pour les évaluateurs de conclure à la non-conformité en se basant uniquement sur une omission de répéter les bons mots-clés de la DP plutôt qu’en étudiant la substance de la proposition elle-même. Cela est particulièrement pertinent dans le cas où les évaluateurs se sont fondés sur une distinction subtile d’un mot entre deux termes techniques qui n’étaient définis dans aucun des documents d’appel d’offres.
  5. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la décision du comité d’évaluation est déraisonnable et que ce motif de plainte est fondé.

EC-8 relative à l’analyse des coûts et stratégies coûts-avantages

  1. L’EC-8 requiert ce qui suit :

    Le soumissionnaire démontre que les ressources proposées pour mener l’étude sur l’optimisation de la flotte possèdent une expérience préalable dans la réalisation d’analyses de coûts et l’élaboration de stratégies coûts-avantages pour une étude de taille, de portée et de complexité similaires.

    [Traduction]

  1. Pour l’EC-8, même si trois des évaluateurs ont initialement accordé à Deloitte la totalité des points, lors de la réunion de consensus, le comité a convenu d’une note finale de ██ ████, au motif que la proposition ne démontrait pas clairement que le membre de l’équipe proposé, ██, possédait une expérience dans la réalisation d’analyses coûts-avantages.

Position des parties

  1. Deloitte soutient que le MPO a fait fi des renseignements pertinents dans sa proposition. Dans la description de « ███████ █████ █████ ███████ ██████ » [traduction] (le projet sur lequel la proposition s’est appuyée pour ██) à la page 34 de sa proposition, Deloitte affirme que son équipe a « [élaboré] des outils d’options de haut niveau pour fournir une analyse coûts/avantages et assurer une efficacité opérationnelle (y compris l’optimisation de la flotte)[33] » [traduction]. Dans la réponse à l’EC-8 pour ██ aux pages 90 et 91 de sa proposition, Deloitte fait savoir que ██ était le « gestionnaire de projet principal » [traduction] pour ce projet et, à ce titre, il « a travaillé avec les intervenants dans la prise de décisions stratégiques [...] pour réaliser des analyses de coûts, et a favorisé la compréhension de la rentabilité de la stratégie de renouvellement des actifs du Ministère en [...] [c]réant l’analyse du scénario des coûts pour l’incidence financière des divers ajustements de niveaux des effectifs[34] » [traduction]. Il a aussi « collaboré avec les intervenants supérieurs [...] pour fournir les résultats et le statut de l’analyse détaillée des coûts[35] [...] » [traduction].
  2. À l’étape de l’évaluation individuelle, l’évaluateur (KM), qui n’avait pas initialement accordé à Deloitte le maximum de points pour l’EC-8, a écrit ce qui suit sur sa grille individuelle : « [██] – pas en mesure de trouver des stratégies coûts-avantages (90-91)[36] » [traduction]. Après l’attribution de la note par consensus, les autres évaluateurs ont changé leurs notes préliminaires, en écrivant que ██ n’a pas clairement démontré l’expérience en matière de « stratégies coûts-avantages » ou « d’analyses coûts-avantages[37] ».
  3. Dans le RIF, le MPO soutient qu’aucun énoncé dans les pages 90 et 91 de la proposition de Deloitte ne renvoie clairement ou expressément aux « stratégies coûts-avantages »; ils renvoient seulement à « l’analyse des coûts » ou à « l’analyse coûts-avantages », sans faire référence aux « stratégies ». De plus, ██ n’est pas identifié à la page 34 de la proposition sous le titre « Ressources de la soumission dans cette proposition pour le MPO qui ont participé à ce projet », même s’il est présenté à la page 90 comme étant « le gestionnaire de projet principal » pour ce projet.

Analyse

  1. Selon le MPO, la proposition de Deloitte aurait dû précisément faire référence aux « stratégies coûts-avantages », et pas uniquement à « l’analyse des coûts ».
  2. Le Tribunal conclut que la décision des évaluateurs est déraisonnable pour les mêmes motifs énoncés relativement à l’EC-7 : elle crée une distinction non étayée par les documents d’appel d’offres qui est, au mieux, une ambiguïté latente si ce n’est un critère non divulgué; et, deuxièmement, elle ne tient pas compte de la preuve de la conformité dans la proposition de Deloitte.
  3. Le MPO ne précise pas quelle distinction, s’il y en a une, existe entre les « stratégies » coûts-avantages et les « analyses » coûts-avantages. Les termes « analyse des coûts » et « stratégies coûts-avantages » ne sont pas non plus définis dans les documents d’appel d’offres. Par ailleurs, le MPO n’a introduit aucune preuve provenant de sources extérieures à la DP (comme il l’a fait avec l’EC-7) d’une définition technique à l’appui de la conclusion d’une distinction entre les termes. Les notes des évaluateurs ne divulguent pas non plus quelle distinction, le cas échéant, il existe selon eux entre les termes « analyse des coûts », « analyse coûts-avantages » et « stratégies coûts-avantages ». La prolifération des termes techniques non définis et donc susceptibles de porter à confusion dans la DP est illustrée par le fait qu’un membre de l’équipe d’évaluation a justifié la décision consensuelle relativement à l’EC-8 par l’absence d’« analyse coûts‑avantages » dans la proposition de Deloitte, même si l’EC-8 ne contient aucun terme de ce genre[38]. Ainsi, le Tribunal a conclu que la détermination de la non-conformité du comité d’évaluation repose sur la distinction qui est, au mieux, une ambiguïté latente, si ce n’est un critère non divulgué pour lequel Deloitte ne devrait pas être pénalisée.
  4. En outre, la proposition de Deloitte donne effectivement des détails sur l’expérience de ██ dans l’analyse des coûts et l’analyse coûts-avantages, sous la description du projet pertinent s’appliquant à ██. (Le comité d’évaluation aurait omis d’en tenir compte, peut-être en lisant la proposition de Deloitte de façon indûment compartimentée.) Même si ██ n’est pas identifié dans la description du projet pertinent à la page 34, il est explicitement identifié comme étant le gestionnaire de projet responsable de ce projet à la section de la proposition dans les pages 90 et 91 répondant directement à l’EC-8. En conséquence, il était déraisonnable pour les évaluateurs de ne pas reconnaître son expérience avec les outils « d’analyse coûts‑avantages » que Deloitte a développés et décrits dans la description du projet à la page 34 de sa proposition. Par conséquent, même si Deloitte pouvait et aurait dû utiliser les termes précis de l’EC-8 dans sa réponse, il suffit qu’en substance, la description de l’expérience pertinente soit en conformité avec l’exigence.
  5. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

EC-10 relative aux projets d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs

  1. L’EC-10 requiert ce qui suit :

    Le soumissionnaire démontre l’expérience de la planification et de la mise en œuvre de stratégies proposées pour les projets d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs.

