VANTAGE PAINTING LTD.

VANTAGE PAINTING LTD.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2017-042

Décision et motifs rendus
le lundi 5 mars 2018

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Vantage Painting Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

VANTAGE PAINTING LTD. - Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX - Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée. Aucuns frais ne sont accordés à l’une ou l’autre des parties.

Ann Penner -
Ann Penner
Membre présidant

Membre du Tribunal : - Ann Penner, membre présidant

Personnel de soutien : - Courtney Fitzpatrick, conseillère juridique

Partie plaignante : - Vantage Painting Ltd.

Institution fédérale : - Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : - Ian McLeod

Roy Chamoun
Kathryn Hamill

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le 7 décembre 2017, Vantage Painting Ltd. (Vantage) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant une demande d’offre à commandes (DOC) (invitation no EW076-180729/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) pour des services de peinture à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest).
  2. Le Tribunal a décidé d’enquêter sur la plainte le 11 décembre 2017, puisqu’elle répondait aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2].
  3. Le Tribunal a enquêté sur la validité de la plainte, comme l’exigent les articles 30.13 à 30.15 de la Loi sur le TCCE. Pour les raisons énoncées ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

SOMMAIRE DE LA PLAINTE

  1. Vantage allègue que TPSGC a agi incorrectement en attribuant une offre à commandes à Y.K. Construction Management (Y.K. Construction). Plus précisément, Vantage allègue que le volet technique de sa soumission a été évalué injustement et que le soumissionnaire retenu n’était pas qualifié pour effectuer les travaux exigés par l’offre à commandes. À titre de mesure corrective, Vantage a demandé que l’offre à commandes attribuée à Y.K. Construction soit résiliée et qu’elle soit plutôt attribuée à Vantage.

CONTEXTE

  1. Le 14 septembre 2017, TPSGC a publié la DOC, qui devait prendre fin le 3 octobre 2017. Le 28 septembre 2017, TPSGC a publié la modification no 1 à la DOC. La modification reportait la date de clôture pour la présentation des offres au 11 octobre 2017 et modifiait l’annexe I : Plan des considérations relatives aux possibilités pour les Autochtones (CPA).
  2. TPSGC a reçu trois offres, dont celle de Vantage. Les offres présentées par Vantage et Y.K. Construction ont été jugées conformes aux critères obligatoires et ont été évaluées en fonction des critères techniques du plan des CPA de la DOC et du prix. La troisième offre a été jugée non conforme aux critères obligatoires et a été rejetée.
  3. Le 14 novembre 2017, TPSGC a attribué l’offre à commandes à Y.K. Construction. La même journée, TPSGC a écrit à Vantage pour l’informer des résultats et des notes de chaque offre.
  4. Le 15 novembre 2017, Vantage a communiqué avec TPSGC pour lui faire part de ses préoccupations concernant les résultats de la procédure de passation du marché public. Vantage a fait valoir que Y.K. Construction n’était pas en mesure d’exécuter le contrat correctement. En réponse, l’autorité contractante a revu les résultats de la procédure de passation du marché public avec Vantage au téléphone et a souligné que, même si Vantage avait obtenu une bonne note pour le volet technique du plan des CPA, elle ne s’était pas classée au premier rang, car le volet du plan des CPA ne comptait que pour 10 p. cent de la note totale. L’autorité contractante a aussi informé Vantage que, compte tenu de la structure des critères de la DOC, il n’y avait, selon lui, aucun fondement pour effectuer un réexamen des résultats.
  5. Le 27 novembre 2017, une représentante du bureau de circonscription d’un député (la « représentante du député ») a communiqué avec TPSGC au nom de Vantage, afin d’obtenir d’autres renseignements sur la répartition des points obtenus par l’entreprise et le processus pour interjeter appel de l’attribution d’un contrat.
  6. Le 28 novembre 2017, TPSGC a informé la représentante du député qu’il préparerait une réponse écrite à l’intention de Vantage. TPSGC l’a également aiguillé vers le Tribunal et le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement comme possibilités de recours d’appel.
  7. Le 30 novembre 2017, TPSGC a appelé Vantage pour l’informer qu’une réponse à son opposition lui serait envoyée. L’appel a dû prendre fin, car M. Daniels, président de Vantage, était au volant à ce moment-là. 
  8. Le 1er décembre 2017, la représentante du député a fait un suivi auprès de TPSGC concernant la réponse à l’opposition de Vantage. TPSGC lui a indiqué que la lettre de réponse était en cours de préparation.
  9. Le 4 décembre 2017, Vantage a déposé une plainte incomplète auprès du Tribunal. Le 5 décembre 2017, Vantage a déposé une copie de la lettre de réponse reçue de TPSGC le même jour. Le 6 décembre 2017, le Tribunal a demandé à Vantage de déposer une copie de sa soumission. Vantage a satisfait à la demande du Tribunal le 7 décembre 2017, date à laquelle le Tribunal a reconnu que la plainte de Vantage respectait les exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE.
  10. Le 11 décembre 2017, le Tribunal a décidé d’enquêter sur la plainte. Il a informé les parties de sa décision le 13 décembre 2017. De plus, le 13 décembre 2017, le Tribunal a rendu une ordonnance sur le fondement du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE en vue de reporter l’attribution des commandes subséquentes à l’invitation jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur la validité de la plainte. Le 19 décembre 2017, TPSGC a écrit au Tribunal attestant qu’il s’agissait d’un besoin urgent et qu’un retard dans l’attribution des commandes subséquentes à l’offre à commandes serait contraire à l’intérêt public. Le 20 décembre 2017, le Tribunal a annulé l’ordonnance de report de l’attribution des commandes subséquentes.
  11. Le 15 janvier 2018, TPSGC a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3].
  12. Le 29 janvier 2018, Vantage a déposé ses observations sur le RIF. Le 30 janvier 2018, Vantage a déposé une version révisée de ses observations sur le RIF.
  13. Comme les renseignements figurant au dossier étaient suffisants pour se prononcer sur le bien‑fondé de la plainte, le Tribunal a décidé que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur l’affaire sur la foi des renseignements au dossier.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DP

