OSHKOSH DEFENSE CANADA INCORPORATED

OSHKOSH DEFENSE CANADA INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Dossiers nos PR-2015-051 et PR‑2015-067

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 29 décembre 2017

TABLE DES MATIÈRES

ORDONNANCE

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

EU ÉGARD À une plainte déposée par Oshkosh Defense Canada Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE DE la décision et de la recommandation du Tribunal canadien du commerce extérieur, et de son ordonnance demandant des observations sur l’indemnité et les frais.

ENTRE

OSHKOSH DEFENSE CANADA INC. Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande par les présentes que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux indemnise Oshkosh Defense Canada Inc. pour perte d’opportunité comme suit (tous les montants qui figurent dans la présente ordonnance sont en dollars canadiens) :

1. 25 337 931,79 $, payable immédiatement, représentant un tiers de sa perte de profits pour les premiers cinq ans du contrat d’acquisition et du contrat SES et les pièces de rechange;

2.    Options : un tiers de sa perte de profits, celle-ci représentant 10 p. 100 des bénéfices (taxes exclues) indiqués ci-dessous, payables seulement si elles sont exercées, le cas échéant, par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux en vertu de ses contrats avec le soumissionnaire retenu :

a)            Contrat d’acquisition

i.             Véhicules et équipement connexe : montant calculé selon les prix unitaires proposés par Oshkosh Defense Canada Inc. dans sa soumission, sous « Vehicles and Related Equipment – Scenario 1 – Options », multipliés par le nombre de véhicules MMN des différents types et d’équipements connexes visés par une option;

ii.            Données et autres produits de SLI : ██████████ $

b)            Contrat SES : ████████████ $ pour chaque prolongation de cinq ans exercée (ou une partie de ce montant calculée au prorata pour toute prolongation d’une durée inférieure à cinq ans);

c)            Pièces de rechange : valeur de toute modification apportée au contrat visant les pièces de rechange.

Dans sa décision du 20 mai 2016, le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, a accordé à Oshkosh Defense Canada Inc. le remboursement des frais raisonnables encourus pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure. Le Tribunal canadien du commerce extérieur avait souligné le haut degré de complexité de la plainte et avait affirmé que, par conséquent, il exercerait son pouvoir discrétionnaire de s’écarter de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Ayant examiné les observations des parties, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde par les présentes à Oshkosh Defense Canada Inc. ses frais au montant de 153 120 $ pour la préparation de sa plainte et l’engagement de la procédure et ordonne au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué rapidement.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Dans sa décision du 20 mai 2016, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , a déterminé que les plaintes déposées par Oshkosh Defense Canada Inc. (Oshkosh) étaient fondées en partie.

2.    Les plaintes concernaient une demande de proposition (DP) (invitation no W8476‑06MSMP/L) publiée le 13 juillet 2013, dont la date de clôture était le 14 janvier 2014, par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du ministère de la Défense nationale (MDN), pour l’acquisition de véhicules de modèle militaire normalisé (MMN) pour le projet du système de véhicules de soutien moyen (SVSM) (contrat d’acquisition). L’appel d’offres visait également l’acquisition « d’équipement connexe » (remorques, systèmes de protection blindée (SPB) et équipement connexe) pour les véhicules MMN, ainsi que le soutien en service (contrat SES) (collectivement avec le contrat d’acquisition, les contrats subséquents).

3. L’évaluation a été effectuée selon le protocole fondé sur la preuve de conformité et selon le protocole fondé sur le programme de conformité technique (PCT). Pour les exigences techniques évaluées selon le PCT, Oshkosh a fourni trois véhicules pour les essais.

4. Le Tribunal a conclu que cinq des neuf motifs de plainte déposés par Oshkosh étaient fondés. En plus de conclure que le processus d’évaluation n’avait pas été adéquatement documenté, le Tribunal a conclu que TPSGC n’avait pas tenu compte de renseignements dans la soumission d’Oshkosh concernant l’exigence BA-9-5 (capacité de levage de la grue) ou avait omis de suivre un processus d’évaluation transparent en n’expliquant pas pourquoi les évaluateurs étaient revenus sur leur décision initiale. En outre, le Tribunal a conclu que TPSGC avait violé les accords commerciaux applicables en n’effectuant pas de façon appropriée les essais fondés sur le PCT comme suit :

a.         le réglage du système central de gonflage des pneus n’a pas été fait correctement pour évaluer l’aptitude en pente sablonneuse (exigence BA-668);

b.         la liste des réglages du véhicule n’a pas été consultée pour les essais de la qualité de roulement (exigence BA-645), la distance de freinage du véhicule (exigence BA-516), la vitesse maximum (exigence BA-120), le temps d’accélération (exigence BA-514), l’aptitude en pente à grande vitesse (exigence BA-542) et la charge utile du véhicule (exigence BA-486);

c.          la charge utile du véhicule n’a pas fait l’objet d’un essai adéquat selon le processus spécifié dans la DP.

5. Étant donné ce qui précède, et le fait que le Tribunal n’a pu déterminer quel aurait été le résultat des essais si ceux-ci avaient été exécutés correctement, le Tribunal a recommandé que TPSGC reprenne les évaluations des essais prévus au PCT énumérés ci-dessus.

6. Toutefois, le Tribunal a aussi tenu compte de la possibilité qu’une reprise des évaluations des essais ne soit pas faisable. À ce titre, le Tribunal a recommandé aux parties de déterminer la faisabilité d’une réévaluation de la conformité technique et d’en aviser le Tribunal. Dans le cas où une réévaluation de la conformité technique ne serait plus possible, le Tribunal a recommandé que TPSGC indemnise Oshkosh pour perte d’opportunité.

7. Le Tribunal a aussi accordé à Oshkosh le remboursement des frais raisonnables encourus pour la préparation de ses plaintes et l’engagement des procédures. Compte tenu du degré exceptionnel de complexité des plaintes, le Tribunal a indiqué qu’il exercerait son pouvoir discrétionnaire de s’écarter de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public et qu’il aviserait les parties de la marche à suivre pour le dépôt de leurs observations sur les frais à une date ultérieure.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

8. Le 20 mai 2016, le Tribunal a communiqué aux parties sa décision sur le bien-fondé des plaintes et a rendu ses motifs le 20 juillet 2016.

9.Le 31 août 2016, TPSGC a informé le Tribunal que la réévaluation de la conformité technique n’était pas possible.

10.Le 1er septembre 2016, le Tribunal a demandé aux parties d’entamer des discussions pour déterminer le montant approprié de l’indemnité à verser par TPSGC et d’en faire rapport au Tribunal le 3 octobre 2016 au plus tard.

11.Entre le 7 octobre 2016 et le 18 janvier 2017, les parties ont demandé et obtenu quatre prorogations de délai pour faire rapport au Tribunal de leurs discussions sur le montant approprié de l’indemnité à verser par TPSGC.

12.  Le 6 mars 2017, Oshkosh a informé le Tribunal que les parties n’étaient pas parvenues à s’entendre sur le montant de l’indemnité, et a demandé que le Tribunal fixe une échéance pour la réception d’observations sur la question de l’indemnité.

13. Le 10 mars 2017, le Tribunal a enjoint aux parties de déposer leurs observations sur le montant de l’indemnité à verser par TPSGC.

14.Le 3 avril 2017, Oshkosh a déposé ses observations sur l’indemnité. Y figuraient, comme éléments de preuve, une déclaration sous serment du vice-président des Finances d’Oshkosh, M. Tim Bleck, une déclaration sous serment de M. Alan Williams (un ancien employé du gouvernement proposé comme témoin expert en marchés publics), ainsi qu’un rapport et un addenda sur le montant de l’indemnité rédigés par les témoins experts proposés, MM. Kas Rehman et Glenn Smith, du cabinet comptable KPMG.

15 Le 9 juin 2017, TPSGC a déposé ses observations en réponse sur l’indemnité, y compris des éléments de preuve sous forme d’une déclaration sous serment de M. Yves Lortie (l’autorité contractante de TPSGC à l’égard de la DP en question), une déclaration sous serment de M. Steve Walkiewicz (l’ingénieur d’essais au Nevada Automotive Test Center qui était chargé d’effectuer les essais sur les véhicules des soumissionnaires dans le cadre de la DP), et un rapport sur le montant de l’indemnité rédigé par le témoin expert proposé, M. Scott Davidson, du cabinet comptable Duff & Phelps.

16 Le 17 juillet 2017, Oshkosh a déposé des observations en réponse aux observations en réponse préalablement déposées par TPSGC, y compris un rapport en réponse de KPMG.

17Le 25 septembre 2017, le Tribunal a communiqué aux deux parties une demande de renseignements sur certaines questions relatives à l’indemnité. Le Tribunal a reçu les réponses des parties le 13 octobre 2017, et les répliques de chacune des parties aux réponses de l’autre partie le 25 octobre 2017.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

18.Durant l’étape de l’enquête du Tribunal traitant de l’indemnité, qui a duré plus d’un an, les parties ont présenté de nombreuses requêtes portant sur la recevabilité des éléments de preuve, sur la compétence des témoins experts proposés, sur la production de documents et sur d’autres points. Le Tribunal a rendu une décision à l’égard de certaines de ces requêtes après avoir reçu les observations des parties; en ce qui concerne les autres requêtes, il a choisi de se prononcer au moment de rendre sa décision. Le Tribunal expose ci-après les motifs appuyant les décisions rendues à l’égard des premières requêtes, ainsi que les décisions et motifs rendus à l’égard des autres requêtes.

Motifs des décisions rendues antérieurement

Reconnaissance des témoins experts

19.   Les parties ont proposé les quatre témoins experts suivants :

a.         Oshkosh – M. Kas Rehman (KPMG), M. Glenn Smith (KPMG) et M. Allan Williams (anciennement sous-ministre adjoint de TPSGC et du MDN);

b.         TPSGC – M. Scott Davidson (Duff & Phelps).

Les deux parties ont consenti à la reconnaissance de leurs experts financiers respectifs (MM. Rehman, Smith et Davidson), et le Tribunal, le 23 juin 2017, a reconnu ceux-ci à titre de témoins experts relativement à la détermination du montant de l’indemnité pour perte d’opportunité faisant l’objet du litige en l’espèce [2] .  Toutefois, TPSGC s’est opposé à la participation de M. Williams à titre de témoin expert, au motif qu’il n’a pas de domaine d’expertise reconnu ou manifeste, qu’il n’a pas pris part à la procédure de passation du marché public en question, et qu’il donnait une opinion sur l’une des questions de fait essentielles devant le Tribunal.

20. Dans sa réponse, Oshkosh reconnaissait que les déclarations de M. Williams constituaient principalement des éléments de preuve factuels, mais qu’elle voulait que M. Williams soit reconnu à titre de témoin expert « par mesure de précaution » [3] [traduction]. Oshkosh soutenait toutefois que les observations et les opinions de M. Williams au sujet de la décision du gouvernement d’exercer ou non les options prévues dans une DP concernent directement les questions liées à l’affaire. De plus, Oshkosh était d’avis que l’expérience de M. Williams à titre de sous-ministre adjoint responsable de l’approvisionnement à TPSGC et au MDN lui conférait une expertise que le Tribunal ne possède pas, de sorte qu’il répondait au critère de nécessité.

21. Enfin, Oshkosh affirmait qu’il n’existait aucune règle d’exclusion applicable, et que l’expérience vaste et directe de M. Williams au sujet des questions en litige montrait qu’il possède les qualifications suffisantes pour exercer le rôle d’expert. Par conséquent, Oshkosh a fait valoir que M. Williams devait être reconnu à titre de témoin expert. 

22. Comme la Cour suprême du Canada l’a affirmé, le critère permettant de déterminer si un témoin peut être reconnu à titre d’expert comporte deux volets [4]  :

Dans un premier temps, celui qui veut présenter le témoignage doit démontrer qu’il satisfait aux critères d’admissibilité, soit les quatre critères énoncés dans l’arrêt Mohan, à savoir la pertinence, la nécessité, l’absence de toute règle d’exclusion et la qualification suffisante de l’expert. De plus, dans le cas d’une opinion fondée sur une science nouvelle ou contestée ou sur une science utilisée à des fins nouvelles, la fiabilité des principes scientifiques étayant la preuve doit être démontrée [...].

Dans un deuxième temps, le juge-gardien exerce son pouvoir discrétionnaire en soupesant les risques et les bénéfices éventuels que présente l’admission du témoignage, afin de décider si les premiers sont justifiés par les seconds. Cet exercice nécessaire de pondération a été décrit de plusieurs façons [...] [et comprend] « la pertinence, la fiabilité et la nécessité par rapport au délai, au préjudice, à la confusion qui peuvent résulter » [...].

23.   Le Tribunal, ainsi qu’il en a informé les parties dans sa lettre du 23 juin 2017, n’est pas convaincu que le témoignage sous forme d’opinion de M. Williams qui a été présenté en l’espèce soit assez pertinent pour justifier sa reconnaissance à titre de témoin expert. Selon le critère de la pertinence, il faut que le témoignage « tende, selon l’expérience humaine et la logique, à rendre l’existence ou la non-existence d’un fait en question plus ou moins probable qu’elle ne le serait n’eût été ce témoignage » [5] [traduction]. Le Tribunal est conscient de l’expérience appréciable de M. Williams en matière d’approvisionnement à TPSGC et au MDN; toutefois, il demeure que M. Williams a quitté le gouvernement fédéral en 2005, bien avant le lancement de la procédure de passation du marché public en question. Bien qu’il ne fasse pas de doute pour le Tribunal que M. Williams a formulé, tout au long de son mandat, des opinions pertinentes sur les facteurs et les politiques pris en compte par le gouvernement fédéral pour décider d’exercer ou non les options prévues dans une DP, de nombreux changements ont pu se produire dans l’intervalle, et chaque procédure de passation de marché public lancée par une institution gouvernementale se déroule dans un contexte entièrement distinct et poursuit des objectifs qui lui sont propres. Son témoignage est donc peu pertinent.

24.Qui plus est, le critère de la nécessité n’est pas respecté lui non plus. « En ce qui a trait à la nécessité, la question est de savoir si l’expert fournit des renseignements qui dépassent vraisemblablement l’expérience et les connaissances ordinaires du juge des faits [6] . » Il est bien établi que les témoins peuvent fournir leur témoignage sur les faits sans nécessairement devoir être reconnus à titre de témoins experts. Le fait de reconnaître à un tel témoin le titre de témoin expert vise à permettre à celui-ci « de fournir au juge et au jury une conclusion toute faite que ces derniers, en raison de la technicité des faits, sont incapables de formuler » [7] . 

25.  La déclaration sous serment de M. Williams fait cinq pages, dont deux portent sur son expérience professionnelle. Les trois autres pages contiennent des exemples d’autres contrats dans le cadre desquels le gouvernement a exercé des options, ainsi qu’une description des pratiques générales de TPSGC et du MDN en matière de passation de marchés, selon ce qu’il a observé. À la fin de sa déclaration sous serment, il affirme : « Je suis d’avis que dans les cas où les biens sont achetés ou mis à niveau en lots au fil du temps ou lorsque le gouvernement conclut des marchés divisés en périodes de cinq ans pour l’entretien d’un bien, il décide généralement de se prévaloir des périodes d’option prévues dans ses propositions [...] » [8] [traduction]. Les faits sous-jacents relatés dans la déclaration sous serment et la conclusion reproduite ci-dessus ne sont pas d’une nature à ce point technique ou scientifique qu’ils justifieraient la nécessité d’obtenir une expertise particulière. Ainsi, il n’y a pas lieu de lui reconnaître le titre de témoin expert.

26.Néanmoins, le Tribunal souscrit à l’affirmation d’Oshkosh selon laquelle l’essentiel du témoignage de M. Williams est de nature factuelle, car il repose sur l’observation de faits qui se sont produits durant son mandat à TPSGC et au MDN. Dans la mesure où le témoignage expose des faits, le Tribunal le considère comme recevable à cet égard.

27. Toutefois, étant donné que le témoignage de M. Williams porte exclusivement sur la probabilité que le gouvernement exerce ses options dans le cadre du contrat attribué et effectue une remise en état à mi-vie, et que le Tribunal a conclu (comme expliqué ci-après) que, d’un point de vue juridique, Oshkosh n’a pas droit à une indemnité pour perte de profits liée à une remise en état à mi-vie, et que le Tribunal n’émettra aucune hypothèse quant à savoir si des options pourraient être exercées ou non (recommandant plutôt que l’indemnité soit payée à Oshkosh lorsqu’elles le seront, le cas échéant), le témoignage de M. Williams et la question de sa recevabilité et du poids à lui accorder sont en grande partie théoriques.

Requête en radiation

28. Le 14 juin 2017, Oshkosh a déposé une demande d’ordonnance ou de déclaration de retrait de certaines parties des observations et éléments de preuve à l’appui déposés par TPSGC, au motif que TPSGC – par l’entremise du témoignage sous serment fait par M. Walkiewicz le 2 juin 2017, dans lequel celui-ci affirmait que les lacunes que le Tribunal avait relevées dans sa décision n’avaient eu aucune incidence sur les essais des véhicules d’Oshkosh – tentait indûment d’engager une nouvelle instance à l’égard de questions déjà tranchées par le Tribunal dans sa décision et son exposé des motifs du 20 juillet 2016. Plus précisément, Oshkosh soutenait que TPSGC tentait d’engager une nouvelle instance à l’égard des conclusions du Tribunal sur l’exigence BA-486, selon lesquelles TPSGC avait mis fin prématurément à l’essai concernant la charge utile du véhicule – vitesse en pente avant d’atteindre une pente de 5 p. 100 et avait omis de consulter la liste des réglages du véhicule pour le même essai. Oshkosh affirmait que le Tribunal devait rejeter catégoriquement tous les arguments et éléments de preuve présentés par TPSGC dans le but de revenir sur les conclusions du Tribunal, ainsi que l’affirmation concomitante de TPSGC selon laquelle Oshkosh n’aurait pas été le soumissionnaire ayant obtenu la note la plus élevée et n’avait donc pas droit à une indemnité pour perte d’opportunité.

29. TPSGC affirmait, dans sa réponse déposée le 21 juin 2017, n’avoir pas eu la possibilité de verser au dossier de nouveaux éléments de preuve au sujet de l’essai BA-486 lors de l’enquête sur le bien-fondé menée par le Tribunal. TPSGC ajoutait qu’il ignorait à l’époque la signification des points (5,1188) pouvant être attribués pour l’essai, car la décision du Tribunal sur le bien-fondé de chacun des motifs de plainte d’Oshkosh lui était encore inconnue. TPSGC a aussi établi une distinction entre deux points, soit, d’une part, le fait de remettre en question les conclusions antérieures du Tribunal selon lesquelles, contrairement aux dispositions de la DP, il avait été mis fin à l’essai de vitesse en pente avant l’atteinte de la pente de 5 p. 100 requise et la liste des réglages du véhicule n’avait pas été consultée, et, d’autre part, le fait de contester les conclusions selon lesquelles ces lacunes auraient empêché Oshkosh d’obtenir la note la plus élevée. Selon TPSGC, les éléments de preuve contestés n’avaient trait qu’au second point, qui est une question distincte à laquelle la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’applique pas. TPSGC maintenait que la décision du Tribunal avait laissé en suspens la question de savoir si Oshkosh aurait ou non obtenu un meilleur résultat n’eût été les erreurs commises lors de l’essai. Subsidiairement, TPSGC faisait valoir que la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’appliquait pas en l’espèce, car il n’était pas question d’une nouvelle procédure judiciaire, mais de la même dans laquelle les voies d’appel n’avaient pas été épuisées.

30. Dans sa réponse déposée le 23 juin 2017, Oshkosh affirmait que le Tribunal, dans sa décision, avait conclu de façon définitive que les erreurs commises lors des essais avaient pu influencer la note d’Oshkosh et que le préjudice était assez important pour justifier la reprise des essais ou, en remplacement de celle-ci, une indemnité pour perte d’opportunité. Oshkosh faisait valoir qu’elle avait soulevé la question de l’essai relatif à l’exigence BA-486 le 7 avril 2016, et que TPSGC lui avait répondu (par une lettre écrite sous serment par M. Walkiewicz) le 15 avril 2016. Oshkosh faisait remarquer qu’à aucun moment, ni avant que le Tribunal ait rendu sa décision et ses motifs, ni après, TPSGC ne s’était opposé au processus à suivre pour présenter des observations sur cette question.

31.Comme mentionné dans sa lettre du 29 juin 2017, le Tribunal conclut que la déclaration sous serment de M. Walkiewicz soumet bel et bien de nouveau des questions sur lesquelles le Tribunal s’était déjà prononcé de manière définitive dans sa décision et ses motifs.

32.Dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., la Cour suprême du Canada a énoncé les conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée comme suit [9]  :

(1)    que la même question ait été décidée;

(2)    que la décision judiciaire invoquée comme créant la [préclusion] soit finale; et

(3)     que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la [préclusion] est soulevée, ou leurs ayants droit.

33.   Les deux premières conditions s’appliquent manifestement à l’espèce, et TPSGC a reconnu la troisième. Les éléments de preuve contestés ont trait au fait que TPSGC n’a pas effectué l’essai concernant la charge utile du véhicule – vitesse en pente jusqu’à l’atteinte d’une pente de 5 p. 100, comme il était exigé, et n’a pas consulté la liste des réglages du véhicule.

34. En ce qui concerne l’exigence relative à la pente, le Tribunal a énoncé ce qui suit dans sa décision et ses motifs [10]  :

202. [...] [e]n faisant uniquement l’essai d’une charge de traction au timon représentant au plus une pente de ███ p. 100, les données recueillies par TPSGC sont incomplètes, ce qui contrevient aux dispositions de la DP.

203. Malgré cette conclusion, le Tribunal est bien conscient qu’Oshkosh n’aurait pas nécessairement obtenu de meilleurs résultats à l’issue de l’évaluation de la vitesse en pente si les essais avaient été effectués conformément aux pourcentages indiqués dans la fourchette. Toutefois, il n’en demeure pas moins que le fait pour TPSGC de ne pas avoir recueilli les données de la façon indiqué dans les procédures d’essai a fait en sorte qu’il n’a pu produire entièrement la courbe de tendance linéaire décrite dans la DP, ce qui a nécessairement influencé les résultats des essais effectués sur le véhicule d’Oshkosh. En l’absence de l’évaluation des pentes plus élevées, données qui n’ont donc pas été intégrées à la courbe de tendance linéaire, il est impossible pour le Tribunal de déterminer quelle aurait été la performance du véhicule d’Oshkosh.

237. Puisque les erreurs commises dans le cadre du processus d’évaluation ont influencé le déroulement des essais prévus au PCT, le Tribunal estime que le seul moyen de savoir quelle note Oshkosh aurait obtenue si les procédures d’essai avaient été respectées consiste à reprendre les évaluations suivantes des essais prévus au PCT [...].

240. [...] Si TPSGC et Oshkosh estiment que la reprise des essais n’est pas faisable, le Tribunal recommande alors que TPSGC indemnise Oshkosh pour sa perte d’opportunité. [...]

[Nos italiques]

Ainsi, le Tribunal a explicitement examiné et rejeté, dans sa décision et ses motifs, l’argument (maintenant relancé) selon lequel l’arrêt prématuré de l’essai de vitesse en pente n’avait eu aucun effet sur la note d’Oshkosh. Néanmoins, dans sa déclaration sous serment, M. Walkiewicz écrit que « le fait est que le véhicule d’Oshkosh n’a pas maintenu une vitesse de ██km/h dans une pente de █ p. 100. [...] Manifestement et indubitablement, ce véhicule ne pouvait pas satisfaire à l’exigence » [11] [traduction]. Il s’agit d’une atteinte directe à la décision précitée du Tribunal selon laquelle cela a « nécessairement influencé les résultats des essais effectués sur le véhicule d’Oshkosh » et qu’« il est impossible pour le Tribunal de déterminer quelle aurait été la performance du véhicule d’Oshkosh ».