    [Traduction]

  1. Pour l’EC-10, on devait accorder 0 point lorsque « [l]e soumissionnaire ne démontre pas clairement l’expérience pertinente au critère » [traduction], 10 points lorsque « [l]e soumissionnaire démontre clairement l’expérience avec un projet d’une portée et d’une complexité similaires et fournit des éléments de preuve de documents justificatifs étayant comment les exemples satisfont aux critères » [nos italiques, traduction], et 50 points lorsque « [l]e soumissionnaire démontre clairement l’expérience avec deux projets ou plus d’une portée et d’une complexité similaires et fournit des éléments de preuve de documents justificatifs étayant comment les exemples satisfont aux critères » [nos italiques, traduction]. Il n’y avait aucune disposition permettant d’attribuer 30 points pour l’EC-10[39].
  2. Même si trois des évaluateurs avaient initialement attribué à Deloitte la totalité des ██ ████, lors de la réunion de consensus, le comité a convenu d’une note finale de ██ ████, au motif que la proposition ne démontrait pas clairement que Deloitte possédait une expérience antérieure d’un seul projet qui comprenait l’acquisition d’actifs importants et la gestion des actifs. Les évaluateurs ont jugé insuffisant que Deloitte ait proposé ███████ █ des projets d’acquisition d’actifs importants et ██████ pour un projet de gestion d’actifs importants (plutôt qu’un ou plusieurs projets combinant les deux).

Position des parties

  1. Deloitte soutient que cette décision est déraisonnable, car elle introduit un critère non divulgué dans l’évaluation ou découle d’une ambiguïté latente qui devrait être interprétée en faveur de Deloitte.
  2. À l’étape de la notation individuelle, seul un évaluateur a déduit des points, en indiquant par écrit que le « critère du projet doit être à la fois l’acquisition d’actifs importants et la gestion des actifs [...] » [nos italiques, traduction]. Après la notation consensuelle, les autres évaluateurs ont révisé leurs notes à zéro, en notant, d’un commun accord, que l’exigence était conjonctive, sans expliquer pourquoi ils ont tiré une telle conclusion[40].
  3. Il n’y a aucune trace de ce qui a été discuté lors de la notation par consensus; toutefois, dans le RIF, le MPO indique, comme de la spéculation ou en se basant sur les discussions non consignées comme éléments de preuve au dossier, que les évaluateurs ont consulté la grille de notation pour l’évaluation des soumissions pour déterminer si l’exigence était conjonctive ou non. Ils ont noté que la grille de notation pour l’évaluation des soumissions attribue 10 points pour l’expérience avec « un projet dont la portée et la complexité sont similaires » et 50 points pour « deux projets ou plus d’une portée et d’une complexité similaires ». Ils ont ensuite interprété « un projet dont la portée et la complexité sont similaires » comme se rapportant au libellé « projets d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs » [nos italiques] de l’EC-10. Essentiellement, le Tribunal comprend que les évaluateurs semblent avoir présumé qu’un projet ne concernant que l’acquisition d’actifs ou la gestion des actifs ne serait pas un seul projet de portée et de complexité similaires, probablement parce que le libellé « projets d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs » de l’EC-10 utilise « et » plutôt que « ou ».

Analyse

  1. Les arguments du MPO sont problématiques. Tout d’abord, il n’y a aucune preuve au dossier expliquant pourquoi les évaluateurs ont changé d’avis à la notation consensuelle. Dans l’EC-6, l’EC-7 et l’EC-8, lorsque les individus ont convenu par consensus d’une note inférieure à leur note individuelle, c’est parce que les évaluateurs ont réexaminé si une description de l’expérience satisfait à la charge de la preuve de la DP du type d’exigence selon laquelle la proposition « démontre clairement » l’expérience requise – une question de fait ou d’application du fait. Cependant, même si l’EC-10 soulève un problème d’interprétation de la DP, le MPO ne donne aucune explication dans ses délibérations.
  2. Dans tous les cas, le raisonnement donné par le MPO dans le RIF est discutable. Lorsque la grille de notation pour l’évaluation des soumissions fait référence à « une portée et une complexité similaires », il est naturel de considérer un projet de « chaque » type, l’acquisition d’actifs et la gestion des actifs ou un seul projet comprenant « à la fois » l’acquisition d’actifs et la gestion des actifs. Deux raisons appuient cette double interprétation. Premièrement, concernant les produits livrables de la DP, le MPO n’a pas expliqué pourquoi l’expérience d’une personne basée sur un projet comprenant l’acquisition et la gestion d’actifs n’équivaudrait pas à l’expérience de deux personnes ayant une expérience dans un projet d’acquisition d’actifs et un projet de gestion des actifs. Cela vaut pour l’intention présumée des parties concernées par l’approvisionnement, un facteur pertinent dans l’interprétation des documents d’appel d’offres.
  3. Deuxièmement, en ce qui concerne l’interprétation de sens commun, l’utilisation de la conjonction « et » (« and » en anglais) n’est pas nécessairement déterminante comme elle est parfois utilisée de façon disjonctive. Il est bien établi en droit que « [l]e mot anglais “and” peut en effet être conjonctif ou disjonctif suivant le contexte[41] » [traduction]. C’est parce qu’il n’est pas toujours clair si le rédacteur entend la version disjointe (A et B, conjointement ou séparément) ou la version conjointe plus limitée de « and » (A et B conjointement, mais pas séparément)[42]. Sullivan soutient que la conjonction « and » en anglais « tend à être utilisée solidairement » [traduction], mais que cela peut être réfuté par « les considérations linguistiques ou par la connaissance du mot[43] » [traduction].
  4. Deloitte prétend que l’expérience de l’industrie appuie son interprétation de la conjonction « and » utilisée de manière disjointe et non conjointe dans ce contexte. Tous les critères cotés de l’EC-6 à l’EC-11 ne concernent que les travaux de la Phase 2 (l’étude d’optimisation de la flotte) – ils ne concernent pas la Phase 1 (concept d’analyse) ou la Phase 2 (travaux effectués selon les besoins). L’expression « d’une portée et d’une complexité similaires » utilisée dans la grille de notation pour l’évaluation des soumissions pour l’EC-10 est directement tirée des exigences dans l’EC-6, l’EC-7, l’EC-8 et l’EC-9, qui font toutes référence à « une étude de taille, de portée et de complexité similaires ». L’étude citée en référence est clairement l’étude d’optimisation de la flotte. Le MPO n’a fourni aucun élément de preuve attestant que l’étude d’optimisation de la flotte est une étude portant sur la gestion des actifs et non pas principalement une étude sur l’acquisition des actifs. En fait, le volet portant sur la gestion des actifs des travaux semble être le travail de gestion « selon les besoins » de la Phase 3 selon le libellé de l’EC-12 (Phase 3), qui se lit comme suit : « Le soumissionnaire démontre l’expérience du soutien à un grand organisme ou à un ministère du gouvernement pour la mise en œuvre d’une stratégie de renouvellement de la gestion des actifs[44] » [nos italiques, traduction]. L’interprétation ci-dessus de la DP est aussi cohérente avec l’affirmation de Deloitte dans sa réponse au RIF soutenant que la pratique de l’industrie reconnaît l’acquisition des actifs et la gestion des actifs comme intervenant aux extrémités opposées du cycle de vie de l’actif – les acquisitions des actifs sont souvent effectuées avant et indépendamment des projets de gestion des actifs.
  5. Par ailleurs, si le MPO envisageait une interprétation plus restrictive, il aurait pu éviter l’ambiguïté latente en formulant l’exigence plus clairement comme suit : « une expérience préalable de la planification de la mise en œuvre des stratégies proposées pour des projets comprenant à la fois a) l’acquisition d’actifs importants et b) la gestion des actifs ». Le MPO a plutôt formulé l’exigence comme suit : « une expérience de la planification de la mise en œuvre de stratégies proposées pour les projets d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs » [traduction]. Le Tribunal conclut qu’en plaçant le mot « projets » après et non avant les types particuliers requis et qu’en utilisant le mot « et » ambigu au lieu d’utiliser « à la fois [...] et », le MPO a créé une ambiguïté latente. L’ambiguïté était latente à la fois parce que l’exigence se lit naturellement de manière disjointe plutôt que dans le sens conjoint, et parce qu’une interprétation alternative et plus étroite n’est pas soutenue ou suggérée (et est ainsi réfutée) par la description du travail de la DP et la catégorisation des exigences techniques. Tout ce qui précède appuie une lecture disjointe et non une lecture conjointe. En effet, le fait que le MPO a admis dans le RIF que ses membres du comité d’évaluation eux-mêmes n’avaient pas une compréhension préexistante du critère avant d’avoir lu les propositions et d’avoir eu à l’appliquer à l’EC-10 est une preuve accablante que l’ambiguïté était latente[45].
  6. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le comité d’évaluation a interprété de manière déraisonnable le mot « et » au sens conjoint plutôt qu’au sens disjoint. À titre subsidiaire, même si l’interprétation du Tribunal est incorrecte, au mieux, l’exigence contient une ambiguïté latente.
  7. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

