DYNAMIC ENGINEERING INC.

DYNAMIC ENGINEERING INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2017-060

Décision et motifs rendus
le mercredi 16 mai 2018

TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Dynamic Engineering Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

 

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

DYNAMIC ENGINEERING INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est en partie fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, et étant donné que le contrat spécifique a été résilié par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le 10 avril 2018, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande à titre de mesure corrective qu’un nouvel appel d’offres pour le contrat spécifique soit lancé.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Dynamic Engineering Inc. une indemnité raisonnable pour les frais encourus pour l’engagement de la procédure, indemnité qui doit être versée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché, la détermination provisoire du Tribunal canadien du commerce extérieur quant au degré de complexité de la plainte est que celle-ci correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est donc de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité de la plainte ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Laura Little, conseillère juridique

Partie plaignante : Dynamic Engineering Inc.

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan Clarke
Roy Chamoun
Kathryn Hamill
Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 26 février 2018, Dynamic Engineering Inc. (Dynamic) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] concernant une demande de propositions (DP) (invitation no W8482-168399/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour des services de réparation et de révision de turbocompresseurs.
  2. Le 28 février 2018, le Tribunal a accueilli en partie la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et conformément aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2].
  3. Le Tribunal a mené une enquête sur le bien-fondé du motif de plainte sur lequel il a accepté d’enquêter conformément aux articles 30.13 à 30.15 de la Loi sur le TCCE.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. La plainte déposée par Dynamic comporte plusieurs allégations, lesquelles peuvent être résumées selon les trois motifs de plainte suivants :
  1. TPSGC a adjugé de façon irrégulière un contrat à un soumissionnaire concurrent, Wӓrtsilӓ Canada Incorporated (Wӓrtsilӓ), après avoir à tort conclu que la soumission de Wӓrtsilӓ satisfaisait aux critères obligatoires nos 1 et 2 qui figuraient à l’annexe I de la DP. À la date de clôture de l’appel d’offres, Wӓrtsilӓ n’était pas en mesure de satisfaire à ces exigences puisqu’elle n’était pas un agent autorisé de Napier Turbochargers ayant acquis une expérience dans la maintenance des turbocompresseurs Napier au cours des cinq années précédentes.
  2. TPSGC a commis une erreur en rejetant la soumission de Dynamic au motif qu’elle n’avait pas à son emploi un représentant mobile de réparation (RMR) de Napier, comme l’exigeait le critère technique obligatoire no 3. Aux fins de cette exigence, TPSGC aurait dû juger équivalente l’expérience des spécialistes principaux de Dynamic dans la maintenance des turbocompresseurs du MDN, particulièrement parce qu’ils ont été formés par un ancien employé (M. R. Swann) qui avait lui-même reçu la formation de RMR de Napier. M. Swann a démissionné de son poste chez Dynamic pendant la procédure de passation du marché public et a été embauché par Wӓrtsilӓ afin de participer à la mise sur pied d’un atelier de turbocompresseurs. Wӓrtsilӓ semble avoir délibérément planifié l’embauche de M. Swann quelques jours avant la date de clôture afin que Dynamic ne puisse pas déposer une soumission conforme, ce qui est, selon Dynamic, une tactique s’apparentant à un « truquage d’offres » [traduction].
  3. Wӓrtsilӓ pourrait avoir indûment influencé TPSGC et/ou le MDN pour qu’ils ajoutent l’exigence d’avoir à son emploi un RMR de Napier dans les critères d’évaluation techniques de la DP. Ce critère n’était pas nécessaire d’un point de vue technique, mais il favorisait la soumission de Wӓrtsilӓ dans la procédure de passation du marché public par rapport à Dynamic, surtout compte tenu du moment choisi par M. Swann pour démissionner et de se joindre à Wӓrtsilӓ.
  1. À titre de mesure corrective, Dynamic demande une indemnité pour perte de profits. Elle demande aussi le remboursement des frais encourus pour la préparation de sa soumission et le dépôt de sa plainte.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 8 décembre 2017, TPSGC a publié une DP dont la date de clôture était le 24 janvier 2018. Dynamic et Wӓrtsilӓ ont présenté des soumissions en réponse à cet appel d’offres.
  2. Le 29 janvier 2018, l’autorité contractante a communiqué avec Dynamic pour savoir si elle avait à son emploi un employé accrédité de Napier outre M. Swann, l’employé désigné en réponse au critère technique no 3, puisqu’il était indiqué ailleurs dans la soumission que celui-ci avait démissionné le 12 janvier 2018. Dynamic a répondu ce qui suit le jour même[3] :

La situation est telle que nous l’avions indiquée au no 3.  

