VINTAGE DESIGNING CO.

VINTAGE DESIGNING CO.
Dossier no PR-2017-023

Décision prise
le mardi 5 septembre 2017

Décision rendue
le vendredi 8 septembre 2017

Motifs rendus
le mercredi 13 septembre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

VINTAGE DESIGNING CO.

CONTRE

BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 28 août 2017, Vintage Designing Co. (Vintage) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande d’offre à commandes (DOC) (invitation no 5Z011-17-0123) publiée par Bibliothèque et Archives Canada (BAC) pour des services de graphisme.
  2. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte n’a pas été déposée dans les délais. Par conséquent, il ne peut enquêter sur celle-ci.
  3. Cependant, le Tribunal fait remarquer que le dépôt tardif de la plainte ne peut être attribué qu’à Vintage, car il s’agit plutôt d’un problème plus vaste où des institutions fédérales n’informent pas en bonne et due forme les soumissionnaires des options à leur portée s’ils décident de contester les résultats d’une procédure de passation de marché public.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. Vintage a souligné que sa plainte ne portait pas en soi sur la procédure de passation du marché public suivie par BAC, mais qu’elle concernait plutôt la structure même de la DOC et plus particulièrement la manière dont cette dernière se fondait sur le prix médian. En apprenant que la soumission gagnante affichait un prix 50 pour cent en deçà du sien, Vintage « a remis en question la validité de la soumission » [traduction], car le soumissionnaire gagnant (qui « n’est affilié à aucune association de graphisme et qui, par conséquent, n’est assujetti à aucune ligne directrice en matière d’éthique et d’établissement de prix » [traduction]) peut compenser le bas prix qu’il a proposé dans sa soumission par l’augmentation du nombre d’heures facturées.
  2. Conséquemment, Vintage a demandé que des mesures soient prises afin d’empêcher que des prix exagérément bas soient proposés, y compris un examen du processus de rédaction de la DOC afin d’y inclure des « mécanismes de contrôle » pour décourager les soumissionnaires de proposer des prix exagérément bas – par exemple en stipulant que « les prix exagérément bas seront rejetés » – et en révisant la pondération de la note accordée au volet financier afin d’inclure « 10 points pour la présentation d’un énoncé de conception afin que les soumissionnaires puissent proposer un prix sur un véritable projet » [traduction]. Vintage a également demandé le remboursement des frais engagés pour préparer sa soumission et le lancement d’un nouvel appel d’offres.

CONTEXTE

  1. Le 3 mars 2017, BAC a publié la DOC, dont la date de clôture était le 19 avril 2017.
  2. Le 1er juin 2017, BAC a informé Vintage que bien que sa soumission satisfaisait aux exigences obligatoires de la DOC, elle ne faisait pas partie des quatre propositions ayant les notes les plus élevées (s’appuyant sur les notes accordées aux volets technique et financier, dont les pondérations respectives étaient de 70 et 30 pour cent).
  3. Vintage a demandé la tenue d’une réunion de compte-rendu avec BAC, ce qui a eu lieu à un certain moment entre le 2 juin et le 8 juin 2017. Le 8 juin 2017, BAC a demandé à tous les soumissionnaires de lui faire part de leurs commentaires à l’égard de la procédure de passation de la DOC, et Vintage a indiqué le jour même qu’elle était satisfaite de la rétroaction obtenue lors de la réunion de compte-rendu.
  4. Le 2 août 2017, Vintage a déposé une plainte auprès du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA), objectant que le soumissionnaire gagnant avait proposé un prix exagérément bas. Le 28 août 2017, le BOA a alerté Vintage quant à la possibilité de déposer une plainte auprès du Tribunal, ce qu’elle a fait le même jour.