EC-11 relative à la certification d’une société d’estimation de coûts ou à l’expérience et à la capacité technique correspondantes

  1. L’EC-11 requiert ce qui suit[46] :

    Le soumissionnaire démontre que les ressources proposées pour la réalisation du volet relatif à l’analyse des coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte possèdent une certification d’une société d’estimation de coûts internationalement reconnue ou une expérience et une capacité technique conformes aux exigences pour obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité auprès de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts.

    [Traduction]

  1. Dans le cas de l’EC-11, les points étaient attribués de la façon suivante :
    • 0 point lorsque « [l]e soumissionnaire ne démontre pas clairement l’expérience pertinente au critère »;
    • 10 points lorsque « [l]e chef d’équipe du soumissionnaire pour le volet relatif à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’il a une certification au niveau débutant ou au niveau de base qui répond au critère »;
    • 30 points lorsque « [l]e chef d’équipe du soumissionnaire proposé pour le volet relatif à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’il a une certification au niveau supérieur ou une expérience et une capacité technique conformes aux exigences pour obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts qui répond au critère, ou la majorité du personnel proposé pour la composante Estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’elle a une certification au niveau débutant ou au niveau de base qui répond au critère »;
    • 50 points lorsque « [l]e chef d’équipe et tous les membres du personnel proposés par le soumissionnaire pour le volet relatif à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontrent clairement qu’ils ont une certification au niveau supérieur ou une expérience et une capacité technique conformes aux exigences pour obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité auprès de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts qui répond au critère »[47].

    [Nos italiques, traduction]

  1. Le libellé reconnaissant « une expérience et une capacité technique conformes aux exigences » de la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité auprès de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts a été ajouté par voie de modification à la demande des soumissionnaires[48]. Le critère d’admissibilité à passer l’examen de certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité est rempli par l’une des conditions suivantes : (1) a) un baccalauréat dans n’importe quelle discipline d’une université accréditée; et b) cinq années d’expérience de l’estimation des coûts; ou (2) huit années d’expérience de l’estimation des coûts tenant lieu d’un baccalauréat.
  2. La proposition de Deloitte confirme que toutes ses ressources désignées pour l’étude sur l’optimisation de la flotte satisfaisaient aux exigences en matière d’études et d’expérience pour passer l’examen de certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité (même si aucune d’entre elles n’avait une véritable certification)[49].
  3. Même si trois des évaluateurs ont initialement attribué à Deloitte la totalité des points, lors de la réunion de consensus, le comité a convenu d’une note finale de ██ ███. Les évaluateurs n’ont pas contesté le fait que Deloitte répondait aux exigences en matière d’études et d’expérience pour passer l’examen en vue d’obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité. Ils ont plutôt conclu que Deloitte n’avait pas démontré la « capacité technique » [traduction] comparable aux 16 modules de la Liste des sujets à évaluer de 16 modules de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts[50]. Ces modules comprenaient les sujets sur lesquels les candidats à la certification pouvaient être évalués. Dans le RIF, le MPO soutient que, pour démontrer une capacité technique comparable à la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité, les soumissionnaires devaient fournir des renseignements démontrant clairement l’expérience dans tous ses sujets à évaluer.

Position des parties

  1. Deloitte soutient que cette exigence est soit un critère non divulgué, soit une ambiguïté latente. Plus précisément, Deloitte soutient que les documents de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts documents sur lesquels les évaluateurs se sont appuyés, intitulés « Le programme de certification » et la « Liste des sujets à évaluer » [traductions], n’étaient ni inclus ni cités en référence dans la DP. Deloitte fait remarquer que la Liste des sujets à évaluer compte 17 pages et contient des centaines de sous-sujets.
  2. À l’instar des autres exigences cotées, les trois évaluateurs ont attribué à Deloitte la totalité des points lors de l’évaluation individuelle, pour ne changer leurs notes qu’au cours de l’évaluation consensuelle. Deloitte soutient que, puisque trois des évaluateurs ont eu la même interprétation de l’EC-11 que la sienne, alors que le quatrième avait une interprétation opposée, c’est la preuve d’une ambiguïté latente.