Notre ancien employé, [M. Swann], qui a reçu une formation de Napier, a quitté l’entreprise le 12 janvier. Cependant, il est possible qu’il revienne. Pour l’instant, on ne sait pas ce qui arrivera et cela est confidentiel puisqu’un concurrent éventuel l’a recruté et que [M. Swann] ignore s’il continuera de travailler pour lui ou s’il reviendra travailler pour nous. 

En revanche, nos employés ayant accumulé beaucoup d’ancienneté [...] travaillent sur des turbocompresseurs du MDN depuis plus de 25 ans, soit depuis leur création. Ils ont également travaillé avec [M. Swann] et l’ont formé. Ils ont une vaste expérience avec toutes les sortes de turbocompresseurs.

En ce qui concerne les turbocompresseurs du MDN, personne n’a plus d’expérience que nos deux employés.

La question qui se pose est analogue à la « lettre » de la loi par opposition à l’« esprit » de la loi. Si vous vous en tenez à la « lettre » de la loi, nous ne sommes pas conformes pour le moment. Si vous vous en tenez à l’« esprit » de la loi, nous sommes conformes puisque nous avons des employés expérimentés pour répondre à vos besoins. La preuve en est que les employés qui effectuent actuellement le travail le font depuis plus de 25 ans, sans trop de problèmes ou de garanties.

Aujourd’hui, nous n’avons pas à notre emploi une personne certifiée ayant reçu une formation de Napier. Dans quelques semaines, nous aurons peut-être un tel employé, si [M. Swann] revient ou si nous envoyons un de nos employés à Napier pour suivre cette formation ou embauchons quelqu’un possédant déjà cette formation.

[Nos italiques, traduction]

  1. Le 9 février 2018, TPSGC a informé Dynamic qu’un contrat avait été adjugé à Wӓrtsilӓ et que l’équipe d’évaluation avait déterminé que sa soumission n’était pas conforme à toutes les exigences techniques obligatoires, dont le critère technique no 3. Par conséquent, sa soumission avait été jugée irrecevable et avait été rejetée.
  2. Le 14 février 2018, Dynamic a présenté une opposition à TPSGC en ce qui concerne l’adjudication du contrat à Wӓrtsilӓ, au motif que la soumission de cette dernière ne satisfaisait pas aux critères techniques obligatoires nos 1 et 2. Dynamic s’est aussi opposée à la conclusion de l’équipe d’évaluation selon laquelle sa propre soumission était irrecevable.
  3. Le 16 février 2018, TPSGC a répondu à Dynamic pour lui confirmer les résultats de la procédure de passation du marché public, y compris la valeur du contrat adjugé, et lui a indiqué que « [l]a proposition du soumissionnaire retenu satisfait à tous les critères techniques obligatoires énoncés à l’annexe “I” [...] » [traduction].
  4. La même journée, dans un autre échange de courriels, TPSGC a refusé la demande de Dynamic pour obtention des renseignements sur lesquels s’étaient fondés les évaluateurs pour conclure que Wӓrtsilӓ satisfaisait aux critères techniques nos 1 et 2, affirmant qu’il ne pouvait communiquer des renseignements confidentiels se rapportant au modèle d’affaires du soumissionnaire retenu. Dynamic s’est en outre montrée préoccupée par le fait que « [t]out le temps pris par le Canada, ainsi que le moment choisi par le soumissionnaire retenu pour recruter un employé de Dynamic et pour mettre sur pied un atelier de turbocompresseurs, donne l’impression que le Canada a favorisé [Wӓrtsilӓ] »[4] [traduction].
  5. Le 26 février 2018, Dynamic a déposé sa plainte auprès du Tribunal.
  6. Le 2 mars 2018, le Tribunal a informé les parties qu’il accueillait la plainte en partie, car seul le motif se rapportant à l’évaluation de la soumission de Wӓrtsilӓ – résumé ci-dessus dans le motif (i) – satisfaisait aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement.
  7. Le 21 mars et le 6 avril 2018, le Tribunal a accordé à TPSGC deux courtes prorogations de délai pour déposer son rapport de l’institution fédérale (RIF). Dynamic s’est opposée à la deuxième demande de prorogation au motif que TPSGC avait déjà obtenu une prorogation, alors que les plaignantes ne peuvent bénéficier de telles prorogations lorsqu’elles déposent une plainte auprès du Tribunal. Dans la lettre qu’il a envoyée aux parties pour les aviser qu’il accordait la deuxième prorogation, le Tribunal a répondu en ces termes à l’objection de Dynamic[5] :

En ce qui concerne l’objection [de Dynamic], le Tribunal souligne que, contrairement aux délais serrés prévus par la loi pour le dépôt d’une plainte, une fois que le Tribunal a commencé son enquête, il peut accorder des prorogations aux parties pour qu’elles puissent déposer leurs observations respectives. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire, le Tribunal tient nécessairement compte de l’équité procédurale pour toutes les parties. La présente demande de TPSGC vise à obtenir une prorogation de trois jours ouvrables pour déposer le RIF, ce qui n’a aucune incidence sur l’échéancier général de 90 jours prévu pour l’enquête, et la plaignante aura une prorogation correspondante pour déposer des observations sur le RIF.

