RENAISSANCE AERONAUTICS ASSOCIATES INC. (S/N ADVANCED COMPOSITES TRAINING)

RENAISSANCE AERONAUTICS ASSOCIATES INC. (S/N ADVANCED COMPOSITES TRAINING)
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2017-063

Décision et motifs rendus
le lundi 28 mai 2018

TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Renaissance Aeronautics Associates Inc. (s/n Advanced Composites Training) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

RENAISSANCE AERONAUTICS ASSOCIATES INC. (s/n ADVANCED COMPOSITES TRAINING) Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine provisoirement qu’il n’accordera pas de compensation pour les frais en l’espèce. Si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire concernant les frais, il peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif des frais, le cas échéant.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Laura Little, conseillère juridique
Sarah Perlman, conseillère juridique

Partie plaignante : Renaissance Aeronautics Associates Inc. (s/n Advanced Composites Training)

Institution fédérale : ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale : Susan D. Clark
Ian McLeod
Roy Chamoun
Kathryn Hamill

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le 16 mars 2018, Renaissance Aeronautics Associates Inc. (s/n Advanced Composites Training) (RAA/ACT) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], concernant une demande de propositions (DP) (invitation no W6570-17ATT1/B) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour la prestation de cours sur la réparation de composites haute performance d’aéronef[2].
  2. Le 22 mars 2018, ayant déterminé que la plainte satisfaisait aux exigences prévues au paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[3], le Tribunal a décidé d’enquêter sur la plainte.
  3. Le Tribunal a enquêté sur la plainte conformément aux articles 30.13 à 30.15 de la Loi sur le TCCE.
  4. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

  1. RAA/ACT allègue que TPSGC a commis une erreur en concluant que sa soumission n’était pas conforme à quatre des critères techniques obligatoires de la DP, à savoir les critères obligatoires O2 – Conformité à toutes les exigences en matière de certification, O3 – Formation, l’emplacement des installations et de l’équipement, O4 – Instruction sur les structures d’aéronefs et O5 – Étudiant au formateur ratio. Selon RAA/ACT, sa soumission répondait à ces exigences obligatoires et n’aurait donc pas dû être jugée irrecevable. De plus, RAA/ACT allègue que le soumissionnaire retenu, l’École nationale d’aérotechnique – cégep Édouard-Montpetit (ENA), a profité d’un avantage indu parce qu’il s’agit d’un collège communautaire financé par le gouvernement. RAA/ACT se plaint aussi du « retard important » [traduction] accusé par TPSGC pour lui fournir un compte rendu.
  2. À titre de mesure corrective, RAA/ACT demande que le contrat adjugé à l’ENA soit résilié et qu’un nouvel appel d’offres soit lancé pour ce marché.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