35. En ce qui concerne la liste des réglages, le Tribunal a établi ce qui suit dans sa décision et ses motifs antérieurs :

186. [...] même si Oshkosh a placé une liste des réglages dans la cabine de ses véhicules d’essai, TPSGC ne l’a pas consultée. [...]

188. En reconnaissant que la liste des réglages n’a pas été consultée, TPSGC se trouve à reconnaître qu’il n’a pas suivi les directives de la DP. Le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

36.   Nonobstant ce qui précède, il est affirmé dans la déclaration sous serment de M. Walkiewicz que ██████████ ████████████ █████████ █████ ███████████ █████ ███ ██████████████ ████████ ███████ ████████ █████████ ████████ ███████████ ████████████████ ██████████ ██████ ████ ████████████ █████████ █████████ ██████████ ██████████ ██████ [12] [traduction]. Cette affirmation contredit elle aussi directement les motifs du Tribunal, dans lesquels il est conclu le contraire [13] .

37. La deuxième condition pour l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (le caractère définitif) est aussi respectée. La décision du Tribunal était définitive. En fait, la Cour d’appel fédérale a été saisie du contrôle judiciaire de la décision, et le Tribunal est functus officio à cet égard.

38.   Pour ce qui est de l’argument de TPSGC concernant le manquement à l’équité procédurale, le dossier révèle que TPSGC a eu amplement l’occasion de présenter des observations sur le bien-fondé des plaintes déposées par Oshkosh au sujet de la liste des réglages et de l’essai de vitesse en pente pour l’exigence BA-486. Oshkosh a soulevé la question de l’essai de vitesse en pente le 7 avril 2016, et TPSGC a répondu le 15 avril 2016, par une lettre de M. Walkiewicz dont le passage pertinent est le suivant : « Les charges atteintes durant l’essai de vitesse en pente des véhicules d’Oshkosh ont adéquatement simulé les pentes requises pour les besoins de l’essai » et « [l]es données recueillies durant la réalisation de l’essai de vitesse en pente des véhicules d’Oshkosh ont généré une courbe de régression qui a permis d’obtenir les résultats requis au test avec exactitude et fidélité » [14] [traduction]. Ces phrases sont tirées mot pour mot du paragraphe 16 de la déclaration sous serment de M. Walkiewicz, et sont suivies de ses observations complémentaires selon lesquelles « le véhicule d’Oshkosh n’a pas maintenu une vitesse de ██ km/h dans une pente de █ p. 100. [...] Manifestement et indubitablement, ce véhicule ne pouvait pas satisfaire à l’exigence » [traduction]. La conclusion contestée figurant dans la dernière phrase de la déclaration sous serment est implicite dans l’extrait cité de la lettre, mais aurait néanmoins pu figurer explicitement dans cette dernière.

39. Le Tribunal ne souscrit pas non plus à l’argument selon lequel TPSGC était dans une position désavantageuse parce qu’il n’aurait pas su reconnaître l’importance de l’essai de vitesse en pente. Après avoir terminé l’évaluation des réponses à la DP, TPSGC savait que la note du soumissionnaire retenu était supérieure de ██████ points à celle d’Oshkosh, et que celle-ci avait la possibilité d’obtenir jusqu’à ███████ points de plus à la suite d’une reprise des essais [15] . De même, dès qu’il a reçu la plainte d’Oshkosh, TPSGC savait qu’au nombre des exigences visées par la plainte, l’exigence BA-486 était celle relativement à laquelle Oshkosh avait le plus à gagner au chapitre des points obtenus (x) et des points disponibles (5,1188) [16] . Il savait en outre que l’essai de vitesse en pente englobait plusieurs des exigences prévues dans la DP, dont les exigences BA-122, BA-542, et BA-486 [17] .

40.   Néanmoins, même si TPSGC avait de véritables préoccupations à l’égard de l’équité procédurale, il aurait été tenu par la loi de les soulever « à la première occasion qui lui [était] donnée » [18] . Dans ses observations, TPSGC relate en détail la séquence des dépôts, mais il ne mentionne nulle part dans le dossier le moment auquel il a demandé au Tribunal de déposer des observations supplémentaires sur l’exigence BA-486 en réponse au fait qu’Oshkosh avait invoqué l’essai de vitesse en pente comme motif de plainte, le 7 avril 2016. Il souligne que, le 25 avril 2016, le Tribunal a rejeté la demande de dépôt d’observations supplémentaires présentée par Oshkosh, mais cela ne permet pas pour autant à TPSGC d’affirmer que son droit à l’équité procédurale a été bafoué.

41. Pour ces motifs, le Tribunal, dans sa lettre datée du 29 juin 2017, a accueilli la demande d’Oshkosh et radié les éléments suivants : la section 3 (« Oshkosh a droit à une indemnité pour perte d’opportunité évaluée à zéro » [traduction]) des observations de TPSGC déposées le 9 juin 2017; la déclaration sous serment de M. Walkiewicz; les paragraphes 58 et 60 de la déclaration sous serment de M. Lortie résumant la déclaration sous serment de M. Walkiewicz.

42. Une dernière remarque aux fins de clarté. La tentative faite par TPSGC d’étoffer ses observations sur le préjudice causé à Oshkosh en raison des erreurs en cours d’essai fait ressortir un aspect du processus d’enquête du Tribunal sur lequel il convient d’apporter des éclaircissements. En raison des délais réglementaires stricts, le Tribunal doit en général se prononcer sur le bien-fondé d’une plainte et recommander une mesure corrective en même temps. Il arrive fréquemment que les observations des parties soient axées sur le premier élément au détriment du second, de façon compréhensible étant donné les contraintes de temps. Cette situation est problématique, car la question de la mesure corrective a bien souvent une importance égale ou supérieure à celle de savoir s’il y a eu manquement sur le plan technique aux dispositions de la DP ou de l’accord commercial, vu l’étendue des mesures correctives que le Tribunal peut recommander, lesquelles vont du simple remboursement des frais encourus pour la préparation de la soumission à une indemnité pour perte d’opportunité qui, dans des cas comme celui qui nous intéresse, peut équivaloir à des sommes importantes.

43. Pour limiter le risque qu’une mesure corrective inappropriée soit recommandée, les parties doivent présenter des arguments et des éléments de preuve exhaustifs relativement aux critères énoncés à l’article 30.15 de la Loi sur le TCCE, en particulier concernant le préjudice (causalité), dans la plainte, dans le RIF et dans la réponse. De plus, dans les cas où une demande d’indemnité est présentée et où les parties ne peuvent en toute connaissance de cause déposer d’observations sur la causalité tant qu’elles ignorent encore les conclusions du Tribunal sur le bien-fondé des motifs de la plainte, celles-ci devraient demander que le Tribunal se réserve le pouvoir d’examiner des éléments de preuve et arguments supplémentaires sur la probabilité, d’après les motifs de recours jugés valides par le Tribunal, que le plaignant eût été le soumissionnaire retenu dans le cadre de la DP n’eût été les erreurs. Dans les cas où le Tribunal se prévaudrait d’une telle réserve dans sa décision, il n’y aurait pas de conclusions finales quant à la détermination du montant de l’indemnité; toutefois, sa décision sur le bien-fondé et la nature de la mesure corrective recommandée demeurerait définitive pour les besoins du contrôle judiciaire.

Décisions rendues dans les présents motifs

Documents confidentiels du Cabinet

44.  Le 18 avril 2017, Oshkosh a demandé à TPSGC de déposer les commentaires faites par TPSGC ou le MDN au Conseil du Trésor au sujet du programme SVSM, ainsi qu’une copie non expurgée de la vérification interne de ce projet effectuée par le MDN (collectivement désignés « les documents ») [19] .

45.  TPSGC s’est opposé à la production des documents, au motif qu’ils pouvaient constituer des documents confidentiels du Cabinet, de sorte que toute demande de transmission de ceux-ci devait être examinée par le ministère de la Justice et le Bureau du Conseil privé.

46Le Tribunal a admis l’affirmation de TPSGC selon laquelle les documents pouvaient constituer des documents confidentiels du Cabinet, auquel cas il revenait au ministère de la Justice et au Bureau du Conseil privé de se prononcer à leur égard. Le Tribunal a demandé à TPSGC de confirmer la classification des documents et, dans l’éventualité où ils ne constitueraient pas des documents confidentiels du Cabinet, de les déposer auprès du Tribunal dans les plus brefs délais [20] . TPSGC n’a jamais confirmé la classification des documents ni déposé les documents. 

47. Le Tribunal rejette la demande, parce qu’il estime que les documents n’auraient pas été pertinents en droit. Le Tribunal a conclu qu’Oshkosh ne devrait obtenir une indemnité que pour les options exercées par le gouvernement dans les faits. Le Tribunal conclut qu’il est inapproprié de recommander le versement d’un montant d’indemnité fixe qui inclut ou exclut les profits perdus liés à des options qui pourraient ou non être exercées dans 5, 10, 15 ou 20 ans par le même gouvernement ou par un gouvernement différent. Comme décrit ci-après, le Tribunal estime qu’un tel exercice, quand bien même il reposerait sur des documents importants du Conseil du Trésor, de TPSGC et du MDN, est proprement conjectural et donc inapproprié. Comme la décision du Tribunal de recommander ou non l’indemnisation à l’égard des options trouve son fondement dans le droit, la présence éventuelle d’éléments de preuve dans les commentaires au Conseil du Trésor et dans la vérification interne effectuée par le MDN qui éclaireraient sur la probabilité que les options soient exercées n’est d’aucune pertinence. Par conséquent, la demande est rejetée.

Factures non expurgées des services juridiques

48.   À l’appui de sa demande de remboursement des frais, Oshkosh a déposé le 27 juillet 2017 des copies de ses factures de services juridiques et de services d’experts, en même temps que ses observations en réponse sur l’indemnité. Les factures ont été déposées dans une enveloppe scellée en tant qu’« exemplaire unique » et réservées exclusivement au Tribunal, ce qui signifie qu’elles ne doivent pas être communiquées au public ni même au conseiller juridique de TPSGC. Dans une lettre datée du 4 août 2017, le Tribunal a demandé à Oshkosh de justifier sa demande de dépôt d’un exemplaire unique. Dans une lettre datée du 10 août 2017, Oshkosh a fait valoir que les descriptions figurant dans les relevés des services obtenus sont protégées par le secret professionnel de l’avocat et ne peuvent être divulguées à l’avocat de la partie adverse, invoquant les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Canada (Revenu national) c. Thompson, 2016 CSC 21, et Maranda c. Richer, 2003 CSC 67. Elle affirmait également que le dépôt des factures auprès du Tribunal ne constituait pas une levée du secret professionnel, conformément à la décision Richard A. Kanan Corporation c. The Queen, 2011 TCC 211.

49. Dans le but de fournir des renseignements pertinents sans lever le secret professionnel, Oshkosh a joint deux tableaux à sa lettre datée du 10 août 2017, lesquels montrent les montants facturés par KPMG depuis 2016 et les montants des honoraires facturés par les avocats d’Oshkosh depuis la fin de 2015. Au lieu de fournir le compte rendu prétendument protégé des services obtenus, Oshkosh en a fourni une description générale. 

50. Dans une lettre en réponse datée du 11 août 2017, TPSGC a qualifié les renseignements ainsi transmis d’inadéquats, car les factures n’étaient ventilées que selon le cabinet et le mois, et ne contenaient aucune information sur l’identité des professionnels ayant comptabilisé leur temps, sur leurs taux horaires, et sur les services rendus par chacun. Par conséquent, TPSGC a dit ne pas être en mesure de se prononcer de façon éclairée sur le caractère raisonnable des montants déclarés, notamment à l’égard de l’attribution et de la délégation des tâches parmi le personnel chevronné et le personnel subalterne. TPSGC demandait à Oshkosh de fournir de plus amples renseignements réservés à l’usage exclusif du conseiller juridique de TPSGC, soit : i) pour chacune des factures, l’identité des différents professionnels ayant comptabilisé leur temps; ii) le taux horaire de chacun; iii) le nombre d’heures facturées par chacun; iv) une description des services rendus par chaque professionnel dont le temps a été comptabilisé durant la période visée par la facture (mensuelle); v) les renseignements détaillés sur chacun des débours inclus; vi) des précisions sur l’inclusion ou non de la TVH dans les montants.

51.  Le 16 août 2017, Oshkosh a répondu dans une lettre à laquelle étaient joints les renseignements des catégories i) à iii), v) [21] et vi) [22] demandés par TPSGC. Elle refusait de fournir d’autres détails au sujet de la catégorie iv) (description des services), au motif qu’une telle démarche « irait totalement à l’encontre » [traduction] du secret professionnel revendiqué, invoquant la décision Newfoundland and Labrador (Information and Privacy Commissioner) c. College of the North Atlantic, 2013 NLTD(G) 185, dans laquelle la cour maintenait que la divulgation des factures de services juridiques (visées par une demande d’accès à l’information) pouvait amener à tirer des conclusions sur la stratégie juridique ou sur les communications avec le client.

52. Dans une lettre datée du 21 août 2017, le Tribunal a accusé réception des renseignements supplémentaires fournis par Oshkosh, et offrait à TPSGC une autre possibilité de les commenter.

53.TPSGC a déposé ses observations le 11 septembre 2017. Il y faisait valoir que, compte tenu du désaccord des parties, le Tribunal devait rendre sa décision sur les frais qu’une fois la question de l’indemnité tranchée, car les préoccupations d’Oshkosh concernant la divulgation des factures au cours de la procédure n’auraient alors plus lieu d’être.

54.Oshkosh a répondu dans une lettre datée du 18 septembre 2017 en faisant valoir que les renseignements déjà divulgués étaient suffisants et que la décision du Tribunal sur les frais ne devait pas être reportée.

55. Les tribunaux ont maintes fois reconnu que les factures de services juridiques sont présumées être protégées par le secret professionnel de l’avocat, car elles contiennent généralement des renseignements qui révèlent, directement ou indirectement, la nature et la date des communications entre l’avocat et le client [23] . La présomption « peut être réfutée par des éléments de preuve démontrant 1) qu’il n’y a aucune possibilité raisonnable que la divulgation des renseignements demandés mènera, directement ou indirectement, à la révélation de communications entre l’avocat et le client, ou 2) que les renseignements demandés ne se rapportent pas au bien-fondé de l’affaire et que leur divulgation ne porterait pas préjudice au client » [24] [traduction].

56.Oshkosh a divulgué tous les éléments requis à l’exception de la description des services fournis par chacun des professionnels pour chaque entrée de temps. Selon ce qu’a affirmé TPSGC, la description des services fournis n’a rien à voir avec le bien-fondé de l’affaire et qu’elle ne porte pas préjudice à Oshkosh si elle est uniquement divulguée au conseiller juridique (externe) de TPSGC, et ce, sans attendre que le Tribunal ait tranché de façon définitive toutes les autres questions de l’affaire.

57. Après examen des copies non expurgées des factures de services juridiques, le Tribunal conclut qu’elles ne contiennent pas de renseignements détaillés révélant les avis ou conseils donnés par les conseillers juridiques ni d’autres communications entre l’avocat et le client, mais plutôt une description générique des tâches effectuées à chacune des étapes de la procédure.

58.  Toutefois, le Tribunal conclut que cette question est sans portée pratique, car il a décidé de trancher en faveur de TPSGC et de déduire un montant important des honoraires juridiques réclamés par Oshkosh en se fondant sur des taux horaires et une répartition des tâches raisonnables, pour les motifs exposés à la fin de la présente décision.

Factures non expurgées des services de témoins experts

59. Oshkosh s’est aussi opposée à la divulgation des factures des services des témoins experts auxquels elle a eu recours en invoquant le privilège relatif au litige.

60.   « Le privilège relatif au litige protège les communications avec une tierce partie lorsque le but premier de ces communications est la préparation en vue d’une procédure judiciaire » [25] [traduction]. Le privilège relatif aux témoins experts s’applique uniquement avant que le témoignage du témoin expert soit versé au dossier (sous forme de rapport ou de témoignage), le cas échéant. Les auteurs des rapports de KPMG ont été qualifiés de témoins experts, et leurs rapports ont été admis en preuve. Comme les tribunaux l’ont affirmé, « [u]ne fois les rapports signifiés, les dés étaient jetés et il y a eu renonciation au privilège. Si le privilège relatif au litige était applicable avant que les défendeurs décident de signifier leurs rapports, ce privilège n’existe plus » [26] [traduction]. Oshkosh n’a fourni aucun motif pour expliquer pourquoi il faudrait considérer que le privilège relatif au litige visant les factures des services des témoins experts s’appliquerait toujours (ni pourquoi ou comment le secret professionnel de l’avocat s’appliquerait aux factures qui concernent des services obtenus auprès de témoins experts).

61.   Le Tribunal a examiné les factures non expurgées d’Oshkosh pour les services qu’elle a obtenus auprès de témoins experts et conclut qu’elles ne contiennent aucun élément en particulier qui pourrait être révélateur au sujet des opinions des conseillers juridiques, des avis juridiques ou d’autres communications entre l’avocat et le client. 

62. Le Tribunal conclut toutefois que la question est sans portée pratique, car il a décidé de trancher en faveur de TPSGC en n’accordant aucun montant pour les débours relatifs aux honoraires des services de témoins experts.

Audience

63.  TPSGC a fait valoir qu’une audience était nécessaire, car le montant de l’indemnité demandée est « sans précédent » [traduction] et « le marché public, et les questions à trancher dans le cadre de la présente instance, sont extrêmement complexes » [27] [traduction]. De plus, il serait judicieux de revenir en contre-interrogatoire sur le témoignage de M. Bleck au sujet de l’authenticité des données sur les coûts internes d’Oshkosh. De même, il faudrait contre-interroger M. Williams. TPSGC a affirmé en outre que le Tribunal gagnerait à tenir une audience où les parties pourraient apporter des éclaircissements sur des observations cruciales et répondre aux questions du Tribunal. TPSGC n’a cité aucune jurisprudence sur la norme à retenir pour déterminer si le Tribunal devrait tenir une audience pour assurer le respect des droits procéduraux d’une partie.

64. En se fondant sur un précédent de la Cour d’appel fédérale, Oshkosh a affirmé que, pour avoir droit à une audience, une partie doit montrer que « la présentation d’observations écrites ne constitu[e] pas une possibilité raisonnable de participer efficacement au processus décisionnel » [28] . Elle a souligné que la Cour a déclaré qu’une audience n’est pas nécessaire « du simple fait qu’il est difficile de résoudre une question parce qu’il existe des éléments de preuve contradictoires à son sujet » [29] .

65.  Oshkosh fait remarquer que TPSGC n’a fourni aucun motif justifiant que le Tribunal déroge aux pratiques habituelles qui consistent à déterminer l’indemnité sur la foi du dossier écrit. Oshkosh a fait valoir qu’il n’y avait entre les témoins experts que deux désaccords sur les faits (le risque et les coûts des matériaux), lesquels ont été traités en détail dans les observations écrites. Il n’y avait pas de véritable question de crédibilité qui nécessiterait la tenue d’une audience.

66.Le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas besoin d’une audience pour faire dûment valoir ses arguments au sujet de l’indemnité. Quant au contre-interrogatoire des auteurs des déclarations sous serment (principal motif pouvant justifier la tenue d’une audience), sa nécessité est discutable. La décision du Tribunal au sujet des options n’est pas fondée sur les témoignages de M. Williams, de M. Bleck ou de tout autre témoin des faits, mais plutôt sur le droit. Qui plus est, les éléments de preuve dont dispose le Tribunal relativement à la marge bénéficiaire raisonnable reposent sur le droit, sur son pouvoir discrétionnaire en matière de politiques, et sur les opinions des témoins experts et les arguments des conseillers juridiques. Les arguments avancés par TPSGC pour mettre en doute la fiabilité de la déclaration sous serment de M. Bleck au sujet des données sur l’établissement des coûts sont bien structurés dans ses observations et son rapport d’expert. Des contre-interrogatoires ne feraient que réchauffer (plutôt qu’éclairer) les questions contestées.

67. Quant à la demande de tenue d’une audience ayant pour seule fin de présenter des arguments, le Tribunal conclut qu’une telle démarche n’est pas nécessaire compte tenu du volume et de la portée des observations présentées par écrit tout au long de l’année. Aucune question nouvelle ne pourrait être dûment soulevée lors de la présentation orale de telles observations (sans donner lieu encore à une nouvelle ronde d’observations). Le Tribunal est déjà bien servi par les conseillers juridiques qui ont traité par écrit les questions d’une manière exhaustive.

ANALYSE

Introduction

68.Ni la Loi sur le TCCE ni le règlement applicable ne prévoit  de méthode particulière à suivre pour déterminer l’« indemnité » dans une enquête sur un marché public – le terme lui-même n’est pas défini. Par conséquent, le Parlement confère au Tribunal un vaste pouvoir discrétionnaire quant à la façon de procéder pour tirer cette conclusion cruciale dans le cadre de l’enquête.

69.  Le Tribunal expose sa méthode générale à l’égard des indemnités dans ses Lignes directrices sur les indemnités dans une procédure portant sur un marché public (les Lignes directrices) [30] , de façon à éclairer les parties à une procédure. Ces lignes directrices ne lient le Tribunal pour aucun cas en particulier, et elles n’ont ni force de loi ni force de règlement [31] .

70.Dans la procédure en l’espèce, l’étape portant sur l’indemnité a duré plus d’un an, et les observations des parties comprenaient six déclarations sous serment, quatre rapports d’experts, et plusieurs requête en radiation ou en divulgation de documents. Le volume d’observations (éléments de preuve à l’appui compris) compte bien au-delà de 2 000 pages. La plaignante déclare à elle seule des honoraires juridiques et des honoraires d’experts (seulement pour les besoins de l’étape portant sur l’indemnité) totalisant près de ████████ de dollars.

71.La complexité de la présente procédure, sa durée et les frais qu’elle a entraînés pour les parties montrent qu’il serait utile de reformuler la loi régissant le processus à suivre par le Tribunal pour la prise de mesures correctives et la recommandation du versement d’indemnités. À cette fin sont exposés ci-après les principes juridiques sur lesquels le Tribunal s’appuie lorsqu’il exerce sa compétence et son pouvoir discrétionnaire pour recommander la prise de mesures correctives en réponse à une plainte fondée concernant un marché public.

1.      Lorsqu’il détermine la nature des mesures correctives à recommander, le Tribunal se reporte aux critères législatifs figurant à l’article 30.15 de la Loi sur le TCCE, et aux objectifs stratégiques exposés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Almon [32] . Conformément à ceux-ci, le Tribunal est une instance accessible consacrée au règlement rapide des différends liés aux marchés publics, qui vise à assurer la conformité aux accords commerciaux et à remédier aux violations de ceux-ci de façon à favoriser la concurrence, l’équité, et l’intégrité et l’efficacité du mécanisme d’adjudication. Conformément aux accords commerciaux, à la loi et à la jurisprudence, le Tribunal constitue une instance parallèle de règlement des différends liés aux marchés publics fédéraux – il vise à servir de complément aux procédures, aux règles de preuve et à la responsabilité, ainsi qu’aux mesures correctives des cours de justice, et non à faire double emploi avec celles-ci [33] .