[Traduction]

  1. Plus tard au cours de l’enquête, Dynamic a mis en cause[6] le moment choisi par le Tribunal pour envoyer sa lettre accordant à TPSGC une deuxième prorogation de délai, puisque cette lettre avait été transmise aux parties le jour de la date limite prévue pour le dépôt du RIF. Dynamic a affirmé que TPSGC semblait savoir que la prorogation serait approuvée, et ce, avant même de recevoir la lettre de décision. Le Tribunal n’avait pourtant pas envoyé de préavis à TPSGC pour l’informer de sa décision, laquelle a été communiquée simultanément aux parties dans la lettre datée du 6 avril 2018 susmentionnée. Comme Dynamic semble considérer les prorogations de délai accordées à TPSGC comme étant « injustes », le Tribunal réitère que les prorogations en question étaient jugées raisonnables et n’avaient aucune incidence sur l’échéancier général. Le Tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire de modifier le délai prévu par le Règlement[7] pour le dépôt d’une plainte[8], mais une fois qu’il a commencé son enquête, il peut accorder des prorogations de délai aux parties, s’il y a lieu. En l’espèce, Dynamic s’est vue attribuer une prorogation comparable pour déposer ses observations sur le RIF.
  2. Le 13 avril 2018, TPSGC a déposé son RIF. Le RIF indique qu’après avoir reçu la plainte, TPSGC a examiné la soumission de Wärtsilä et a conclu que celle-ci avait été jugée à tort, « à cause d’une erreur commise par inadvertance » [traduction], comme étant conforme aux critères techniques obligatoires énoncés dans la DP. Par conséquent, TPSGC a mis fin au contrat subséquent le 10 avril 2018. TPSGC a ajouté qu’un nouvel appel d’offres serait lancé dès que possible et qu’il avait sans succès tenté de régler l’affaire avec Dynamic.
  3. Le 18 avril 2018, le Tribunal a demandé à Dynamic quelle était sa position sur la question de savoir si le champ de l’enquête pouvait être restreint, TPSGC ayant admis que le contrat avait été accordé à tort à Wärtsilä.
  4. Le 20 avril 2018, Dynamic a déposé sa réponse ayant trait à la demande du Tribunal ainsi que ses observations sur le RIF. Comme mentionné ci-dessous, Dynamic maintenait que TPSGC avait commis une erreur dans sa façon de mener la procédure de passation du marché public.
  5. Le 16 avril 2018, le Tribunal a aussi reçu une demande de Wӓrtsilӓ, qui souhaitait obtenir le statut d’intervenante dans l’enquête. Le 24 avril 2018, le Tribunal a rejeté la demande pour les motifs exposés ci‑dessous.
  6. Le Tribunal n’a pas jugé nécessaire de tenir une audience et a rendu sa décision sur la foi des renseignements au dossier.

QUESTION PRÉLIMINAIRE : LA DEMANDE EN INTERVENTION

  1. Une fois que le Tribunal a décidé d’enquêter sur une plainte, l’article 30.17 de la Loi sur le TCCE permet au Tribunal d’autoriser une partie « intéressée » à intervenir dans la procédure. Pour satisfaire à la définition de partie « intéressée » aux termes de l’article 30.1, celle-ci doit être soit un « fournisseur potentiel ou toute personne ayant un intérêt économique direct dans l’affaire en cause dans une plainte ».
  2. Comme indiqué ci-dessus, Wärtsilä, l’adjudicataire, a présenté au Tribunal une demande en intervention trois jours après le dépôt du RIF. Selon la demande, Wӓrtsilӓ avait accepté la décision de TPSGC de mettre fin au contrat en question. Cependant, comme Dynamic n’avait pas retiré sa plainte après que TPSGC eut admis son erreur, Wӓrtsilӓ voulait défendre ses intérêts devant le Tribunal au motif qu’elle était directement visée par plusieurs allégations de Dynamic.
  3. Le Tribunal a rejeté la demande en intervention au motif que les renseignements au dossier étaient suffisants pour établir le bien-fondé du seul motif de plainte faisant l’objet de l’enquête, à savoir le motif (i) selon lequel la soumission de Wärtsilä n’était pas conforme aux critères techniques obligatoires de la DP. Comme TPSGC a admis que la soumission de Wärtsilä n’était pas conforme et qu’il a, d’un commun accord, mis fin au contrat subséquent, le Tribunal ne croit pas que Wärtsilä ait un intérêt important et direct dans les questions de fond que doit trancher le Tribunal. Plus particulièrement, comme indiqué ci-dessous, ces questions concernent notamment la mesure corrective et les frais.
  4. La plainte comportait d’autres allégations concernant Wärtsilä, résumées ci-dessus dans les motifs (ii) et (iii), mais ces allégations ne font pas l’objet de la présente enquête, et ce, pour les raisons énoncées ci‑dessous. Par conséquent, il n’y avait pas lieu d’autoriser Wӓrtsilӓ à intervenir par rapport à ces autres motifs de plainte.

