K-LOR CONTRACTORS SERVICES LTD.

Décisions


K-LOR CONTRACTORS SERVICES LTD.
Dossier no : PR-2000-023

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 23 novembre 2000

Dossier no : PR-2000-023

EU ÉGARD À une plainte déposée par K-Lor Contractors Services Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.



Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

Les motifs de la décision du Tribunal seront publiés à une date ultérieure.
 
 

Date de la décision :

Le 23 novembre 2000

Date des motifs :

Le 14 décembre 2000

   

Membre du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Gerry Stobo

   

Partie plaignante :

K-Lor Contractors Services Ltd.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Mark N. Sills

 

Randal S. Van de Mosselaer

 

Christopher M. Moore

 

Alyson D'Oyley

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 
 

Ottawa, le jeudi 14 décembre 2000

Dossier no : PR-2000-023

EU ÉGARD À une plainte déposée par K-Lor Contractors Services Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 12 juillet 2000, K-Lor Contractors Services Ltd. (K-Lor) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (numéro d'appel d'offres E0224-00R014/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour la prestation de services de mise en place d'un lieu d'enfouissement sécuritaire à Argentia (Terre-Neuve).

K-Lor a allégué que le Ministère a incorrectement rejeté sa soumission parce qu'elle n'avait pas fourni l'« Attestation de la visite obligatoire de l'emplacement » [traduction] (le certificat de visite de l'emplacement). Elle a affirmé avoir inclus ce certificat dans ses documents de soumission. Cette affirmation est appuyée par deux déclarations sous serment de représentants de K-Lor. Elle a allégué que, lorsqu'il a rejeté sa soumission, le Ministère a contrevenu au paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 2 .

K-Lor a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal reporte l'adjudication du contrat spécifique jusqu'à ce qu'il ait déterminé le bien-fondé de la plainte. K-Lor a aussi demandé que le Ministère retire la déclaration qu'il a faite selon laquelle la soumission de K-Lor était non conforme et lui adjuge le contrat. À titre de solution de rechange, K-Lor a demandé de recevoir une indemnité en reconnaissance des profits qu'elle a perdus parce qu'elle n'a pas pu exécuter le contrat. K-Lor a demandé le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour le dépôt de sa plainte et relativement à la préparation d'une réponse au présent appel d'offres (AO).

Le 17 juillet 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance de report d'adjudication de tout contrat relatif au présent marché public jusqu'à ce qu'il ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Il a été ordonné au Ministère de présenter sa réponse à la plainte dans un rapport de l'institution fédérale (RIF). Le 18 juillet 2000, le Ministère a certifié au Tribunal, par écrit, que l'acquisition était urgente et qu'un retard dans l'adjudication du contrat serait contraire à l'intérêt public. Par conséquent, le 24 juillet 2000, le Tribunal a annulé son ordonnance de report d'adjudication du 17 juillet 2000.

Le 11 août 2000, avant la date fixée pour la réception du RIF, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un avis de requête de rejet de la plainte, pour le motif que cette dernière soulevait une question qui ne relevait pas de la compétence du Tribunal. Le 8 septembre 2000, le Tribunal a rejeté la requête et a publié ses motifs le 12 octobre 2000.

Le 4 octobre 2000, le Ministère a déposé le RIF auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 18 octobre 2000, K-Lor a déposé sa réponse au RIF. Le 31 octobre 2000, le Ministère a déposé des observations sur la réponse de K-Lor. Le 2 novembre 2000, le Tribunal a demandé d'autres renseignements aux parties. Les deux parties ont déposé des déclarations sous serment supplémentaires le 8 novembre 2000. Le 10 novembre 2000, K-Lor a déposé des observations finales.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 31 mai 2000, un avis de projet de marché (APM) a été diffusé par l'entremise du Service électronique d'appels d'offres canadien (MERX), la date de clôture y étant fixée au 22 juin 2000. L'APM spécifiait qu'une visite obligatoire de l'emplacement aurait lieu à Argentia, le 14 juin 2000, et que le défaut d'un fournisseur potentiel de participer à cette visite et de joindre, à sa soumission, un certificat de visite de l'emplacement signé par un représentant autorisé du Ministère rendrait la soumission non conforme.