  1. La DOC visait la prestation de services de peinture pour des projets de logements subventionnés par l’État à Yellowknife, aux Territoires du Nord-Ouest. Ce besoin était assujetti à l’Accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple Tlicho, une entente sur les revendications territoriales globales.
  2. Dans la partie 2 de la DOC figuraient des renseignements sur l’initiative de TPSGC pour l’embauche d’apprentis, dans le cadre de laquelle il est demandé aux entrepreneurs qui soumissionnent des contrats de construction ou d’entretien de TPSGC de signer une attestation volontaire pour indiquer leur engagement à embaucher et former des apprentis.
  3. La partie 4 de la DOC établit les procédures d’évaluation et la méthode de sélection. Elle prévoit, entre autres, ce qui suit :

[...]

1.1 Évaluation technique

1.1.1 Critères techniques obligatoires

a) EXIGENCES OBLIGATOIRES – Obligatoires dans le cadre de l’offre

i) Conformément aux Instructions générales, soumission de la demande d’offre à commandes (DOC), les offres doivent être soumises au bureau désigné pour la réception des offres et doivent être reçues au plus tard à la date et heure de clôture des soumissions indiquée à la page 1 de la DOC. Un taux doit être saisi pour chaque élément énuméré dans l’annexe des prix unitaires de l’offre.

1.1.2 Plan des considérations relatives aux possibilités pour les Autochtones (CPA)

Pour ce qui est de cette exigence, le plan des CPA fera partie de la soumission technique du soumissionnaire conformément aux critères énoncés aux annexes H et I.

Il n’est pas obligatoire que les soumissionnaires incluent le Plan des CPA dans leur offre.

c) EXIGENCES OBLIGATOIRES – avant l’attribution de l’offre à commandes

i) Exigences en matière de santé et de sécurité

ii) Attestations pour le Code de conduite (voir la partie 5 - Attestations)

iii) Assurance

[...]

2. Méthode de sélection[4]

2.1. Méthode de sélection – Note combinée la plus haute sur le plan du mérite technique et du prix

Méthode de sélection - Note combinée la plus haute sur le plan du mérite technique du plan des CPA et du prix

1. Pour être déclarée recevable, une soumission doit :

a. respecter toutes les exigences de la demande de soumissions; et

b. satisfaire à tous les critères obligatoires; et

c. les critères cotés par points du plan des CPA n’ont pas de note de passage. L’évaluation se fait sur une échelle de 100 points.

2. Les soumissions qui ne répondent pas aux exigences a) ou b) ou c) seront déclarées non recevables.

3. La sélection sera faite en fonction du meilleur résultat global sur le plan du mérite technique et du prix. Une proportion de 10 % sera accordée au mérite technique et une proportion de 90 % (inscrire le pourcentage pour le prix) sera accordée au prix.