2.      Une mesure injonctive est préférable à une réparation pécuniaire autant que possible, c’est-à-dire avant que l’autre partie ne se soit rendue trop loin dans l’exécution du contrat. À preuve, le Tribunal dispose de pouvoirs d’injonction importants (qui vont de pair avec l’exigence formulée dans les accords commerciaux selon laquelle les procédures de révision administrative doivent prévoir « des mesures transitoires rapides pour préserver la possibilité qu’a le fournisseur de participer au marché ») [34] , notamment le pouvoir d’ordonner la reprise des essais, la révision des notes, le lancement d’un nouvel appel d’offres, l’annulation ou le report de l’attribution d’un contrat, et la Loi sur le TCCE et le Règlement accordent des délais serrés aux soumissionnaires éventuels pour déposer une plainte et au Tribunal pour rendre ses décisions, ce qui favorise le recours aux mesures injonctives. Par ailleurs, cette voie sert l’intérêt public, car elle permet d’éviter les paiements en double inutiles dans le cadre des marchés publics, et l’intérêt des soumissionnaires en leur donnant l’occasion d’exécuter un contrat donné, ce qui a souvent pour eux une plus grande valeur que l’indemnité en raison de l’expérience qu’ils pourraient ainsi acquérir (et qui pourrait leur permettre de se qualifier dans le cadre d’autres demandes de soumissions au Canada et ailleurs). La mesure injonctive générale déjà accessible aux plaignants par l’entremise du Tribunal est un élément clé qui caractérise celui-ci comme une instance spécialisée dans les litiges concernant les marchés publics et qui le distingue des autres tribunaux, où l’application des mesures d’injonction est plus restreinte, souvent moins rapide et plus difficile à obtenir, et historiquement plus rare [35] .

3.      Les principes de la common law relatifs aux dommages-intérêts donnent une certaine orientation sur les indemnités à accorder, sans les définir. Les parties qui s’adressent au Tribunal allèguent la violation d’accords commerciaux, et non pas de leurs droits contractuels (auquel cas ils pourraient intenter une poursuite en dommages-intérêts devant les tribunaux pour violation de contrat). En outre, le rôle du Tribunal à titre d’organe de réglementation du mécanisme d’adjudication est distinct de celui d’un tribunal uniquement chargé d’assurer la protection des droits de parties privées. Ainsi, le Tribunal peut recommander le versement d’une indemnité à un plaignant pour violation d’accords commerciaux, même si les exigences strictes relatives à l’attribution de dommages-intérêts pour violation de contrat ne sont pas respectées [36] . Or, cela signifie aussi que les plaignants n’ont pas nécessairement droit à une indemnité pour perte de profits ou perte d’opportunité, ou que l’indemnité peut être calculée autrement qu’elle le serait en common law dans une affaire d’inexécution de contrat [37] . Fondamentalement, une plainte pour violation d’accords commerciaux reposant sur le droit administratif et le droit législatif diffère d’une action intentée pour inexécution de contrat par une partie privée. Ni les accords commerciaux, ni la Loi sur le TCCE, ni le Règlement ne prévoient la portée et la nature de l’indemnité à recommander. Par conséquent, l’indemnité relève essentiellement de la discrétion du Tribunal, dans la mesure où il s’appuie sur les objectifs exposés au premier point, ci-dessus.

4.      Les réparations pécuniaires visent plusieurs objectifs. Elles doivent notamment dissuader la violation des accords commerciaux, encourager le recours aux procédures de résolution des plaintes du Tribunal, et indemniser les soumissionnaires lésés de la perte de profits, des frais encourus pour la préparation de la soumission et des frais d’engagement de la procédure auprès du Tribunal [38] . La portée et le montant des réparations pécuniaires doivent être soupesés par rapport aux autres objectifs du mécanisme de contestation des marchés publics encadrés par le Tribunal, qui consistent notamment à éviter de payer des marchandises en double et de procurer aux plaignants un gain excessif, et à faire exécuter les dispositions légitimes des DP [39] .

5.      Le calcul des profits perdus n’est pas simplement (ni même principalement) un exercice d’expertise comptable [40] . Pour déterminer l’indemnité à accorder à la suite de la violation d’un accord commercial, il y a lieu d’éviter le plus possible les estimations hypothétiques concernant les revenus et dépenses futurs, lesquelles donnent généralement lieu à des batailles d’experts. Les revenus pris en compte devraient plutôt être fondés sur les dispositions des documents de l’invitation – principalement la DP, les contrats subséquents annexés, et la proposition (financière) du plaignant ou (si l’utilisation de la proposition financière est impossible) [41] la valeur du contrat attribué, telle qu’elle a été publiée. Il ne faudrait recommander le versement d’indemnité à l’égard des options seulement lorsque celles-ci sont exercées, le cas échéant. Enfin, un pourcentage de marge bénéficiaire nette raisonnable devrait être estimé d’après des données historiques ou qualitatives sur les taux de marge bénéficiaire nette (et non brute) observés dans l’entreprise et dans le secteur d’activité pour des biens ou services similaires [42] . Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-après, le Tribunal est d’avis qu’un pourcentage de marge bénéficiaire nette de 10 p. 100 est un point de référence raisonnable aux fins de la présente plainte. Comme il est aussi expliqué ci-après, afin de fixer des balises pour l’avenir, le Tribunal est prêt à avancer que le pourcentage de marge bénéficiaire nette raisonnable dans le cadre d’une plainte concernant un marché public avoisine généralement 10 p. 100 (plus ou moins 5 p. 100), et que ce chiffre peut être modifié au besoin en fonction de ce qui figure dans les sources de données susmentionnées. Étant donné ses impératifs concurrents qui consistent, d’une part, à faire en sorte que l’indemnisation incite les plaignants à déposer leurs plaintes fondées, et, d’autre part, à éviter de procurer aux plaignants un gain excessif, le Tribunal estime que des pourcentages de marge bénéficiaire nette inférieurs à 5 p. 100 ou supérieurs à 15 p. 100 pourraient être appropriés si les circonstances l’exigent.

72. Compte tenu des éléments de preuve présentés dans le cadre de la présente enquête, ces principes donnent lieu au calcul suivant (dans lequel les revenus constitutifs sont fondés sur le prix proposé par Oshkosh, sauf en ce qui concerne les pièces de rechange, où il est tenu compte du prix proposé par le soumissionnaire retenu et du montant du contrat attribué, vu l’impossibilité d’utiliser les prix proposés par Oshkosh pour les pièces de rechange) [43]  :

A. Revenus tirés des contrats de base (payables immédiatement)

1.            Contrat d’acquisition

a.            Véhicules et équipement connexe : ███████████ $

b.            Données et autres produits de SLI : ████████ $

c.            Sous-total : ██████████ $

2.            Contrat SES

a.            Réparations et révision Free-Flow : ████████████ $

b.            Outils spéciaux et matériel d’essai recommandés : ████████ $

c.            Salaires, coûts indirects et profit : ███████████ $

d.            Gestion du programme et livrables : ████████████ $

e.            Sous-total : ███████████ $

3.            Pièces de rechange : ██████████ $

4.            Total : ████████████ $

B. Options (payables seulement lorsqu’elles sont exercées, le cas échéant)

1.            Contrat d’acquisition

a.            Véhicules et équipement connexe : montant calculé selon les prix unitaires proposés par Oshkosh dans sa soumission, sous « Vehicles and Related Equipment – Scenario 1 – Options », multipliés par le nombre de véhicules MMN des différents types et d’équipements connexes visés par une option

b.            Données et autres produits de SLI : ████████ $

2.            Contrat SES : ███████████ $ pour chaque prolongation de cinq ans exercée (ou une partie de ce montant calculée au prorata pour toute prolongation d’une durée inférieure à cinq ans)

3.           Pièces de rechange : valeur de toute modification apportée au contrat visant les pièces de rechange

C. Marge bénéficiaire : 10 p. 100

1.            Sous-total des revenus (payable immédiatement) : ████████████ $

2.            Sous-total des options (payable seulement lorsqu’elles sont exercées, le cas échéant) : montant indiqué au point B ci-dessus, multiplié par 10 p. 100

D. Réduction pour perte d’opportunité : 1/3

E.Indemnité totale (contrats de base) (payable immédiatement) : 25 337 931,79 $

  F. Indemnité totale (option) (payable seulement lorsqu’elles sont exercées, le cas échéant) : montant indiqué au point C.2 ci-dessus, multiplié par 1/3

73. Les détails et le raisonnement à l’appui de ce qui précède sont présentés ci-après.

Revenus

74.  Il n’existait que deux sources de revenus dans la DP : le contrat d’acquisition et le contrat SES. Les catégories de revenus cernées dans ces contrats sont détaillées dans la DP et dans les contrats subséquents, et c’est sur elles qu’a été fondée l’évaluation financière des prix proposés par les soumissionnaires. Néanmoins, ni les observations d’Oshkosh ni les rapports de ses experts ne suivent ce cadre pour l’estimation de la perte de revenus. En effet, Oshkosh a décidé de sortir du cadre formé par la DP, les contrats subséquents et le contrat adjugé, tel qu’il a été publié, pour tenter de faire une estimation de chacune des sources potentielles de revenus futurs. Ce faisant, elle a cerné quatre catégories de revenus (dont certaines, comme les revenus tirés de la remise en état à mi-vie, ne sont même pas mentionnées dans la DP), sans tenir compte du cadre formé par l’invitation et les contrats.

75.  Le Tribunal rejette cette façon de procéder, qui n’est pas conforme à la DP, aux contrats subséquents ni au contrat adjugé, tel qu’il a été publié. Par ailleurs, elle ne fait pas la distinction entre l’indemnité pour violation d’un accord commercial et la poursuite en dommages-intérêts pour inexécution de contrat en common law. Fondamentalement, la discrétion du Tribunal quant à la recommandation du versement d’une indemnité se limite aux considérations liées aux violations d’accords commerciaux commises dans le cadre du processus de passation du marché public. Ce sont les documents d’invitation à soumissionner et la proposition de la plaignante qui constituent la clé de voûte de l’analyse du Tribunal au sujet de l’indemnité, de même que le contrat attribué tel qu’il a été publié pour l’estimation des catégories de revenus lorsqu’il n’est pas possible de faire d’après la proposition de la plaignante. L’étape du calcul de l’indemnité n’est pas l’occasion pour les parties de s’éloigner de ce cadre pour faire des estimations relatives à d’autres catégories de revenus qu’elles seraient peut-être parvenues à négocier avec le gouvernement, hors du cadre de la DP ou même en complément de celui-ci, dans l’éventualité où le contrat leur avait été attribué. 

Contrat d’acquisition

           Durée initiale (de base) de cinq ans du contrat

76. Le contrat d’acquisition prévoit des revenus tirés de la vente de véhicules MMN et d’équipement connexe, de même que du soutien logistique (Données et autres produits de SLI) [44] .

77.  La DP prévoit explicitement un financement maximal de 725 millions de dollars (taxes en sus) au titre du contrat d’acquisition :

2.3 Évaluation financière

2.3.1 Le financement maximal disponible pour le tableau 1 (Véhicules et équipement connexe) et le tableau 4 (Données et produits livrables relatifs au SLI) de l’annexe C de la partie 7 – Contrat d’acquisition subséquent à la DP est de 725 000 000 $ (toutes taxes applicables en sus). Toute soumission dont la valeur selon les deux tableaux est supérieure à cette somme sera jugée non recevable [45] .

78. Les soumissionnaires « s’engag[ai]ent à respecter les instructions, les clauses et les conditions de la demande de proposition, et accept[ai]ent les clauses et les conditions des contrats subséquents [...] énoncées dans les parties 7 et 8 » [46] .

79.En ce qui concerne le contrat d’acquisition, la DP prévoyait l’achat de jusqu’à 1 537 véhicules MMN, jusqu’à 300 remorques et jusqu’à 150 SPB, de même que des options pouvant donner lieu à l’acquisition d’au plus 650 véhicules MMN, 240 remorques et 150 SPB additionnels [47] . La DP prévoyait également la prestation éventuelle de services liés aux données et à d’autres produits de SLI.

80.Oshkosh a déposé une soumission de ██████████ $ pour les véhicules et l’équipement connexe du contrat d’acquisition; c’est la somme qu’elle réclame dans ses observations concernant l’indemnité. Par ailleurs, elle demande (pour les sommes versées maintenant et par la suite) que l’indemnité soit versée en dollars américains selon le taux de change en vigueur au moment de la soumission, soit 1,065 dollar canadien par dollar américain [48] . Pour les données et autres produits de SLI, la soumission d’Oshkosh s’élevait à ████████ $; c’est le montant qu’elle réclame dans ses observations concernant l’indemnité [49] . La valeur initiale (hors taxes) du contrat d’acquisition attribué au soumissionnaire retenu, Mack Defence LLC (Mack), est de 684 479 955 $ [50] .

81. En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est juste de calculer la perte de revenus tirés du contrat d’acquisition en utilisant le prix proposé par Oshkosh pour le contrat de base (la durée initiale de cinq ans). Le prix de la soumission respectait les dispositions de la DP en matière de financement maximal pour le contrat d’acquisition, et il correspond à la fois à ce qu’Oshkosh aurait obtenu et aux attentes des parties, y compris pour ce qui concerne le financement maximal [51] . Par ailleurs, rien n’indique que les revenus estimés en fonction du prix proposé sont inférieurs à ceux qui étaient à prévoir selon le contrat d’acquisition.

82.TPSGC propose d’utiliser le prix du contrat attribué, mais ne donne aucune justification. Rien n’indique que cette méthode faciliterait le calcul ni n’en améliorerait la justesse ou l’équité. Il s’agit d’une valeur inférieure simplement parce que le prix du soumissionnaire retenu était plus bas. En particulier, le Tribunal souligne que, selon la DP, les soumissions admissibles étaient évaluées selon une note globale dont 70 p. 100 dépendaient de l’évaluation technique, et les 30 p. 100 restants, de l’évaluation du prix proposé [52] . Oshkosh a obtenu des notes ████████ à celles de Mack tant sur le plan technique que sur le plan financier, mais sa note globale était ██████ de ██████ points seulement à celle de Mack [53] . Un total de ████ points était en jeu dans les essais en question, pour lesquels Oshkosh a obtenu une note de ██████; elle aurait donc pu obtenir████████ points de plus à la faveur d’une reprise des essais. Il était donc possible pour Oshkosh d’obtenir la meilleure note même en proposant un prix plus élevé [54] .

Options

83.  Oshkosh demande au Tribunal de tenir compte de la totalité (ou d’au moins la moitié) des revenus liés aux options que pourrait exercer le gouvernement selon le contrat d’acquisition. Elle s’appuie sur plusieurs déclarations sous serment et documents qui démontrent, selon elle, qu’il est vraisemblable que les options seront exercées.

84. TPSGC s’oppose à toute indemnité actuelle ou future au titre des options, au motif qu’il n’y a aucun fondement juridique selon lequel Oshkosh y aurait droit. TPSGC reconnaît que les Lignes directrices du Tribunal prévoient la possibilité d’accorder une indemnité au titre des options et que le Tribunal l’a déjà fait par le passé, mais il soutient que cette pratique devrait changer à la lumière de la jurisprudence en matière d’inexécution de contrat.

85.   Selon TPSGC, la politique par défaut du Tribunal consistant à accorder des indemnités au titre des options (fréquemment, comme en l’espèce, le versement devant avoir lieu au moment où les options sont exercées, le cas échéant) va à l’encontre du précédent établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hamilton c. Open Window Bakery Ltd. La Cour y indiquait [55]  :

11. [...] En général, lorsqu’il existe plusieurs modes d’exécution d’un contrat, le mode choisi doit être celui qui est le moins avantageux pour le demandeur et le moins onéreux pour le défendeur.

20. Pour calculer les dommages-intérêts, il était seulement nécessaire de déterminer l’exécution minimale à laquelle la demanderesse avait droit en vertu du contrat, c’est-à-dire celle qui était la moins onéreuse pour la défenderesse. La demanderesse a convenu, au départ, qu’elle n’aurait pas droit à plus en signant un contrat dont la défenderesse pourrait, à son entière discrétion, écourter la durée en donnant un préavis en ce sens.

[Nos italiques]

86.TPSGC souligne que personne ne conteste que l’exercice des options (sur les véhicules, les pièces ou les services au-delà de la durée initiale de cinq ans) est à l’entière discrétion du gouvernement selon les dispositions de la DP et des contrats subséquents. Il soutient que cette disposition unilatérale à l’égard des options s’applique aux autres dispositions de la DP et des contrats subséquents, soit les prix, les calendriers de livraison et les capacités de production, entre autres. Oshkosh n’a rien négocié et n’a renoncé à rien en vue d’obtenir le droit de réclamer une indemnité pour la totalité de la perte de profits liée à des options dont l’exécution est à l’entière discrétion du gouvernement.

87.Oshkosh répond que l’arrêt Hamilton concerne un cas d’inexécution de contrat qui n’a pas encore été appliqué à des affaires de marchés publics, que ce soit en common law ou devant le Tribunal. Elle soutient que l’arrêt Hamilton ne devrait pas s’appliquer au droit des marchés publics, parce qu’il concerne des dommages-intérêts liés à l’inexécution du contrat B (le contrat subséquent), et non du contrat A (la DP). Elle fait aussi valoir que TPSGC interprète mal l’arrêt Hamilton, et que même si celui-ci était applicable, il n’empêcherait pas un tribunal de déterminer la probabilité que le gouvernement ait exercé ou non les options si le contrat avait été attribué à la plaignante. Enfin, Oshkosh souligne que peu importe le caractère exécutoire de l’arrêt Hamilton pour les cours de justice, son application est limitée en l’espèce, car le pouvoir du Tribunal d’accorder des indemnités est inscrit dans la loi et concerne la violation d’accords commerciaux, non l’inexécution de contrats.

88.  La question de savoir si l’arrêt Hamilton de la Cour suprême restreint le pouvoir discrétionnaire du Tribunal en matière d’indemnisation semble en être une de première impression.

89.  Au premier abord, Oshkosh a raison sur le fait que l’affaire Hamilton concernait uniquement une requête en common law visant l’obtention de dommages-intérêts pour inexécution de contrat, et non une demande d’indemnisation pour violation d’un accord commercial. Il s’agit donc bien d’une situation distincte de celle qui nous occupe. Néanmoins, il va de soi que les principes d’attribution de dommages-intérêts liés aux contrats guident le Tribunal dans l’exercice de son pouvoir de recommander des indemnités (sans pour autant le limiter). C’est une évidence, comme en témoigne le fait que le Tribunal tient compte des « profits perdus » en droit des contrats pour déterminer comment « indemniser » les soumissionnaires en premier lieu.

90. Le Tribunal conclut, pour les motifs ci-dessous, que l’arrêt Hamilton s’applique probablement à une situation de marché public vicié en common law. Cependant, comme mentionné ci-dessus, l’arrêt guide le pouvoir du Tribunal de recommander une indemnité, sans pour autant le limiter. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’application correcte de l’arrêt Hamilton dans le cadre de l’examen administratif d’un marché public consiste à s’abstenir de recommander une indemnité au titre des options tant que les options en question n’ont pas été exercées dans les faits. Une recommandation d’indemnité fondée sur la spéculation pure, ou même sur une évaluation selon la prépondérance des probabilités, irait à l’encontre tant des principes guidant l’attribution de dommages-intérêts en common law que des principes guidant la recommandation d’indemnités administratives énoncés ci-dessus. À l’opposé, le fait d’appliquer strictement l’arrêt Hamilton dans son entièreté et de rejeter automatiquement toute indemnité au titre des options ne serait pas non plus approprié, car on ne ferait alors aucune distinction entre le rôle du Tribunal et celui des cours de justice quant aux litiges portant sur les marchés publics, on ne tiendrait pas compte du fait qu’une entité publique peut avoir l’intention d’exercer des options, et on circonscrirait indûment la compétence du Tribunal de faire des recommandations adaptées sous le régime des lois et des accords commerciaux pertinents.

91.Quant à l’observation d’Oshkosh selon laquelle l’arrêt Hamilton ne s’applique qu’aux violations du contrat B et pas à celles du contrat A, elle est erronée. Premièrement, la DP même définit les paramètres du contrat A – lorsqu’une institution fédérale publie une DP, elle accepte d’être liée par les obligations qui y sont énoncées à l’égard du fournisseur qui présente une soumission conforme, et ce dernier accepte ces obligations en présentant sa soumission. Les obligations des parties aux termes du contrat A sont définies par les dispositions de la DP et toutes dispositions implicites selon les tribunaux (devoir d’impartialité, devoir d’attribuer le contrat au soumissionnaire conforme ayant obtenu la note la plus élevée, et ainsi de suite). La détermination des dommages-intérêts pour profits perdus au titre du contrat A a toujours reposé sur deux éléments : 1) les dispositions explicites et implicites de la DP (par exemple, en l’espèce, la disposition excluant toute réclamation liée aux coûts de préparation de la soumission); 2) généralement, les profits perdus au titre du contrat B (le contrat subséquent). Cette conclusion est étayée par le fait que le contrat B est habituellement (comme en l’espèce) intégré au contrat A comme annexe de la DP, et le fait que le contrat B est mentionné dans les dispositions de la DP qui obligent les parties à convenir des dispositions du contrat en annexe.

92. En deuxième lieu, contrairement à ce qu’avance Oshkosh, le maintien du contrat avec le soumissionnaire retenu et la probabilité que le gouvernement exerce des options n’ont aucune pertinence pour ce qui concerne l’arrêt Hamilton, dans lequel la Cour suprême indique clairement que le tribunal ne doit pas spéculer sur les circonstances de l’exécution du contrat, mais simplement déterminer la responsabilité juridique minimale de la défenderesse et calculer les dommages-intérêts en conséquence [56]  :

18. En l’espèce, les obligations contractuelles pertinentes des parties sont expressément énoncées dans le contrat qu’elles ont signé. Madame Hamilton a droit à l’exécution des obligations que OWB a assumées de plein gré. Elle ne possède aucun droit donnant ouverture à indemnisation en ce qui concerne les avantages qu’elle aurait pu s’attendre à tirer d’un mode particulier d’exécution du contrat, étant donné que le contrat lui-même donnait à la défenderesse le choix de différents modes d’exécution. Si elle avait voulu s’assurer d’obtenir les avantages liés à un mode d’exécution particulier, Mme Hamilton aurait dû convenir de ce seul mode d’exécution dans le contrat qu’elle a signé.

19. En l’espèce, le juge de première instance a commis une erreur en procédant à une analyse semblable à celle effectuée en matière de responsabilité délictuelle, c’est‑à‑dire en se demandant quelle aurait été la situation si OWB n’avait pas manqué à ses obligations contractuelles envers Mme Hamilton, et en concluant qu’OWB n’aurait pas résilié le contrat à la première occasion.

20. Pour calculer les dommages‑intérêts, il était seulement nécessaire de déterminer l’exécution minimale à laquelle la demanderesse avait droit en vertu du contrat, c’est‑à‑dire celle qui était la moins onéreuse pour la défenderesse. La demanderesse a convenu, au départ, qu’elle n’aurait pas droit à plus en signant un contrat dont la défenderesse pourrait, à son entière discrétion, écourter la durée en donnant un préavis en ce sens.

[Soulignement dans l’original, nos italiques]

93. Oshkosh s’appuie sur le paragraphe suivant de l’arrêt Hamilton pour étayer son argument voulant que les tribunaux peuvent tout de même tenir compte de la probabilité qu’une option soit exercée :

21. Cela ne signifie pas que le principe général ne commande jamais un examen des faits. Il se peut qu’au départ le mode d’exécution le plus avantageux ou le moins onéreux pour le défendeur ne ressorte pas toujours clairement du contrat. Il se peut que le tribunal doive procéder à un examen de la preuve pour établir le coût estimatif des différents modes d’exécution. Dans certains cas, ce ne sera qu’après avoir effectué cet examen des faits que le tribunal pourra conclure, sans craindre de se tromper, qu’un certain mode d’exécution aurait été le moins onéreux pour le défendeur. La possibilité qu’un tel examen des faits soit nécessaire dans certains cas ne mine pas le principe général.

94.  Cependant, dans la phrase suivante, la Cour explique que cet examen des faits n’est pertinent que lorsque les dispositions du contrat ne permettent pas de déterminer clairement l’exécution minimale requise :

22. Les faits de la présente affaire ne commandent pas ce genre d’examen. Seule se pose en l’espèce la question de la durée du contrat qui, sous réserve du préavis de trois mois requis à l’expiration du 18e mois, est laissée à l’entière discrétion de la défenderesse.