ANALYSE

Motifs de plainte n’ayant pas été retenus aux fins d’enquête

  1. Aux termes du Règlement, le Tribunal peut enquêter sur une plainte si certaines conditions sont remplies. L’une de ces conditions exige que les renseignements fournis par la plaignante et les autres renseignements examinés par le Tribunal relativement à la plainte indiquent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables[9], soit en l’espèce l’Accord de libre-échange canadien[10].
  2. En ce qui concerne les motifs de plainte (ii) et (iii) mentionnés ci-dessus, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait aucune indication raisonnable de violation des dispositions de l’ALEC.  
  3. Le motif (ii) se rapporte à l’évaluation de la soumission de Dynamic. L’ALEC exige que l’acheteur public évalue les soumissions conformément aux critères essentiels énoncés dans les documents d’appel d’offres[11]. Pour être prise en considération en vue de l’attribution d’un contrat, une soumission doit, au moment de l’ouverture du pli, être conforme aux critères essentiels. Lorsqu’il vérifie si ces procédures ont été suivies, le Tribunal accorde crédit au jugement des évaluateurs. Il n’intervient que si une évaluation lui semble déraisonnable, par exemple s’il appert que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils ont mal interprété une exigence, qu’ils ont fait fi de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils ont fondé leur évaluation sur des critères non communiqués ou qu’ils ont effectué l’évaluation d’une manière inéquitable du point de vue de la procédure[12].
  4. En l’espèce, selon les dispositions de la DP, « [u]ne soumission [devait] respecter les exigences de la demande de soumissions et satisfaire à tous les critères d’évaluation techniques obligatoires pour être déclarée recevable ». La soumission recevable la moins-disante serait recommandée pour l’attribution d’un contrat. L’annexe I de la DP énonce les critères d’évaluation techniques obligatoires, parmi lesquels les suivants sont pertinents en ce qui concerne la plainte : 
    1. Critères techniques obligatoires

Pour que votre soumission soit acceptée, elle doit satisfaire à tous les critères techniques obligatoires. Le soumissionnaire doit fournir la documentation de soutien exigée conformément à cette exigence.

[...]

  1. Le soumissionnaire doit être un agent autorisé (Centre de Service) de Napier Turbochargers Ltd.
  2. Le soumissionnaire doit avoir reconditionné des turbocompresseurs Napier durant les derniers cinq (5) ans.
  3. Le soumissionnaire doit avoir à son emploi au moins un représentant mobile de réparation (RMR) qui a reçu une formation sur l’opération et l’entretien des NAPIER Turbocompresseurs de Série 5 et qui est disponible pour répondre aux demandes du MDN.

[...]