Analyse

  1. L’interprétation du MPO est déraisonnable puisqu’elle est irréalisable et crée un résultat absurde. Elle est aussi fondée sur des exigences qui n’étaient pas énoncées dans la DP elle-même ou qui n’y étaient pas incorporées par renvoi et, à ce titre, elle constitue un critère non divulgué. Dans certains cas, une DP peut être raisonnablement interprétée comme impliquant nécessairement un renvoi à un document ou à une exigence externe, ou une incorporation de l’un ou de l’autre, mais tel n’est pas le cas en l’espèce, car le faire ici par renvoi à la Liste de sujets à évaluer de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts rend la conformité à l’exigence presque impossible. Par ailleurs, les propres observations du MPO dans le RIF confirment que les membres de l’équipe d’évaluation n’avaient aucune compréhension préexistante de la façon dont s’appliquerait l’équivalence dans le libellé de l’EC-11 (« l’expérience et la capacité technique conformes aux exigences pour obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité auprès de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts »). Ils l’ont déterminée après l’interprétation des propositions, et ce, plus d’une semaine après l’ajout du libellé à la DP par le processus de modification[51].
  2. En effet, le MPO n’explique pas comment une proposition démontrerait la conformité avec les centaines de sujets relatifs à l’estimation de coûts inclus dans la Liste de sujets à évaluer de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts. Il s’agit d’un lourd fardeau dont les soumissionnaires doivent se décharger. Comme l’énoncé sur l’admissibilité est fourni comme exigence de rechange à celle de détenir une certification, le Tribunal conclut que toutes les parties auraient pu l’envisager comme une option réelle et réalisable incluse de bonne foi par le MPO. En outre, même si le MPO a raison de supposer qu’il y avait une exigence de démontrer la capacité technique en plus de l’expérience et des études, sa décision d’imposer aux soumissionnaires de démontrer la compétence dans toutes les matières contenues dans la Liste des sujets à évaluer est sans fondement. La liste est longue et détaillée et il n’est pas clairement indiqué comment un soumissionnaire pourrait démontrer la conformité aux nombreux sujets techniques, ou si chaque examen de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts comprend tous ces sujets plutôt qu’un échantillon de ceux-ci. Dans ces circonstances, s’il s’agissait d’une exigence véritable, le MPO aurait dû l’inclure explicitement par renvoi à la DP avant la clôture de la période de soumission. L’équipe d’évaluation n’aurait pas dû inclure des critères tirés d’un document externe qui (i) n’étaient pas mentionnés dans les documents d’appel d’offres, (ii) ne pouvaient pas raisonnablement être respectés et (iii) n’étaient pas envisagés par le MPO ou par les soumissionnaires au moment de la modification.
  3. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

MESURE CORRECTIVE

  1. Ayant conclu que la plainte de Deloitte était fondée en partie, le Tribunal doit établir la mesure corrective appropriée, aux termes des paragraphes 30.15(2) à 30.15(3) de la Loi sur le TCCE.
  2. Deloitte demande une compensation pour sa perte de profits ou, à titre subsidiaire, l’occasion perdue qu’elle aurait réalisée sur les travaux de la Phase 1. En outre, Deloitte demande que les contrats de la Phase 2 et de la Phase 3 lui soient attribués ou, à titre subsidiaire, que le MPO relance l’appel d’offres pour les contrats des Phases 2 et 3, et que les frais engagés pour le dépôt de la présente plainte lui soient remboursés. Deloitte n’a pas demandé le remboursement des frais engagés pour préparer sa soumission.
  3. Le MPO soutient qu’aucune mesure de redressement ne devrait être accordée en l’espèce parce que Deloitte et QinetiQ ont toutes deux perdu des points relativement aux cinq critères cotés en question; que par conséquent, les évaluateurs ont traité les soumissionnaires sur un même pied d’égalité et que Deloitte n’a pas prouvé que, n’eût été ces erreurs, il aurait obtenu une cote plus élevée que celle de QinetiQ.
  4. Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit examiner l’ensemble des circonstances pertinentes au marché public en question et notamment : (1) la gravité des lacunes constatées; (2) l’ampleur du préjudice causé à la partie plaignante ou à tout autre intéressé; (3) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication; (4) la bonne foi des parties; et (5) le degré d’exécution du contrat.

Gravité des lacunes constatées dans le processus d’adjudication

  1. Concernant la gravité des lacunes constatées, le Tribunal conclut que l’évaluation de la proposition de Deloitte par le MPO d’une manière non conforme aux critères énoncés dans la DP est une lacune grave parce que l’évaluation des propositions conformément aux critères établis dans les documents d’appel d’offres est un principe clé des accords commerciaux.