  1. La DP a été publiée par TPSGC le 12 septembre 2017. La date de clôture de la DP était le 20 septembre 2017 à 14 h (HAC). La date de clôture a par la suite été reportée au 28 septembre 2017 à 14 h[4].
  2. À la date de clôture de la DP, TPSGC avait reçu deux soumissions : une de RAA/ACT et une de l’ENA, un collège d’enseignement général et professionnel (cégep).
  3. L’évaluation technique a été effectuée du 16 au 19 octobre 2017. Compte tenu des résultats de l’évaluation, la soumission de RAA/ACT a été jugée non conforme aux critères techniques obligatoires O2 à O5 de la DP.
  4. Le 7 novembre 2017, l’autorité contractante a rédigé un projet de lettre de refus adressé à RAA/ACT, mais en raison d’une erreur administrative, la lettre n’a jamais été envoyée[5]. L’autorité contractante a appelé RAA/ACT le 10 novembre 2017 pour faire un suivi, et c’est à ce moment-là qu’elle a découvert que RAA/ACT n’avait pas reçu la lettre. L’autorité contractante a donc expliqué à un adjoint administratif de RAA/ACT que « la soumission de l’entreprise avait été jugée non conforme et que le contrat ne lui serait donc pas adjugé »[6] [traduction]. L’autorité contractante a aussi offert de fournir à RAA/ACT un compte rendu pour répondre à ses questions ou à ses préoccupations. Aucun contrat n’avait été adjugé à ce stade.
  5. Le 8 décembre 2017, le président de RAA/ACT a envoyé un courriel à TPSGC pour demander des renseignements sur l’état de la procédure de passation du marché public. L’autorité contractante a répondu que les résultats de la demande de soumissions allaient être annoncés la semaine suivante[7]. Les résultats n’ont pas été annoncés comme prévu, car l’autorité contractante a eu des problèmes de santé à la mi-décembre et a été en congé jusqu’au 2 janvier 2018, date à laquelle elle est retournée au travail à temps partiel et a poursuivi son travail concernant la procédure de passation du marché public[8].
  6. Le 15 janvier 2018, le contrat a été adjugé à l’ENA et un avis d’adjudication de contrat a été publié sur le site achatsetventes.gc.ca[9].
  7. Le 18 janvier 2018, le président de RAA/ACT a demandé une réunion de compte rendu, et l’autorité contractante a proposé de lui téléphoner le lendemain, mais elle ne l’a pas fait. Après avoir tenté à quelques autres reprises en janvier et février 2018 de fixer une réunion de compte rendu, en vain, RAA/ACT a envoyé un courriel à l’autorité contractante le 2 mars 2018 pour réitérer sa demande, indiquant cette fois qu’elle avait une rencontre prévue pour le 7 mars 2018 avec le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement pour discuter de l’affaire. Le même jour, l’autorité contractante a répondu à RAA/ACT en lui envoyant un document de compte rendu, qui indiquait que la soumission de RAA/ACT avait été jugée irrecevable parce qu’elle ne répondait pas aux critères techniques obligatoires O2, O3, O4 et O5[10].
  8. Le 3 mars 2018, RAA/ACT a envoyé un courriel à l’autorité contractante pour se plaindre du fait que le document de compte rendu n’était pas suffisamment détaillé ou n’expliquait pas clairement pourquoi sa soumission n’était pas conforme aux critères O2 à O5 et pour mettre en question le caractère équitable d’un appel d’offres où le secteur privé se trouve en concurrence avec des établissements financés par le gouvernement pour présenter la soumission la moins-disante[11].
  9. Le 7 mars 2018, l’autorité contractante a fourni un autre compte rendu à RAA/ACT, cette fois par téléphone, et a confirmé sa décision quant à la non-conformité de la soumission de RAA/ACT. Lors de cet entretien, l’autorité contractante a expliqué de façon plus détaillée pourquoi la soumission de RAA/ACT n’était pas conforme aux quatre critères obligatoires en cause[12]. Selon RAA/ACT, c’est à cette occasion que l’autorité contractante aurait dit que des contrats de formation sont souvent adjugés aux collèges communautaires qui ont des problèmes financiers[13]. RAA/ACT a donné suite à cet appel téléphonique en envoyant un courriel à l’autorité contractante, dans lequel elle a réitéré ses objections.

PROCÉDURE RELATIVE À LA PLAINTE

  1. Le 16 mars 2018, RAA/ACT a déposé la présente plainte auprès du Tribunal.
  2. Le 22 mars 2018, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte puisqu’elle satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement.
  3. Le 24 avril 2018, TPSGC a déposé son rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal, conformément à l’article 103 des Règles[14].
  4. Le 4 mai 2018, RAA/ACT a déposé ses commentaires sur le RIF.
  5. Étant donné que les renseignements au dossier étaient suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