ANALYSE

  1. Pour que le Tribunal puisse enquêter sur une plainte, il doit tout d’abord déterminer si cette dernière a été déposée dans les délais prescrits. Pour qu’une plainte soit dans les délais prescrits, elle doit avoir été déposée par un fournisseur potentiel auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte »[2].
  2. Vintage n’a pas satisfait à cette exigence.
  3. Au plus tôt, Vintage aurait dû découvrir les faits à l’origine de sa plainte (c’est-à-dire la structure de l’évaluation financière, qui, selon elle, encourageait la présentation de mauvaise foi de prix exagérément bas) à la date de publication de la DOC, soit le 3 mars 2017. Par conséquent, Vintage aurait dû faire part de ses doléances au Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant cette date ou au plus tard le 17 mars 2017.
  4. Au plus tard, Vintage aurait dû découvrir les faits à l’origine de sa plainte à la date à laquelle BAC a fait part des résultats de la DOC (c’est-à-dire le 1er juin 2017), lorsqu’elle a pris connaissance des notes accordées aux différents volets d’une soumission. En utilisant cette date comme point de départ du délai à respecter, Vintage aurait dû se plaindre auprès du Tribunal au plus tard le 15 juin 2017. 
  5. Le Tribunal reconnaît la contrainte que le délai de 10 jours ouvrables impose aux soumissionnaires – particulièrement en ce qui concerne les novices ou les petites entreprises – mais cette date limite est prescrite par le Règlement et le délai est limité, car le respect des délais est essentiel dans les procédures de marché public, ce qui comprend les délais pour déposer et engager une plainte auprès du Tribunal[3]. Il en découle que le Tribunal ne peut pas prolonger le délai en calculant l’échéance en fonction d’une date ultérieure (le 28 août 2017, par exemple) correspondant au moment où une partie plaignante prend connaissance de la possibilité de recours auprès du Tribunal, car le paragraphe 6(4) du Règlement prévoit expressément qu’une plainte doit être « [...] déposée dans les 30 jours suivant la date où le fournisseur potentiel a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Autrement dit, le délai commence à courir au moment où la partie plaignante découvre les faits à l’origine de sa plainte concernant la procédure de passation du marché public, et non au moment où elle prend connaissance du mécanisme de contestation d’une procédure de passation de marché public[4].
  6. Par conséquent, le Tribunal ne peut que considérer la plainte comme étant tardive, car elle a été déposée hors des délais prescrits par le Règlement.
  7. Malgré tout, comme il en a été question précédemment, le Tribunal conclut que ce sont les institutions fédérales liées à ce marché public qui doivent être tenues responsables de la présente situation, et non Vintage. À ce titre, le Tribunal ne peut que réitérer son invitation maintes fois formulée[5] selon laquelle toutes les institutions fédérales (y compris le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux ainsi que BAC) devraient faire mention du Tribunal afin que les soumissionnaires soient au courant des recours qui s’offrent à eux s’ils décident de s’opposer aux résultats d’un appel d’offres. Ce type de renseignements devrait être inclus systématiquement et affiché bien en évidence dans tous les appels d’offres publiés ainsi que dans toute communication des résultats d’un appel d’offres afin que des situations très malencontreuses comme celle-ci ne se reproduisent plus et qu’elles n’empêchent pas des petites et moyennes entreprises de se livrer une concurrence loyale dans l’obtention de contrats gouvernementaux.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     Article 6 du Règlement.

[3].     Voir, par exemple, Teledyne Webb Research, une entité commerciale de Teledyne Benthos, Inc. (20 octobre 2011), PR-2011-038 (TCCE) au par. 17; The Corporate Research Group Ltd., faisant affaire sous le nom de CRG Consulting (26 janvier 2010), PR-2009-075 (TCCE) au par. 24; IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII).

[4].     Aux termes du paragraphe 6(3) du Règlement, le délai de dépôt d’une plainte peut être prolongé à 30 jours « en raison de circonstances indépendantes de la volonté du fournisseur » ou si elle « porte sur l’un des aspects de nature systémique du processus des marchés publics ayant trait à un contrat spécifique et sur la conformité à l’un ou à plusieurs » des accords commerciaux. Par contre, le Tribunal a fait remarquer que ne pas être au courant de l’existence du Tribunal ou des règlements, des règles ou des procédures qui régissent les plaintes qu’il entend ne constitue pas des « circonstances indépendantes de la volonté du fournisseur ». Voir, par exemple, Educom Training Systems Inc. (3 mai 2000), PR-99-037 (TCCE). Peu importe, même si le Tribunal invoquait le délai de 30 jours et l’appliquait à la date la plus tardive à laquelle Vintage a découvert les faits à l’origine de sa plainte (le 1er juin 2017), le délai de 30 jours se serait écoulé bien avant la date à laquelle le plaignant a déposé sa plainte auprès du Tribunal (le 28 août 2017). 

[5].     Voir, par exemple, Traductions TRD c. Ministère de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien (7 juillet 2014), PR-2014-004 (TCCE) aux par. 51-53; M.L. Wilson Management c. Agence Parcs Canada (6 juin 2013), PR-2012-047 (TCCE) au par. 63; ADR Education (16 juillet 2013), PR-2013-009 (TCCE) au par. 34; R.H. MacFarlands (1996) Ltd. (20 décembre 2013), PR-2013-029 (TCCE) au par. 31; Alcohol Countermeasure Systems Corp. c. Gendarmerie royale du Canada (24 avril 2014), PR-2013-041 (TCCE) au par. 55; GESFORM International (26 mai 2014), PR-2014-012 (TCCE).