Préjudice causé à Deloitte

  1. S’agissant de l’ampleur du préjudice subi par la plaignante et toutes les autres parties intéressées, le Tribunal établit que Deloitte a démontré que, n’eût été les erreurs de l’équipe d’évaluation, elle aurait reçu une note plus élevée que QinetiQ en ce qui concerne le rapport qualité-prix.
  2. Deloitte a fait valoir qu’elle avait besoin de ██ ████ supplémentaires pour les critères techniques cotés, par rapport à QinetiQ, afin d’être désignée comme le soumissionnaire classé au premier rang, compte tenu de la note représentant le meilleur rapport qualité-prix – une combinaison de la note technique (70 %) et de la note de prix (30 %). Cela est exact sur la base de la formule dans la DP en ce qui concerne le calcul de la note représentant le rapport qualité-prix et des notes relatives des deux soumissionnaires, mais seulement lorsque la note absolue de QinetiQ demeure inchangée. Ce n’est cependant pas le cas en l’espèce, où le Tribunal a établi que quatre critères cotés ont été interprétés de manière trop restrictive par le MPO. En conséquence, les deux soumissionnaires ont gagné des points supplémentaires, et le classement définitif ne peut être déterminé qu’en calculant la note technique totale que chaque soumissionnaire aurait dû recevoir et en appliquant les notes techniques révisées et les notes financières (non révisées) à la formule de la DP pour déterminer la note qui représente le meilleur rapport qualité-prix[52].
  3. Deloitte soutient que le Tribunal ne devrait envisager aucune modification de la note technique de QinetiQ à l’égard des exigences cotées EC-6, EC-7 et EC-8, car elles sont toutes liées aux erreurs dans l’évaluation unique par le MPO de la proposition de Deloitte (par opposition aux erreurs d’interprétation d’une applicabilité uniforme relativement à l’EC-10 et à l’EC-11). Elle souligne également que ni le MPO ni QinetiQ n’a soutenu que la proposition de QinetiQ relativement aux exigences cotées EC-6, EC-7 ou EC‑8 a été incorrectement notée et qu’il n’y a donc aucun fondement probatoire pour conclure qu’elle aurait dû obtenir une note plus élevée.
  4. Le Tribunal est en désaccord. L’EC-6 n’est pas en litige, car le Tribunal a conclu que ce motif de plainte n’est pas fondé. L’EC-7 concerne la distinction entre l’ADM et l’AMC. L’EC-8 concerne la distinction entre « analyse des coûts » et « stratégies coûts-avantages ». Ainsi, les exigences cotées EC-7 et EC-8 concernent les catégories d’interprétation appliquées uniformément à la proposition de QinetiQ, dans la mesure (comme il en est question ci-après) où l’équipe d’évaluation pourrait avoir déduit les points de la proposition de QinetiQ pour les mêmes raisons fondées sur ces distinctions pour lesquelles elle a déduit les points de la proposition de Deloitte.
  5. Un mot avant que le Tribunal ne commence cette analyse. Dans le RIF, le MPO affirme que QinetiQ aurait quand même été le soumissionnaire classé au premier rang malgré les erreurs alléguées dans l’évaluation parce que l’équipe d’évaluation a appliqué les mêmes principes d’interprétation aux deux propositions et QinetiQ a, par le fait même, perdu des points. Afin de mettre à l’épreuve cette proposition, le Tribunal a ordonné à TPSGC de produire le dossier d’évaluation de QinetiQ pour permettre au Tribunal de réaliser cette analyse. Il a aussi offert aux parties l’occasion de présenter les observations sur la question de savoir si Deloitte aurait, n’eût été les erreurs alléguées dans la notation, été le soumissionnaire classé au premier rang. Le MPO n’a déposé aucune observation à part une lettre d’une page et demie réitérant sa position dans le RIF. Deloitte a déposé un mémoire de trois pages qui traitait du changement dans la notation relative en fonction des notes attribuées par consensus, mais ne portait pas sur le bien-fondé (c’est‑à‑dire en faisant référence aux commentaires des grilles de notation individuelles, au texte de la proposition de QinetiQ ou à ses curriculums vitæ et études de cas à l’appui). Que ce soit pour l’EC-6, l’EC‑7, l’EC-8, l’EC-10 et l’EC-11, la note de QinetiQ répondait aux critères de la manière dont Deloitte soutient qu’ils auraient dû être interprétés. Bien que le Tribunal n’ait pas ordonné que des observations soient déposées, l’absence d’observations sur le fond et, en particulier, l’absence totale d’observations de la part du MPO, était incompatible avec l’importance de cette question de causalité – qui est au cœur du type de mesure corrective à laquelle Deloitte a droit.

EC-7 relative à l’analyse décisionnelle multicritères

  1. Le barème de notation suivant était employé pour l’EC-7 et l’EC-8 :
    • 0 point lorsque « [l]e soumissionnaire ne démontre pas clairement l’expérience pertinente au critère »;
    • 10 points lorsque « [l]e chef d’équipe du soumissionnaire pour l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’il a une expérience qui répond au critère »;
    • 30 points lorsque « [l]e chef d’équipe et la majorité du personnel proposé par le soumissionnaire pour l’étude sur l’optimisation de la flotte démontrent clairement qu’ils ont l’expérience qui répond au critère »;
    • 50 points lorsque « [l]e chef d’équipe et tous les membres du personnel proposés par le soumissionnaire pour l’étude sur l’optimisation de la flotte démontrent clairement qu’ils ont l’expérience qui répond au critère »[53].

    [Nos italiques, traduction]

  1. L’équipe d’évaluation a attribué à Deloitte ██ ████, parce qu’elle a estimé qu’un membre de l’équipe de Deloitte n’avait pas l’expérience requise. Le Tribunal a conclu que ce membre de l’équipe avait l’expérience requise. Par conséquent, la note de Deloitte devrait être révisée à la hausse, passant de ██ à ██ ████.
  2. L’équipe d’évaluation a attribué à QinetiQ ██ ████, car elle a conclu que ███████ █████ █████ ███████ ██████ █. Les notes individuelles initiales étaient respectivement de ███████ █████  de ██ ████. Le membre de l’équipe d’évaluation qui a individuellement attribué à la réponse de QinetiQ ██ ████ avait initialement écrit qu’███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ██████████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████. Pour appuyer la note de ██ ████ attribuée par consensus, le membre a écrit que « ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ████████████ █████ ████[54] ».
  3. Le membre de l’équipe d’évaluation qui a individuellement attribué à la réponse de QinetiQ ██ ████ avait initialement écrit que ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████████████████████████████████████████ ███ [traduction]. Après l’évaluation consensuelle et après avoir reçu la réponse de QinetiQ à une question de clarification, le membre a écrit que ███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ ██████ ███[55] » [traduction].
  4. L’un des deux membres de l’équipe d’évaluation qui ont individuellement attribué à la réponse de QinetiQ ██ ████ a écrit ce qui suit concernant l’expérience préalable des membres de l’équipe de Deloitte : « ███████ █████ » et « ███████ █████ »[56] [traductions]. L’autre membre de l’équipe d’évaluation qui avait individuellement attribué ██ ████ a indiqué dans les notes d’évaluation individuelle et dans les notes d’évaluation consensuelle que le chef d’équipe possédait une expérience de l’ADM, mais il n’est pas clair pourquoi ce membre de l’équipe avait changé d’avis (par exemple, à cause de la distinction entre l’ADM et l’AMC ou pour toute autre raison).
  5. D’après ce qui précède, le Tribunal ne peut pas conclure que QinetiQ aurait pu recevoir une note plus élevée, n’eût été la distinction opérée par l’équipe d’évaluation entre l’ADM et l’AMC. Même si certaines notes de l’évaluation individuelle mentionnent l’ADM, elles expriment aussi une préoccupation quant à savoir si les projets sur lesquels s’est appuyée QinetiQ étaient d’███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████. Personne n’a contesté cet aspect de la notation de QinetiQ. Compte tenu de ce qui précède et de l’absence d’observations de la part du MPO ou de TPSGC fournissant les éléments de preuve démontrant les disparités entre les notes individuelles et les raisons pour lesquelles la note attribuée par consensus a été fixée à ██, le Tribunal conclut que la note de QinetiQ n’aurait probablement pas augmenté. En conséquence, sa note ne devrait pas être révisée.

