AVALANCHE MITIGATION SERVICES

AVALANCHE MITIGATION SERVICES
Dossier no PR-2017-039

Décision prise
le jeudi 9 novembre 2017

Décision et motifs rendus
le vendredi 17 novembre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

AVALANCHE MITGATION SERVICES

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

CONTEXTE

  1. La présente plainte déposée par Avalanche Mitigation Services (AMS) concerne une demande de propositions (DP) (invitation no 5P423-170184/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de Parcs Canada pour la fourniture d’un « avalancheur » (appareil qui déclenche des avalanches).
  2. La DP a été publiée le 24 août 2017 avec une date de clôture des soumissions du 4 octobre 2017. La date de clôture des soumissions a été repoussée au 10 octobre 2017 et finalement au 12 octobre 2017.
  3. Le 2 octobre 2017, une autre compagnie a contacté AMS lui demandant si l’avalancheur qu’elle fabrique peut satisfaire aux spécifications techniques obligatoires prévues à l’en-tête 3.1.1 intitulée « Caractéristiques de sécurité et de fonctionnement » de l’annexe A de la DP[3]. Le 3 octobre 2017, AMS a répondu que les spécifications semblaient avoir été conçues de manière à correspondre à celles d’un avalancheur en particulier (mais non précisé). AMS a également affirmé que les points (g) et (h) de la liste de caractéristiques de sécurité et de fonctionnement étaient en fait dangereux[4].
  4. Le 3 octobre 2017, AMS a contacté Parcs Canada pour s’opposer à la manière par laquelle les spécifications techniques semblaient avoir été conçues en fonction des caractéristiques précises d’un produit en particulier[5]. AMS a également demandé que Parcs Canada mette AMS en contact avec le « superviseur d’agent d’approvisionnement » [traduction] responsable du marché public. Le 3 octobre également, AMS a présenté la même opposition directement auprès de TPSGC[6].
  5. Le 4 octobre 2017, TPSGC a répondu à AMS et a affirmé qu’il ferait part des préoccupations d’AMS au responsable technique[7].
  6. Le 11 octobre 2017, TPSGC a informé AMS que les points (g) et (h) avaient été clarifiés auprès du responsable technique et qu’un amendement à la DP avait été publié avec des spécifications révisées (amendement nº 003). TPSGC a également informé AMS qu’il avait repoussé la date de clôture des soumissions au 12 octobre 2017[8].
  7. Le 11 octobre 2017, AMS  a réitéré son opposition selon laquelle une « vaste majorité » [traduction] des spécifications avaient été rédigées de manière à correspondre aux caractéristiques d’un produit en particulier, c’est-à-dire l’Avacaster, et a demandé que TPSGC lui fournisse les coordonnées du « chef du département des marchés publics » [traduction] afin qu’AMS puisse déposer une plainte officielle[9].
  8. Le 12 octobre 2017, AMS a présenté une opposition auprès de la Direction des achats, région de l’Ouest, de TPSGC. Là encore, AMS a allégué que TPSGC avait élaboré les spécifications techniques pour les rendre conformes aux particularités d’un produit donné. AMS a également rappelé que, selon elle, il y avait des problèmes de sécurité avec ce produit en particulier[10].
  9. Le 12 octobre 2017, TPSGC a répondu que les préoccupations en matière de sécurité soulevées par AMS en ce qui concerne les spécifications techniques avaient été prises en compte lorsqu’elle a modifié les caractéristiques énoncées aux points (g) et (h) des caractéristiques de sécurité et de fonctionnement obligatoires, et qu’AMS n’avait présenté aucune autre information qui indiquait que les exigences techniques favorisaient un fournisseur en particulier. Par conséquent, TPSGC a refusé de modifier de nouveau la DP ou de repousser la date de clôture des soumissions[11].
  10. Avant de déposer sa plainte auprès du Tribunal, AMS a présenté ses griefs au Bureau de la concurrence et au Bureau de l’Ombudsman de l’approvisionnement (BOA)[12].
  11. Le 9 novembre 2017, AMS a déposé sa plainte auprès du Tribunal. AMS allègue qu’elle n’a pas pu présenter une offre puisque les conditions de l’appel d’offres favorisaient un fournisseur en particulier. À titre de réparation, AMS demande que le contrat spécifique soit résilié, qu’un nouvel appel d’offres soit lancé et qu’elle soit dédommagée pour perte de profits et d’occasion. AMS demande également le remboursement des frais engagés pour préparer sa soumission et sa plainte.