Le Devis, qui fait partie de l'AO, comprend, à la section « Directives générales », ce qui suit :

PARTIE 1 - GÉNÉRALITÉS
[. . .]
1.5 Examen de l'emplacement.1 Avant de présenter une soumission, les entrepreneurs doivent participer à une visite obligatoire de l'emplacement et procéder à leur propre évaluation des conditions de l'emplacement, des installations disponibles dans la région [. . .]

Nota : on rappelle aux entrepreneurs que le défaut de participer à la visite obligatoire de l'emplacement et de soumettre une copie du certificat de visite obligatoire de l'emplacement signé par un représentant de TPSGC rendra leur soumission non conforme et celle-ci sera rejetée.

[Traduction]

Le Devis comprend aussi un exemplaire vierge du certificat de visite de l'emplacement. Ce certificat prévoit, notamment, l'observation suivante :

IMPORTANT : LE PRÉSENT CERTIFICAT DOIT ÊTRE SIGNÉ PAR UN REPRÉSENTANT DE TPSGC ET INCLUS DANS VOS DOCUMENTS DE SOUMISSION

[Traduction]

Selon le RIF, en plus du Devis, chaque soumissionnaire a reçu un ensemble de documents de soumission qui comprenait les formules de soumission, des plans et un exemplaire vierge du certificat de visite de l'emplacement compris dans le Devis.

La visite obligatoire de l'emplacement a eu lieu à Argentia le 14 juin 2000. Le représentant de K-Lor a participé à la visite de l'emplacement et le certificat de visite de l'emplacement a été signé par un agent de TPSGC et ensuite remis au représentant de K-Lor.

Avant la date de clôture des soumissions, le Module de réception des soumissions du Ministère a reçu sept soumissions, y compris une soumission présentée par K-Lor. K-Lor a aussi envoyé, par télécopieur, deux modifications de sa soumission, toutes deux ayant été reçues avant la date de clôture des soumissions. Le 22 juin 2000, vers 14 h 10, un dépouillement public des soumissions a eu lieu au bureau régional du Ministère à St. John's (Terre-Neuve). Les noms des soumissionnaires, les prix de soumission, y compris toutes les modifications des soumissions, et la confirmation de l'inclusion d'une caution de soumission ont été lus à voix haute aux personnes présentes. Par la suite, les noms des soumissionnaires et les prix définitifs des soumissions ont été enregistrés sur la ligne du Ministère consacrée aux résultats de l'appel d'offres5 . On a rappelé aux soumissionnaires, durant le dépouillement public des soumissions, que « toutes les soumissions sont soumises à une vérification » [traduction]. K-Lor a été le soumissionnaire le moins-disant.

Le 23 juin 2000, au cours de la vérification administrative des propositions relatives au marché public en cause, l'agent de négociation des contrats a déterminé que le certificat requis de visite de l'emplacement n'était pas compris dans la proposition de K-Lor. Le Ministère a donc déterminé que la soumission de K-Lor ne satisfaisait pas aux conditions obligatoires de l'appel d'offres et n'était donc pas conforme. Le 28 juin 2000, le Ministère a téléphoné à K-Lor pour l'aviser du rejet de sa soumission. Dans une lettre, le 7 juillet 2000, le Ministère a confirmé que la soumission de K-Lor avait été jugée non conforme. Le 11 juillet 2000, K-Lor a déposé une plainte auprès du Tribunal. Le 26 juillet 2000, un contrat au montant de 1 981 444 $ a été adjugé à Brownco Investments Inc.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

Le Ministère a soutenu que la soumission de K-Lor a correctement été rejetée dans le cadre de l'invitation à soumissionner en cause parce que la soumission ne comprenait pas le certificat requis de visite de l'emplacement. Dans des déclarations sous serment présentées avec son exposé, le Ministère a décrit comme suit le détail du traitement de la soumission de K-Lor.