ANALYSE

  1. Le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. À la fin de l’enquête, le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.
  2. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, soit, en l’espèce, l’Accord de libre-échange canadien[15].
  3. L’ALEC prévoit que l’acheteur public doit fournir aux fournisseurs éventuels tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables, y compris les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et l’adjudication du contrat[16]. Il doit aussi traiter toutes les soumissions de façon à garantir l’équité et l’impartialité de la procédure de passation des marchés[17].
  4. De plus, l’ALEC prévoit que, pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission doit être conforme aux exigences essentielles énoncées dans les documents d’appel d’offres et que l’acheteur public doit adjuger les marchés sur la base des critères et des exigences essentielles énoncées dans les documents d’appel d’offres[18].
  5. La DP prévoyait que les soumissions seraient évaluées en fonction de critères techniques et financiers et que la soumission recevable la moins-disante serait recommandée pour l’adjudication d’un contrat[19]. Les critères techniques obligatoires sont énoncés à l’appendice 1 de l’annexe A, qui indique que « [t]oute proposition qui ne satisfait pas à toutes les exigences obligatoires [...] sera jugée irrecevable et ne fera l’objet d’aucun examen ultérieur [...] »[20].
  6. Comme mentionné ci-dessus, dans sa plainte originale, RAA/ACT a contesté la conclusion de TPSGC selon laquelle sa soumission n’était pas conforme aux critères techniques obligatoires O2 à O5 de la DP. Il est bien établi qu’il incombe aux soumissionnaires de s’assurer qu’ils satisfassent à l’ensemble des critères obligatoires d’un appel d’offres pour que leur soumission soit jugée conforme[21]. Après avoir pris connaissance du RIF, RAA/ACT a accepté l’explication détaillée de TPSGC concernant sa conclusion de non-conformité pour chacun des critères en question, sauf le critère O2[22]. RAA/ACT affirme que le seul élément de l’appel d’offres qu’elle conteste toujours est l’inclusion dans la DP du critère O2 b). Elle soutient que ce critère a conféré un avantage indu au soumissionnaire retenu, l’ENA, parce qu’il s’agit d’un collège communautaire financé par le gouvernement.
  7. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que RAA/ACT a, dans les faits, retiré ses allégations concernant l’évaluation de sa soumission et la conclusion de TPSGC selon laquelle elle ne répondait pas aux critères techniques obligatoires O2 à O5. Le Tribunal limitera donc son analyse aux autres allégations, c’est-à-dire celles qui concernent le critère O2 b) et le statut de l’ENA à titre de collège communautaire financé par le gouvernement, ainsi que la tenue de la réunion de compte rendu en temps voulu.

Allégation concernant le caractère inéquitable du critère technique obligatoire O2 b)

  1. Le critère technique obligatoire O2 (conformité à toutes les exigences en matière de certification) prévoit ce qui suit :

a) Le soumissionnaire doit être un organisme de formation agréé par Transports Canada (TC) pour fournir une formation aérospatiale. Le soumissionnaire doit présenter son certificat d’agrément de TC et son accréditation, aux fins d’attestation de la conformité; et

b) [Le soumissionnaire doit détenir une preuve de] l’enregistrement [provincial] à titre d’institution professionnelle ou l’équivalent.

[Nos italiques]

  1. RAA/ACT fait valoir que le critère O2 b) n’aurait pas dû figurer dans la DP « parce qu’il exclut automatiquement les établissements du secteur privé non financés par le gouvernement qui fournissent des services de formation sans faire l’objet d’un enregistrement en vertu de lignes directrices provinciales, mais qui offrent les mêmes services que ceux demandés dans l’appel d’offres »[23] [traduction]. En particulier, RAA/ACT est d’avis que l’enregistrement provincial à titre d’établissement de formation professionnelle ou l’équivalent créait « deux normes de conformité incompatibles » [traduction] où « [l]es programmes de formation professionnelle provinciaux ne s’appliquent ni aux “cours de technologie” visés par la DP ni aux cours de formation militaires du MDN »[24] [traduction].
  2. Le Tribunal conclut que RAA/ACT aurait dû présenter à TPSGC son opposition concernant l’inclusion dans la DP du critère technique obligatoire O2 b) ou déposer une plainte auprès du Tribunal au moment où elle a découvert le problème (c’est-à-dire avant de présenter sa soumission), au lieu d’attendre que le contrat soit adjugé à un autre soumissionnaire.
  3. Les paragraphes 6(1) et (2) du Règlement sont ainsi libellés :

6 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal en vertu de l’article 30.11 de la Loi doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte.