EC-8 relative à l’analyse des coûts et stratégies coûts-avantages

  1. L’équipe d’évaluation a attribué à Deloitte ██ ████ parce qu’elle a jugé qu’un membre de l’équipe n’avait pas l’expérience requise. Le Tribunal a conclu que ce membre de l’équipe avait l’expérience requise. Par conséquent, la note de Deloitte devrait être révisée à la hausse pour passer de ██ à ██ ████.
  2. L’équipe d’évaluation a attribué à QinetiQ ██ ████, car elle a conclu que ███████ █████ █████ ███████ ██████ █ ███████ ███ █████ ████. Plus précisément, les différents membres de l’équipe ont écrit qu’███████ █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ██████████████████████████████x██████████x█████████xxxxx ███ █████ █████████ ██ █████████████████████████████ █████████ █████████████████████████████████████████[57]███. Rien dans les grilles de notation individuelles ou les grilles sommaires n’indique que les points ont été déduits en raison d’une omission de démontrer des « stratégies » coûts-avantages ou toute autre distinction entre les termes « analyse des coûts » et « analyse coûts-avantages ». Tous les éléments de preuve suggèrent que QinetiQ n’a perdu des points qu’à cause du █████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ ███████████████. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la note de QinetiQ pour l’EC-8 ne devrait pas être révisée.

EC-10 relative aux projets d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs

  1. Pour l’EC-10, 0 point devait être accordé lorsque « [l]e soumissionnaire ne démontre pas clairement l’expérience pertinente au critère », 10 points lorsque « [l]e soumissionnaire démontre clairement l’expérience avec un projet d’une portée et d’une complexité similaires et fournit des éléments de preuve de documents justificatifs étayant comment les exemples satisfont aux critères », et 50 points lorsque « [l]e soumissionnaire démontre clairement l’expérience avec deux projets ou plus d’une portée et d’une complexité similaires et fournit des éléments de preuve de documents justificatifs étayant comment les exemples satisfont aux critères » [nos italiques]. Il n’y avait aucune disposition permettant d’attribuer 30 points pour l’EC-10[58].
  2. L’équipe d’évaluation a attribué à Deloitte ██ ████, car elle a conclu que Deloitte n’avait indiqué aucun projet ayant des composantes d’acquisition d’actifs importants et de gestion des actifs. Le Tribunal a conclu que seule l’EC-10 exigeait que les soumissionnaires énumèrent les projets ayant au moins une de ces composantes (pas les deux). Deloitte a mentionné ██ ██ des projets d’acquisition des actifs et ██ ███ de gestion des actifs. Par conséquent, Deloitte aurait dû recevoir ██ ████.
  3. L’équipe d’évaluation a attribué à QinetiQ ██ ████, car elle a déterminé █████ █████ ███████ ██████ █████████████████████████ ███████[59]. Trois des quatre membres de l’équipe d’évaluation ont individuellement donné à QinetiQ ██ ████, et un seul membre lui a donné ██ ████. Après la réunion de consensus, l’équipe de projet a convenu que le projet ██ ██ ██ ██ était considéré comme comprenant les deux volets, mais que le projet ██ ███ ██ ne comprenait que l’entretien des actifs[60]. Le Tribunal a conclu que seule l’EC-10 exigeait que les soumissionnaires énumèrent les projets ayant au moins une de ces composantes (pas les deux). Par conséquent, QinetiQ aurait dû recevoir ██ ████.

EC-11 relative à la certification d’une société d’estimation de coûts ou à l’expérience et à la capacité technique correspondantes

  1. Dans le cas de l’EC-11, les points étaient attribués de la façon suivante :
    • 0 point lorsque « [l]e soumissionnaire ne démontre pas clairement l’expérience pertinente au critère »;
    • 10 points lorsque « [l]e chef d’équipe du soumissionnaire pour le volet relatif à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’il a une certification au niveau débutant ou au niveau de base qui répond au critère »;
    • 30 points lorsque « [l]e chef d’équipe du soumissionnaire proposé pour le volet relatif à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’il a une certification au niveau supérieur ou une expérience et une capacité technique conformes aux exigences pour obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts qui répond au critère, ou la majorité du personnel proposé pour la composante relative à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontre clairement qu’elle a une certification au niveau débutant ou au niveau de base qui répond au critère »;
    • 50 points lorsque « [l]e chef d’équipe et tous les membres du personnel proposés par le soumissionnaire pour la composante relative à l’estimation de coûts de l’étude sur l’optimisation de la flotte démontrent clairement qu’ils ont une certification au niveau supérieur ou une expérience et une capacité technique conformes aux exigences pour obtenir la certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité auprès de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts pertinente au critère »[61].

    [Nos italiques, traduction]

  1. L’équipe d’évaluation a accordé ██ ███ à Deloitte, car elle a conclu que ni son chef d’équipe ni aucun des membres de son équipe n’avait la certification requise ou son équivalent. Le Tribunal a conclu que l’EC-11 reconnaît l’équivalence basée sur l’admissibilité à passer l’examen de certification, c’est-à-dire : (1) a) un baccalauréat dans n’importe quelle discipline d’une université accréditée; et b) cinq années d’expérience de l’estimation des coûts; ou (2) 8 années d’expérience de l’estimation des coûts tenant lieu d’un baccalauréat. Il n’est pas contesté que le chef d’équipe et les membres de l’équipe proposés par Deloitte remplissaient tous les conditions d’admissibilité à une certification au niveau supérieur en se basant sur le baccalauréat et les cinq dernières années d’expérience dans l’estimation des coûts[62]. Par conséquent, Deloitte aurait dû recevoir ██ ████ pour l’EC-11.
  2. L’équipe d’évaluation a attribué ██ ████ à QinetiQ, car elle a conclu que █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███████ ████████ █████ ███████████ ████████[63]. Le curriculum vitæ du membre indique qu’il détient un █ █████. La proposition de QinetiQ prétend qu’il a « ████████ ███████████ ████████ █████ » ████████ █████, en citant le ███ █████ █████ ████████ █████ ████████ █████ ████████ █████ ██ xx ███████████████████████████████████████[64] █ █████. Son curriculum vitæ indique qu’il a obtenu son █████ en 1984, et énumère ██ différents projets; toutefois, seulement ████ de ceux-ci sont mentionnés en référence dans la proposition pour appuyer l’expérience de l’estimation des coûts[65]. En outre, contrairement à Deloitte, QinetiQ n’a pas fourni de tableau dans sa proposition qui détermine les périodes au cours desquelles ce membre de l’équipe a travaillé sur chaque projet aux fins de calcul de la durée minimale de cinq ans exigée pour être admissible à la certification de l’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts. Le Tribunal conclut que l’on peut se demander si █ ███████ répond aux conditions d’admissibilité. Toutefois, comme les notes de l’équipe d’évaluation ne soulignent pas le défaut de remplir les conditions d’admissibilité, le Tribunal conclut que QinetiQ aurait pu recevoir ██ ████ pour l’EC-11 n’eût été la décision de l’équipe d’évaluation d’exiger une expérience dans chacun des modules de la Liste des sujets à évaluer.