95.  La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé cette interprétation de l’arrêt Hamilton dans l’arrêt Agribrands Purina Canada Inc. v. Kasamekas. Elle y explique [57]  :

[46] Le juge de première instance a établi une distinction par rapport à l’affaire Hamilton [par. 106], et a conclu que l’arrêt Hamilton ne s’appliquait que lorsque les parties avaient agi honnêtement et de bonne foi. Selon lui, ce n’était pas le cas de Purina, celle-ci s’étant [p. 441] « conduite d’une façon “contraire à l’objectif même” de son entente avec Raywalt ».

[47] Respectueusement, je ne suis pas d’accord. Le juge de première instance a commis une erreur en concluant que l’arrêt Hamilton présupposait la bonne foi de la partie fautive. Au contraire, le juge de première instance dans l’affaire Hamilton n’avait aucunement établi qu’Open Window avait fait preuve de bonne foi pendant toute la période pertinente. Rien dans l’arrêt de la Cour suprême n’indique non plus que la bonne foi soit un prérequis à l’application du principe du mode d’exécution le moins onéreux. De fait, Open Window avait injustement congédié Mme Hamilton en résiliant l’entièreté de son contrat, ce qui était contraire à son objectif même, mais le principe du mode d’exécution le moins onéreux pour le calcul des dommages-intérêts n’en était pas moins applicable.

[48] À mon avis, la distinction faite par le juge de première instance par rapport à l’arrêt Hamilton n’est pas justifiée, et il aurait fallu appliquer les principes de l’arrêt à l’évaluation des dommages-intérêts pour inexécution de contrat dans cette affaire, même si Purina n’avait pas agi de bonne foi en ne respectant pas le contrat.

[49] Si c’était ce qu’avait fait le juge de première instance, il ne se serait pas aventuré dans un examen hypothétique de la manière dont Purina aurait vraisemblablement exécuté ses obligations aux termes du contrat dans l’éventualité où elle ne l’avait pas violé. C’est précisément ce genre d’examen qui ne devrait pas être effectué selon l’arrêt Hamilton dans les cas de dommages-intérêts pour inexécution de contrat où il existe plusieurs modes possibles d’exécution.

[50] Selon le contrat, Purina pouvait annuler le contrat à tout moment sans condition, sous réserve d’un préavis de 60 jours. Selon l’article V(B) du contrat : « Sauf indication contraire dans le présent article, l’une ou l’autre partie peut annuler le présent accord à tout moment, sous réserve qu’elle donne un préavis de soixante (60) jours à l’autre partie ». Il s’agit sans aucun doute du mode d’exécution le moins onéreux pour Purina. C’est ce mode qui aurait dû être utilisé pour calculer les dommages-intérêts pour inexécution de contrat.

[Nos italiques, traduction]

96. À l’opposé des décisions ci-dessus qui étayent l’interprétation que fait TPSGC de l’arrêt Hamilton, Oshkosh s’appuie sur une seule décision rendue en première instance par la Cour supérieure de l’Ontario. Cette décision ne tenait pas compte de l’arrêt Agribrands et n’a pas été suivie d’une décision d’appel souscrivant aux motifs de la Cour [58] .

97.  Cependant, bien que le Tribunal soit d’avis que l’arrêt Hamilton puisse servir de guide sur la portée de l’indemnité à accorder à la suite d’une plainte visant un marché public sous le régime des accords commerciaux, comme mentionné ci-dessus, il n’est pas persuadé qu’il y a lieu d’appliquer l’arrêt Hamilton au point d’empêcher toute possibilité pour les plaignants de recevoir une indemnité relativement aux options. De fait, cela aurait des conséquences plus contraignantes que ce qu’interprète TPSGC. L’arrêt Hamilton n’empêche pas seulement les recouvrements liés aux options, mais également les recouvrements liés aux profits perdus pour toute période de la durée initiale d’un contrat que le gouvernement a la possibilité d’annuler sans justification. Si cette interprétation était appliquée de façon stricte en l’espèce, il n’y aurait aucune indemnité possible, puisque les contrats subséquents comprennent une clause accordant au gouvernement le droit de résiliation pour des raisons de commodité, à tout moment au moyen d’un avis écrit [59] .

98.   La logique de l’arrêt Hamilton est peut-être valable, mais le Tribunal doute que les dispositions de la DP et du contrat subséquent en l’espèce soient représentatives des négociations entre les parties à l’égard du risque et des avantages relatifs à la passation de marché public. Bien que le Tribunal soit d’avis que l’arrêt Hamilton est pertinent, aucun tribunal ne l’a encore appliqué de façon à limiter les dommages-intérêts dans un contexte de marché public. Par ailleurs, si la DP prévoit une clause empêchant les indemnités pour les frais de préparation de la soumission, elle ne contient aucune disposition limitant ou empêchant l’octroi de dommages-intérêts ou d’indemnités pour violation de la DP. Bien entendu, une disposition excluant entièrement la possibilité de dommages-intérêts ou d’indemnité pour violation d’une DP pourrait sembler suspecte, étant donné que la loi accorde au Tribunal le pouvoir recommander des indemnités et compte tenu de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Tercon [60] .

99.  En résumé, même si le Tribunal est d’accord avec Oshkosh pour dire que l’arrêt Hamilton ne proscrit pas le recouvrement de sommes liées aux options, il n’en considère pas moins que l’arrêt Hamilton lui donne des arguments juridiques additionnels pour ne pas accorder d’indemnité à l’égard d’options qui n’ont pas encore été exercées. Sur ce point, le Tribunal va dans le sens de TPSGC et estime qu’Oshkosh n’a pas droit aux options du point de vue du droit. Selon les dispositions de la DP et du contrat subséquent, l’exercice des options est à l’entière discrétion du gouvernement. 

100. Dans ce contexte, le Tribunal considère qu’il se doit, pour des raisons de principe, de faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire avant de se lancer dans un examen des faits pour déterminer la possibilité que des options soient exercées ou non. Dans le contexte de la passation d’un marché militaire d’une durée potentielle de 20 ans et d’une valeur de près d’un milliard de dollars, pareil examen est nécessairement spéculatif, compte tenu des sommes en jeu et des changements de gouvernement qui sont sans doute à prévoir au cours de la période. Par ailleurs, un tel examen empièterait de façon injustifiée sur les compétences et les délibérations du gouvernement dans un domaine hautement sensible – comme en fait foi la demande d’Oshkosh à l’égard d’éventuels documents confidentiels du Cabinet. Un tel examen pourrait être nécessaire si le Tribunal n’avait pas le pouvoir de formuler une recommandation adaptée, et notamment d’accorder une indemnité devant être versée lorsque les options seront exercées, le cas échéant. Or, tel n’est pas le cas. Au contraire, le risque a entièrement trait au fait de rendre maintenant une décision prématurée, mais définitive, concernant l’inclusion ou la non-inclusion des options. Comme le contrat a été attribué à Mack le 11 juin 2015, la clause sur les options expire 48 mois après (soit dans moins de deux ans) [61] . À ce jour, le gouvernement n’a exercé qu’environ 8 p. 100 de la valeur totale des options [62] . Il est donc tout à fait vraisemblable que les options ne soient jamais exercées. Néanmoins, dans une situation où des centaines de millions de dollars sont en jeu dans un marché public militaire, le Tribunal juge qu’un examen des faits fondé sur la « prépondérance des probabilités » ou même sur une norme de preuve supérieure serait téméraire.

101.  Par conséquent, le Tribunal conclut que les revenus pris en considération pour le contrat d’acquisition devraient comprendre une somme de ██████████ $ pour la durée initiale de cinq ans, de même que les revenus liés aux options lorsque celles-ci seront exercées, le cas échéant, calculés en fonction des prix unitaires proposés dans le scénario 1 de la soumission d’Oshkosh en ce qui concerne les véhicules et l’équipement connexe et des prix proposés par Oshkosh (████████ $) pour les options liées aux données et autres produits de SLI [63] . Pour ce qui est des options liées aux véhicules, le Tribunal souligne que les prix proposés grimpent au fil de la période de cinq ans selon la date de commande (mois après l’adjudication du contrat [MAAC]). Par conséquent, une éventuelle indemnité relative aux options exercées sera fondée sur le prix proposé se rapportant à la période pertinente. Si les options sont exercées après la durée initiale de cinq ans, les revenus seront fondés sur la catégorie de prix la plus élevée (de 49 à 60 MAAC).

Contrat SES

102.Le contrat SES comprend quatre catégories de revenus [64] , à l’égard lesquelles Oshkosh a soumis les prix suivants pour la durée initiale de cinq ans [65]  :

·           réparations et révision Free-Flow (coûts de la maintenance et du soutien courants des véhicules sur le terrain, sous forme de réparation de pièces remplacées par les techniciens du MDN et envoyées à l’entrepreneur) : ███████████ $;

·           outils spéciaux et matériel d’essai recommandés (coûts des machines et de l’équipement nécessaire à la maintenance courante) : ████████ $;

·           salaires, coûts indirects et profit (travaux supplémentaires imprévus) : ███████████ $;

·           gestion du programme et livrables (administration du programme de maintenance) : ████████ $.

103.  La DP ne prévoyait pas de montant maximal pour le financement du contrat SES, mais les contrats SES et d’acquisition subséquents y ont été intégrés en annexe, et ceux-ci prévoyaient des plafonds de dépenses (cependant aucun élément de preuve n’a été présenté quant à la valeur réellement indiquée dans les contrats du soumissionnaire retenu) :

3.2 Limitation des dépenses

3.2.1 La responsabilité totale du Canada envers l’entrepreneur dans le cadre du contrat ne dépassera pas {à être inséré à l’émission du contrat} $. Les droits de douane sont exclus et la TPS ou la TVH est en sus, s’il y a lieu [66] .

104.   La valeur du contrat SES de base adjugé au soumissionnaire retenu pour la durée initiale de cinq ans, sans les taxes, s’élève à 42 967 329 $, ce qui comprend une somme de ████████ de dollars pour le coût estimé des pièces de rechange (une catégorie distincte dont il sera question dans la section suivante) [67] .

105. Dans ses observations au sujet de l’indemnité, Oshkosh présente des revenus calculés selon deux hypothèses concurrentes : des services de SES limités à la durée initiale de cinq ans du contrat (calcul 3) ou des services SES prolongés sur la durée de vie de 20 ans des véhicules (calculs 1 et 2). Dans l’hypothèse la moins onéreuse (calcul 3), les sommes réclamées correspondent aux montants indiqués par Oshkosh dans sa proposition pour chacune des catégories énoncées ci-dessus [68] . Dans l’hypothèse la plus onéreuse (calcul 1), Oshkosh réclame des sommes près de quatre fois supérieures, après avoir multiplié par quatre la valeur de chaque catégorie, sauf celle des outils spéciaux et du matériel d’essai recommandés, pour tenir compte de la période prolongée de 20 ans[69]

106. Dans le calcul 2, présentée comme « l’option équilibrée » [traduction] par Oshkosh, cette dernière demande une indemnisation pour les revenus de la période de prolongation maximum, soit 20 ans. Ces options relèvent entièrement, encore une fois, de la discrétion du gouvernement. Elles lui permettent de prolonger la durée du contrat initial par périodes pouvant atteindre cinq ans. Ces options doivent être exercées par écrit au moins 120 jours civils avant la date d’expiration du contrat initial. Le contrat SES prend fin cinq ans après la date d’attribution du contrat, le 11 juin 2015[70]. À ce jour, l’option de prolongation n’a pas été exercée. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment à l’égard du contrat d’acquisition, le Tribunal estime qu’il n’est pas indiqué d’accorder une indemnité fondée sur une évaluation de la probabilité que les options soient exercées.

107.Par conséquent, le Tribunal recommande que l’indemnité au titre du contrat SES soit fondée sur les catégories de revenus prises en considération dans le prix de la soumission d’Oshkosh, qui totalisent ██████████ $.

108En ce qui concerne les années de prolongation optionnelles, aucune structure de prix n’a été convenue. Les prix devaient plutôt être négociés selon la méthode énoncée dans le contrat SES. Celle-ci exigeait que l’entrepreneur soumette une description du travail prévu 12 mois avant la fin de la période du contrat, y compris une analyse détaillée de la charge de travail pour chaque année optionnelle; les prix, les tarifs et les majorations proposés; une ventilation détaillée de l’ensemble des coûts, des profits, des tarifs fixes et des prix; les données de l’entrepreneur sur les coûts réels des cinq années précédentes; les données sur les coûts projetés; les trois derniers états financiers non consolidés audités de l’entrepreneur; toute information sur les coûts généraux de l’entrepreneur; toute autre information demandée par l’autorité contractante en vue de fixer les taux et les prix rajustés [71] . Le contrat SES prévoyait ce qui suit : « L’entrepreneur consent à ce que les prix, les tarifs et les majorations négociés soient équitables et justifiables » [72] , qu’« [e]n aucun cas, entre deux années financières, l’indice d’actualisation ne dépassera 3 p. 100 » [73] , et que « [l]e soumissionnaire atteste que le prix et les taux proposés sont fondés sur les coûts calculés selon les Principes des coûts contractuels 1031-2, et que le prix en question comporte un profit estimatif de _____ $ » [74] [traductions]. La clause sur l’attestation des prix prévoyait que le soumissionnaire devait attester « que le prix proposé n’est pas supérieur au plus bas prix demandé à tout autre client, y compris au meilleur client du soumissionnaire, pour une qualité et une quantité semblables de biens, de services ou les deux » [75] . Les attestations en question étaient toutes sujettes à vérification à la discrétion du gouvernement [76] .

109. Dans les rapports d’expert d’Oshkosh, la valeur des options exercées est calculée directement d’après les prix proposés par Oshkosh dans sa soumission. TPSGC n’a pas remis cette méthode en question. Le Tribunal estime que cette méthode donne une approximation raisonnable étant donné l’absence de prix précis pour les années optionnelles dans la soumission, tout particulièrement étant donné qu’elle prévient une éventuelle inflation des coûts conformément aux dispositions citées ci-dessus. Par conséquent, le Tribunal recommande que dans l’éventualité où le gouvernement prolongerait le contrat SES, Oshkosh aura droit à une indemnité de ███████████ $ par période de prolongation de cinq ans (ou une partie de ce montant calculée au prorata pour toute prolongation d’une durée inférieure à cinq ans).

Autres catégories de revenus non mentionnées dans les contrats subséquents

110.  Oshkosh demande aussi une indemnité pour certaines catégories de revenus qui ne sont pas mentionnées dans les contrats subséquents ou qui sont déjà comprises dans d’autres catégories.

Pièces de rechange et vérifications d’entretien préventif

111.Oshkosh demande une indemnité pour le coût estimé des pièces de rechange et des vérifications d’entretien préventif. Le prix estimatif proposé pour les services SES comprend une valeur correspondant au coût estimatif des pièces de rechange pour le cycle de vie des véhicules. Cependant, le contrat SES qui a été conclu ne prévoit aucune obligation pour le Canada d’acheter les pièces de rechange auprès du soumissionnaire retenu – il ne fait qu’obliger le soumissionnaire retenu à avoir la capacité de les fournir [77] . Le contrat SES prévoit par ailleurs que l’ensemble des réparations et des travaux de maintenance seraient effectués par le MDN (à l’exception des réparations des 3e et 4e échelons, qui correspondent selon TPSGC à un dommage « catastrophique », par exemple celui qui serait causé par une explosion) [78] . KPMG le reconnaît dans son propre rapport : « Nous sommes conscients qu’au-delà des pièces, des outils spécialisés et du matériel de mise à l’essai initialement exigés dans le contrat SES, l’approvisionnement en pièces pour la maintenance préventive des véhicules SVSM et des autres livrables n’est pas lié à un contrat devant être attribué dans le cadre du processus de DP. [...] [L]a DP n’énonçait des exigences en matière de pièces et de maintenance qu’à des fins de comparaison » [79] [traduction].

112. Le contrat SES n’obligeait pas le MDN à acheter des pièces de rechange auprès du soumissionnaire retenu. Cependant, la valeur hors taxes du contrat SES attribué au soumissionnaire retenu s’élève à 42 967 329 $, dont environ ██████ de dollars pour le coût des pièces de rechange nécessaires pendant la durée initiale de cinq ans du contrat [80] . La soumission d’Oshkosh pour les pièces de rechange au cours de la durée maximale de 20 ans du contrat prévoyait un prix de ████████ $ [81] . Dans ses observations, Oshkosh demande que le calcul des revenus soit effectué selon un des trois calculs suivants :

a.         Calcul 1 : Toutes les pièces de rechange fournies et les vérifications d’entretien préventif effectuées uniquement par Oshkosh pendant la durée de vie de 20 ans des véhicules (███████$US et ██████$US respectivement);

b.         Calcul 2 : Probabilité de 95 p. 100 que des pièces de rechange de marque déposée soient fournies et les vérifications d’entretien préventif soient effectuées pendant la durée de vie de 20 ans des véhicules; probabilité de 95 p. 100 que des pièces de rechange génériques soient fournies et les vérifications d’entretien préventif soient effectuées pendant les premiers 1 à 5 ans, de 75 p. 100 pendant les 6 à 9 ans suivants et de 50 p. 100 pendant les derniers 11 à 20 ans (██████$US et ███████$US);

c.          Calcul 3 : Pièces de rechange de marque déposée uniquement et vérifications d’entretien préventif pendant la durée de vie de 20 ans des véhicules (██████$US et ██████$US).

113. TPSGC s’oppose à l’écart entre les revenus réclamés à l’égard des pièces de rechange et le prix de la soumission d’Oshkosh, de même qu’à la tentative d’obtenir une indemnité pour la période de prolongation maximale de 20 ans.

114. Oshkosh fait valoir que les revenus supplémentaires (qui représentent entre 1,5 et 4 fois le prix de la soumission) pour les pièces de rechange et les vérifications d’entretien préventif (pour lesquels la DP ne demandait pas de soumission et dont le contrat SES ne faisait pas mention) est justifié et fondé sur la multiplication du taux de défaillance prévu des pièces par la probabilité que les pièces de rechange soient achetées auprès d’Oshkosh plutôt qu’auprès d’un fournisseur tiers. Oshkosh soutient aussi qu’en ce qui concerne les pièces de rechange, ni sa soumission ni celle du soumissionnaire retenu ne tient compte de l’ensemble des pièces qui pourraient être nécessaires, ne serait-ce que pendant la durée initiale de cinq ans. Les soumissions correspondraient plutôt à un ensemble de 46 pièces particulières devant permettre aux évaluateurs de comparer le coût du cycle de vie des véhicules des différents soumissionnaires. Oshkosh souligne que cela ne représente qu’une petite fraction des ████ différentes pièces (dont environ ██ p. 100 sont exclusives) de la nomenclature de ses véhicules [82] . Elle souligne également (à juste titre) que, contrairement à ce qu’affirme TPSGC, la définition des travaux de maintenance des 3e et 4e échelons dans la DP est plus large que le simple dommage « catastrophique » sur le terrain [83] .

115.  Au vu des dispositions de la DP, des soumissions des parties, du contrat SES et du contrat SES adjugé, le Tribunal est d’avis que l’indemnité la plus indiquée pour Oshkosh quant aux pièces de rechange pour la durée initiale du contrat SES, sans recours à la spéculation, est de ████████ de dollars. Normalement, c’est la valeur de la soumission d’Oshkosh qui servirait de référence pour déterminer l’indemnité, mais celle-ci ne convient pas applicable en l’espèce, car la soumission ne tenait compte que d’un échantillon restreint des pièces à des fins d’évaluation financière. En outre, si TPSGC a raison d’affirmer que le contrat SES ne prévoit aucune obligation quant à l’achat des pièces de rechange, il prévoit bel et bien l’obligation pour l’entrepreneur de les fournir sur demande, et la DP comprenait une estimation du prix des pièces de rechange pendant la durée de vie des véhicules. Par ailleurs, les éléments de preuve présentés par TPSGC montrent que les ████████ de dollars pour les pièces dans le contrat attribué reflètent le besoin estimé de pièces pour la durée initiale de cinq ans. Par conséquent, il y a une distinction à faire entre les revenus liés aux pièces de rechange et les revenus liés à des services plus hypothétiques dont il n’est fait mention ni dans la DP, ni dans le contrat subséquent, ni dans le contrat adjugé, comme la remise en état à mi-vie ou les vérifications d’entretien préventif.

116. En ce qui concerne les options se rapportant aux pièces de rechange, le Tribunal estime, comme dans le cas des options liées au contrat d’acquisition et au contrat SES, que l’attribution d’une indemnité d’une valeur précise à l’heure actuelle relèverait de la spéculation et n’est donc pas indiquée. Toutes les parties conviennent que le contrat ne comprenait aucune obligation d’acheter les pièces de rechange auprès du fournisseur retenu. La valeur du contrat attribué publié par TPSGC comprend une estimation du coût des pièces de rechange pour la durée initiale de cinq ans. Cependant, TPSGC n’a publié aucune modification indiquant que ce chiffre a été dépassé, et rien dans la preuve n’indique que c’est le cas.

117. Le Tribunal est d’avis que la valeur de l’indemnité devrait être fondée sur la valeur de toute modification future du contrat plutôt que sur les données du rapport d’expert d’Oshkosh, car il ne serait ni pratique ni équitable d’utiliser ces dernières. Pour ce qui est de l’aspect pratique, les recommandations du Tribunal se doivent d’être relativement faciles à respecter et rendre le calcul de l’indemnité le moins fastidieux possible pour les parties. Une indemnité fondée sur les prix figurant dans le rapport d’expert d’Oshkosh obligerait le gouvernement à faire une ventilation des achats de ce qui pourrait être des milliers de pièces fournies par Mack, puis de déterminer les équivalences entre ces pièces et celles d’Oshkosh, pour ensuite appliquer les prix d’Oshkosh (dont une bonne partie n’a jamais fait l’objet d’une soumission ni même de négociations) à ces éléments. Il ne s’agirait pas d’un simple exercice arithmétique, mais bien d’un calcul qui laisserait une grande place à l’exercice du jugement et qui inviterait inévitablement des conflits. Pour ce qui est du caractère équitable, le Tribunal est d’avis que les marges bénéficiaires proposées par Oshkosh ne sont pas raisonnables. Selon KPMG, les marges appliquées aux pièces de rechange incluses dans la soumission d’Oshkosh s’élèvent à  p. 100, alors qu’elles sont de plus de ██ p. 100 pour toutes les autres pièces [84] . Une marge de ██ p. 100 n’est conforme ni aux prix de la soumission d’Oshkosh ni aux dispositions des contrats subséquents, qui offrent au gouvernement une pleine transparence à l’égard des marges sur les pièces de rechange et un atout sous forme d’absence d’obligation d’acheter les pièces auprès du soumissionnaire retenu, alors que le soumissionnaire a l’obligation de maintenir sa capacité de les fournir sur demande.

118. Quant à l’utilisation des prix de la soumission d’Oshkosh, elle serait pratique, mais pas équitable. Comme le signale Oshkosh, la DP ne comprenait pas le prix de toutes les pièces, ce qui signifie que le prix de la soumission sous-évalue les revenus. D’ailleurs, la thèse selon laquelle les besoins estimés de TPSGC en pièces de rechange représentent une valeur nettement supérieure au prix de la soumission d’Oshkosh est étayée par le fait que chiffres estimatifs que TPSGC a fournis pour les cinq premières années seulement représentent environ la moitié du prix proposé par Oshkosh pour les pièces de rechange fournies tout au long de la durée de vie de 20 ans des véhicules.

119. Au vu de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que toute indemnité liée aux options se rapportant aux pièces de rechange qui pourraient être exercées dans l’avenir devrait être fondée sur les modifications apportées à la valeur du contrat attribué. Ainsi, le Tribunal recommande, dans l’éventualité où le gouvernement prolongerait le contrat SES et publierait une modification de contrat accordant un montant quelconque au soumissionnaire retenu pour les pièces de rechange au cours d’une période future, qu’Oshkosh ait droit à une indemnité pour les pièces de rechange prévues par toute modification ou prolongation de contrat future. Cette indemnité devrait correspondre, pour les motifs énoncés ci-après, à 10 p. 100 de la valeur de la modification du contrat.