4. Afin de déterminer la note pour le mérite technique, la note technique globale de chaque soumission recevable sera calculée comme suit : le nombre total de points obtenus sera divisé par le nombre maximum de points pouvant être accordés, puis multiplié par 10 %.

5. Afin de déterminer la note pour le prix, chaque soumission recevable sera évaluée proportionnellement au prix évalué le plus bas et selon le ratio de 90 %.

6. Pour chaque soumission recevable, la note pour le mérite technique et la note pour le prix seront ajoutées pour déterminer la note combinée.

7. La soumission recevable ayant obtenu le plus de points ou celle ayant le prix évalué le plus bas ne sera pas nécessairement choisie. La soumission recevable qui obtiendra la note combinée la plus élevée pour le mérite technique et le prix sera recommandée pour l’émission de l’offre à commandes.

[Traduction]

  1. Comme il est indiqué au paragraphe 2(1) de la partie 4, la DOC comporte des critères techniques cotés non obligatoires, lesquels visent l’offre de possibilités pour les Autochtones par le soumissionnaire (plan des CPA). Les critères techniques du plan des CPA figurent à l’annexe I (dans sa version modifiée) et prévoient, entre autres, ce qui suit :

ANNEXE « I »

PARTIE A  - PLAN DES CONSIDÉRATIONS RELATIVES AUX POSSIBILITÉS POUR LES AUTOCHTONES (CPA)

Évaluation de la garantie du plan des CPA

Pour qu’une offre reçoive un certain nombre de points concernant les garanties faites sur les critères du plan des CPA, LE SOUMISSIONNAIRE DOIT FOURNIR LA PREUVE DE CPA/PAI avec son offre qui démontre qu’il répond à l’objectif de chaque critère. Les soumissionnaires peuvent utiliser les TABLEAUX DE GARANTIE ci-joints pour compléter leur présentation sur le plan des CPA.

Comme preuve de leurs efforts et/ou garantie, les soumissionnaires DOIVENT inclure, sans s’y limiter, les noms des personnes ou entreprises à contrat et la nature des activités au moment de la soumission. Les soumissionnaires DOIVENT veiller à ce que la documentation qu’ils fournissent relativement au plan des CPA soit suffisamment probante et suffisamment claire pour permettre d’évaluer la conformité de leur offre aux critères énoncés dans les présentes. Il incombe aux soumissionnaires de fournir suffisamment de renseignements dans leur soumission pour permettre au comité d’évaluation de faire son évaluation. Les soumissionnaires doivent inclure toute la documentation de référence à prendre en considération. Seuls les documents inclus dans la proposition seront pris en considération. Les liens vers des adresses URL du site Web du soumissionnaire ne seront pas pris en considération.

Le Canada se réserve le droit de vérifier toute information fournie dans la garantie du plan des CPA, et les déclarations inexactes pourraient rendre la soumission non recevable.

Sélection de l’entrepreneur

La sélection de l’entrepreneur sera basée sur la combinaison recevable la plus élevée de plan des CPA et de prix. Le ratio sera de 10 % pour le plan des CPA et de 90 % pour le prix.

Note du plan des CPA = Points du soumissionnaire x 10 %[5]

Nombre maximum de points

Note du prix = Soumission la moins élevée x 90 %

Prix du soumissionnaire

[Traduction]

  1. Selon les critères techniques du plan des CPA, des points seront attribués pour quatre catégories différentes, comme suit :
  1. Siège social (5/100 points)
  2. Formation (15/100 points)
  3. Main-d’oeuvre (40/100 points)
  4. Sous-traitants/fournisseurs (40/100 points)

[Traduction]

POSITION DES PARTIES

  1. Selon Vantage, l’offre à commandes aurait dû lui être attribuée, car elle possédait plus d’expérience, elle pouvait offrir un service de plus haute qualité et elle s’était engagée à former des apprentis. Elle remet en question la qualification de Y.K. Construction pour l’exécution de travaux de peinture dans le cadre du contrat. Vantage est d’avis que l’évaluation du volet technique de sa soumission n’a pas été effectuée correctement et que les origines tlichos de M. Daniel n’ont pas bien été prises en compte. Enfin, Vantage soutient que TPSGC ne l’a pas mis au courant des options dont elle disposait en matière d’appel, après lui avoir expliqué que l’offre à commandes ne lui serait pas attribuée.
  2. TPSGC répond avoir évalué les offres recevables de façon raisonnable. Il fait remarquer que la soumission financière de Y.K. Construction était considérablement plus basse que celle de Vantage et que, par conséquent, Y.K. Construction avait obtenu la totalité des points pour le prix. TPSGC reconnaît que Vantage a obtenu une note plus élevée pour ce qui est des critères techniques du plan des CPA, mais soutient que cela n’était pas suffisant pour surpasser l’avantage que possédait Y.K. Construction au chapitre du prix, puisque le prix constituait 90 p. cent de la note totale. Enfin, TPSGC soutient que la DOC n’incluait aucun critère lié à l’expérience ou aux certifications et que Vantage ne s’était pas opposée aux modalités de la DOC durant la période de l’invitation à soumissionner.