Conclusion

  1. Sur la base de ce qui précède, la note de Deloitte devrait être augmentée de ██ ████, calculée comme suit : l’EC-7 (██ ██), l’EC-8 (██ ███), l’EC-10 (██ ███) et l’EC-11 (██ ███). Pour sa part, la note de Qinetiq devrait être augmentée de ██ ███, calculée comme suit : l’EC-7 (██ ███), l’EC-8 (██ ████), l’EC-10 (██ ████) et l’EC-11 (██ ████).
  2. Ainsi, le total de points techniques que Deloitte aurait dû obtenir est ██ plutôt que ██, et le total de points techniques que QinetiQ aurait dû obtenir est ██ au lieu de ██[66]. En utilisant la formule dans la DP, la note révisée de Deloitte représentant le meilleur rapport qualité-prix est de ████, et celle de Qinetiq est de ██ ██. En conséquence, le Tribunal conclut que Deloitte a subi un préjudice en raison des erreurs d’évaluation commises par le MPO, car, n’eût été ces erreurs, elle aurait été le soumissionnaire avec la note la plus élevée représentant le meilleur rapport qualité-prix.

Préjudice au mécanisme d’adjudication

  1. En ce qui concerne l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication, le préjudice de non-conformité à l’intégrité et à l’efficacité du système d’approvisionnement est réel, mais limité en l’espèce, puisque les soumissionnaires ont été traités équitablement pour ce qui est de l’interprétation donnée par l’équipe d’évaluation aux critères techniques en question. Il ne s’agit pas d’un cas où la conduite du MPO dans le cadre du processus d’adjudication était si préjudiciable, inéquitable et peu transparente qu’un lancement d’un nouvel appel d’offres s’impose. Il y a eu un processus d’évaluation par consensus au cours duquel les évaluateurs ont discuté et débattu des exigences techniques de la DP et de la conformité des propositions des soumissionnaires. Le Tribunal a conclu que, sur quatre exigences cotées, l’équipe d’évaluation a mal interprété les exigences ou les a mal appliquées, mais les erreurs étaient en grande partie imputables à l’imprécision dans la rédaction des exigences. Il n’y a aucune preuve que QinetiQ ou Deloitte ont été empêchées de mettre leurs « atouts en valeur » dans leurs propositions en raison de la façon dont le MPO a mené le processus d’adjudication. Il est important de souligner qu’en l’espèce, en partie parce qu’il n’y avait que deux soumissionnaires, le Tribunal a été en mesure de déterminer la proposition qui aurait dû recevoir la note totale la plus élevée. En conséquence, les objectifs consistant à maintenir la confiance des soumissionnaires dans le système et d’accroître les chances que le gouvernement puisse obtenir la proposition la plus avantageuse pour les services qu’il souhaite acquérir ne sont pas substantiellement compromis.

Bonne foi

  1. En ce qui concerne la question de savoir si les parties ont agi de bonne foi, il n’y a pas d’allégation ou de preuve au dossier indiquant que les parties n’auraient pas agi de bonne foi ou qu’elles seraient partiales. Conformément à l’analyse concernant le préjudice ci-dessus, le Tribunal conclut que les erreurs de l’équipe d’évaluation étaient des erreurs de raisonnement, et non des erreurs intentionnelles ou inconsidérées.

Réalisation du contrat

  1. Enfin, concernant la mesure dans laquelle le contrat a été exécuté, le calendrier de projet de la DP dans l’Énoncé de travail prévoyait que la Phase 1 serait terminée six semaines après l’adjudication du contrat, avant le 31 mars 2017; la Phase 2 (du 1er avril 2017 au 31 mars 2018) aurait une échéance cible d’août 2017 pour le rapport final de l’étude sur l’optimisation de la flotte et serait « achevée six mois après de la période d’option » [traduction]; et la Phase 3 (la deuxième période d’option) commencerait après la Phase 2 et comprendrait du soutien selon les besoins pendant une période de un an (du 1er avril 2017 au 31 mars 2019)[67].

Conclusion

  1. Le Tribunal conclut que la mesure corrective appropriée en l’espèce, compte tenu des considérations exprimées ci-dessus, est une indemnisation en reconnaissance de profits perdus pour les travaux de la Phase 1, de la Phase 2 et de la Phase 3 (dans la mesure où les deux options concernant la Phase 2 et la Phase 3 ont été ou seront exercées par TPSGC relativement au contrat de QinetiQ). Comme le Tribunal a été en mesure d’établir que, n’eût été les erreurs commises par l’équipe d’évaluation, Deloitte aurait été le soumissionnaire classé au premier rang, l’indemnisation pour occasion escomptée perdue au lieu des profits perdus n’est pas appropriée. En outre, il n’est pas approprié d’ordonner que le contrat soit résilié et adjugé à Deloitte, puisque QinetiQ a déjà effectué les travaux de la Phase 1 et que les travaux de la Phase 2 sont terminés ou sont réalisés en grande partie. À ce titre, les travaux de consultation selon les besoins de la Phase 3 dépendent des travaux de la Phase 1 et de la Phase 2 et seront donc exécutés de façon plus appropriée par la partie qui a réalisé les travaux antérieurs. Le lancement d’un nouvel appel d’offres n’est pas approprié comme redressement pour les mêmes raisons. Par ailleurs, le Tribunal conclut que les erreurs commises par le MPO dans l’évaluation des propositions ne portaient pas suffisamment atteinte à l’intégrité ou à l’équité du processus d’approvisionnement pour qu’un nouvel appel d’offres soit justifié – aucun des deux soumissionnaires n’a été empêché de mettre ses atouts en valeur, et le Tribunal a été en mesure de déterminer lequel des deux aurait dû être le soumissionnaire classé au premier rang.

FRAIS

  1. Les deux parties ont demandé les frais relatifs à l’enquête. Étant donné son succès sur quatre des cinq motifs de sa plainte, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Deloitte le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et l’engagement de la procédure, ces frais devant être payés par le MPO. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (la Ligne directrice), l’indication provisoire du Tribunal du degré de complexité de la plainte est le degré 2, et son indication provisoire du montant de l’indemnité est de 2 750 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la décision, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.
  2. En vertu des paragraphes 30.15(2) à 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que le MPO verse à Deloitte une indemnité pour perte de profits pour la Phase 1 des travaux et, dans la mesure où le MPO a déjà exercé, ou entend exercer, ses options à leur égard, les travaux de la Phase 2 et de la Phase 3.
  3. Le Tribunal recommande aussi que les parties négocient le montant de l’indemnité à payer et qu’ils en avisent le Tribunal dans les 30 jours après le prononcé des motifs de la présente décision.
  4. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnité, Deloitte déposera auprès du Tribunal, dans les 40 jours après le prononcé des motifs de la présente décision, des observations sur la question de l’indemnité. Le MPO disposera alors de sept jours ouvrables après réception des observations de Deloitte pour déposer une réponse. Deloitte disposera alors de cinq jours ouvrables après réception des observations en réponse du MPO pour déposer des observations supplémentaires. Les conseillers juridiques doivent faire parvenir simultanément leurs documents au Tribunal et à l’autre partie.
  5. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     Pièce PR-2016-069-13, pièce 1 aux pp. 75-76, vol. 1A. Tous les numéros de pages cités dans les présents motifs correspondent aux numéros de page (consécutifs, et ce, pour tous les documents à l’interne) du document PDF de chaque pièce au dossier du Tribunal; à ce titre, il ne s’agit page du numéro de page imprimé des documents internes contenus dans chaque pièce. Ainsi, la page PDF 75 de la pièce 1 de la pièce PR-2016-069-13 correspond à la page imprimée 34 de la pièce 1 (la DP) du Rapport de l’institution fédérale (RIF).