ANALYSE

  1. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la présente plainte.
  2. Le paragraphe 6(2) prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».
  3. Le Tribunal note que la DP a été publiée le 24 août 2017 et que les faits à l’origine de l’opposition présentée par AMS pouvaient donc être connus à cette date. Toutefois, le Tribunal accepte qu’AMS n’a pris connaissance des faits à l’origine de son opposition que le 2 octobre 2017, lorsqu’une autre compagnie l’a contactée concernant la DP, et que, par conséquent, l’opposition initiale d’AMS présentée à TPSGC a été faite en temps opportun.
  4. Cependant, AMS n’a pas déposé sa plainte auprès du Tribunal dans les dix jours suivant la réception de la réponse définitive de TPSGC (c’est-à-dire le 12 octobre 2017).
  5. Le Tribunal reconnaît qu’AMS a été retardée dans le dépôt de sa plainte auprès du Tribunal parce qu’elle aurait peut-être eu l’impression que le Bureau de la concurrence était l’instance appropriée pour instruire sa plainte. Le Tribunal reconnaît également que TPSGC aurait dû diriger AMS vers le tribunal compétent pour entendre sa plainte dans sa dernière communication du 12 octobre; en fait, en n’établissant pas le bon mécanisme de contestation des offres, TPSGC pourrait avoir effectivement contribué à la fausse impression d’AMS que sa correspondance renvoyait expressément à la Loi sur la concurrence. Un retard supplémentaire a probablement aussi été causé par le fait que le Bureau de la concurrence avait à tort dirigé AMS vers le BOA plutôt que vers le Tribunal.
  6. Cependant, il n’y a aucune preuve selon laquelle le Tribunal peut clairement affirmer qu’AMS aurait déposé sa plainte dans le délai prescrit n’eût été les retards en question. Comme le Tribunal l’a indiqué précédemment, le délai de dix jours ouvrables du Règlement est strict et ne peut être prorogé. En conséquence, le Tribunal n’a d’autre choix que de conclure que la plainte d’AMS a été déposée hors délai.
  7. Néanmoins, le Tribunal n’aurait pas pu enquêter sur la plainte d’AMS, même si elle avait été déposée dans les délais. Le Tribunal souligne qu’il peut mener une enquête uniquement lorsque certaines conditions sont réunies[13]. L’une de ces conditions exige que l’information fournie par le plaignant, et toute autre information examinée par le Tribunal en ce qui a trait à la plainte, indique de façon raisonnable que la procédure de passation du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables[14].
  8. L’article 1007 de l’ALÉNA porte sur les spécifications techniques d’un marché et ses dispositions pertinentes prévoient ce qui suit :

1. Chacune des Parties fera en sorte que les spécifications techniques établies, adoptées ou appliquées par ses entités n’aient pas pour but ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce.

2. Chacune des Parties fera en sorte que toute spécification technique prescrite par ses entités soit, s’il y a lieu,

a) définie en fonction des propriétés d’emploi du produit plutôt qu’en fonction de la conception ou de caractéristiques descriptives [...]

3. Chacune des Parties fera en sorte que les spécifications techniques prescrites par ses entités n’exigent ni ne mentionnent de marques de fabrique ou de commerce, de brevets, de modèles ou de types particuliers, ni d’origines, de producteurs ou de fournisseurs déterminés, à moins qu’il n’existe pas d’autre moyen suffisamment précis ou intelligible de décrire les conditions du marché, et à condition que des termes tels que «ou l’équivalent» figurent dans la documentation relative à l’appel d’offres.