  1. Dynamic a admis que sa soumission était techniquement non conforme au critère no 3 susmentionné[13]. Plus particulièrement, dans sa lettre à l’autorité contractante datée du 29 janvier 2018, Dynamic a confirmé qu’elle n’avait pas à son emploi un RMR ayant reçu une formation de Napier à la date de clôture fixée au 24 janvier 2018. Dynamic a affirmé que TPSGC aurait tout de même dû juger sa soumission conforme au critère no 3 compte tenu des circonstances dans lesquelles M. Swann avait démissionné peu de temps avant la date de clôture, soit le 12 janvier 2018, et de l’expérience équivalente de ses autres employés principaux.
  2. Cependant, selon les critères publiés dans la DP, il n’était pas permis de désigner une personne ayant des compétences ou une expérience équivalentes relativement au critère no 3. C’est pourquoi, compte tenu de l’aveu de Dynamic selon lequel sa soumission n’était pas conforme à ce critère à la date de clôture, le Tribunal a conclu que rien n’indiquait, de façon raisonnable, que TPSGC avait mal évalué sa soumission. Plus particulièrement, rien n’indiquait, de façon raisonnable, que TPSGC avait mal interprété le critère obligatoire de la DP, n’avait pas examiné les renseignements pertinents inclus dans la soumission de Dynamic avec attention, avait fondé son évaluation sur des critères non communiqués ou avait effectué l’évaluation d’une manière inéquitable du point de vue de la procédure.  
  3. En outre, en ce qui concerne les motifs (ii) et (iii), les renseignements déposés avec la plainte ne permettaient pas d’établir que TPSGC avait été influencé de manière inappropriée par Wӓrtsilӓ, qu’il était de connivence avec Wӓrtsilӓ ou qu’il avait agi d’une manière qui favorisait injustement la soumission de Wӓrtsilӓ. Compte tenu de la gravité potentielle de ce type d’allégations de partialité pour l’intégrité du mécanisme d’adjudication, les allégations non fondées ne permettent pas d’établir raisonnablement la violation des accords commerciaux applicables.
  4. En ce qui concerne l’allégation de Dynamic selon laquelle un membre de son personnel a été recruté par Wӓrtsilӓ pendant la procédure de passation du marché public, celle-ci se rapporte entièrement au comportement des protagonistes du secteur privé et n’a rien à voir avec TPSGC ou sa façon de mener la procédure. Elle ne relève donc pas de la compétence du Tribunal, qui doit déterminer si TPSGC a mené la procédure de passation du marché public conformément aux obligations conférées au Canada par les accords commerciaux applicables.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a conclu que rien n’indiquait, de façon raisonnable, que TPSGC avait agi contrairement aux dispositions de l’ALEC relativement aux motifs (ii) et (iii). Le Tribunal a toutefois conclu que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, qu’il y avait eu violation des dispositions de l’ALEC relativement au motif (i) se rapportant à l’évaluation de la soumission de Wӓrtsilӓ. Plus particulièrement, Dynamic a joint à sa plainte une copie de la liste des agents autorisés de Napier, laquelle n’inclut pas la filiale de Wӓrtsilӓ au Canada, ce qui indiquait raisonnablement que sa soumission ne pouvait pas avoir respecté le critère no 1. Dynamic a aussi fourni des renseignements selon lesquels Wӓrtsilӓ en était encore, à la date de clôture, à mettre sur pied un atelier de turbocompresseurs et que, par conséquent, sa soumission ne pouvait pas raisonnablement avoir satisfait à l’exigence relative aux cinq ans d’expérience dans l’entretien de turbocompresseurs, conformément au critère no 2. Le Tribunal a donc limité son enquête au motif (i) de la plainte.

TPSGC convient de la non-conformité de la soumission de Wärtsilä

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, à la fin de l’enquête, déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour un contrat spécifique.
  2. Comme indiqué ci-dessus, TPSGC a déterminé que la soumission de Wärtsilä avait été jugée à tort, à cause d’une erreur commise par inadvertance, comme étant conforme aux critères techniques obligatoires de la DP. Plus particulièrement, TPSGC indique que la soumission de Wärtsilä « était fondée sur les qualifications d’entreprises affiliées, mais distinctes, pour satisfaire à certains des critères techniques obligatoires »[14] [traduction].
  3. Dynamic n’est pas satisfaite de la réponse de TPSGC. Plus particulièrement, Dynamic met en cause le fait que TPSGC, qui a rejeté son objection initiale, n’ait examiné l’évaluation de la soumission de Wärtsilä seulement qu’après que le Tribunal eut accepté d’enquêter sur la plainte. Elle est aussi d’avis que la tentative de négociation d’un règlement de TPSGC était une tactique pour éviter d’avoir à déposer un RIF et à donner les raisons pour lesquelles il avait mis fin au contrat de Wärtsilä.
  4. Dynamic maintient sa position selon laquelle TPSGC a mené le processus d’appel d’offres de manière non transparente, faisant valoir que les raisons pour lesquelles l’équipe d’évaluation ne s’est pas aperçue de la non-conformité de la soumission de Wärtsilä par rapport aux critères techniques obligatoires nos 1 et 2 demeurent nébuleuses. Dynamic est d’avis qu’en refusant de lui communiquer une copie de la soumission de Wärtsilä, pour des raisons de confidentialité, TPSGC l’a empêchée de savoir comment TPSGC a pu commettre une « erreur par inadvertance » dans le cadre de son évaluation. Selon Dynamic, malgré le fait que TPSGC ait admis avoir commis une erreur dans l’évaluation de la soumission de Wärtsilä pendant la procédure de passation du marché public, il reste encore à déterminer si Wärtsilä a « bénéficié de quelque latitude que ce soit pour satisfaire aux critères et si un certain traitement de faveur lui a été accordé » [traduction] et/ou si TPSGC a fait preuve de négligence dans son évaluation[15]. Dynamic soutient que si sa propre soumission avait bénéficié d’une latitude semblable dans l’évaluation du critère technique obligatoire no 3, elle aurait obtenu le contrat puisqu’elle était le soumissionnaire le moins-disant.  
  5. Le Tribunal conclu que TPSGC a de toute évidence commis une erreur lorsqu’il a évalué la soumission de Wärtsilä et déterminé qu’elle était conforme aux critères techniques obligatoires de la DP. Il s’agit d’une violation du paragraphe 515(4) de l’ALEC, selon lequel l’acheteur public doit évaluer les soumissions conformément aux critères essentiels énoncés dans les documents d’appel d’offres.
  6. Le Tribunal est d’avis que rien n’indique, de façon raisonnable, que l’erreur commise par TPSGC était intentionnelle ou empreinte de mauvaise foi. Les allégations selon lesquelles TPSGC aurait délibérément agi de manière non transparente ou partiale dans le but de favoriser la soumission de Wärtsilä ne sont que de simples suppositions de la part de Dynamic et ne sont pas étayées par la preuve au dossier. De plus, comme mentionné ci-dessus, le Tribunal a déjà conclu que la plainte ne démontrait pas dans une mesure raisonnable qu’il y avait eu violation de l’ALEC eu égard aux allégations selon lesquelles TPSGC a été indûment influencé par Wärtsilä ou qu’il a favorisé Wärtsilä pendant la procédure de passation du marché public et que, par conséquent, ces motifs de plainte n’ont pas été retenus aux fins d’enquête. Il aurait été préférable que TPSGC prenne conscience de son erreur d’évaluation plus tôt, avant d’attribuer le contrat, mais il a néanmoins fini par s’en rendre compte, et il prend maintenant les mesures qui s’imposent pour y remédier, comme indiqué ci-après. Selon le Tribunal, le fait que TPSGC ait refusé de remettre à Dynamic une copie de la soumission de Wärtsilä pour des raisons de confidentialité est raisonnable, puisqu’il s’agit de concurrents commerciaux.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le motif (i) de la plainte est fondé.