[3].     Ibid. aux pp. 59-62.

[4].     Ibid. aux par. 24-26 des pp. 13-14.

[5].     Pièce PR-2016-069-13A, pièce 7, vol. 2A (protégée).

[6].     Ibid., pièce 8.

[7].     18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/accord-sur-le-commerce-interieur/?lang=fr> [ACI].

[8].     Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : Affaires mondiales Canada <http://international.gc.ca/‌trade-commerce/‌trade-agreements-accords-commerciaux/‌agr-acc/nafta-alena/fta-ale/index.aspx?lang=fra> (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

[9].     Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/‌french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP].

[10].   Samson & Associés c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012), PR-2012-012 (TCCE) [Samson] au par. 28.

[11].   Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 52.

[12].   Samson aux par. 26-27.

[13]    Pièce PR-2016-069-13, pièces 3, 14, vol. 1A.

[14].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 6 aux pp. 64, 74 et 136, vol. 2A (protégée).

[15].   Ibid., pièce 7 à la p. 255.

[16].   Ibid. à la p. 273.

[17].   Ibid. aux pp. 264, 273 et 282.

[18].   Le travail qu’a effectué ██ pour le Livre blanc de la NZDF est décrit à la page 83 de la proposition de Deloitte.

[19].   Voir, par exemple, Samson au par. 46 (expliquant la différence entre répéter les exigences et fournir des précisions afin de démontrer l’expérience requise).

[20].   Pièce PR-2016-069-13, pièce 1 à la p. 53, vol. 1A.

[21].   Samson au par. 28.

[22].   IBM Canada Ltd. (5 novembre 1999), PR-99-020 (TCCE).

[23].   CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. la Société canadienne des postes, 2015 CAF 272 (CanLII) au par. 83.

[24].   TPG Technology Consulting Ltd. c. Canada, 2014 CF 933 (CanLII) au par. 151.

[25].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 7 à la p. 255, vol. 2A (protégée).

[26].   Ibid. à la p. 273.

[27].   Ibid. aux pp. 264, 273 et 282.

[28]    Pièce PR-2016-069-13 à la p. 25, vol. 1A.

[29].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 6 aux pp. 141-142, vol. 2A (protégée).

[30].   Ibid. à la p. 118.

[31].   Primex Project Management Ltd. (22 août 2002), PR-2002-001 (TCCE) à la p. 10.

[32].   IBM Canada Ltd. (24 avril 1998), PR-97-033 (TCCE).

[33].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 6 à la p. 87, vol. 2A (protégée).

[34].   Ibid., pièce 7 à la p. 143.

[35].   Ibid. à la p. 144.

[36].   Ibid. à la p. 283.

[37].   Ibid. aux pp. 256, 265 et 274.

[38].   Ibid. à la p. 265.

[39].   Pièce PR-2016-069-13, pièce 3 à la p. 102, vol. 1A.

[40].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 7 aux pp. 257, 266, 275 et 284, vol. 2A (protégée).

[41].   Seck c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 314 (CanLII) au par. 47.

[42].   R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., article 4.97 à la p. 101.

[43].   Ibid., par. 4.98-4.99 aux pp. 101-102.

[44].   Pièce PR-2016-069-13, pièce 3 à la p. 103, vol. 1A.

[45].   Ibid. aux par. 78-81.

[46].   Ibid., pièce 5 à la p. 120.

[47].   Ibid., pièce 3 à la p. 102; ibid., pièce 4 à la p. 108.

[48].   L’Association internationale d’estimation et d’analyse des coûts énumère les exigences pour sa certification d’analyste de coûts ou d’estimateur de coûts accrédité à l’adresse suivante : http://www.iceaaonline.com/certification-matters/the-certification-program/ (disponible en anglais seulement).

[49].   Pièce PR-2016-069-01A, onglet B aux pp. 214-218, vol. 2 (protégée).

[51].   Pièce PR-2016-069-13 à la p. 36 au par. 93, vol. 1A.

[52].   Le calcul de l’équipe d’évaluation de la note qui représente le meilleur rapport qualité-prix de chaque soumissionnaire, effectué au moyen de leurs notes technique et financière et de la formule de la DP, peut être consulté à la pièce 9 du RIF.

[53].   Pièce PR-2016-069-13, pièces 3 et 14, vol. 1A.

[54].   Pièce PR-2016-069-20, pièce jointe 2 à la p. 68, vol. 2A (protégée).

[55].   Ibid. à la p. 56.

[56].   Ibid. à la p. 64.

[57].   Ibid. aux pp. 57, 61, 65 et 69.

[58].   Pièce PR-2016-069-13, pièce 3 à la p. 102, vol. 1A.

[59].   Pièce PR-2016-069-20, pièce jointe 3 à la p. 78, vol. 2A (protégée).

[60].   Ibid., pièce jointe 2 aux pp. 58 █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████  62 █████ ███████ ██████ ███████ ███████ ███ █████ ████████ █████ ███████████ █████████ et 70 █████████████████████████████████████████████████████ ████ ██████ ███████████████ █████████ ██████████████████████████████████████ ██████████████ ███████ ████████████████████████.

[61].   Pièce PR-2016-069-13, pièce 3 à la p. 102, vol. 1A; ibid., pièce 4 à la p. 108.

[62].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 6 aux pp. 156-160, vol. 2A (protégée).

[63].   Pièce PR-2016-069-20, pièce jointe 3 à la p. 79, vol. 2A (protégée).

[64].   Ibid., pièce jointe 1 à la p. 49.

[65].   Ibid. à la p. 45.

[66].   Pièce PR-2016-069-13A, pièce 9, vol. 2A (protégée).

[67].   Pièce PR-2016-069-13, pièce 1 aux par. 79-80, vol. 1A.