L'offre de K-Lor, qui a été présentée l'après-midi du 21 juin 2000, et les modifications afférentes de prix subséquentes ont été reçues par le Module de réception des soumissions du Ministère et sont demeurées sous la garde sécuritaire du Module jusqu'à leur remise à l'agent de négociation des contrats le 22 juin 2000, peu après 14 h, soit la date et l'heure de clôture des soumissions. La soumission de K-Lor est demeurée scellée, dans son enveloppe, jusqu'au dépouillement public des soumissions.

Le 22 juin 2000, vers 14 h 10, deux agents de négociation des contrats du Ministère ont procédé au dépouillement public des soumissions. En plus des deux agents susmentionnés, deux représentants des sociétés qui avaient présenté des soumissions étaient aussi présents. Chaque soumission a été retirée de son enveloppe scellée et le contenu de chaque enveloppe ainsi que toutes les modifications afférentes ont été brochés à son enveloppe. Lors du dépouillement public des soumissions, la seule information lue à haute voix et enregistrée par le personnel du Ministère se rapportait aux noms et aux adresses des entrepreneurs, aux prix de soumission, y compris toute modification, et à la caution de soumission. L'agent de négociation des contrats qui a procédé au dépouillement des soumissions a informé les personnes présentes que toutes les soumissions seraient soumises à une vérification. Après le dépouillement public, tous les documents ont été livrés à une adjointe aux marchés du Ministère et sont demeurés en sa possession jusqu'à l'après-midi du 23 juin 2000. L'adjointe a entrepris la compilation d'une feuille d'évaluation pour chaque soumission et la prise en note de toutes les soumissions sur un échéancier des soumissions. À la fin de la journée, toutes les soumissions ont été placées dans un classeur sécuritaire dont elle avait la seule clé.

L'adjointe aux marchés a terminé son travail le 23 juin 2000 et, en après-midi, a livré les soumissions à l'agent de négociation des contrats qui a entrepris un examen administratif de chaque soumission. L'examen administratif avait pour objet de vérifier que la formule de soumission était incluse, signée et authentifiée par un représentant autorisé du soumissionnaire, que la caution de soumission était correcte et, dans le présent cas, que le certificat de visite de l'emplacement était inclus. L'agent de négociation des contrats a entrepris son examen en commençant par la soumission du soumissionnaire le moins-disant, en l'espèce, K-Lor, comme il le fait habituellement. Il a constaté que la caution de soumission de K-Lor était présente et correcte, que sa soumission était dûment signée, mais que le certificat de visite de l'emplacement n'était pas inclus dans les documents de soumission. D'après sa déclaration sous serment, il a vérifié l'enveloppe et réexaminé la soumission, une page à la fois, pour voir si le certificat était présent ou s'il en était fait mention par renvoi dans l'un quelconque des documents. Peu après, il a demandé à un deuxième agent de négociation des contrats de procéder à un nouvel examen de la soumission de K-Lor. Dans ce cas encore, aucun certificat de visite de l'emplacement n'a été trouvé. L'agent de négociation des contrats a continué l'examen administratif des autres soumissions. Une fois l'examen terminé, tous les documents ont été déposés dans un classeur fermé à clé.

Le lundi 26 juin 2000 et le mercredi 28 juin 2000, jusqu'à quatre membres du personnel responsable des marchés ont indépendamment réexaminé la soumission de K-Lor et ont confirmé l'absence du certificat de visite de l'emplacement.

Le Ministère a soutenu que K-Lor n'avait pas présenté d'éléments de preuve à l'appui de l'affirmation de cette dernière selon laquelle les agents du Ministère avaient fait preuve de négligence dans leur gestion de la soumission, ce qui expliquerait l'absence du certificat de visite de l'emplacement. Le Ministère a aussi soutenu que l'absence du certificat de visite de l'emplacement, dans les documents de soumission de K-Lor, était dû à une erreur malheureuse ou commise par inadvertance uniquement imputable à K-Lor.