120. En ce qui concerne les vérifications d’entretien préventif, le Tribunal considère qu’Oshkosh n’a droit à aucune indemnité à l’égard de ces revenus hypothétiques qui ne figurent pas dans la DP, ne sont pas mentionnés dans les soumissions des parties et ne sont pas reconnus dans le contrat SES. L’ampleur des services d’entretien fournis par le soumissionnaire retenu, même si elle n’est pas aussi limitée que le fait valoir TPSGC, est tout de même moins grande qu’Oshkosh prévoit au titre des vérifications d’entretien préventif. Par exemple, selon la description de KPMG, les vérifications d’entretien préventif comprennent des « trousses d’entretien servant à effectuer la maintenance préventive » [traduction]. Cependant, dans la DP, la définition de la maintenance des 3e et 4e échelons (qui relève du soumissionnaire) est nettement plus large; elle comprend « la remise à neuf » et « le réemploi et la fabrication restreinte » pour le 3e échelon et « la construction ou la fabrication selon les caractéristiques de conception, la modification en rattrapage, les améliorations à mi-vie et, vraisemblablement une capacité de chaîne de production » pour le 4e échelon [85] . « [L]a maintenance de l’opérateur et la maintenance préventive » et « la maintenance corrective par réparation ou remplacement de pièces et d’ensembles et limitée seulement par le temps [...] [qui], normalement, ne dépasse pas 24 heures » sont expressément comprises dans la définition de la maintenance des 1er et 2e échelons, qui relève exclusivement des techniciens du MDN [86] .

121.  Par ailleurs, la DP prévoit expressément que « [l]e 3e échelon de maintenance comprend le programme de réparations et révisions (R et R) de cet EDT », ce qui signifie que les revenus connexes sont déjà pris en considération dans la section Réparations et révision Free-Flow du contrat SES [87] . Certes, selon la DP, les données financières liées à la catégorie Réparations et révision Free-Flow n’étaient fournies « qu’à des fins d’évaluation ». Cependant, il est indiqué sur la même page que « [l]’évaluation des articles énumérés ci-dessus ne constitue pas un engagement d’achat » [88] . Aussi, Oshkosh compte deux fois les revenus de Réparations et révision Free-Flow en tenant compte de cette catégorie dans les vérifications d’entretien préventif.

122. Le Tribunal souligne en particulier le fait que les déclarations sous serment présentées par Oshkosh ainsi que les rapports de KPMG ne font aucune distinction entre la maintenance des 1er et 2e échelons (qui relève du MDN) et la maintenance des 3e et 4e échelons (qui relève de l’entrepreneur). KPMG se contente d’indiquer, en annexe de ses rapports, que les données liées aux vérifications d’entretien préventif et les pièces de rechange sont fondées sur « des estimations des revenus et des coûts annuels au titre des pièces de rechange et des vérifications d’entretien préventif pour le contrat initial, et que les options sont additionnées d’après les éléments de la nomenclature fournie par Oshkosh » [89] [traduction]. Selon M. Bleck, Oshkosh a calculé le coût des pièces de rechange et des vérifications d’entretien préventif en multipliant le taux de défaillance des pièces par le nombre de pièces dans un véhicule, le nombre total d’heures de fonctionnement d’un véhicule pour la durée du contrat et le nombre de véhicules prévu au contrat [90] . Toutefois, ces éléments de preuve également ne tiennent pas compte des dispositions de la DP et du contrat SES à l’égard de la répartition du travail entre l’entrepreneur et le MDN. C’est sur les catégories de revenus prises en considération dans l’évaluation des soumissions de SES qu’ont été établis la valeur du contrat SES et le montant des soumissions des parties, pas sur les vérifications d’entretien préventif.

123. Par conséquent, le Tribunal n’accorde aucune indemnité au titre des vérifications d’entretien préventif.

Remise en état à mi-vie

124. Oshkosh admet que la DP ne contient aucune disposition selon laquelle le soumissionnaire retenu sera responsable de la remise en état à mi-vie des véhicules MMN. Cependant, elle soutient qu’une remise en état et une mise à niveau seraient vraisemblablement effectuées au cours des 20 ans de la durée de vie des véhicules. Elle souligne que la pièce jointe BI-2 de l’appendice BI de l’énoncé des travaux du contrat SES exige que l’entrepreneur élabore un plan à long terme qui comprend « les recommandations de l’entrepreneur en ce qui concerne les activités de maintenance, de mise à niveau et de remise en état afin d’obtenir du soutien logistique rentable à long terme au cours de la durée de vie prévue » [91] . Oshkosh s’appuie sur les témoignages sous serment de MM. Williams et Bleck, de même que sur un document publié sur le site Web du Guide d’acquisition de la défense 2016 du MDN, pour faire valoir qu’il y aurait vraisemblablement une remise en état à mi-vie.

125. TPSGC soutient que rien dans la DP n’ouvre droit à des revenus de remise en état à mi-vie, que les prix de soumission et les évaluations financières ne faisaient aucune mention d’une remise en état à mi-vie, que les contrats subséquents ne laissaient pas entrevoir de revenus liés à la remise en état à mi-vie, qu’il n’y a jamais eu de proposition, d’appel d’offres ou d’attribution se rapportant à la remise en état à mi-vie dans le cadre de ce marché public, et même qu’il n’y a eu aucune demande de financement de la part du MDN ni approbation du Conseil du Trésor à l’égard d’une remise en état à mi-vie [92] . TPSGC souligne également que la proposition d’Oshkosh elle-même ne contenait aucune mention d’une remise en état à mi-vie [93] et que KPMG reconnaît que « la DP ne prévoit pas l’obligation contractuelle d’effectuer une remise en état à mi-vie des véhicules SVSM [...] » [94] [traduction].

126. Dans ses observations en réponse, Oshkosh reconnaît que la DP et le contrat SES ne contiennent aucune exigence de remise en état à mi-vie et qu’aucune des propositions des soumissionnaires ne tenait compte des prix relatifs à une telle remise en état. Cependant, elle fait valoir que l’énoncé des travaux du contrat SES y fait référence, et cite le plan à long terme, la mention des « améliorations à mi‑vie » dans la description des réparations du 4e échelon et la mention des « modifications à mi‑vie » dans les exigences liées à l’équipement électronique de l’énoncé des travaux. Oshkosh soutient qu’elle a droit à une indemnité pour toute catégorie de « revenus (et de profits afférents) pouvant raisonnablement être attendus au cours de la durée du contrat et de la période de mise en service des véhicules » [95] [traduction].

127.   Cette position est fondamentalement erronée au regard du droit pour ce qui est des indemnités qu’un plaignant peut réclamer au Tribunal en cas de violation d’un accord commercial. Le principe énoncé par Oshkosh (dédommagement de tout type de préjudice raisonnablement prévisible) peut être envisageable lorsqu’il est question des « dommages-intérêts » réclamés devant une cour de justice, en common law, en cas d’inexécution de contrat. Il ne s’agit pas d’un principe reconnu lorsqu’il est question devant le Tribunal d’une « indemnité » pour violation d’un accord commercial. L’indemnité est d’abord et avant tout fondée sur les obligations auxquelles consentent les parties, telles qu’elles sont énoncées dans la DP et dans leurs propositions, ou (lorsqu’il n’est pas pratique de la calculer en fonction de ces éléments) sur la valeur du contrat final adjugé. Elle ne doit pas se fonder sur une analyse hypothétique, factuelle ou comptable des autres services et marchandises qui auraient pu être fournis à titre auxiliaire ou par la suite. Par ailleurs, la recommandation d’indemnités par le Tribunal implique un certain pouvoir discrétionnaire et une certaine marge de manœuvre qui aident le Tribunal à accomplir son mandat à titre d’instance accessible offrant un règlement rapide des différends, à formuler des recommandations faisables dont l’exécution est probable, à éviter de procurer aux plaignants un gain excessif et à éviter que l’État ait à débourser les coûts des marchés publics en double. Ces éléments font en sorte qu’il est plus facile (et plus rapide) d’obtenir une indemnité devant le Tribunal que devant les cours de justice lorsque la responsabilité est établie et, parallèlement, que l’ampleur des revenus pris en compte dans le calcul de l’indemnité et le niveau de profits reconnus peuvent être moindres devant le Tribunal.

128. Le Tribunal conclut que, du point de vue du droit, Oshkosh n’a pas droit aux revenus se rapportant à la remise en état à mi-vie. Il n’y a donc pas lieu de trancher la question de la probabilité qu’une telle remise en état ait lieu.

Soutien technique lié aux systèmes

129.  Oshkosh réclame les revenus tirés du soutien technique lié aux systèmes, qu’elle décrit comme « des services fournis par l’entrepreneur qui comprennent l’élaboration de la trousse, les études de conception, la mise à l’essai et le soutien lié à la logistique secondaire » [96] [traduction]. M. Bleck affirme que « [d]iverses dispositions de la DP concernant le SVSM prévoient que le soumissionnaire retenu fournisse du soutien et d’autres services au MDN [...] » [traduction], mais n’étaye cette affirmation d’aucune référence tirée de la DP[97]. Il renvoie plutôt au rapport de KMPG, dans lequel il est seulement affirmé que « le soutien technique lié aux systèmes et les activités de mise à jour des données font partie des exigences de soutien additionnel déterminées par Oshkosh »[98] [traduction]. Par ailleurs, il reconnaît ensuite que le soutien technique lié aux systèmes et la tenue à jour des données constituent des « sources de revenus potentiels qui ne tombent pas directement sous la portée des contrats subséquents concernant le SVSM »[99] [traduction]. Pour ce qui est du soutien technique lié aux systèmes, les chiffres sur les revenus et les coûts ne sont pas tirés de la proposition d’Oshkosh, de la DP, du contrat SES ni du contrat adjugé, mais plutôt de l’expérience d’Oshkosh dans d’autres contrats concernant le véhicule HEMTT A4[100].

130. TPSGC fait valoir que rien dans la DP ne concerne le soutien technique lié aux systèmes et que cet élément ne devrait pas être pris en considération. Oshkosh ne justifie pas sa réclamation des revenus de cette catégorie dans ses observations subséquentes.

131.Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment à l’égard de la remise en état à mi-vie, le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas indiqué, en droit, de prendre en considération les revenus tirés du soutien technique lié aux systèmes aux fins de la recommandation d’une indemnité. Il n’est donc pas utile, non plus, d’évaluer la probabilité que TPSGC conclue un contrat auxiliaire concernant ces services.

Tenue à jour des données

132.Oshkosh réclame des revenus au titre de la tenue à jour des données, qu’elle décrit comme les services visant à « faire en sorte que les produits logistiques vendus à des clients comme le MDN soient mis à jour pour permettre à ces clients d’acheter des pièces de rechange et de faire l’entretien des véhicules en fonction des modifications de configuration apportées, au fur et à mesure que les véhicules vieillissent et font l’objet de changements de configuration » [101] [traduction]. Les chiffres liés aux revenus et aux coûts de la tenue à jour des données ne sont pas tirés de la proposition d’Oshkosh, de la DP, du contrat SES ni du contrat attribué, mais plutôt de l’expérience d’Oshkosh dans le cadre d’autres contrats concernant son véhicule HEMTT A4 [102] .

133.TPSGC fait valoir que rien dans la DP ne concerne la tenue à jour des données et que cet élément ne devrait pas être pris en considération. Oshkosh ne justifie pas sa réclamation de revenus de cette catégorie dans ses observations subséquentes.

134. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment à l’égard de la remise en état à mi-vie et du soutien technique lié aux systèmes, le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas indiqué, en droit, de prendre en considération les revenus se rapportant à la tenue à jour des données aux fins de la recommandation d’une indemnité. Il n’est donc pas utile, non plus, d’évaluer la probabilité que TPSGC conclue un contrat auxiliaire concernant ces services.

Dollars américains et dollars canadiens

135.   La DP prévoyait une option de rajustement du taux de change permettant aux soumissionnaires d’être payés en dollars américains, à un taux calculé au moyen de la formule prévue, pour les biens et les services originaires de l’extérieur du Canada pendant la durée du contrat [103] . Cette disposition avait pour but de permettre aux deux parties de gérer le risque qu’il y ait des fluctuations importantes sur le marché des changes [104] .

136.Oshkosh soutient avoir droit aux revenus qui correspondent aux prix qu’elle a proposés, convertis en dollars américains au taux en vigueur au moment de sa soumission (1,065 $CA contre 1 $US).

137. PSGC a remis en doute le calcul du taux de change, au motif qu’il entraînait une surestimation de la perte d’Oshkosh, étant donné l’évolution de la valeur du dollar canadien entre le moment où la soumission a été faite et le moment présent, et il a proposé un rajustement, lequel a été accepté par Oshkosh [105] .

138. Toutefois, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu d’accorder de rajustement de taux de change en l’espèce. Oshkosh a présenté une soumission en dollars canadiens. Elle a présenté une demande d’indemnité au Tribunal pour violation des accords commerciaux. Le rajustement de taux de change prévu dans la DP n’avait pas pour objectif de protéger les soumissionnaires éventuels contre le risque de dépréciation du dollar canadien (ou, réciproquement, de les empêcher de tirer parti d’une appréciation du dollar canadien) pour les besoins d’une éventuelle demande d’indemnisation. Son objectif était plutôt de gérer le risque de fluctuation importante du taux de change dans le contexte de la fabrication et de la fourniture réelles de biens et services originaires des États-Unis pendant la durée du contrat. Oshkosh n’a pas réalisé de telles activités, et il n’est nullement mentionné dans la DP que la clause de rajustement de taux de change peut s’appliquer à une production hypothétique pour le calcul des profits perdus aux fins de l’indemnisation ou du versement de dommages-intérêts.

139.Oshkosh n’a pas présenté de jurisprudence pour défendre l’idée que le Tribunal devrait rajuster le montant des indemnités eu égard aux DP dans le cadre desquelles une partie a décidé de se protéger du risque que des fluctuations de change jouent sur ses coûts de production.

140. Par ailleurs, selon le Tribunal, la meilleure façon de calculer l’indemnité est en appliquant une marge bénéficiaire raisonnable aux prix proposés par Oshkosh ou, dans l’éventualité où ceux-ci ne sont pas connus ou pour des raisons d’ordre pratique, à la valeur du marché attribué. Les sommes étaient exprimées en dollars canadiens dans les deux cas. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à un rajustement de taux de change pour faire correspondre les revenus et les dépenses.

141. Étant donné qu’Oshkosh n’a pas droit à un rajustement du montant de l’indemnité en fonction de l’évolution du taux de change depuis 2014, et étant donné qu’un tel rajustement n’est de toute façon pas nécessaire aux fins du calcul de l’indemnité, le Tribunal ne fait pas de rajustement de taux de change. 

Marge bénéficiaire et dépenses

142.   Il incombe à la plaignante de justifier le montant de l’indemnité suivant la norme de la prépondérance de la preuve [106] .

143.En l’espèce, le Tribunal conclut qu’il y a davantage lieu d’appliquer une marge bénéficiaire raisonnable pour calculer les profits perdus, plutôt que d’obtenir le chiffre en déduisant les dépenses des revenus. Comme mentionné précédemment, en analysant les profits perdus exprimés comme étant la différence entre les revenus et les dépenses, Oshkosh n’a pas suivi le cadre de la DP, de la proposition financière et des contrats subséquents. Par ailleurs, elle a exprimé les dépenses et les profits perdus en dollars américains, alors que sa soumission était en dollars canadiens. En outre, elle n’a pas retenu la méthode privilégiée par le Tribunal, suivant laquelle l’évaluation des profits perdus repose sur les attentes des parties au moment de la soumission. En effet, elle a tenu compte de données courantes sur le coût des matières et les fluctuations de change et a réduit à tort l’estimation des dépenses en ne tenant pas compte de montants appropriés pour les frais généraux fixes et les frais de préparation de la soumission (la DP excluait ces frais des coûts pouvant être recouvrés). Dans ces circonstances, le Tribunal conclut qu’elle ne peut, de manière fiable ou pratique, rajuster les dépenses pour tenir compte de ces facteurs. Comme il l’a déjà fait dans des affaires passées et conformément à ce que prévoient les Lignes directrices lorsque les dépenses ne sont pas étayées, le Tribunal utilisera un pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable à appliquer aux revenus reconnus ci-dessus [107] .

Pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable

           Considérations générales

144. Le Tribunal reconnaît que les Lignes directrices n’offrent pas ce qui se veut une formule rigide à utiliser pour déterminer les pourcentages d’indemnité qui conviennent, mais plutôt qu’elles en établissent les principes généraux. Le Tribunal reconnaît également que chaque affaire est distincte, et que les circonstances de l’espèce jouent dans la détermination du pourcentage d’indemnité raisonnable. Néanmoins, le Tribunal souhaite profiter de l’occasion qui lui est ici donnée pour faire le point sur la jurisprudence qui le concerne et pour souligner certaines considérations qui sont cruciales à son analyse relative à l’indemnisation. À cet égard, le Tribunal est d’avis que les particularités du mécanisme d’examen des marchés publics, par opposition à ce qui prévaut dans les actions en dommages en common law, sont fondamentales.

145. Premièrement, le Tribunal garde à l’esprit que le Parlement lui a accordé un vaste pouvoir discrétionnaire pour ce qui est d’accorder une mesure corrective à la suite de violations d’accords commerciaux dans le cadre de ses examens des marchés publics fédéraux, et ce afin qu’il puisse améliorer ce système dans son ensemble, et non pas seulement agir comme arbitre dans les différends qui opposent des parties privées. Dans un tel contexte, le Tribunal se préoccupe des impératifs concurrentiels en veillant à ce que l’indemnité ait pour effet de dissuader la violation des accords commerciaux et d’inciter les plaignants à déposer les plaintes valables, d’une part, tout en évitant d’accorder des aubaines aux plaignants, d’autre part [108] .

146. Deuxièmement, le Tribunal souligne que la Cour d’appel fédérale a mis l’accent sur le fait que les indemnités qu’il recommande tiennent compte des principes de common law en matière de dommage, sans s’y limiter [109] .

147. Troisièmement, par le passé, il est arrivé fréquemment que le Tribunal recommande une indemnité fondée sur un pourcentage de marge bénéficiaire de 10 p. 100 environ [110] . Le Tribunal a souligné que, dans la plupart des marchés publics fédéraux, le pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable tourne autour de 10 p. 100, ce qui se justifie en partie par l’absence relative de risque que posent les marchés publics (et par les indemnités pécuniaires qui sont exécutoires) [111] . Le Tribunal demeure du même avis. Un pourcentage de 10 p. 100 est généralement suffisant pour être supérieur au simple taux de rendement sans risque (c’est-à-dire entre 2 et 4 p. 100), pour dissuader la violation des accords commerciaux en tant que coût associé au fait de faire des affaires (avec le gouvernement), et pour indemniser adéquatement (mais non excessivement) les soumissionnaires conformes qui ont des motifs de plainte valides, lorsque les injonctions ou d’autres mesures similaires ne sont pas possibles.

148. Ainsi, selon le Tribunal, la jurisprudence montre qu’un pourcentage de 10 p. 100 constitue un point de départ normal pour établir un pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable. Le Tribunal reconnaît également qu’il est parfois arrivé que des taux différents soient retenus, mais que le calcul de l’indemnité n’est pas simplement (ni même principalement) un exercice d’expertise comptable. Pour déterminer l’indemnité à accorder à la suite de la violation d’un accord commercial, il y a lieu d’éviter le plus possible les estimations hypothétiques concernant les revenus et dépenses futurs, lesquelles donnent généralement lieu à des batailles d’experts. À moins que les documents de l’invitation prévoient le contraire, il convient plutôt de faire l’estimation du pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable à la lumière de données historiques ou qualitatives, ou les deux, d’après ce qui est observé dans le secteur d’activité et l’entreprise pour des biens ou services similaires [112] . En faisant de la détermination d’indemnités un processus de collecte, d’examen et de débat d’estimations de coûts courants détaillés, on nuit aux objectifs du Tribunal en tant qu’instance accessible offrant des recours rapides et abordables en réponse aux plaintes visant les marchés publics.

149. Cette interprétation concorde avec la décision du Parlement d’instaurer un mécanisme administratif quasi judiciaire d’examen des marchés publics, lequel offre un complément aux procédures et recours judiciaires déjà prévus en common law en cas d’inexécution de contrat, plutôt que de les dupliquer. Le fait d’offrir deux avenues par lesquelles les fournisseurs peuvent déposer leur plainte, suivant des règles, procédures et recours différents, favorise l’efficacité du système en permettant aux parties de choisir l’instance juridictionnelle qui répond le mieux à leurs besoins. Dans l’arrêt Telezone, la Cour suprême du Canada reconnaissait expressément l’avantage, sur le plan jurisprudentiel, d’avoir des instances multiples et complémentaires, adhérant à un recours à deux volets pour les parties lésées par une mesure du gouvernement : demande de contrôle judiciaire dans le cas d’une demande d’injonction seulement, ou action en dommages‑intérêts pour inexécution de contrat ou responsabilité délictuelle seulement [113]. Affirmant que la question portait « essentiellement [sur] l’accès à la justice », la Cour a statué que « [l]es personnes qui prétendent avoir subi un préjudice attribuable à une mesure administrative doivent pouvoir exercer les recours autorisés par la loi au moyen de procédures réduisant au minimum les frais et complexités inutiles. Notre Cour doit aborder cette question d’un point de vue pratique et pragmatique en gardant cet objectif à l’esprit [114] . » L’accès à la justice et la simplicité sont aussi importants, voire plus importants, dans la réalisation du mandat d’examen des marchés publics du Tribunal.

           Décision du Tribunal dans la présente affaire

150.  Si l’on revient aux faits de l’espèce, comme mentionné ci-dessous, Oshkosh n’a pas présenté d’éléments de preuve pour démontrer que la marge bénéficiaire nette qu’elle avait perdue était supérieure à 10 p. 100, et l’expert de TPSGC a qualifié de raisonnable un pourcentage d’environ 10 p. 100. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’accord pour dire qu’un pourcentage de marge bénéficiaire de 10 p. 100 est raisonnable au vu des faits de l’espèce.

151.KPMG a calculé les profits perdus d’Oshkosh en soustrayant ses dépenses prévues (à la lumière des coûts, exprimés en dollars américains, liés aux véhicules prévus dans les contrats réels) de ses revenus prévus (convertis en dollars américains conformément au taux de rajustement dont il a été question précédemment). Pour établir les estimations des dépenses, KPMG s’appuie sur le modèle financier utilisé par Oshkosh au moment de préparer sa soumission et également sur des données et des documents à l’appui.

152. Les estimations de KPMG au regard des marges bénéficiaires varient selon les différents calculs et hypothèses retenus. Cependant, dans ce qu’Oshkosh qualifie d’analyse équilibrée (calcul 2), KPMG propose une marge bénéficiaire de ███ p. 100 à titre de marge raisonnable et conforme à celles réalisées par Oshkosh au cours de la période 2007-2015 et à la moyenne sectorielle de 19,5 p. 100 [115] . Les autres calculs donnent des marges bénéficiaires du même ordre, à savoir ███ p. 100 (calcul 3) et ███ p. 100 (calcul 1) [116] .

153.  L’expert de TPSGC est parvenu à des pourcentages de marge bénéficiaire perdue nettement inférieurs, soit des taux allant de ██ p. 100 à ███ p. 100 [117] . TPSGC se montre critique à différents égards concernant les rapports de KPMG.

154.  Premièrement, il fait valoir qu’Oshkosh ne lui a pas fourni l’ensemble des documents et données qu’il lui a demandés. Le Tribunal rejette cet argument, car TPSGC n’a pas déposé de demande exigeant une telle divulgation. La partie qui souhaite avoir accès à des données ou documents justificatifs et à qui l’autre partie ne les a pas fournis volontairement doit présenter une demande officielle d’ordonnance de divulgation, en temps opportun.