MESURE CORRECTIVE

  1. Ayant conclu que la plainte de Dynamic est fondée en partie, le Tribunal doit déterminer quelle est la mesure corrective appropriée aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE. En l’espèce, la violation en question est le fait que TPSGC a admis ne pas avoir évalué la soumission de Wärtsilä conformément aux critères techniques obligatoires énoncés dans la DP, de sorte qu’un contrat a été indûment attribué à Wärtsilä.
  2. TPSGC affirme que la résiliation, le 10 avril 2018, du contrat adjugé à Wärtsilä constitue une réparation appropriée pour la violation susmentionnée. Il soutient qu’un nouvel appel d’offres sera lancé dès que possible, ce qui permettra à Dynamic de présenter une soumission. TPSGC ajoute qu’il n’y a aucune raison d’accorder à Dynamic une indemnité pour perte de profits, comme le demande la plaignante, parce que sa soumission n’était pas conforme au critère technique obligatoire no 3.
  3. En réponse, Dynamic affirme qu’elle aurait obtenu le contrat si TPSGC n’avait pas commis une erreur dans l’évaluation de la soumission de Wärtsilä, du simple fait qu’elle était, dit-elle, le soumissionnaire le moins-disant. Par conséquent, Dynamic maintient sa demande d’indemnité pour perte de profits. Elle fait valoir que si TPSGC avait traité sa soumission avec la même latitude ou la même indulgence dont il aurait fait preuve à l’égard de la soumission de Wärtsilä, sa soumission aurait alors été jugée conforme au critère no 3. Dynamic ajoute que Wärtsilä pourrait tirer un avantage inéquitable de ce nouvel appel d’offres, puisqu’elle aura plus de temps pour mettre sur pied son atelier de turbocompresseurs et devenir un agent autorisé de Napier.
  4. En plus d’une indemnité pour perte de profits, Dynamic demande les mesures suivantes soient prises :
  • la prolongation du délai pour déposer une plainte, lequel devrait passer de 10 à 15 jours ouvrables étant donné que les plaignantes sont désavantagées dans ce processus et bénéficient de moins de temps pour déposer une plainte que l’institution fédérale pour déposer son RIF;
  • une autre enquête interne menée par le gouvernement du Canada pour connaître toute la vérité en ce qui concerne la conduite de TPSGC et du MDN dans cette affaire;  
  • des mesures disciplinaires et de nouvelles séances de formation pour les membres du personnel de TPSGC et du MDN impliqués dans cette affaire.
  1. Pour recommander une mesure corrective appropriée, le Tribunal doit prendre en considération tous les facteurs qui ont trait à la procédure de passation du marché public et tenir compte des critères législatifs énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