Dans sa réponse aux observations de K-Lor sur le RIF, le Ministère a de plus soutenu que toutes les soumissions que reçoit le Ministère sont gardées dans un lieu sécuritaire jusqu'à l'heure fixée pour le dépouillement des soumissions, en conformité avec la politique ministérielle6 . Il a soutenu qu'il n'existe pas de motif d'accepter l'hypothèse de K-Lor selon laquelle la soumission de cette dernière a été sabotée au Module de réception des soumissions ou délibérément altérée après son arrivée au Ministère. Il a réitéré que seulement deux membres du personnel de négociation des contrats du Ministère, décrits dans les déclarations sous serment jointes au RIF, ont eu en leur possession les documents de soumission, qui étaient gardés dans des classeurs fermés à clé lorsque lesdits membres ne procédaient pas à leur examen, jusqu'au moment de l'examen administratif lorsqu'il a été découvert que le certificat requis de visite de l'emplacement n'était pas inclus dans les documents de soumission.

À la demande du Tribunal, le Ministère a déposé d'autres déclarations sous serment, au sujet du détail du traitement de la soumission de K-Lor durant la période qui a immédiatement suivi le dépouillement public des soumissions jusqu'au moment où il a été découvert que le certificat de visite de l'emplacement n'était pas inclus dans les documents de soumission. Le Ministère a soutenu que l'adjointe aux marchés est demeurée en possession exclusive des soumissions à partir de l'après-midi, après le dépouillement des soumissions, jusqu'à l'après-midi au cours duquel les documents ont été remis à l'agent de négociation des contrats afin qu'il procède à l'examen administratif pertinent et qu'elle n'a pas changé les documents de soumission de quelque façon que ce soit. Le Ministère a décrit, dans une déclaration sous serment, la recherche poussée qui a été menée dans le but de déterminer si le certificat de visite de l'emplacement était effectivement compris à titre de pièce jointe dans les documents de soumission, mais peut-être à la mauvaise place dans le dossier, ou s'il n'était pas tombé par inadvertance des documents de soumission après l'ouverture de l'enveloppe de K-Lor. Les déclarations sous serment ont décrit en détail la recherche effectuée dans les dossiers et dans les bureaux du Ministère pour tenter de trouver le certificat de visite de l'emplacement « manquant ».

Position de K-Lor

Dans sa plainte, K-Lor a présenté deux déclarations sous serment, provenant du directeur général et du gestionnaire de projet, dans lesquelles il est déclaré que le certificat de visite de l'emplacement a été inclus dans les documents de soumission envoyés au Ministère en réponse à l'AO.

K-Lor a soutenu qu'il existe des lacunes inexpliquées dans la chaîne de possession, par le Ministère, des documents de soumission de K-Lor, particulièrement pour ce qui concerne l'emplacement des documents entre le moment où ils ont été reçus au Module de réception des soumissions et le moment où ils ont été remis à l'agent de négociation des contrats chargé du dépouillement public des soumissions. Elle a ajouté que le Ministère n'avait pas fourni d'éléments de preuve de l'existence de méthodes normalisées du Ministère pour la réception et la garde sécuritaire des documents de soumission. K-Lor a aussi soulevé la possibilité que les enveloppes de soumission aient pu être ouvertes, le certificat de visite de l'emplacement enlevé et l'enveloppe scellée à nouveau. En conclusion, K-Lor a réitéré qu'il incombe au Ministère de veiller à la garde sécuritaire des documents qu'il reçoit et de veiller à ce que ces documents ne soient pas placés au mauvais endroit par suite de négligence ou d'une action délibérée.