(2) Le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition.

  1. Les paragraphes 6(1) et (2) du Règlement indiquent clairement qu’une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle découvre les faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal[25].
  2. Le Tribunal a maintes fois affirmé qu’il incombe aux soumissionnaires « [d’être] vigilants et [de réagir] dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure »[26]. Il appartient donc aux soumissionnaires de s’assurer de bien examiner l’appel d’offres et, le cas échéant, de déposer une plainte dans les délais prescrits.
  3. Le Tribunal estime que RAA/ACT aurait dû découvrir les faits à l’origine de sa plainte au moment où elle a obtenu copie de la DP, qui a été publiée le 12 septembre 2017, ou, au plus tard, avant de présenter sa soumission le 26 septembre 2017. Ainsi, la date limite pour la présentation d’une opposition à TPSGC ou le dépôt d’une plainte auprès du Tribunal était le 10 octobre 2017 (soit 10 jours ouvrables après le 26 septembre 2017).
  4. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’opposition présentée par RAA/ACT concernant l’inclusion du critère O2 b) dans la DP a été déposée après la date limite prévue par le Règlement. Par conséquent, le Tribunal ne peut examiner davantage la question.

Allégation de partialité à l’égard du soumissionnaire retenu

  1. En ce qui concerne l’allégation de partialité à l’égard de l’ENA dans l’adjudication du contrat, RAA/ACT fait valoir que le statut de l’ENA à titre de collège communautaire financé par le gouvernement lui a donné un avantage indu relativement au critère technique obligatoire O2 b) et lui a permis de proposer un prix plus bas. Plus précisément, dans le courriel d’opposition qu’elle a envoyé à TPSGC le 3 mars 2018, RAA/ACT a affirmé ce qui suit : « Étant donné que le soumissionnaire retenu est un collège d’enseignement postsecondaire québécois financé et subventionné par le gouvernement, je me demande comment n’importe quelle entreprise du secteur privé pourrait participer équitablement à un appel d’offres du gouvernement dans le cadre de laquelle elle doit faire concurrence aux établissements que le gouvernement lui-même finance et contrôle »[27] [traduction].
  2. En outre, RAA/ACT soutient que le choix de la soumission de l’ENA pour l’adjudication du contrat pourrait avoir été lié à la situation financière de l’ENA, ce qui soulève la question de l’application de critères d’évaluation non divulgués, c’est-à-dire le fait que la préférence serait accordée à des collèges communautaires ayant des difficultés financières. À cet égard, RAA/ACT allègue que l’autorité contractante a dit, lors de la conversation téléphonique du 7 mars 2018, que « des contrats de formation sont souvent adjugés à des collèges communautaires lorsqu’ils ont des problèmes financiers »[28] [traduction].
  3. Le Tribunal soutient depuis longtemps qu’une plainte doit comporter des éléments de preuve probants indiquant qu’il y a eu violation des accords commerciaux applicables[29]. Ayant reçu copie des notes prises par les évaluateurs au sujet de la soumission de l’ENA[30], le Tribunal ne trouve aucune indication que les évaluateurs ont fait preuve de partialité ou qu’ils ont appliqué des critères non divulgués pour évaluer la soumission de l’ENA. La preuve montre que la soumission de RAA/ACT et celle de l’ENA ont fait l’objet de la même procédure et des mêmes critères d’évaluation. À l’exception du commentaire que l’autorité contractante aurait formulé et dont il est question ci-dessus, il n’existe aucune preuve factuelle de partialité à l’égard de la soumission de l’ENA sur la base de son statut à titre de collège communautaire financé par le gouvernement ou sur toute autre base. Pour ce qui est du commentaire de l’autorité contractante, le Tribunal conclut que cette allégation n’est pas suffisante en soi pour établir que la soumission de l’ENA a été évaluée de façon partiale[31].