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. À l’issue de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour un contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal est tenu de décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux accords commerciaux applicables, qui en l’espèce est l’Accord de libre-échange canadien[6].
  2. L’ALÉC exige qu’une entité contractante mette à la disposition des fournisseurs potentiels tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables, notamment les critères applicables pour l’évaluation et l’adjudication du marché[7]. L’ALÉC prévoit aussi que pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission doit être conforme aux critères obligatoires énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres, d’une part, et que l’entité contractante adjuge le contrat en fonction des critères d’évaluation précisés dans la documentation relative à l’appel d’offres, d’autre part[8].
  3. Comme il est indiqué précédemment, TPSGC a attribué l’offre à commandes à Y.K. Construction. Dans son évaluation, TPSGC a attribué à Y.K. Construction 90 points sur 90 pour le prix et 1,9 point sur 10 pour les critères techniques du plan des CPA[9]. TPSGC a accordé à Vantage 84,59 points sur 90 pour le prix et 5,2 points sur 10 pour les critères techniques du plan des CPA. Par conséquent, Y.K. Construction a obtenu une note totale de 91,9 sur 100 et Vantage 89,79 sur 100.
  4. Le Tribunal fait habituellement preuve de déférence dans une large mesure à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des soumissions. En général, le Tribunal interviendra relativement à une évaluation que dans le cas où elle est déraisonnable[10] et il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure[11].
  5. Après avoir examiné attentivement les soumissions présentées par Y.K. Construction et Vantage et validé les points attribués pour le prix[12] et les critères techniques du plan des CPA[13], le Tribunal conclut que les deux propositions ont été évaluées de façon raisonnable et que l’attribution du contrat à Y.K Construction a été effectuée de façon appropriée. Vantage a obtenu une note supérieure à celle de Y.K Construction pour les critères techniques du plan des CPA, mais Y.K Construction a présenté la soumission la moins-disante. Comme la DOC prévoyait un grand nombre de points pour le prix, le fait que Vantage ait obtenu la note la plus élevée pour le volet technique du plan des CPA n’était pas suffisant pour compenser le désavantage au chapitre du prix.
  6. Dans l’ensemble, Vantage a obtenu 52 points sur 100 pour les critères techniques du plan des CPA. Vantage a obtenu une note de 5,2 sur 10, au prorata, et une note combinée de 89,79 sur 100. La note combinée de Vantage était de 2,11 points plus basse que celle de Y.K. Construction (91,9). Comme Y.K. Construction a obtenu la note combinée la plus élevée pour les critères techniques et le prix, le Tribunal conclut que l’offre à commandes a été attribuée dans les règles.
  7. Dans sa plainte, Vantage a évoqué d’autres motifs, de nature plus qualificative, pour expliquer pourquoi la DOC aurait dû lui être attribuée. Vantage a soutenu qu’elle possédait plus d’expérience que Y.K. Construction, qu’elle offrait un service de plus grande qualité et qu’elle s’était engagée à former les apprentis. Le Tribunal reconnaît la qualification élevée de Vantage pour la prestation des services requis dans l’offre à commandes. Cependant, la DOC ne contenait aucun critère lié aux années d’expérience ou au fait de devoir être titulaire d’une certification. Comme aucun critère de ce genre n’était inclus dans la DOC, ils n’auraient pas pu être correctement pris en compte par TPSGC dans le cadre de son évaluation. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’y a eu aucun manquement aux accords commerciaux pour ce motif. Le Tribunal souligne également que tout soumissionnaire qui souhaite manifester son opposition à des critères d’évaluation (ou à l’absence de critères) énoncés dans les documents d’appel d’offres, ou déposer une plainte à ce sujet, doit le faire en temps opportun, habituellement dans les 10 jours suivant l’obtention des documents[14].
  8. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.
  9. Malgré la conclusion du Tribunal concernant la validité de la plainte, le Tribunal indique, de manière générale, qu’une meilleure rédaction de certains éléments de la DOC aurait permis aux soumissionnaires de mieux comprendre la DOC. Par exemple, l’article 5 de la partie 2 de la DOC vise l’initiative de TPSGC relativement aux apprentis dans le cadre de marchés publics, initiative qui incite les employeurs à participer à la formation des apprentis[15]. L’article 5 fait état de l’engagement du gouvernement à l’égard des programmes de formation et du soutien qu’il leur apporte, puis demande aux entrepreneurs de présenter une attestation volontaire indiquant qu’ils acceptent de déployer « des efforts commerciaux raisonnables pour embaucher et former des apprentis inscrits ». Le Tribunal reconnaît que, selon les modalités de la DOC, la signature de l’attestation est entièrement volontaire et, par conséquent, le fait de ne pas présenter cette attestation ne rendait pas la soumission non recevable. Cependant, la DOC pourrait avoir indiqué explicitement qu’aucun point ne serait attribué pour la présentation de l’attestation. Sans cette consigne, les soumissionnaires ont été désorientés inutilement à propos de l’importance de l’attestation volontaire, plus particulièrement pour ce qui est de la façon dont l’attestation différait des critères techniques du plan des CPA, qui n’étaient pas obligatoires, mais faisaient partie intégrante de la méthode de sélection.
  10. Enfin, et à titre d’observation générale, le Tribunal encourage fortement TPSGC, comme il l’a déjà fait par le passé[16], à ne pas perdre de vue l’importance d’informer correctement les soumissionnaires des mécanismes de recours à leur disposition, notamment la possibilité de déposer une plainte auprès du Tribunal dans les délais prescrits. La lettre de refus du 14 novembre 2017 adressée à Vantage ne fait aucune mention des mécanismes de recours à sa disposition ni des délais impartis[17]. D’ailleurs, la DOC n’en faisait aucune mention non plus. En outre, TPSGC a reconnu ne pas avoir informé Vantage des options en matière d’appel lors de la conversation téléphonique du 15 novembre 2017, car l’autorité contractante estimait qu’il n’y avait aucun fondement pour justifier un réexamen des résultats[18]. Or, il ne s’agit pas d’un motif valable pour ne pas communiquer ce type de renseignements aux soumissionnaires. La décision selon laquelle un soumissionnaire devrait ou non être informé des mécanismes de recours qui sont à sa disposition n’a rien à voir avec le point de vue personnel d’une autorité contractante quant au bien-fondé d’une plainte ou aux chances d’un soumissionnaire d’obtenir gain de cause. Au contraire, les renseignements sur les mécanismes de recours font partie intégrante d’une procédure de passation de marchés publics équitable, objective et transparente, comme le sait pertinemment TPSGC.
  11. Dans la présente affaire, comme les renseignements n’ont pas été rapidement communiqués à Vantage, son incapacité à obtenir des réponses sur les options de recours à sa disposition l’a forcée à demander de l’aide auprès du bureau d’un député. La présente plainte a été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement, mais le temps et les efforts supplémentaires requis de la part de Vantage auraient pu faire en sorte que le Tribunal soit forcé de rejeter la plainte de Vantage uniquement pour cause de non-respect des délais, compte tenu du court laps de temps dont elle disposait afin de déposer une plainte auprès du Tribunal.