À la demande du Tribunal, K-Lor a déposé une autre déclaration sous serment se rapportant aux circonstances qui ont entouré la préparation des documents de soumission en général et du certificat de visite de l'emplacement. Dans sa déclaration sous serment, le gestionnaire de projet a déclaré que K-Lor suit une procédure générale lors de la préparation de documents de soumission. Il y est soutenu que le certificat de visite de l'emplacement a été photocopié et inclus dans les documents originaux de soumission. Le gestionnaire de projet a affirmé avoir placé la photocopie du certificat de visite de l'emplacement à la fin des documents de soumission et qu'il a broché les documents ensemble. Il a ensuite placé les documents de soumission dans une enveloppe correctement adressée devant être envoyée au Ministère. Dans ses dernières observations à propos de la réponse du Ministère suite à la demande du Tribunal, K-Lor a affirmé que l'exposé au sujet du traitement des documents de soumission que le Ministère a présenté en preuve souffre encore d'importantes lacunes.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal a reçu un nombre important d'éléments de preuve sous la forme de déclarations sous serment en provenance des deux parties dans lesquelles lesdites parties décrivent la manière dont elles ont traité les documents de soumission afférents à l'AO en cause. Les deux parties ont aussi fourni des renseignements sur leurs pratiques et méthodes générales de traitement des documents de soumission. K-Lor déclare avoir soumis le certificat de visite de l'emplacement avec ses documents de soumission, tel qu'il était requis. Le Ministère déclare qu'il n'y avait pas de certificat de visite de l'emplacement inclus dans les documents de soumission qu'il a reçus de la partie plaignante et qu'il a évalués.

Pour décider d'ouvrir une enquête, le Tribunal doit déterminer si « les renseignements fournis par le plaignant et les autres renseignements examinés par le Tribunal relativement à la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que le marché public n'a pas été passé conformément »7 aux accords commerciaux. Après l'ouverture de l'enquête, l'institution fédérale doit déposer un rapport détaillé sur la manière dont elle a passé le marché public et a répondu à chaque allégation contenue dans la plainte8 .

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal, à la fin d'une enquête sur un marché public, « [. . .] détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique ou la catégorie dont il fait partie ».

Plus précisément, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal
« [. . .] détermine si le marché public a été passé conformément aux exigences de l'ALÉNA, de l'Accord sur le commerce intérieur ou de l'Accord sur les marchés publics, selon le cas ».

Après avoir reçu tous les renseignements et les éléments de preuve pertinents, le Tribunal doit, pour décider de la validité de la plainte, déterminer si les faits démontrent que l'institution fédérale a violé un des accords commerciaux.

Dans une plainte concernant les marchés publics, la partie qui allègue qu'un marché public n'a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables doit présenter certains éléments probants à l'appui de son allégation. Cela ne signifie pas qu'une partie plaignante dans un litige concernant un marché public aux termes d'un des accords doive démontrer tous les faits nécessaires comme une partie plaignante doit généralement le faire dans une action au civil9 . Le libellé tant de la Loi sur le TCCE que du Règlement encadre le mécanisme de contestation des soumissions, et il ressort d'une façon évidente, compte tenu de ces textes réglementaires, que les plaintes concernant un marché public dont le Tribunal est saisi diffèrent d'une action au civil. Cependant, la partie plaignante doit présenter suffisamment de faits ou arguments qui indiquent, d'une façon raisonnable, qu'il y a eu violation d'un des accords commerciaux. Il ressort aussi clairement du libellé de la Loi sur le TCCE et du Règlement qu'il incombe à l'institution fédérale qui a mené la procédure de passation du marché public d'expliquer de quelle façon elle a mené cette procédure pour démontrer qu'il n'y a pas eu violation des accords commerciaux. Autrement dit, l'institution fédérale est censée démontrer que le marché public a été passé conformément aux accords. Une telle attente est particulièrement importante lorsque, dans des causes comme l'espèce, le Ministère détient une connaissance spécifique, sinon exclusive, de la manière dont il a agi dans la procédure de passation du marché public à partir du moment où les soumissions ont été reçues jusqu'au moment où elles ont été dépouillées par les agents du Ministère. Étant donné la nature des allégations contenues dans la plainte, le Ministère doit démontrer en l'espèce, comme le prévoient le paragraphe 506(1) et l'article 518 de l'ACI, qu'il a traité les offres reçues d'une manière qui a donné lieu à une procédure de passation du marché public équitable, ouverte et transparente.