Compte rendu fourni par TPSGC

  1. RAA/ACT fait valoir que, même si elle a demandé à plusieurs reprises la tenue d’une réunion de compte rendu en janvier et février 2018, TPSGC ne lui a envoyé un document de compte rendu que le 2 mars 2018, après que RAA/ACT eut communiqué avec l’ombudsman de l’approvisionnement. En outre, RAA/ACT soutient que le document de compte rendu n’expliquait pas pourquoi sa soumission avait été jugée non conforme à certains critères techniques obligatoires.
  2. Bien que RAA/ACT ait dû patienter jusqu’au 7 mars 2018 pour recevoir un autre compte rendu (par téléphone) de TPSGC, elle en a tout de même reçu un, et le Tribunal est convaincu que TPSGC s’est acquitté de ses obligations à cet égard aux termes des dispositions applicables de la DP et de l’ALEC[32].
  3. Toutefois, le Tribunal fait remarquer que l’objet de la plainte aurait pu être bien mieux défini si TPSGC avait expliqué plus clairement, lors du compte rendu fourni à RAA/ACT, les raisons pour lesquelles sa soumission avait été jugée non conforme aux critères techniques obligatoires de la DP. En l’absence d’une explication détaillée, RAA/ACT a exercé un recours devant le Tribunal. Toutefois, après avoir reçu le RIF, RAA/ACT était satisfaite des explications détaillées fournies par TPSGC au sujet de la non-conformité de sa soumission, et elle a poursuivi la procédure de plainte en ce qui concerne les autres motifs, qui ont été abordés ci-dessus.

Conclusion suite à l’analyse de la plainte

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

  1. TPSGC a demandé d’être compensé pour les frais encourus pour répondre à la plainte.
  2. Bien que le caractère insuffisant du compte rendu fourni par TPSGC à RAA/ACT n’équivaille pas à une violation de l’ALEC, le Tribunal est d’avis que, si TPSGC avait fourni plus rapidement une explication plus détaillée concernant la non-conformité de la soumission de RAA/ACT, celle-ci aurait pu mieux définir sa plainte originale. En particulier, RAA/ACT n’aurait probablement pas formulé de plainte concernant les motifs qui ont été retirés après qu’elle eut pris connaissance de l’explication détaillée fournie dans le RIF.
  3. Ainsi, le Tribunal détermine provisoirement que chaque partie assumera ses propres frais. Aucuns frais ne seront par conséquent accordés en l’espèce.

DÉCISION DU TRIBUNAL

  1. Conformément au paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.
  2. Le Tribunal détermine provisoirement qu’il n’accordera pas de compensation pour les frais en l’espèce. Si TPSGC n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire concernant les frais, il peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif des frais, le cas échéant.
 

[1].      L.R.C. 1985, c. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2].      RAA/ACT a déposé une plainte non conforme le 13 mars 2018. Pour donner suite à la demande formulée par le Tribunal le 14 mars 2018 en application du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE, RAA/ACT a déposé des renseignements additionnels le 16 mars 2018. Conformément à l’alinéa 96(1)b) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499 [Règles] et au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, la plainte est donc considérée avoir été déposée le 16 mars 2018.

[3].      DORS/93-602 [Règlement].

[4].      DP, modification no 1 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 78 de 226).

[5].      TPSGC, RIF au par. 25 et onglet 11 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 16 de 226).

[6].      TPSGC, RIF au par. 26 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 17 de 226).

[7].      TSPGC, RIF, onglet 13 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A aux pp. 184-185 de 226).

[8].      TSPGC, RIF au par. 28 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 17 de 226).

[9].      TSPGC, RIF au par. 29 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 17 de 226).

[10].    TSPGC, RIF, onglet 16 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A aux pp. 192 et 195 de 226).

[11].    Pièces jointes à la plainte (pièce PR-2017-063-01A, vol. 1 à la p. 57 de 145).

[12].    TPSGC, RIF aux par. 33-34 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 18 de 226).

[13].    Pièce PR-2017-063-01, vol. 1 à la p. 5 de 22.

[14].    Le RIF devait initialement être déposé le 17 avril 2018, mais le Tribunal a fait droit à la demande de prorogation du délai de TPSGC et a reporté la date limite au 24 avril 2018.