FRAIS

  1. TPSGC n’a pas demandé le remboursement des frais qu’il a engagés pour la présente procédure de plainte. Par conséquent, chaque partie assumera ses propres frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée. Aucuns frais ne sont accordés à l’une ou l’autre des parties.
 

[1].      L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      DORS/91-499.

[4].      Le Tribunal constate que l’alinéa 1c) de la partie 4 de la DOC indique que les offres seront évaluées en fonction de l’offre recevable la moins-disante. Ce critère de sélection diffère en quelque sorte de la méthode de sélection prévue à l’article 2 de la partie 4 (et est possiblement incompatible avec celle-ci). Malgré cette divergence, selon l’interprétation contextuelle des critères prévus à l’article 2 de la partie 4 et de la version révisée de l’annexe I, il ressort clairement que la méthode de sélection applicable est fondée sur la note combinée la plus haute sur le plan du mérite technique et du prix. Quoi qu’il en soit, le Tribunal souligne que, dans le cadre de son enquête, le Tribunal ne doit tenir compte que de l’objet de la plainte; or, les motifs invoqués par Vantage pour étayer sa plainte ne faisaient aucunement mention de cette divergence. De plus, comme cette divergence était évidente à la lecture de la DOC, toute objection ou plainte relativement à cette exigence aurait dû être soulevée en temps opportun. Voir IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII) aux par. 18-21 [IBM Canada].