Après avoir examiné avec soin tous les éléments de preuve et les exposés mis à sa disposition, le Tribunal est convaincu que les soumissions ont été gardées dans un lieu sécuritaire à partir du moment où elles ont été reçues jusqu'au moment où elles ont été dépouillées par les agents du Ministère en présence des représentants des deux soumissionnaires. Aucun renseignement fiable ne porte le Tribunal à conclure que la soumission de K-Lor, ou toute autre soumission, ait été sabotée après sa réception et avant le moment du dépouillement des soumissions. Le Tribunal est aussi convaincu que les agents du Ministère, au moment du dépouillement des soumissions, ont correctement traité tous les documents de soumission en les brochant, avec toutes leurs modifications, à leur enveloppe respective.

En outre, le Tribunal est aussi convaincu que les agents du Ministère ont correctement gardé d'une façon sécuritaire lesdits documents de soumission en veillant à les placer dans un classeur fermé à clé lorsqu'ils ne procédaient pas à leur examen. Les éléments de preuve indiquent que tous les documents de soumission sont demeurés en tout temps sous la garde et sous le contrôle d'un agent du Ministère. Cela dit, le Tribunal n'est pas convaincu que le Ministère doive montrer, « pour chaque minute écoulée », de quelle manière les documents de soumission ont été traités. À la lumière des faits mis à sa disposition, le Tribunal est convaincu que les agents du Ministère ont agi d'une façon raisonnable lors du traitement et de la protection des documents de soumission de K-Lor. Plusieurs agents du Ministère ont procédé à des recherches dans les dossiers et aux postes de travail pour s'assurer que le certificat de visite de l'emplacement n'avait pas échappé à leur observation ou été égaré par inadvertance. En outre, les mesures prises par le Ministère, après avoir découvert que le certificat de visite de l'emplacement n'était pas inclus dans les documents de soumission, suffisaient dans les circonstances.

Le Tribunal est d'avis que le Ministère a agi en conformité avec les dispositions de l'ACI, et plus précisément du paragraphe 506(1) et de l'article 518 durant toute la procédure de passation du marché public. Le Tribunal n'est pas convaincu que le Ministère a agi contrairement aux dispositions de l'ACI lorsqu'il a déclaré la soumission de K-Lor non conforme pour le motif que cette dernière n'avait pas inclus le certificat de visite de l'emplacement. Le Tribunal est d'avis que le Ministère a traité la soumission de K-Lor de façon équitable durant toute la procédure de passation du marché public.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public a été passé conformément aux dispositions de l'ACI et que la plainte n'est donc pas fondée.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499 [ci-après Règles du TCCE].

5 . La ligne consacrée aux résultats de l'appel d'offres est un système de messagerie téléphonique qui permet aux soumissionnaires qui n'ont pas participé au dépouillement public des soumissions de prendre connaissance des noms des soumissionnaires et des prix soumissionnés relativement aux soumissions du jour.

6 . L'article 7D.315 du Guide des approvisionnements prévoit ce qui suit : « Toutes les soumissions résultant d'une invitation à soumissionner en régime de concurrence et acheminées à un point désigné pour la réception des soumissions doivent être horodatées sitôt reçues, et gardées scellées dans un contenant verrouillé jusqu'après l'heure de clôture. »

7 . Alinéa 7(1)c) du Règlement.

8 . Aux termes de l'article 103 des Règles du TCCE, l'institution fédérale est tenue de déposer un RIF au plus tard 25 jours suivant la date du dépôt de la plainte, et fournir dans ledit RIF les renseignements suivants : 103(2) le rapport visé au paragraphe (1) qui comprend une copie des documents suivants : a) la plainte; b) l'appel d'offres, y compris le devis ou les parties de celui-ci qui se rapportent à la plainte; c) les autres documents pertinents; d) un énoncé renfermant les conclusions, les mesures et les recommandations de l'institution fédérale ainsi qu'une réponse à chaque allégation contenue dans la plainte; e) tout autre élément de preuve ou renseignement qui peut s'avérer nécessaire au règlement de la plainte.

9 9. J. Sopinka, S. Lederman et A. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Toronto et Vancouver, Butterworths, 1998, à la p. 79.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 19 janvier 2001