155. Deuxièmement, il met en doute le caractère suffisant de la déclaration sous serment de Tim Bleck. Selon TPSGC, cette déclaration a été faite sur la foi de renseignements tenus pour véridiques plutôt que sur la foi de connaissances personnelles. TPSGC fait valoir que M. Bleck valide l’intégrité et la fiabilité de données américaines sur les coûts en faisant référence au fait que ces données sont soumises à une surveillance et à une vérification de la part du gouvernement américain ainsi qu’à des normes, et en soulignant que les données concernent un marché public américain où il était question des mêmes véhicules, ce qui ne constitue pas un élément de preuve valable.

156. Le Tribunal rejette cet argument également. Même dans le contexte d’une poursuite en justice, l’auteur de la déclaration sous serment peut attester d’éléments de preuve sur la foi de renseignements tenus pour véridiques – il n’est pas tenu d’en avoir une connaissance directe, laquelle a simplement une incidence sur la force probante. A fortiori, pour ce qui concerne le Tribunal, dont les règles de preuve sont plus souples que celles des cours de justice, l’auteur d’une déclaration sous serment n’a pas à témoigner uniquement en fonction de ses connaissances personnelles aux fins de la détermination de l’indemnité [118] . Par ailleurs, en ce qui concerne le caractère raisonnable des vérifications qu’il a faites quant à l’origine des données sur les coûts, si TPSGC voulait faire une vérification concrète et détaillée, alors il aurait dû déposer une demande d’ordonnance de divulgation.

157.Troisièmement, TPSGC critique également la structure de l’analyse réalisée par KPMG, affirmant que celle-ci ne correspond pas à la DP ni à la proposition financière d’Oshkosh elle-même, mais plutôt au modèle comptable interne d’Oshkosh appelé Pro Pricer. Le Tribunal souscrit à cet argument, comme il l’a souligné précédemment dans son analyse des chiffres présentés par KPMG et Oshkosh relativement à certaines catégories de revenu non mentionnées dans la DP, les contrats subséquents et le contrat adjugé. Ce constat concerne seulement les revenus pouvant être pris en compte, et non les dépenses.

158. Quatrièmement, TPSGC reproche à KPMG d’avoir appliqué une réduction pour éventualités seulement aux options (selon la probabilité qu’elles soient ou non exercées), et non aux contrats de base. Pour étayer son argument selon lequel il y a lieu d’appliquer la réduction, il fait état de risques multiples pouvant faire en sorte que ne soient pas pleinement recouvrés les profits perdus estimatifs, notamment le risque de non-exécution (travailleurs, fournisseurs, etc.); le risque lié à la marge bénéficiaire (hausses de coûts); le risque lié au calendrier (retards découlant de l’approvisionnement en matières premières, de la production, de la reprise du travail, de la réglementation); les risques liés aux hypothèses retenues dans le modèle (concernant les frais généraux fixes, la durée de vie des véhicules, le taux d’utilisation, le taux d’échec, les pièces de rechange).

159. Le Tribunal rejette cet argument. Comme expliqué précédemment, l’étape de la procédure consacrée à l’indemnisation ne se veut pas un examen factuel mené librement pour déterminer quelle aurait été la situation si le contrat avait été exécuté dans les faits – il s’agit d’une simple détermination des revenus en supposant une marge bénéficiaire raisonnable.

160.  Cinquièmement, TPSGC déplore que dans l’addenda de KPMG, des hypothèses favorables concernant le coût des matières premières font augmenter l’estimation des profits perdus. Son expert, Duff & Phelps (D&P) fait valoir que KPMG n’a pas réalisé d’analyse indépendante pour vérifier les économies de coûts, que le contexte commercial (par exemple pour ce qui concerne l’observation antérieure d’Oshkosh voulant que l’entreprise aurait obtenu des contrats à long terme à coûts fixes) ne concorde pas avec une telle perspective à long terme (par opposition aux écarts attribuables à la volatilité à court terme), et que les rajustements relèvent de la spéculation. Les économies représentent environ 9 p. 100 des coûts des matières [119] .

161. Oshkosh fait valoir que le Tribunal devrait utiliser les coûts des matières qui sont connus à l’heure actuelle, et non les propositions de prix non contraignantes obtenues au moment de la soumission. Le Tribunal n’est pas d’accord. Pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il a rejeté la demande de rajustement de taux de change d’Oshkosh, le Tribunal est d’avis que l’indemnité recommandée ne doit pas être rajustée à la hausse (ou à la baisse) simplement en raison d’une fluctuation des coûts des matières ayant lieu au cours d’années futures.

162.   Sixièmement, D&P soutient que KPMG a erronément tenu compte des estimations des frais fixes fournies par la direction à titre de coûts différentiels. D&P a demandé à Oshkosh de lui fournir différentes données qui lui permettraient d’évaluer, suivant une analyse dite « ascendante », l’évolution des coûts en réponse à différents volumes de production. Or, Oshkosh n’a pas fourni les données demandées.

163. Puisque TPSGC n’a pas déposé de demande de divulgation des documents qu’il souhaitait obtenir, le Tribunal ne retient pas l’argument selon lequel Oshkosh n’a pas eu recours à une analyse ascendante des coûts. Le Tribunal conclut également qu’une telle analyse ne peut raisonnablement être exigée. Comme déjà mentionné, la DP prévoyait l’acquisition de centaines d’unités de véhicules militaires et équipement connexe de cinq variantes différentes, ainsi que de pièces se comptant par milliers. Oshkosh a fourni à KPMG des données relatives aux coûts à la lumière du modèle financier qu’elle a utilisé pour préparer sa soumission et des données qu’elle a recueillies d’après les ventes de véhicules des mêmes modèles effectuées auprès de l’armée américaine. Ces sources sont suffisamment fiables pour qu’une analyse ascendante ne soit pas nécessaire en l’espèce, compte tenu des coûts et dépenses disproportionnés d’un tel exercice.

164.  Septièmement, D&P remet en cause le montant des frais généraux fixes que KPMG a pris en compte dans le calcul des profits perdus. Il importe de souligner que toutes les marges bénéficiaires présentées par KPMG sont brutes (et non nettes), c’est-à-dire qu’elles ne comprennent que les revenus différentiels et les coûts différentiels liés au contrat – elles excluent les frais généraux fixes (parfois appelés frais de vente, frais généraux et dépenses administratives). Par opposition, le modèle financier retenu par Oshkosh dans la proposition en réponse à la DP, sur lequel s’appuie KPMG, tient compte de la totalité des coûts de production, y attribuant aussi une portion appropriée des frais généraux (fixes). Pour établir son estimation des profits perdus, KMPG a fait un rajustement pour exclure les frais généraux fixes qui, vraisemblablement, auraient existé de toute façon et qui ne sont donc pas attribuables au contrat. Selon l’estimation faite par KPMG à la lumière de l’information et des observations présentées par Oshkosh, environ 60 p. 100 des frais généraux (███████████ de dollars) sont fixes. D&P fait valoir que cette estimation n’est pas étayée et propose plutôt une proportion de 40 p. 100 [120] .

165. En ce qui concerne la marge bénéficiaire, le Tribunal conclut qu’il convient de retenir le revenu net, plutôt que la marge brute, car ce résultat tient compte d’une déduction appropriée des frais (généraux) fixes, notamment les frais de préparation de la soumission, raisonnablement attribués au contrat.

166. D’abord et avant tout, il s’agit de la marge bénéficiaire retenue par Oshkosh elle-même pour préparer sa proposition en réponse à la DP – et donc la marge qui est directement liée à la soumission, à la concurrence, ainsi qu’aux attentes de l’entreprise [121] . Deuxièmement, la plaignante ne peut réellement exécuter le contrat sans devoir assumer au moins une part de frais généraux, que ces coûts soient différentiels ou non – tout comme elle ne peut devenir le soumissionnaire retenu sans assumer certains frais de préparation d’une soumission. Rien ne permet de justifier qu’une part de ces frais généraux (et la totalité des frais de présentation d’une soumission, d’autant plus qu’une clause de la DP exclut la possibilité de recouvrer ces frais) ne puisse être attribuée aux contrats subséquents. Oshkosh ne prétend pas que tous ses frais généraux sont déjà imputés à d’autres travaux – auquel cas certains coûts différentiels supplémentaires devraient être pris en compte de toute façon. Néanmoins, les pratiques d’indemnisation du Tribunal ne devraient pas faire en sorte que le gouvernement offre implicitement une somme exagérée aux entrepreneurs au regard des frais généraux : en tenant compte de chaque contrat comme un élément différentiel, tous les contrats deviennent différentiels, et aucun ne peut faire l’objet d’une déduction pour frais généraux (selon une allocation raisonnable).

167. Troisièmement, il est vrai que le Tribunal a admis l’exclusion des frais fixes non différentiels par le passé, mais il reprenait alors par défaut la méthode retenue en common law pour le calcul des dommages [122] . Depuis les affaires Envoy et Almon, toutefois, la Cour fédérale a clairement établi que le Tribunal ne devait pas adopter aveuglément les restrictions imposées en common law. Quatrièmement, même suivant son ancienne façon de faire, le Tribunal reconnaissait qu’il pouvait y avoir des exceptions « dans le cas où un contrat occasionne une forte croissance des revenus, [ce qui fait que] les frais généraux augmentent inévitablement, du moins en ce qui concerne les coûts marginaux, et doivent donc être déduits en conséquence » [123] . La DP concernait des revenus totalisant près d’un milliard de dollars sur 20 ans – il est peu probable qu’il n’y aurait eu aucune hausse marginale des frais généraux en conséquence. Cinquièmement, par le passé, si l’on fait exception des affaires dans lesquelles la plaignante serait autrement retrouvée avec une indemnité nulle [124] , le Tribunal a déduit à la fois les coûts directs et indirects du revenu brut pour calculer la perte de profits [125] , y compris les frais de préparation de la soumission et une portion allouée des frais généraux [126] .

168. Le rajustement relatif aux frais généraux est présenté à l’appendice 4 des annexes du rapport présenté en réponse par KPMG, tout juste après la colonne donnant le coût non rajusté. Le rajustement représente environ x p. 100 du coût non rajusté. Si ces coûts fixes et les frais de préparation de la soumission allégués (mais non réclamés) de ██████ de dollars américains sont ajoutés au total des coûts, comme au moins les premiers faisaient partie de la soumission d’Oshkosh à l’origine, alors l’estimation du pourcentage de marge bénéficiaire diminue de façon marquée dans chacun des trois calculs, à moins de 10 p. 100.

169. En somme, le Tribunal est d’avis qu’une marge bénéficiaire de 10 p. 100 est raisonnable au vu des faits de l’espèce. En particulier, pour une question de droit et de politique, le Tribunal conclut que les pourcentages de marge bénéficiaire raisonnables devraient être établis en fonction du profit net et non en fonction du profit brut, et comprendre l’allocation d’une portion appropriée des frais généraux, ce qui justifie de réduire considérablement l’estimation d’Oshkosh, laquelle se situe plutôt autour de ██████. Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que le pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable le plus juste est celui qu’Oshkosh prévoyait obtenir lorsqu’elle a présenté sa soumission. La marge bénéficiaire attendue était prise en compte dans les prix proposés et reposait sur de l’information qui était connue à l’époque. En prenant en compte des faits ultérieurs, on s’éloigne des attentes des parties ou on diminue le caractère prévisible, pour les parties intéressées, de l’indemnisation éventuelle dans l’éventualité d’une plainte visant un marché public. Une fois apportés les rajustements susmentionnés, le pourcentage de marge bénéficiaire raisonnable tombe sous 10 p. 100. Toutefois, étant donné que même l’expert de TPSGC est d’avis qu’une marge bénéficiaire de 11 p. 100 est raisonnable, le Tribunal retient un taux de 10 p. 100.

Réductions du pourcentage de marge bénéficiaire global demandées par TPSGC

170.TPSGC soutient que, pour chaque élément de coût et de revenu ou pour le calcul du montant total de l’indemnité, le Tribunal devrait appliquer une réduction pour éventualités d’au moins 50 p. 100. Il soutient également que cette réduction de 50 p. 100 devrait être appliquée une fois apportée la réduction pour perte d’opportunité, au motif que non seulement deux autres soumissionnaires conformes avaient obtenu une note supérieure, mais également qu’il était peu probable qu’Oshkosh puisse dépasser l’un ou l’autre à la suite de nouveaux essais.

171. Oshkosh fait valoir que tenir compte du risque lié aux éventualités serait gratuit en plus d’être non fondé en droit et dans les faits.

172. Le Tribunal rejette l’argument de TPSGC, pour plusieurs raisons. Premièrement, le Tribunal a déjà établi, en réponse à la requête de retrait de documents, que la question de la probabilité qu’Oshkosh eût été le soumissionnaire retenu à la suite de nouveaux essais est chose jugée. Deuxièmement, TPSGC n’a pas présenté de données empiriques ou qualitatives pour étayer le taux de réduction de 50 p. 100 qu’il propose. Troisièmement, TPSGC n’a pas fourni de fondement juridique ou administratif pour appuyer l’argument voulant que le Tribunal doit appliquer une réduction pour éventualités de 50 p. 100 dans son calcul des profits perdus. TPSGC cite l’article 3.2.4 (« Montant lié aux éventualités ») des Lignes directrices, qui figure (ainsi que les réductions pour le « caractère lointain », la « minimisation », la « valeur temporelle de l’argent » et la « marge bénéficiaire non étayée ») dans la section « Réductions de l’indemnité suggérée ». Toutefois, ces réductions devraient être appliquées uniquement dans le cadre des modalités concrètes des documents de l’invitation (y compris la DP et les modifications y afférentes, les contrats subséquents, ainsi que les réponses fournies dans les questions et réponses), des propositions des soumissionnaires et du contrat final adjugé, tel qu’il est publié. Les parties ne se voient pas accorder l’occasion d’élaborer un scénario hypothétique approfondi (non lié aux modalités concrètes des documents de l’invitation) dans lequel il serait supposé que la plaignante a remporté le contrat, pour tenter d’établir quels types d’autres coûts auraient dû être assumés dans une telle éventualité.

173. TPSGC fait également valoir qu’en plus d’une réduction globale pour éventualités de 50 p. 100, il y a lieu de faire un rajustement à la baisse pour tenir compte du risque lié au calendrier, du risque de retards et des coûts supplémentaires liés à l’exécution réussie d’un contrat d’approvisionnement aussi volumineux et complexe. TPSGC s’appuie principalement sur la déclaration sous serment de M. Lortie pour étayer cet argument. Oshkosh s’y oppose pour les mêmes motifs invoqués concernant la réduction pour éventualités.

174. Le Tribunal rejette cet argument, pour plusieurs raisons. Premièrement, le risque de dépassement des coûts et de perte de revenus relève de la spéculation – M. Lortie ne dit pas que c’est bien ce qui s’est produit concernant la performance de Mack. Même s’il l’avait fait, rien ne permet de penser qu’Oshkosh ne réussirait pas à respecter les normes d’exécution du contrat. Deuxièmement, lorsqu’il fait des observations sur les dépassements de coûts et les retards, M. Lortie parle de façon générale. Il ne donne pas d’exemples tirés d’autres marchés publics en particulier (et encore moins de celui qui nous intéresse). Troisièmement, comme expliqué en détail plus haut, les demandes d’indemnisation doivent être liées aux documents de l’invitation, aux propositions et au contrat adjugé. Il n’est pas possible de faire un procès distinct et d’opposer les témoins ordinaires et les témoins experts sur la question de savoir comment auraient pu se dérouler le contrat en question ou des contrats similaires. Un tel exercice est en soi hypothétique et il ne cadre pas avec le rôle du Tribunal en tant qu’instance accessible et prévisible vers laquelle peuvent se tourner les plaignants qui ont des motifs de plainte valables et qui sont jugés admissibles à une indemnisation.

175. En somme, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de réduire le pourcentage de marge bénéficiaire retenue ci-dessus.

Réduction pour perte d’opportunité

176. Dans la décision et les motifs rendus le 20 juillet 2016, le Tribunal a déterminé qu’Oshkosh devait être indemnisée pour perte d’opportunité dans le cas où de nouveaux essais ne seraient pas possibles.

177. Une indemnisation pour perte d’opportunité tenant lieu d’indemnisation pour profits perdus est accordée lorsque le Tribunal n’est pas en mesure d’établir clairement que la plaignante aurait été le soumissionnaire retenu n’eût été la violation d’un ou de plusieurs accords commerciaux de la part de l’institution fédérale. L’évaluation de la perte d’opportunité a pour objectif de déterminer la probabilité que la plaignante eût été le soumissionnaire retenu. Conformément aux Lignes directrices et aux faits de la plupart des affaires, le nombre d’autres soumissionnaires conformes est généralement l’indicateur le plus fiable à cet égard. Cela dit, les parties sont libres de présenter tout autre élément qui pourrait, selon elles, aider le Tribunal à établir la probabilité qu’un soumissionnaire eût été retenu. Le but est de faire une évaluation probabiliste reposant sur la preuve et le bon sens.

178. Selon Oshkosh, le Tribunal devrait conclure que seulement deux soumissionnaires pouvaient vraisemblablement être retenus (elle-même et Mack), car seulement trois soumissionnaires étaient conformes et car Oshkosh a obtenu une note inférieure de seulement ███████ points à celle obtenue par Mack. Selon elle, l’autre soumissionnaire conforme n’a pas remis en question la procédure de passation du marché public, et aucun élément ne permet de savoir qu’elle était sa note, c’est pourquoi le Tribunal ne peut conclure que ce soumissionnaire a été lésé ou aurait pu avoir une note aussi élevée qu’Oshkosh. À titre subsidiaire, Oshkosh fait valoir que la valeur du numérateur devrait être de trois, y compris le troisième soumissionnaire conforme.

179. TPSGC soutient que les six soumissionnaires devraient être pris en compte, étant donné que trois ont été jugés non conformes pour une simple formalité (il manquait un document de faible importance dans leur proposition). À titre subsidiaire, il fait valoir que les trois soumissionnaires conformes devraient à tout le moins être inclus. TPSGC soutient qu’Oshkosh s’est classée au troisième rang parmi les trois soumissionnaires conformes, et qu’il n’y a donc aucune raison de croire que sa probabilité de succès était de 50 p. 100 ou plus.

180.Dans sa réponse, Oshkosh fait valoir qu’il est illogique de diviser les profits perdus par le nombre total de soumissionnaires, car seulement trois soumissionnaires ont répondu aux critères – les autres soumissionnaires n’auraient pu remporter le marché. Elle souligne en outre que TPSGC n’a pas fait d’évaluation qualitative de la probabilité qu’Oshkosh eût été le soumissionnaire retenu, et que la conclusion du Tribunal en réponse à la requête de retrait de documents fait en sorte qu’il n’est pas possible de tenir compte de la déclaration sous serment de M. Walkiewicz pour ce qui concerne la probabilité de nouveaux essais réussis. Par ailleurs, cela serait injuste, car le Tribunal a rejeté la demande de divulgation des notes de l’autre soumissionnaire au motif que cette information n’est pas pertinente.

181.Le Tribunal a déjà établi, étant donné le caractère définitif de la décision et des motifs rendus, qu’il n’examinera pas les éléments de preuve qui concernent la probabilité de succès d’Oshkosh au terme de nouveaux essais. Cela implique nécessairement que le Tribunal ne tiendra compte d’aucun élément de preuve concernant la probabilité de succès de toute autre partie à la suite de nouveaux essais. Ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté d’autres éléments de preuve qualitatifs concernant la probabilité de succès des différents soumissionnaires (pas plus qu’elles ne pouvaient le faire concrètement étant donné que les motifs jugés valides avaient tous trait aux essais). Par conséquent, la détermination de la probabilité de succès doit reposer uniquement sur le nombre de soumissionnaires conformes, à savoir trois en l’espèce.

182. Oshkosh soutient qu’il n’existe aucun élément de preuve concernant le résultat probable du troisième soumissionnaire, sauf que le dossier contredit cette observation. Selon la déclaration sous serment de M. Lortie, Oshkosh s’est classée au troisième rang parmi les soumissionnaires conformes, ce que corroborent les formulaires d’évaluation des soumissions, le RIF et la lettre que TPSGC a adressée à Oshkosh le 9 novembre 2015 [127] . Dans sa décision du 25 mai 2017, le Tribunal a rejeté la demande de divulgation de la note du troisième soumissionnaire qu’avait présentée Oshkosh, au motif que la nature des erreurs faites au cours du processus d’évaluation faisait en sorte qu’il n’était pas possible se prononcer avec quelque certitude que ce soit sur les notes qu’auraient obtenues les différents soumissionnaires si l’évaluation avait été faite correctement. Il importe de souligner qu’Oshkosh n’avait pas seulement demandé la note globale finale du troisième soumissionnaire pour vérifier l’exactitude des observations de TPSGC et de M. Lortie quant à son propre classement global, mais bien « la totalité des notes (c’est-à-dire avant leur combinaison) [...] dans leur forme originale [...] » [128] [traduction]. Le Tribunal n’a pas accédé à cette demande, car celle-ci allait bien au-delà de la portée de l’examen relatif à l’indemnisation – l’obtention des notes détaillées aurait été pertinente seulement pour contester point par point la note attribuée pour le volet financier et pour chacune des exigences notées afin de tenter de prouver que TPSGC avait fait une erreur dans la détermination ou le calcul de la note globale du troisième soumissionnaire conforme. Cette information, si Oshkosh l’avait jugée nécessaire, aurait dû être demandée à l’étape de la détermination de la validité de la plainte, ou à l’étape de l’indemnisation s’il y avait eu une réserve de compétence. Oshkosh ne pouvait cependant le faire en raison de la décision définitive rendue en réponse à sa propre requête de retrait de documents.

183. Oshkosh n’a pas déposé d’éléments de preuve, ni de chiffres, ni de calculs pour démontrer qu’elle aurait obtenu une note égale ou supérieure à Mack à la suite des essais. Qui plus est, sa requête de retrait de certains documents de TPSGC à cet égard l’empêche de faire des observations en ce sens. Ainsi, il n’y a pas de motif de conclure à une probabilité de succès supérieure par rapport au troisième soumissionnaire conforme. De fait, son rang inférieur aurait plutôt tendance à démontrer le contraire. Toutefois, comme TPSGC n’a pas présenté d’éléments de preuve voulant qu’il y ait lieu de retenir une probabilité inférieure à 33 p. 100, le Tribunal conclut que le nombre de soumissionnaires est l’indicateur le plus raisonnable et précis pour le calcul de la probabilité de succès en l’espèce.

184.   Par conséquent, le Tribunal conclut que l’indemnité à accorder à Oshkosh correspond au montant de l’indemnité totale pour perte d’opportunité, divisé par trois.

Réduction liée à la valeur nette actualisée

185.   Dans ses Lignes directrices, le Tribunal mentionne qu’il se réserve le droit de demander aux parties de lui présenter des exposés sur la méthode de calcul de la valeur actualisée du paiement forfaitaire versé aujourd’hui par le Tribunal lorsque le contrat en question prévoit des paiements futurs [129] .

186. Dans les estimations présentées par Oshkosh, les profits perdus sont actualisés pour tenir compte de la valeur temporelle de l’argent, en supposant un taux de rendement sans risque (2 p. 100) [130] .

187.   Le Tribunal est d’avis qu’il serait inapproprié d’actualiser la valeur nette des profits perdus qu’il a décidé de recommander d’accorder à Oshkosh à titre d’indemnisation. Premièrement, l’actualisation est un exercice superflu dans le cas des options, étant donné que celles-ci ne donnent lieu à un paiement qu’au moment où elles sont exercées, le cas échéant. Deuxièmement, eu égard à l’indemnisation relative à la première période de cinq ans du contrat SES et du contrat d’acquisition, un tel calcul ne serait pas possible. Comme le mentionne M. Lortie, le calendrier de paiement retenu pour ces contrats était subordonné à la livraison des biens et des services achetés, laquelle était elle-même échelonnée au cours des différentes années du contrat. Selon lui, la première livraison (et le premier paiement) a déjà été reportée de plus d’un an et est prévue pour décembre 2017. Selon le calendrier des paiements, environ le sixième de la valeur du contrat d’acquisition adjugé doit être versé en 2017-2018, les deux tiers, en 2018-2019, et le sixième, en 2019-2020 [131] . La livraison des services et la réception des paiements relatifs au contrat SES sont subordonnées à la livraison des véhicules prévue par le contrat d’acquisition également.