[5].       Le Tribunal souligne que cette version de la formule d’établissement de prix contient une erreur typographique. Pour être conforme aux critères de sélection prévus à l'article 2.1 de la partie 4 de la DOC, la note de Vantage pour le prix aurait dû être calculée en divisant l’offre la moins-disante par l’offre de Vantage, puis en multipliant le résultat par 90 et non par 90 p. cent. C’est de cette façon que TPSGC a procédé au calcul. Néanmoins, l’application de la formule d’établissement des prix telle qu’elle est formulée ici n’aurait pas modifié le résultat de l’évaluation, puisque Vantage aurait obtenu une note encore plus faible. De plus, comme ces erreurs étaient apparentes dans la DOC, toute opposition ou plainte concernant ces erreurs aurait dû être signalée en temps opportun. Voir IBM Canada.

[6].      Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Te... (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALÉC].

[7].      Le paragraphe 509(7) de l’ALÉC prévoit ce qui suit : « Une entité contractante met à la disposition des fournisseurs la documentation relative à l’appel d’offres qui contient tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables. La documentation relative à l’appel d’offres contient tous les détails pertinents concernant : a) les critères d’évaluation qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions, y compris les méthodes de pondération et d’évaluation, à moins que le prix ne soit le seul critère; [...] »

[8].      Le paragraphe 515(4) de l’ALÉC prévoit ce qui suit : « Pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission est présentée par écrit et, au moment de son ouverture, est conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres, et émane d’un fournisseur satisfaisant aux conditions de participation. ». Le paragraphe 515(5) prévoit ce qui suit : « [...] l’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté : a) soit la soumission la plus avantageuse; b) soit, si le prix est le seul critère, le prix le plus bas. »

[9].      Pièce PR-2017-042-14 aux par. 11-12, vol. 1; pièce PR-2017-042-14A (protégée), pièces 3, 5, vol. 2.

[10].    Comme l’a affirmé le Tribunal dans la décision Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 novembre 2008), PR‑2008‑023 (TCCE) au par. 25, « [l]a détermination de [l’institution fédérale] sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal ».

[11].    Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environment (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au par. 33.

[12].    Pièce PR-2017-042-14, pièce 4, vol. 1 et pièce PR-2017-042-14A (protégée), pièce 3, vol. 2. Le Tribunal a confirmé que Y.K. Construction avait présenté la soumission la moins-disante et a conclu qu’elle méritait la totalité des points (90/90) pour le prix. Comme le prix proposé par Vantage n’était pas le plus bas, TPSGC a calculé la note de Vantage pour le prix au prorata, selon la formule prévue dans la DOC. Le Tribunal n’a reçu aucun élément de preuve ni argument permettant de croire que le calcul de TPSGC était inexact.

[13].    Selon le Tribunal, l’attribution des points (1,9/10) à Y.K. Construction pour les critères techniques du plan des CPA était raisonnable. Par conséquent, la note globale (91,9/100) de Y.K. Construction était aussi raisonnable. Le Tribunal conclut également que les points suivants ont été attribués de façon raisonnable à Vantage relativement aux critères techniques du plan des CPA : (1) 5/5 points, car son siège social était situé à Yellowknife, aux Territoires du Nord-Ouest; (2) 7/15 points pour avoir indiqué qu’elle offrirait quotidiennement une formation en matière de sécurité (une note possiblement généreuse, étant donné que la soumission de Vantage ne faisait aucune mention du nombre d’heures, comme l’exigeait la DOC); (3) 40/40 points, car 100 p. cent du travail serait effectué par des Autochtones; et (4) 0/40, car Vantage n’a fourni aucun renseignement quant au recours à des sous-traitants autochtones.

[14].    Storeimage c. Musée canadien de la nature (18 janvier 2013), PR-2012-015 (TCCE) aux par. 23-25.

[15].     D’autres exemples ont été examinés ailleurs dans les présents motifs.

[16].    812502 Ontrion Inc. s/n Action Meals c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (17 mars 2017), PR-2016-063 (TCCE) aux par. 24-31.

[17].    Pièce PR-2017-042-01 à la p. 14, vol. 1.

[18].    Pièce PR-2017-042-14 au par. 16, vol. 1.