  1. Dans cet exercice, le Tribunal tient aussi compte des objectifs du régime réglementaire[16] applicable aux marchés du gouvernement fédéral, selon lequel le Tribunal doit être une instance accessible consacrée au règlement rapide des différends liés aux marchés publics, qu’il vise à assurer la conformité aux accords commerciaux et à remédier aux violations de ceux-ci de façon à favoriser la concurrence, l’équité, l’intégrité et l’efficacité du mécanisme d’adjudication[17]. Dans le cadre de ce régime, est généralement préférable autant que possible une mesure corrective semblable à une injonction – comme la résiliation d’un contrat et le lancement d’un nouvel appel d’offres – par rapport à une réparation pécuniaire, c’est-à-dire avant que l’autre partie ne se soit rendue trop loin dans l’exécution du contrat[18].
  2. Compte tenu de ces principes généraux, le Tribunal estime que la mesure corrective appropriée en l’espèce est la résiliation du contrat attribué à Wärtsilä et le lancement d’un nouvel appel d’offres.
  3. Selon le Tribunal, cette mesure corrective concorde avec la gravité de la violation en question, à savoir qu’un contrat a été indûment attribué au titre d’une soumission qui n’était pas conforme aux critères essentiels énoncés dans les documents d’appel d’offres, et ce, en violation des obligations que confère l’ALEC au Canada. Elle tient également compte du préjudice causé à Dynamic et aux autres fournisseurs potentiels dans la procédure de passation du marché public. Cependant, en ce qui concerne Dynamic, l’effet concret de ce préjudice était moindre puisque sa propre soumission n’était pas conforme au critère technique obligatoire n° 3[19]. Par conséquent, le Tribunal ne croit pas que Dynamic aurait légitimement obtenu le contrat, n’eût été l’évaluation inappropriée de TPSGC, et il n’y a pas lieu selon lui de recommander que Dynamic soit indemnisée pour perte de profits.
  4. Ce résultat concorde également avec l’intérêt du public d’éviter le double paiement d’un service et avec l’intérêt des soumissionnaires d’avoir la possibilité d’effectuer les travaux en question. En l’espèce, Dynamic et Wärtsilä auront de nouveau l’occasion de présenter une soumission quand le nouvel appel d’offres sera lancé. Les deux entreprises pourront alors remédier aux lacunes de leur soumission précédente, le cas échéant.
  5. Dans la mesure où les allégations de Dynamic concernent en particulier la conduite de Wärtsilä, il convient de répéter que la compétence du Tribunal se limite à l’examen des violations aux accords commerciaux applicables qu’aurait commis une institution fédérale dans sa façon de mener la procédure de passation d’un marché public par rapport à un contrat spécifique. Les pratiques commerciales concurrentielles des entreprises privées ne relèvent pas du régime de contestation des procédures de passation des marchés publics.
  6. De même, les autres mesures demandées par Dynamic outrepassent la compétence du Tribunal. Comme mentionné ci-dessus, par exemple, le délai accordé pour déposer une plainte est prévu par le Règlement et, par conséquent, tout changement s’y rapportant doit être soumis au gouvernement du Canada et est assujetti à l’approbation du Parlement. Le Tribunal n’est pas non plus la bonne instance pour formuler des préoccupations liées aux politiques internes de TPSGC ou du MDN en matière de discipline ou de formation. Le Tribunal croit toutefois que tous les ministères du gouvernement du Canada profiteront de l’occasion pour examiner les conclusions du Tribunal et améliorer leurs pratiques et leur formation en matière de passation de marchés publics.
  7. Comme TPSGC a déjà résilié le contrat, le Tribunal n’a pas à faire de recommandation à cet effet. Le Tribunal recommande donc de lancer un nouvel appel d’offres et reconnaît que TPSGC s’est engagé à le faire le plus rapidement possible.