188. Le Tribunal conclut que le moment auquel les paiements doivent avoir lieu dans les faits n’est pas suffisamment certain pour permettre l’actualisation des profits perdus accordés à Oshkosh relativement à la durée initiale du contrat. Ainsi, le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas retenir de taux d’actualisation en l’espèce.

Frais

Positions des parties

189.  Oshkosh réclame que lui soit versée une indemnité partielle de ██████ $ pour couvrir une partie (33,3 p. 100) des frais juridiques de ██████ $ encourus depuis décembre 2015 (depuis qu’elle s’est opposée à la décision de TPSGC), et également le recouvrement complet des ███████ $US versés à KPMG.

190.  Oshkosh fait valoir les efforts qu’elle a dû déployer pour obtenir la divulgation des documents et également les dossiers incomplets de TPSGC. Elle fait référence à l’affaire Knowledge Circle, dans laquelle le Tribunal a conclu que de telles circonstances justifient d’accorder un taux d’indemnité partielle de 50 p. 100. De plus, elle rappelle au Tribunal les facteurs à prendre en compte pour déterminer les dépens énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, qui comprenne le résultat, les sommes réclamées, l’importance et la complexité, la responsabilité, la charge de travail, l’intérêt public et le défaut des parties, entre autres. Oshkosh cite la décision rendue dans Canada c. Corel Corp [132] pour étayer son droit de réclamer le remboursement complet des débours des experts. Elle mentionne également l’affaire ACE/ClearDefense, dans laquelle le Tribunal a recommandé le versement d’une indemnité liée au travail effectué par des cadres supérieurs de la plaignante.

191.TPSGC, sachant que le Tribunal a indiqué dans ses motifs qu’il s’éloignerait de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (la Ligne directrice), fait valoir qu’il serait déraisonnable d’accorder des centaines de milliers de dollars en frais juridiques et le recouvrement complet des honoraires d’experts. Il souligne qu’Oshkosh a obtenu gain de cause sur seulement quatre des neuf motifs de plainte. Il souligne également que même lorsqu’il s’est éloigné de la Ligne directrice, le Tribunal n’a accordé que des remboursements de frais modestes. Il n’y a pas de signe de mauvaise fois par ailleurs. Selon lui, une somme de ███████ $ est raisonnable.

192. TPSGC soutient que les débours sont quant à eux inclus dans le système du tarif fixe. Selon lui, il y a lieu de faire une distinction avec l’affaire Corel, car dans ce cas, il était seulement question de savoir si le Tribunal avait compétence pour tenir compte des facteurs énoncés à l’article 30.15 pour établir l’indemnité devant être versée, et non de savoir si le Tribunal pouvait créer une nouvelle catégorie de frais donnant doit à une indemnité correspondant à la totalité des débours. Il fait également valoir que dans l’affaire ACE/ClearDefense, le Tribunal, étant d’avis que la réclamation de 93 heures était excessive, a accordé une somme de 2 139 $ seulement.

193. TPSGC soutient que le total des heures facturées (████ heures facturables au cours d’une période de 18 mois) est déraisonnable. En particulier, il conteste que 47 p. 100 du temps a été facturé par l’associé du plus haut rang affecté au dossier. Il conteste la rémunération horaire de M. DeRose (qui se situe entre ████████████), laquelle est égale ou supérieure à celle de M. Stobo, qui occupe un rang supérieur et qui a été admis au barreau en 1981 (vingt ans plus tôt).

194. TPSGC a des objections d’ordre technique également. Quatre comptes sont liés à un contrôle judiciaire, et il y a des frais en double pour ce qui est de la préparation et du dépôt de la plainte, pour un total de ████████ $, étant donné que, pour l’essentiel, la plainte déposée est la même que celle qui a été présentée précédemment dans l’affaire PR-2015-042 et qui a été rejetée au motif qu’elle était prématurée.

195.  En outre, TPSGC s’oppose au fait que KPMG a eu recours à ██ professionnels comptabilisant leur temps qui ont facturé ██████ heures entre mai et juillet 2016. Il refuse également de payer les factures de KPMG en dollars américains plutôt qu’en dollars canadiens, car Oshkosh a elle-même décidé d’assumer ce supplément – sans compter que deux des professionnels comptabilisant leur temps (MM. Rehman et Smith) travaillent dans les bureaux de KPMG situés à Ottawa et devraient facturer leurs heures en dollars canadiens de toute façon.

196. Dans sa réponse, Oshkosh affirme que sa lettre datée du 10 août 2017 confirme que les frais liés au contrôle judiciaire ont été retirés. La lettre précise également que les honoraires du conseiller juridique d’Oshkosh qui sont liés à la première plainte ne sont pas inclus.

Analyse

197.   La compétence du Tribunal d’accorder le remboursement de frais est énoncée à l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, comme suit :

(1) Les frais relatifs à l’enquête – même provisionnels – sont, sous réserve des règlements, laissés à l’appréciation du Tribunal et peuvent être fixés ou taxés.

198. Cette compétence est indépendante de celle d’accorder le remboursement de frais de préparation d’une soumission ou de recommander le versement d’une indemnité.

199.  La Cour d’appel fédérale a confirmé que « le pouvoir du Tribunal en matière d’attribution de frais s’exerç[e] essentiellement selon les mêmes principes que ceux auxquels obéit l’adjudication des dépens devant les tribunaux judiciaires. Selon un de ces principes, à moins de circonstances spéciales, les frais sont ordinairement accordés à la partie qui obtient gain de cause [133] . » La Ligne directrice actuelle du Tribunal, ainsi que la précédente, mentionne que le remboursement accordé devrait représenter une indemnisation partielle [134] . Dans l’affaire Knowledge Circle, le Tribunal affirmait que dans les cas où le remboursement accordé va au-delà de ce que prévoit la Ligne directrice, les frais devraient se limiter à ceux liés au travail allant également au-delà des paramètres habituels d’une plainte portant sur un marché public [135] . Dans cette affaire, le Tribunal avait limité les frais extraordinaires à ceux encourus par la plaignante pour obtenir la divulgation d’information et déterminer le montant de l’indemnité.

200. Les montants les plus élevés accordés par le Tribunal en remboursement de frais, tels qu’ils ont été mentionnés par Oshkosh (20 000 $ dans l’affaire CGI Information Systems [136] et 22 416 $ dans l’affaire Knowledge Circle) sont minimes en comparaison des frais de ██████ $ réclamés en l’espèce. Le Tribunal conclut que les frais pour lesquels Oshkosh souhaite obtenir un remboursement ne cadrent pas avec les pratiques du Tribunal ni avec les principes d’adjudication de dépens par les cours de justice. Le Tribunal a pour pratique de restreindre les montants accordés au titre du remboursement de frais pour éviter que le régime de recours administratif relatif aux marchés publics devienne le théâtre de plaintes et poursuites démesurément coûteuses. Les cours fédérales et provinciales ont pour pratique de calculer les dépens en fonction d’un tarif ou d’une autre ligne directrice qui plafonne la somme pouvant être réclamée au titre des honoraires juridiques calculés à un taux horaire (généralement selon le rang occupé). Les taux horaires réclamés par le conseiller juridique d’Oshkosh sont élevés : ███ $, de ████ $ et de ██████ $ pour les associés; ████ $, ███ $, ███ $ et ███ $ pour les avocats; ███ $ pour un parajuriste, et ███ $ pour un stagiaire en droit. Au vu de ces éléments, le Tribunal est d’avis que des taux correspondant à 60 ou 70 p. 100 de ces chiffres seraient plus raisonnables aux fins de la détermination des frais dans le cadre du régime de recours administratif relatif aux marchés publics [137] .

201.En ce qui concerne la quantité d’heures déclarées, il est bien établi qu’aux fins d’évaluation du caractère raisonnable d’une adjudication de frais défavorable à une partie, le décideur « devrait faire intervenir le principe de la proportionnalité en réduisant le montant du remboursement lorsqu’une partie n’a pas pris de mesures raisonnables pour déléguer le travail à du personnel qui comptabilise son temps à un taux de rémunération moindre. Il est rare que l’avocat principal soit le seul à pouvoir travailler au dossier [...] » [138] [traduction]. Cela dit, le Tribunal ne souhaite pas remettre en question la gestion de dossier et les décisions d’allocation du temps faites par les conseillers juridiques de la plaignante en l’espèce. Le Tribunal n’est pas en mesure de dire si ces décisions étaient appropriées ou non dans les circonstances. Il ne fait nul doute que de telles décisions sont prises en fonction de considérations d’ordre professionnel et stratégique. Toutefois, il est très important pour le Tribunal, en tant qu’instance ayant pour mandat législatif de faciliter l’accès à la justice, de veiller à ce que ses décisions relatives à l’adjudication de frais soient conformes au principe de la proportionnalité. Pour ce faire, il doit entre autres s’assurer que les décisions relatives à la gestion du dossier et à l’allocation du temps, peu importe ce sur quoi elles reposent, ne constituent pas un facteur dissuasif lorsque prises en considération dans le contexte d’une adjudication de frais.

202.Au total, Oshkosh a payé ██████ heures de travail facturées par ses conseillers juridiques sur une période de 18 mois environ. La majeure partie des heures comptabilisées ont été facturées par deux associés, celui occupant le plus haut rang (M. Stobo) ayant lui-même facturé environ 47 p. 100 des heures réclamées. Ainsi, M. DeRose a facturé ████ heures, M. Stobo, ████ heures, et les autres avocats, ████ heures. Même en admettant que la présente affaire est particulièrement complexe, il est difficile pour le Tribunal de comprendre comment environ 75 p. 100 de l’ensemble du travail a pu être effectué par deux associés. Une bonne partie des observations écrites nécessitaient de faire le résumé des différents rapports d’experts et des positions prises par TPSGC – une tâche qui convient à des avocats subalternes.

203. Le Tribunal ne peut faire abstraction du fait que, objectivement, la proportion d’heures facturables attribuée à l’associé principal est grande. Comme mentionné ci-dessus, dans le cadre des litiges, la gestion de dossier et l’allocation du temps entre les avocats d’un cabinet découlent fortement de questions d’ordre professionnel, lesquelles sont étroitement liées à la relation qui unit le client et son conseiller. Cela dit, aux fins de l’établissement des frais qui seront remboursés en l’espèce, et en gardant à l’esprit le principe de la proportionnalité, le Tribunal est d’avis qu’il est plus raisonnable de supposer une répartition du travail qui aurait fait en sorte qu’au plus la moitié du travail aurait été réalisée par des associés, et l’autre moitié, par les avocats [139] . Encore une fois, cette décision ne devrait pas être vue comme une remise en question des décisions des conseillers juridiques d’Oshkosh en matière de gestion et d’allocation du temps, ni du haut calibre des services fournis, lesquels correspondaient sans doute à leurs honoraires.

204. En ce qui concerne le taux horaire, le Tribunal est d’avis, de manière similaire, que des honoraires de 350 $ l’heure est plus raisonnable dans le cas de MM. DeRose et Stobo, sachant que ceux-ci ont chacun plus de 20 ans d’expérience et compte tenu des sommes en jeu dans la plainte [140] . Les honoraires raisonnables dans le cas d’un avocat subalterne sont de 150 $ l’heure. En répartissant les ████ heures en deux parts égales entre les associés et les avocats subalternes, on obtient ███ heures dans chaque cas – soit des sommes de ██████ $ et de ██████ $, ce qui donne un sous-total de ██████ $.

205. En ce qui concerne le pourcentage d’indemnité, le Tribunal conclut que 33 p. 100 constitue un pourcentage raisonnable d’indemnité partielle. Les pourcentages d’indemnité partielle se situent généralement entre 33 et 66 p. 100 des frais, en fonction de différents facteurs comme l’instance (cour provinciale, cour fédérale ou tribunal administratif), le résultat, les sommes réclamées, l’importance et la complexité, la responsabilité, la charge de travail, l’intérêt public et le défaut des parties, entre autres. En l’espèce, il y a lieu de retenir un pourcentage de 33 p. 100 (conformément à la demande d’Oshkosh), soit au bas de l’échelle. Parmi les facteurs favorables à un pourcentage supérieur figurent le montant inhabituellement élevé des profits perdus et le fait que TPSGC a inutilement compliqué les choses à différentes étapes de l’enquête, comme le mentionne Oshkosh dans ses observations. Parmi les facteurs favorables à un pourcentage inférieur, soulignons qu’Oshkosh a obtenu gain de cause sur seulement cinq des neuf motifs de plainte et que le rapport d’expert qu’elle a présenté a dévié sensiblement de la DP, des soumissions, du contrat subséquent et du contrat adjugé, au point où il était de peu d’utilité par rapport à la quantité d’heures de travail qu’il a nécessité. Le Tribunal conclut qu’étant donné que la majeure partie des frais sont liés aux rapports d’experts d’Oshkosh et à l’indemnisation demandée à ce titre, les facteurs favorables à un pourcentage inférieur l’emportent sur ceux qui sont favorables à un pourcentage supérieur. Une indemnité partielle correspondant à 33 p. 100 du sous-total donne un résultat de 153 120 $. Le Tribunal est d’avis qu’il s’agit d’un remboursement raisonnable qui est conforme à la méthode de calcul à adopter lorsqu’il y a dérogation à la Ligne directrice, tout en étant proportionnel à la complexité sans précédent de l’affaire, aux sommes en jeu et au rôle du Tribunal en tant qu’instance favorisant l’accessibilité tout en limitant les frais pouvant être recouvrés.

206.  En ce qui concerne les honoraires de KPMG, il est bien établi dans la jurisprudence que les honoraires d’experts constituent des débours, lesquels donnent droit à une indemnisation entière conformément aux règles des cours, sous réserve de rajustement selon le caractère raisonnable. La partie déboutée ne doit pas avoir à payer pour la « cadillac » des experts : la cour peut réduire les taux et les heures facturables lorsque ceux-ci sont démesurés [141] .

207. Conformément à la Ligne directrice, le Tribunal n’a généralement pas accordé d’indemnité distincte relativement aux débours des experts – suivant le principe que le Tribunal est tenu de veiller à son accessibilité (et ce rapidement et de manière abordable) en tant qu’instance vers laquelle les soumissionnaires, les parties et les institutions fédérales peuvent tous se tourner pour obtenir réparation [142] .

208. Bien que le Tribunal ait conclu, dans sa décision rendue le 20 mai 2016, que le niveau de complexité de la plainte faisait en sorte qu’il devrait s’écarter de la Ligne directrice, ce qu’il a fait maintenant eu égard aux frais juridiques, il ne voit aucune raison de le faire pour ce qui concerne les frais d’experts. Premièrement, au vu des particularités de l’affaire, le Tribunal conclut que les rapports d’experts présentés par Oshkosh s’éloignaient sensiblement du cadre de la DP, des contrats subséquents et des contrats adjugés. Ainsi, ils avaient une utilité limitée, s’il en est, pour faire l’estimation des profits perdus. Les parties devraient reconnaître que la décision de déroger de la Ligne directrice dans une décision portant sur la validité de la plainte n’entraîne pas automatiquement le versement d’une indemnité pour tous les débours éventuels à l’étape de l’indemnisation : il ne s’agit pas d’un chèque en blanc. Les débours déraisonnables ou non nécessaires ne devraient pas être couverts.

209.  Pour ces motifs, le Tribunal n’accorde pas de remboursement de frais relativement aux honoraires des experts.

210. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal accorde à Oshkosh une indemnité de 153 120 $ relativement à la préparation de la plainte et à l’engagement de la procédure.

CONCLUSION

211. En somme, le Tribunal recommande que TPSGC indemnise Oshkosh pour la perte d’opportunité, suivant la formule suivante (où toutes les sommes sont libellées en dollars canadiens) :

A. Revenus tirés des contrats de base (payables immédiatement)

1.            Contrat d’acquisition

a.            Véhicules et équipement connexe : ███████████ $

b.            Données et autres produits de SLI : ████████ $

c.            Sous-total : ███████████ $

2.            Contrat SES

a.            Réparations et révision Free-Flow : xc██████████ $

b.            Outils spéciaux et matériel d’essai recommandés : ████████ $

c.            Salaires, coûts indirects et profit : ███████████ $

d.            Gestion du programme et livrables : ████████████ $

e.            Sous-total : ███████████ $

3.            Pièces de rechange : ███████████ $

4.            Total : ████████████ $

B. Options (payables seulement lorsqu’elles sont exercées, le cas échéant) :

1.            Contrat d’acquisition

a.            Véhicules et équipement connexe : montant calculé selon les prix unitaires proposés par Oshkosh dans sa soumission, sous « Vehicles and Related Equipment – Scenario 1 – Options », multipliés par le nombre de véhicules MMN des différents types et d’équipements connexes visés par une option

b.            Données et autres produits de SLI : ████████ $

2.            Contrat SES : ███████████ $ pour chaque prolongation de cinq ans exercée (ou une partie de ce montant calculée au prorata pour toute prolongation d’une durée inférieure à cinq ans)

3.            Pièces de rechange : valeur de toute modification apportée au contrat visant les pièces de rechange

C. Marge bénéficiaire : 10 p. 100

1.            Sous-total des revenus (payable immédiatement) : ████████████ $

2.            Sous-total des options (payable seulement lorsqu’elles sont exercées, le cas échéant) : montant indiqué au point B ci-dessus, multiplié par 10 p. 100

D. Réduction pour perte d’opportunité : 1/3

E. Indemnité totale (contrats de base) (payable immédiatement) : 25 337 931,79 $

F. Indemnité totale (option) (payable seulement lorsqu’elles sont exercées, le cas échéant) : montant indiqué au point C.2 ci-dessus, multiplié par 1/3

212. Le Tribunal accorde à Oshkosh le remboursement de frais totalisant 153 120 $ pour la préparation de la soumission et l’engagement de la procédure et ordonne à TPSGC de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué dans les meilleurs délais.


[1] .      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] .      Lettre du Tribunal datée du 23 juin 2017, vol. 3C.

[3] .      Lettre d’Oshkosh datée du 22 juin 2017, vol. 3C.

[4] .      White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, aux par. 23-24.

[5] .      R. v. Abbey, 2009 ONCA 624, au par. 82.

[6] .      R. c. D.D., 2000 CSC 43, au par. 21.

[7] .      R. c. Abbey, [1982] 2 RCS 24, à la p. 42.

[8] .      Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 4, déclaration sous serment d’Alan Williams au par. 12, vol. 4.

[9] .      Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, au par. 25.

[10] .    Décision et motifs confidentiels au par. 202-203, 237, 240.

[11] .    Mémoire confidentiel de TPSGC (8 juin 2017), déclaration sous serment de Steve Walkiewicz, 2 juin 2017, au par. 17, vol. 4A.

[12] .    Déclaration sous serment de M. Walkiewicz a par. 23.

[13] .    Décision et motifs confidentiels aux par. 201-202.

[14] .    Déclaration sous serment de M. Walkiewicz au par. 16.

[15] .    Pièce PR-2015-051-24A, Rapport de l’institution fédérale (protégé) [RIF] à la p. 963, vol. 2G.

[16] .    Décision et motifs confidentiels au par. 48.

[17] .    Ibid.

[18] .    Maritime Broadcasting System Limited c. La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59, au par. 67.

[19] .    Lettre d’Oshkosh datée du 18 avril 2017, vol. 3.

[20] .    Lettre du Tribunal datée du 25 mai 2017, vol. 3.

[21] .    Oshkosh a aussi précisé que les seuls débours qu’elle réclamait étaient ceux concernant ses experts.

[22] .    Oshkosh a confirmé que la TVH était incluses.

[23] .    Canada (Revenu national) c. Thompson, 2016 CSC 21, au par. 41, où la Cour suprême a conclu que les renseignements contenus dans les documents de l’avocat étaient présumés privilégiés. Maranda c. Richer, 2003 CSC 67, au par. 33 : « En raison des difficultés inhérentes à l’appréciation de la neutralité des informations contenues dans les comptes d’avocats et de l’importance des valeurs constitutionnelles que mettrait en danger leur communication, la reconnaissance d’une présomption voulant que ces informations se situent prima facie dans la catégorie privilégiée assure mieux la réalisation des objectifs de ce privilège établi de longue date. Elle respecte aussi cette volonté de réduire au minimum les atteintes au privilège avocat-client [...]. » Newfoundland and Labrador (Information and Privacy Commissioner) v. College of the North Atlantic, 2013 NLTD(G) 185, au par. 38 : « Les renseignements demandés ont trait à des factures pour des services juridiques [...]. Ces renseignements sont présumés assujettis au privilège avocat-client » [traduction].

[24] .    R. v. Singh, 2016 ONCA 108, au par. 62.

[25] .    Moore v. Getahun, 2015 ONCA 55, au par. 68.

[26] .    Sturdy v. Dhadda, 2016 BCSC 505, au par. 25.

[27] .    Observations confidentielles de TPSGC (9 juin 2017) au par. 295, vol. 4A.

[28] .    Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux), 2000 CanLII 16572 (CAF), au par. 62.

[29] .    Ibid. au par. 64.

[31] .    Lignes directrices, art. 1.1.4. Voir par exemple Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, au par. 62 : « Néanmoins, si les organismes sont libres de donner des directives ou de formuler des énoncés de politique visant à coordonner l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi afin de favoriser la cohérence, les décideurs administratifs ne peuvent pas appliquer ces directives et politiques comme si elles constituaient le droit. »

[32] .    Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 [Almon], aux par. 21-23.

[33] .    Chacun des accords commerciaux sur lequel la compétence du Tribunal est fondée requiert des gouvernements signataires qu’ils établissent ou désignent une autorité administrative judiciaire impartiale ou indépendante pour examiner les recours déposés par les fournisseurs. Voir par exemples les art. 514(2)e) de l’Accord sur le commerce intérieur, 518(6) de l’Accord de libre-échange canadien, 1017(g) de l’Accord de libre-échange nord-américain et XVIII(1) de l’Accord révisé sur les marchés publics.

[34] .    Accord révisé sur les marchés publics, art. XVIII(7), en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://‌www. wto.org/french/docs_f/legal_f/rev-gpr-94_01_f.htm> (entré en vigueur le 6 avril 2014). Accord de libre-échange canadien, art. 518(9), en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Te... (entré en vigueur le 1er juillet 2017). Voir aussi Accord sur le commerce intérieur, 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, art. 514(3) (procédures de traitement des plaintes), en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/accord-sur-le-commerce-interieur/?lang=fr> [ACI].

[35] .    Voir Paul Emanuelli, Government Procurement, 3e éd., 2012, aux pp. 887-896. Plus particulièrement, la possibilité d’invoquer un préjudice causé par la perte de profits dans une poursuite rend difficile pour un plaignant d’établir qu’il subirait un « préjudice irréparable » si la mesure d’injonction n’était pas accordée. Les tribunaux appliquent « le critère à trois volets suivant pour déterminer si un tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’octroyer une injonction interlocutoire : existe-t-il une question sérieuse à juger, la personne sollicitant l’injonction subirait-elle un préjudice irréparable si cette mesure n’était pas accordée et la prépondérance des inconvénients favorise-t-elle l’octroi ou le refus de l’injonction interlocutoire » (Google Inc. c. Equustek Solutions Inc., 2017 CSC 34 [Google], au par. 25, citant RJR — MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311). « Pour obtenir une [...] injonction [permanente], une partie doit établir que : 1) des droits lui sont reconnus, 2) des dommages-intérêts ne constituent pas une réparation adéquate et 3) rien n’empêche le tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder une injonction » (Google au par. 66). De plus, bien que le Tribunal puisse recommander diverses mesures correctives (par exemple de reprendre les essais, de lancer un nouvel appel d’offres, etc.), une injonction est une mesure extraordinaire en common law. Voir 1711811 Ontario Ltd. (AdLine) v. Buckley Insurance Brokers Ltd., 2014 ONCA 125, au par. 57 : « Les injonctions sont rarement adressées [...] » [traduction].