  1. Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, AMS allègue que les spécifications techniques de la DP s’appliquaient à un produit en particulier, l’Avacaster, dans une mesure telle qu’elles empêchaient tous les autres fournisseurs potentiels de soumissionner. Cependant, abstraction faite des préoccupations en matière de sécurité concernant les caractéristiques énoncées aux points (g) et (h), la plainte d’AMS ne fournit aucune information concernant la nature des problèmes liés aux spécifications techniques. Par exemple, AMS n’a pas expliqué quelles spécifications techniques étaient conformes à celles de l’Avacaster et elle n’a pas non plus fourni d’éléments de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle seul l’Avacaster pouvait répondre à ces spécifications. En fait, AMS a déclaré que son produit pourrait respecter et même dépasser toutes les spécifications techniques de la DP initiale, autres que les caractéristiques énoncées aux points (g) et (h) qu’elle estime dangereuses[15]. Étant donné que TPSGC a modifié plus tard ces caractéristiques en réponse aux préoccupations en matière de sécurité exprimées par AMS, le Tribunal ne peut pas conclure, d’après la preuve dont il dispose, qu’AMS a été effectivement empêchée de présenter une offre en raison de la rédaction des spécifications techniques en vue de favoriser un fournisseur en particulier.
  2. En outre, l’examen des spécifications en soi ne révèle aucune violation apparente des dispositions susmentionnées de l’ALÉNA : les spécifications ne renvoient pas à un produit ou à un fabricant en particulier par le nom, etc., et semblent avoir été définies en fonction de critères généraux liés au rendement. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’existe aucun fondement permettant de conclure que la plainte indique de façon raisonnable qu’il y a eu violation de l’ALÉNA.

DÉCISION

  1. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].     D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].     Plainte, pièce jointe 1 à la p. 4.

[4].     Ibid. à la p. 3.

[5].     AMS a renvoyé à cette pratique comme étant du « truquage des offres » tout au long de la plainte. Dans sa correspondance avec AMS, TPSGC a renvoyé AMS à la définition de « truquage des offres » à l’article 47 de la Loi sur la concurrence et a noté que cette définition n’incluait pas de parti pris en faveur d’un fournisseur en particulier de la part de l’entité acheteuse; au lieu de cela, la définition ne renvoie qu’à la collusion entre les fournisseurs potentiels au cours du processus de soumission. Par conséquent, le Tribunal n’emploiera pas ce terme en l’espèce.

[6].     Plainte, pièce jointe 1 aux pp. 2 et 3.

[7].     Ibid. à la p. 2.

[8].     Ibid. à la p. 1.

[9].     Ibid.

[10].   Plainte, pièce jointe 2 à la p. 2.

[11].   Ibid. aux pp. 1 et 2.

[12].   Quelque part entre le 12 octobre et le 23 octobre 2017, AMS a fait part de sa plainte auprès du Bureau de la concurrence. Le 23 octobre 2017, le Bureau de la concurrence a informé AMS que sa plainte ne relevait pas de son mandat et l’a dirigée vers le BOA (plainte, pièce jointe 3). Le ou vers le 3 novembre 2017, AMS a communiqué avec le BOA pour présenter sa plainte (plainte, pièce jointe 4). Le 7 novembre 2017, le BOA a informé AMS par téléphone qu’il n’avait pas compétence pour entendre sa plainte et a indiqué à AMS de communiquer avec le Tribunal (plainte à la p. 6; courriel accompagnant les renseignements supplémentaires déposés le 9 novembre 2017, à la p. 1.)

[13].   Articles 6 et 7 du Règlement.

[14].   AMS est un fournisseur américain; par conséquent, seul l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : Affaires mondiales Canada <http://international.gc.ca/‌trade-commerce/‌trade-agreements-accords-commerciaux/‌agr-acc/nafta-alena/fta-ale/index.aspx?lang=fra> (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA] et l’Accord révisé sur les marchés publics, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/‌french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014) [AMP] peuvent éventuellement s’appliquer à la présente plainte. Comme la valeur du contrat est inférieure au seuil monétaire pour l’application de l’AMP, seul l’ALÉNA s’applique.

[15].   Plainte, pièce jointe 1 à la p. 3.