FRAIS

  1. Dynamic demande le remboursement des frais encourus pour la préparation de sa soumission et le dépôt de sa plainte.
  2. Comme indiqué dans la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché du Tribunal (la Ligne directrice), les frais de préparation de la soumission sont les frais directs et indirects engagés par un requérant pour préparer une soumission pour le contrat spécifique qui a fait l’objet de la plainte.
  3. Sans égard à la violation commise par TPSGC dans l’évaluation de la soumission de Wärtsilä, le Tribunal a décidé qu’il était raisonnable pour TPSGC de rejeter la soumission de Dynamic au motif qu’elle n’était pas conforme aux critères obligatoires de l’appel d’offres. De plus, quand le nouvel appel d’offres sera lancé, Dynamic aura l’occasion de corriger les lacunes de sa soumission précédente. Si TPSGC n’avait pas commis de violation relativement à l’évaluation de la soumission de Wärtsilä, Dynamic n’aurait pas eu la chance de reprendre le processus et de peut-être se voir attribuer un contrat. Par conséquent, il n’y a pas lieu que le Tribunal accorde à Dynamic les frais de préparation de sa soumission.
  4. Le Tribunal estime que Dynamic a droit à une indemnité pour les frais encourus pour le dépôt de sa plainte. Aux fins de l’établissement de ces frais, la Ligne directrice prévoit trois degrés de complexité en fonction de la complexité du marché public, de la complexité de la plainte et de la complexité de la procédure.
  5. Le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au premier degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (« degré 1 »). La complexité du marché public était faible : les critères d’évaluation techniques obligatoires en question, énoncés dans les documents d’appel d’offres, étaient clairs. Le Tribunal estime que la complexité de la plainte était faible, surtout qu’il a été établi qu’une seule des allégations faites dans la plainte satisfaisait aux conditions législatives permettant au Tribunal d’enquêter. Enfin, la complexité de la procédure était faible puisque le Tribunal a pu rendre sa décision sur la foi de la preuve documentaire et des documents versés au dossier, lesquels n’étaient pas très complexes, et qu’une audience n’a pas été nécessaire. En outre, le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas lieu d’autoriser Wärtsilä à intervenir puisqu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour déterminer si le seul motif de plainte faisant l’objet de l’enquête était fondé, et que la procédure a été menée dans le délai normal de 90 jours.
  6. À ce titre, conformément à l’annexe A de la Ligne directrice, la détermination provisoire du Tribunal quant au degré de complexité de la plainte est que celle-ci correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal conclut que la plainte est en partie fondée.
  2. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, et étant donné que le contrat spécifique a été résilié par TPSGC le 10 avril 2018, le Tribunal recommande à titre de mesure corrective qu’un nouvel appel d’offres pour le contrat spécifique soit lancé.
  3. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Dynamic une indemnité raisonnable pour les frais encourus pour l’engagement de la procédure, indemnité qui doit être versée par TPSGC. Conformément à la Ligne directrice, la détermination provisoire du Tribunal quant au degré de complexité de la plainte est que celle-ci correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est donc de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité de la plainte ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3].      Pièce jointe au formulaire de plainte non confidentiel, courriel daté du 29 janvier 2018 de Mme E. Creighton de Dynamic à M. S. Nemati de TPSGC.

[4].      Pièce jointe au formulaire de plainte non confidentiel, courriel daté du 16 février 2018 de Mme V. Chan de Dynamic à M. S. Nemati de TPSGC.

[5].      Lettre du Tribunal au conseiller juridique de Wӓrtsilӓ datée du 6 avril 2018.

[6].      Commentaires de Dynamic sur le RIF au par. 34(a).

[7].      Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

[8].      Monroe Solutions Group Inc. (12 mai 2014), PR-2014-009 (TCCE) au par. 20.

[9].      Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[10].    En ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Te... (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC].

[11].    L’ALEC stipule que l’acheteur public doit fournir tous les renseignements nécessaires pour que les fournisseurs puissent présenter des soumissions valables, y compris les critères d’évaluation (article 509(7)), et que, pour être prise en considération, une soumission, au moment de l’ouverture du pli, doit satisfaire aux conditions requises énoncées dans l’appel d’offres (article 515(4)).

[12].    Comme le Tribunal l’a affirmé dans Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) au par. 25, « [l]a détermination de [l’institution fédérale] sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal ». Voir aussi Excel Human Resources Inc. c. Ministère de l’Environnement (2 mars 2012), PR-2011-043 (TCCE) au par. 33; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 52.

[13].    Le Tribunal prend acte que Dynamic a par la suite nié, dans ses commentaires sur le RIF au paragraphe 20, avoir admis que sa soumission ne satisfaisait pas aux critères techniques obligatoires de la DP. Néanmoins, la preuve documentaire déposée avec la plainte indique clairement que Dynamic a admis à TPSGC que sa soumission ne satisfaisait pas au critère technique obligatoire no 3. Voir le paragraphe 7 ci-dessus et la pièce jointe au formulaire de plainte non confidentiel, courriel daté du 29 janvier 2018 de Mme E. Creighton de Dynamic à M. S. Nemati de TPSGC : « Si vous vous en tenez à la « lettre » de la loi, nous ne sommes pas conformes pour le moment. »

[14].    RIF au par. 14.

[15].    Commentaires de Dynamic sur le RIF au par. 16.

[16].    Articles 30.1 à 30.19 de la Loi sur le TCCE et le Règlement.

[17].    Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193, aux par. 21-23.

[18].    Oshkosh Defense Canada Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux – Ordonnance et motifs (29 décembre 2017), PR-2015-051 et PR-2015-067 au par. 71.

[19].    Le Tribunal prend acte que les termes du contrat énoncés dans la DP au paragraphe 7.4.1 prévoyait que les travaux devaient débuter le 1er avril 2018. Il n’y a aucun élément de preuve au dossier qui indique que Wärtsilä avait commencé à exécuter le contrat avant sa résiliation le 10 avril 2018, mais même si cela était le cas, le Tribunal ne recommanderait pas qu’une indemnité pour perte de profits soit versée à Dynamic pour cette période de 10 jours étant donné la conclusion du Tribunal selon laquelle TPSGC a déterminé de façon raisonnable que la soumission de Dynamic n’était pas conforme aux critères techniques obligatoires de la DP.