[36] .    Canada (Procureur général) c. Envoy Relocation Services, 2007 CAF 176 [Envoy], au par. 21 : « [L]e TCCE, à l’instar de nombreux autres tribunaux administratifs spécialisés, joue un rôle de réglementation dans le cadre du processus administratif. Pour que l’organisme puisse s’acquitter de la mission qui lui est confiée dans l’intérêt public, les tribunaux appelés à exercer le contrôle judiciaire ne doivent pas présumer que le législateur voulait que l’organisme faisant l’objet d’un contrôle exerce ses pouvoirs de réparation en se fondant sur les mêmes bases que celles sur lesquelles les tribunaux exercent des pouvoirs analogues pour régler des différends exclusivement régis par le droit privé. »

[37] .     En ce qui concerne la réticence des tribunaux de présumer, sans que ce ne soit prévu par la loi, que la simple violation d’une disposition législative ou d’un règlement donne automatiquement droit à une réclamation en dommages-intérêts, voir par exemple Kim c. Canada, 2017 CF 848, au par. 24, où la Cour fédérale, citant la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, 1983 CanLII 21 (CSC), a confirmé que « la simple violation d’une obligation imposée par une loi, un règlement ou une directive par un fonctionnaire de la Couronne ne constitue pas automatiquement une transgression susceptible d’action, ni une cause d’action en dommages-intérêts. Le délit civil de manquement à une obligation légale n’est pas reconnu en droit canadien. »

[38] .    Voir ACI, art. 101(3)d) : « [Les Parties] veilleront à ce que leurs politiques administratives favorisent la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l’intérieur du Canada »; 101(4)d) : « Dans l’application des principes énoncés au paragraphe 3, les Parties reconnaissent la nécessité [...] d’établir des mécanismes administratifs, des mécanismes de règlement des différends et des mécanismes de contrôle qui soient à la fois accessibles, crédibles et efficaces, et qui permettent d’agir en temps utile »; 501 : « [L]e présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d’achat et à favoriser l’établissement d’une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d’efficience »; et 514(2)e), qui indique que les procédures de traitement des plaintes ont entre autres comme objectif de permettre à un fournisseur de soumettre une plainte « à un organisme compétent n’ayant aucun intérêt substantiel dans l’issue de la plainte et qui sera chargé de recevoir et d’examiner celle-ci et de formuler les conclusions et les recommandations qui s’imposent à cet égard » [nos italiques].

[39] .    Envoy aux par. 22 : « [L]e TCCE doit exercer ses pouvoirs en vue de, notamment, préserver la confiance des soumissionnaires éventuels en l’intégrité du système de passation des marchés publics. La perte de confiance aurait un effet préjudiciable sur l’aspect concurrentiel du processus d’appel d’offres. Il ne faut donc pas postuler que le pouvoir qu’a le TCCE de recommander l’indemnisation ne peut être exercé qu’en fonction des principes de common law »; et 23 : « Il est pertinent de noter à cet égard que le législateur a employé le terme générique “indemnité” au paragraphe 30.15(2), et non le terme “dommages-intérêts”, qui a une connotation nettement plus juridique. Il n’a pas non plus précisé que le plaignant a droit seulement à une “indemnité” pour une perte due à une rupture de contrat, ou une autre conduite irrégulière, de la part de TPSGC » [nos italiques].

[40] .    Envoy au par. 26 : « Les facteurs qui sont énumérés au paragraphe 30.15(3) et dont il faut tenir compte sont assez éloignés des principes selon lesquels les tribunaux accordent des dommages-intérêts pour rupture de contrat, en ce sens que le TCCE, lorsqu’il recommande la mesure corrective indiquée, doit tenir compte non seulement du préjudice causé au plaignant, mais aussi de considérations systémiques. »

[41] .    Voir par exemple Foundry Networks Inc. (10 octobre 2002), PR-2001-048 (TCCE), où le plaignant, qui n’a pu présenter une soumission, a été indemnisé comme s’il avait présenté une soumission à un prix inférieur de un dollar au prix proposé par le soumissionnaire retenu.

[42] .    Antian Professional Services Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (15 août 2007), PR-2006-024 (TCCE) au par. 15 : « [I]l est raisonnable d’établir une marge bénéficiaire appropriée en s’appuyant sur l’expérience d’Antian relativement à un contrat semblable [...]. »

[43] .    En l’espèce, tous les montants sont en dollars canadiens sauf indication contraire.

[44] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 7 Contrat subséquent – acquisition, aux pp. 1163-1193, partie 4 – Procédures d’évaluation et méthode de sélection, pièce jointe 4 Évaluation financière des scénarios d’acquisition, à la p. 178, partie 4 – Procédures d’évaluation et méthode de sélection, aux pp. 154-155, vol. 1.

[45] .    Ibid. aux pp. 52, 152.

[46] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 2 – Instructions à l’intention des soumissionnaires, art. 1.2 à la p. 54.

[47] .    Ibid., partie 1 – Renseignements généraux, art. 2.3 à la p. 59.

[48] .    Observations confidentielles d’Oshkosh sur l’indemnisation (3 avril 2017), à la p. 18, vol. 4. Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 1, proposition financière d’Oshkosh, aux pp. 46, 60, vol. 4. Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 7 – Contrat subséquent – acquisition, annexe C, Prix et livraison, à la p. 1008, vol. 1.

[49] .    Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 1, proposition financière d’Oshkosh, à la p. 46; onglet 6, rapport de KPMG, annexe 7, à la p. 224, vol. 4. Dans le rapport en réponse et l’addenda de KPMG, le montant pour les données et autres produits de SLI est de ████████ $, mais cela semble être une erreur typographique, car il n’y a aucune explication sur les raisons de ce changement et que c’est le montant indiqué qui figure dans la soumission d’Oshkosh.

[50] .    Mémoire confidentiel de TPSGC (8 juin 2017), onglet 1, déclaration sous serment d’Yves Lortie au par. 34. Taxes comprises, le montant total est de 784 714 220.

[51] .    Société d’énergie Mechron Limitée (26 octobre 1995), PR-95-001 (TCCE) [Mechron] à la p. 5 : « Dans toute procédure d’appel d’offres, l’autorité contractante est soumise à des limites budgétaires. Si toutes les offres sont faites à un montant de beaucoup supérieur aux limites budgétaires de l’autorité contractante, il est raisonnable de s’attendre que cette dernière réexamine le besoin associé au marché initialement proposé ou vérifie s’il lui est possible de hausser le plafond budgétaire. »

[52] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 4 – Procédures d’évaluation et méthode de sélection, art. 4.2 à la p. 155, vol. 1.

[53] .    Pièce PR-2015-051-24A, RIF, onglet 20 (protégée) à la p. 963, vol. 2G.

[54] .    Décision et motifs confidentiels au par. 48. Déclaration sous serment de M. Lortie au par. 57.

[55] .    Hamilton c. Open Window Bakery Ltd., 2004 CSC 9 [Hamilton], aux par. 11, 20.

[56] .    Hamilton au par. 18-20.

[57] .    Agribrands Purina Canada Inc. v. Kasamekas, 2011 ONCA 460, aux par. 46-50. La Cour d’appel de l’Alberta a abondé dans le même sens dans l’arrêt Styles v. Alberta Investment Management Corporation, 2017 ABCA 1, concluant que la bonne foi en matière de droit contractuel n’a pas d’incidence sur l’analyse.

[58] .    Envoy Relocation Services Inc. v. Canada (Attorney General), 2013 ONSC 2034.

[59] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 7 – Contrat subséquent – acquisition, annexe D – 2030 2013/04/25 Conditions générales, art. 32, à la p. 1035, vol. 1.

[60] .    Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4.

[61] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 7 – Contrat subséquent – acquisition, art. 1.3.1, à la p. 394, vol. 1.

[62] .    Déclaration sous serment de M. Lortie aux par. 37-39.

[63] .    Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 1, proposition financière d’Oshkosh, tableau 2Véhicules et équipement connexe  – Scénario 1 – Options à la p. 48; tableau 5, Données et autres produits de SLI – OPTIONS, à la p. 54.

[64] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, annexe B, Énoncé des travaux, aux pp. 1163-1193, partie 4 – Procédures d’évaluation et méthode de sélection, pièce jointe 3 – Évaluation financière SES, à la p. 170, partie 4 – Procédures d’évaluation et méthode de sélection, à la p. 155, vol. 1.

[65] .    Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 1, proposition financière d’Oshkosh, à la p. 34.

[66] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, art. 3.2.1, à la p. 402, vol. 1.

[67] .    Déclaration sous serment de M. Lortie aux par. 75, 99, 103.

[68] .    Rapport de KPMG, annexe 7 à la p. 248; addenda de KPMG, annexe 7 à la p. 315.

[69] .    Addenda de KPMG, annexe 7 à la p. 291.

[70] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, art. 1.3.1 et 1.3.2 à la p. 1120, vol. 1.

[71] .    Ibid., annexe C, appendice 9, art. 2.1.

[72] .    Ibid., art. 1.3.

[73] .    Ibid., art. 4.1.

[74] .    Ibid., art. 6.1.

[75] .    Ibid., art. 7.1.

[76] .    Ibid., art. 11.

[77] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, annexe B, Énoncé des travaux, art. 1.1.3.3 à la p. 1165, vol. 1.

[78] .    Ibid., art. 1.1.3.2 à la p. 1164.

[79] .    Rapport de KPMG aux par. 21, 49.

[80] .    Déclaration sous serment de M. Lortie aux par. 75, 99, 103.

[81] .    Ibid., onglet A à la p. 9 de 10.

[82] .    Observations confidentielles en réponse d’Oshkosh (27 juillet 2017) au par. 115.

[83] .    Ibid. au par. 122.

[84] .    Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 6, rapport de KPMG au par. 104.

[85] .    Observations confidentielles en réponse d’Oshkosh (27 juillet 2017) au par. 122.

[86] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, annexe B, Énoncé des travaux, art. 1.1.3.2 à la p. 1164, vol. 1.

[87] .    Ibid. à la p. 1165.

[88] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 4 – Procédures d’évaluation et méthode de sélection, Évaluation financière SES, tableau 1 – Réparations et révision Free-Flow (évaluation), à la p. 171, vol. 1.

[89] .    Rapport de KPMG, Analyse de perte de profits ayant trait au SVSM : calcul 1, annexe 1, à la p. 216.

[90] .    Recueil de documents confidentiels d’Oshkosh (3 avril 2017), onglet 2, première déclaration sous serment de Tim Bleck au par. 52.

[91] .    Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, annexe B – Énoncé des travaux, appendice BI – Données du contrat (LDEC, DED), pièce jointe BI-2 – Description des données à la p. 1295, vol. 1.

[92] .    Déclaration sous serment de M. Lortie au par. 46.

[93] .    Observations confidentielles de TPSGC (8 juin 2017) aux par. 139-142.

[94] .    Rapport de KPMG au par. 61.

[95] .    Observations confidentielles en réponse d’Oshkosh (27 juillet 2017) au par. 135.

[96] .    Observations confidentielles d’Oshkosh (3 avril 2017) au par. 72.

[97] .    Première déclaration sous serment de M. Bleck au par. 56.

[98] .    Rapport de KPMG au par. 68.

[99] .    Première déclaration sous serment de M. Bleck au par. 58.

[100] . Ibid. au par. 59.

[101] . Observations confidentielles d’Oshkosh (3 avril 2017) au par. 72.

[102] . Première déclaration sous serment de M. Bleck au par. 59.

[103] . Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 7 – Contrat subséquent – acquisition, art. 3.6, partie 8 – Contrat subséquent – contrat de soutien en service, art. 3.7, vol. 1.

[104] . Déclaration sous serment de M. Lortie au par. 118. Pièce PR-2015-051-01B, DP, partie 3 – Instructions pour la préparation des soumissions, art. 2.3.7 : « Les soumissionnaires peuvent demander au Canada d’assumer le risque de fluctuation du taux de change pour chaque contrat. »

[105] . Observations confidentielles en réponse d’Oshkosh (27 juillet 2017) au par. 172.

[106] . 3202488 Canada Inc. s/n Kinetic Solutions (25 juin 2015), PR-2014-025 (TCCE) [Kinetic Solutions] au par. 11.

[107] . Lignes directrices, art. 3.2.6 : « Si la partie plaignante omet d’étayer sa marge bénéficiaire, le Tribunal peut soustraire de l’indemnité suggérée le pourcentage de marge bénéficiaire qu’il juge indiqué dans les circonstances. » Almon Equipment Limited (14 octobre 2011), PR-2008-048R (TCCE) [Almon Remand], aux par. 8-9, 23.

[108] . Maritime Fence Ltd. (1er avril 2011), PR-2009-027 (TCCE) au par. 5; Envoy au par. 22; Conair Aviation, A Division of Conair Aviation Ltd. (30 janvier 1997), PR-95-039 (TCCE) à la p. 4 : « La recommandation du Tribunal n’a pas pour objet d’être une aubaine pour le plaignant. »

[109] . Envoy au par. 21. Le Tribunal croit aussi qu’il y a une différence inhérente entre une indemnisation ayant trait à une violation des accords commerciaux et des dommages-intérêts pour perte de profits due à une rupture de contrat. Cela est illustré par le principe bien reconnu que la simple violation d’une loi, d’un règlement ou de l’obligation du gouvernement d’agir de façon équitable ne donne pas, en soi, droit à des dommages-intérêts. Voir Kim c. Canada, 2017 CF 848, au par. 24. Chuang v. Royal College of Dental Surgeons of Ontario, 2007 CanLII 24075 (ON SC), au par. 32. Il est à noter que la Loi sur le TCCE ne prévoit pas explicitement de mesures correctives pour des « dommages », comme le législateur l’a prévu dans d’autres textes législatifs. Voir le paragraphe 30.15(2) de la Loi sur le TCCE (qui stipule que le Tribunal peut recommander « le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant »; la version française fait la distinction en utilisant le terme « indemnité » par opposition à « dommages ») par rapport à l’article 36 de la Loi sur la concurrence, LRC 1985, ch. C-34 (qui stipule pour les parties privées le droit de réclamer « une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis »); à l’article 55 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch. P-4, (« Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté [...] du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l’octroi du brevet »); et à l’article 35 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, ch. C-42, (qui stipule que « [q]uiconque viole le droit d’auteur est passible de payer, au titulaire du droit qui a été violé, des dommages-intérêts ») [nos italiques].

[110] . Voir par exemple Canyon Contracting c. Agence Parcs Canada (19 septembre 2006), PR-2006-016 (TCCE) au par. 30; Papp Plastics & Distributing Limited (31 janvier 2002), PR-2001-038 (TCCE) [Papp] à la p. 7; Service Star Building Cleaning Inc. (23 mai 2002), PR-2001-063 (TCCE) à la p. 1; Valcom Ltd. (Ottawa) (2 décembre 2002), PR‑2002-014 (TCCE) à la p. 2. Le Tribunal a recommandé dans six causes un taux de profits perdus fondé sur un pourcentage de marge bénéficiaire à l’extérieur de 6 à 14 p. 100 : M. John C. Luik (28 novembre 2000), PR-99-035 (TCCE) (profits perdus de 57 p. 100 de 100 000 $ pour une étude de marché comprenant un minimum de frais); Foundry Networks Inc. (16 novembre 2001), PR-2000-060 (TCCE) (23 p. 100 de 159 341 $ pour du matériel d’interconnexion de réseau); Knowledge Circle Learning Services Inc. (24 juin 2014), PR-2013-014 (TCCE) [Knowledge Circle] (45.2 p. 100 de 171 282 $ pour de la formation en langue française); Foundry Networks Inc. (10 octobre 2002), PR-2001-048 (TCCE) (23 p. 100); Freebalance Inc. (4 juillet 2012), PR-2011-041 (TCCE) (17,06 p. 100 pour des licences de logiciels); Almon Equipment Limited (14 octobre 2011), PR-2008-048R (TCCE) au par. 29 (de 15 à 20 p. 100 pour des contrats de services, des taux plus élevés ayant été accordés pour les services spécialisés).

[111] . Spacesaver Corporation (27 avril 1999), PR-98-028 (TCCE) à la p. 3, où TPSGC a fourni des preuves que la norme acceptée d’une marge bénéficiaire raisonnable pour des acquisitions non concurrentielles ou à la suite d’un procédé de marché public à faible prix est de 10 p. 100 et où le Tribunal a conclu que, compte tenu de « l’absence de risques normalement associés à la performance de contrats de ce genre, [...] le dédommagement pour manque à gagner devrait être calculé à un taux de 10 p. 100 [...] ». Wescam Inc. (19 avril 1999), PR-98-039 (TCCE) à la p. 10 : « Étant donné la nature des biens faisant l’objet de ce marché public, le montant du profit auquel Wescam aurait pu raisonnablement s’attendre est d’environ 10 p. 100 de la valeur totale du contrat adjugé, excluant la TPS. » IBM Canada Ltd. (7 septembre 2000), PR-99-020 (TCCE) à la p. 5 : « Le Tribunal sait que le Ministère a établi une ligne directrice pour déterminer un niveau de profit indiqué dans le cadre de la négociation de marchés relatifs à l’acquisition de biens commerciaux. Ce montant correspond à 10 p. 100 du prix du marché. Tout en reconnaissant que la question dont le Tribunal est saisi en l’espèce ne porte pas sur un marché négocié, le Tribunal est d’avis qu’un montant équivalant à 10 p. 100 du prix du marché en cause est un montant équitable aux fins de l’indemnité. » Papp à la p. 7. FreeBalance Inc. (4 juillet 2012), PR-2011-041 (TCCE) au par. 42, où le Tribunal a indiqué que, où une partie plaignante n’a pas réussi à justifier ses marges bénéficiaires, il appliquerait des taux raisonnables de 10 et de 15 p. 100. ACE/ClearDefense à la p. 5, où des marges bénéficiaires de 10 à 12 p. 100 ont été jugées raisonnables. Des services spécialisés peuvent entraîner des profits plus élevés parce que la concurrence est limitée. Almon Remand au par. 29.

[112] . ACE/ClearDefense Inc. (17 avril 2002), PR-99-051 (TCCE) [ACE/ClearDefense] à la p. 5 (ayant trait aux éléments de preuve pertinents – états financiers, contrats similaires, normes de l’industrie– pour fixer une marge bénéficiaire raisonnable).

[113] . Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62 [TeleZone], aux par. 75, 79-80. Voir aussi Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 65, aux par. 15-20.

[114] . TeleZone au par. 18.

[115] . Observations confidentielles d’Oshkosh (3 avril 2017) au par. 8.

[116] . Ibid. aux par. 155-157.

[117] . Mémoire confidentiel de TPSGC (8 juin 2017), onglet 3A, rapport d’expert de Duff & Phelps au par. 3.9.

[118] . Voir l’article 35 de la Loi sur le TCCE : « Les séances du Tribunal sont conduites de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances. » MRP Retail Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (27 septembre 2007), AP-2006-005 (TCCE) au par. 51 : « [L]a pratique normale du Tribunal consiste à admettre les éléments de preuve de façon libérale, mais seulement en vue de donner à chaque élément de preuve le poids qu’il mérite. »

[119] . Observations confidentielles d’Oshkosh (27 juillet 2017) au par. 151.

[120] . Rapport d’expert de Duff & Phelps aux pp. 12, 75.

[121] . Rapport de KPMG au par. 174.

[122] . Immeubles Yvan Dumais Inc. (7 juin 2010), PR-2007-079 (TCCE) aux par. 69-72.

[123] . Kinetic Solutions au par. 12.

[124] . Averna Technologies Inc. (10 octobre 2006), PR-2005-035 (TCCE) au par. 18.

[125] . CSI Consulting Inc. (22 mars 2006), PR-2003-070 (TCCE); Bluedrop Performance Learning Inc. (19 février 2009), PR-2008-017 (TCCE) au par. 38; Les Systèmes Equinox Inc. (1er juin 2011), PR-2006-045R (TCCE) au par. 20, décision confirmée dans Systèmes Equinox Inc. c. Canada (Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2012 CAF 51, au par. 9; Kinetic Solutions aux par. 12-15.

[126] . Douglas Barlett Associates Inc. (7 janvier 2000), PR-98-050 (TCCE) à la p. 3, où est formulée la critique suivante : « DBA n’a pas soustrait d’autres frais que le coût des marchandises vendues pour déterminer le profit attendu du marché. DBA n’a pas non plus fait valoir que le projet en cause se situait en sus de son activité normale et que tous les frais généraux étaient, par conséquent, déjà alloués. Même les frais de préparation de la soumission n’ont pas été soustraits à titre de frais. » Antian Professional Services Inc. (15 août 2007), PR-2006-024 (TCCE) aux par. 16-18, où une déduction au prorata du total des frais généraux a été jugée raisonnable. Foundry Networks Inc. (10 octobre 2002), PR-2001-048 (TCCE) à la p. 2, où la recommandation était fondée sur les profits nets.

[127] . Déclaration sous serment de M. Lortie au par. 54 et onglet A à la p. 3. Pièce PR-2015-051-24A, RIF au par. 3, p. 8, vol. 2G. Ibid., onglet 25 à la p. 14.

[128] . Lettre d’Oshkosh datée du 8 mai 2017 à la p. 1.

[129] . Lignes directrices, art. 3.2.5.

[130] . Observations confidentielles d’Oshkosh (3 avril 2017) au par. 125. Rapport de KPMG au par. 58.

[131] . Déclaration sous serment de M. Lortie aux par. 73-76.

[132] .    1999 CanLII 7868 (CAF) [Corel].

[133] . Canada (Procureur général) c. EDS Canada Ltd., 2004 CAF 122, au par. 6, citant Canada (Procureur général) c. Georgian College of Applied Arts and Technology, 2003 CAF 199, aux par. 25-28.

[134] . Voir Med-Emerg International Inc. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2006 CAF 147.

[135] . Knowledge Circle au par. 25.

[136] .    CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. Société canadienne des postes et Innovaposte Inc. (12 janvier 2015), PR-2014-016 et PR-2014-021 (TCCE).

[137] . Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, Tarif B – Honoraires des avocats et débours (calculés selon la valeur unitaire actuelle de 140 $), en ligne : http://cas-cdc-www02.cas-satj.gc.ca/portal/page/portal/fc_cf_fr/Court_costs. Zesta Engineering Ltd. v. Cloutier, 2002 CanLII 25577 (ON CA), au par. 4 : « [L]e remboursement des frais devrait refléter ce qui, de l’avis de la cour, constitue un montant équitable et raisonnable à être payé par la partie déboutée plutôt que les frais effectivement encourus par la partie ayant eu gain de cause » [traduction].

[138] . Pytka v. Pytka, 2010 ONSC 6406 [Pytka], au par. 21.

[139] . Des répartitions du travail moitié-moitié ou une plus grande part déléguée à des subalternes est chose courante en matière d’indemnisation. Voir par exemple Pytka au par. 22; Ayangma v. Eastern School Board, 2010 PECA 14, au par. 9.

[140] . Voir par exemple Kalra v. Mercedes Benz, 2017 ONSC 4692 (où ont été utilisés les honoraires suggérés par le Comité des règles en matière civile de 225 $ pour 10 ans d’expérience, de 300 $ pour 20 ans d’expérience et de 350 $ pour plus de 20 ans d’expérience); Sedge v. Toronto Police Services Board, 2017 ONSC 6266 (où les honoraires raisonnables ont été fixés à 200 $/h); Painter v. Richardson, 2017 ONSC 6247 (où des honoraires de 102 $ pour des avocats d’expérience et de 93 $ pour des avocats subalternes ont été décrits comme raisonnables et même « modestes »); Leblond v. Standard-Modern Lathes Inc., 2017 ONSC 6042 (où des honoraires de 300 $ et 260 $ ont été acceptés pour les avocats d’expérience et de 220 $ pour les autres).

[141] . Apotex inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, au par. 9.

[142] . Ligne directrice, art. 4.1.2.