[15].    Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Te... (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC]. Il convient de souligner que, même si l’appel d’offres mentionne uniquement l’ALEC, le Tribunal a envisagé la possibilité que l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et d’autres accords commerciaux puissent aussi s’appliquer au marché public, étant donné que l’appel d’offres concerne la prestation de cours sur la réparation de composites haute performance aux techniciens militaires en structures d’aéronefs. Toutefois, étant donné qu’il est clair que l’ALEC s’applique et que les obligations pertinentes aux termes de cet accord sont essentiellement les mêmes que celles qui sont prévues par l’ALENA et les autres accords commerciaux, le Tribunal concentrera son analyse sur les dispositions de l’ALEC.

[16].    Le paragraphe 509(7) de l’ALEC est ainsi libellé : « Une entité contractante met à la disposition des fournisseurs la documentation relative à l’appel d’offres qui contient tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables. La documentation relative à l’appel d’offres contient tous les détails pertinents concernant : a) les critères d’évaluation qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions, y compris les méthodes de pondération et d’évaluation, à moins que le prix ne soit le seul critère [...]. »

[17].    Paragraphe 515(1) de l’ALEC.

[18].    Le paragraphe 515(4) de l’ALEC est ainsi libellé : « Pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission est présentée par écrit et, au moment de son ouverture, est conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres, et émane d’un fournisseur satisfaisant aux conditions de participation. » Le paragraphe 515(5) stipule ce qui suit : « L’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté : a) soit la soumission la plus avantageuse; b) soit, si le prix est le seul critère, le prix le plus bas. »

[19].    DP, Critères techniques obligatoires, article 4.1.1.1, et Méthode de sélection – critères techniques obligatoires, article 4.2 (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 49 de 226).

[20].    DP, appendice 1 à l’annexe A (pièce PR-2017-063-12, vol. 1A à la p. 65 de 226).

[21].    Samson & Associés c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (19 octobre 2012), PR-2012-012 (TCCE) au par. 28; Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (9 juillet 2014), PR-2013-044 (TCCE) au par. 42.

[22].    RAA/ACT, Commentaires sur le RIF (pièce PR-2017-063-14, vol. 1B à la p. 1).

[23].    RAA/ACT, Commentaires sur le RIF (pièce PR-2017-063-14, vol. 1B à la p. 1).

[24].    Pièces jointes à la plainte (pièce PR-2017-063-01A, vol. 1 à la p. 63 de 145).

[25].    Storeimage c. Musée canadien de la nature (18 janvier 2013), PR-2012-015 (TCCE) aux par. 20-22.

[26].     IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII), au par. 20.

[27].    Pièces jointes à la plainte (pièce PR-2017-063-01A, vol. 1 à la p. 57 de 145).

[28].    RAA/ACT, Formulaire de plainte concernant un marché public (pièce PR-2017-063-01, vol. 1, section 4. F.)

[29].    Tyr Tactical Canada, ULC (16 mai 2016), PR-2016-006 (TCCE) au par. 26.

[30].    TPSGC, RIF, pièce confidentielle 10 (pièce PR-2017-063-12A, vol. 2).

[31].    De plus, dans la mesure où RAA/ACT était préoccupée par le fait que le marché public était ouvert aux collèges communautaires financés par le gouvernement, comme le Tribunal l’a conclu ci-dessus, elle aurait dû soulever ses préoccupations plus tôt au cours de la procédure de passation du marché public (c’est-à-dire avant la date de clôture de l’appel d’offres). Or, RAA/ACT n’a pas soulevé la question avant de présenter une opposition à TPSGC le 3 mars 2018, tel qu’indiqué ci-dessus, date à laquelle le délai était déjà expiré par application de l’article 6 du Règlement.

[32].    Aux termes de l’article 516 de l’ALEC, « une entité contractante expose, sur demande, à un fournisseur non retenu les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu sa soumission ». L’article 1.3 de la DP prévoit que l’autorité contractante doit fournir un compte rendu « par écrit, par téléphone ou en personne » à la demande d’un soumissionnaire.