MCNALLY CONSTRUCTION INC.

Décisions


MCNALLY CONSTRUCTION INC.
Dossier no PR-2001-026

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 6 décembre 2001

Dossier no PR-2001-026

EU ÉGARD À une plainte déposée par McNally Construction Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à NcNally Construction Inc. les frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.


Ellen Fry

Ellen Fry
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs suivra à une date ultérieure.
 
 

Date de la décision :

Le 6 décembre 2001

Date des motifs :

Le 20 décembre 2001

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Gestionnaire de l'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Partie plaignante :

McNally Construction Inc.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

 
 
Ottawa, le jeudi 20 décembre 2001

Dossier no PR-2001-026

EU ÉGARD À une plainte déposée par McNally Construction Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 7 septembre 2001, McNally Construction Inc. (McNally) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard d'un marché public (invitation no F7047-000054/C) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère des Pêches et des Océans (MPO) pour la construction, l'essai et la livraison d'un bateau propulsé par réaction.

McNally a soutenu que, contrairement aux dispositions du paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 2 , de l'alinéa 1015(4)d) de l'Accord de libre-échange nord-américain 3 et de l'alinéa XIII(4)c) de l'Accord sur les marchés publics 4 , TPSGC n'a pas adjugé le contrat en conformité avec les critères énoncés dans les documents d'appel d'offres. Plus précisément, il est allégué que la proposition de McNally a incorrectement été déclarée irrecevable eu égard à trois conditions obligatoires énoncées dans la demande de propositions (DP) portant sur les états financiers, la ventilation des coûts et le système de contrôle de la qualité par l'entrepreneur. McNally a soutenu que les états financiers qu'elle a soumis donnaient des renseignements clairs portant sur les deux exercices demandés, qu'elle a satisfait au critère portant sur la ventilation des coûts, puisque ce critère ne définissait pas le niveau de ventilation des coûts exigé par TPSGC, et qu'elle a démontré qu'elle disposait d'un système de contrôle de qualité en traitant de chaque élément du modèle ISO 9001 tel qu'il était requis.

McNally a demandé, à titre de mesure corrective, que sa proposition soit déclarée recevable et que le contrat lui soit adjugé.

Le 17 septembre 2001, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 5 . Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance de report d'adjudication de tout contrat relatif à l'invitation à soumissionner jusqu'à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 18 septembre 2001, TPSGC a avisé le Tribunal qu'aucun contrat n'avait été adjugé. Le 27 septembre 2001, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait autorisé ABCO Industries Limited à intervenir dans l'affaire. Le 15 octobre 2001, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 6 . Le 25 octobre 2001, McNally a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 11 juin 2001, un avis de projet de marché (APM) et une DP afférents à l'invitation à soumissionner en cause ont été publiés; ils ont été diffusés par l'intermédiaire du Service électronique d'appel d'offres canadien (MERX) le 12 juin 2001. La date de clôture des soumissions était fixée au 2 août 2001, mais a par la suite été reportée au 9 août 2001. L'APM indiquait que l'invitation à soumissionner était assujettie à l'ACI.

Les dispositions suivantes de la DP sont pertinentes à l'espèce :

SECTION B : CRITÈRES D'ÉVALUATION

B-2 MÉTHODE DE SÉLECTION
(2) La soumission recevable conforme au plan technique et au plan contractuel la moins disante sera en général recommandée en vue de l'attribution d'un contrat à la suite de la demande de propositions.
B-5 ÉTATS FINANCIERS
(1) Afin de s'assurer que les soumissionnaires ont la capacité financière requise pour effectuer les travaux demandés, les soumissionnaires doivent soumettre, avec leur proposition, leurs états financiers pour les deux (2) exercices qui précèdent immédiatement la date de leur proposition. Les états financiers comprendront ce qui suit :

· État des résultats;
· Bilan;
· Bénéfices non répartis;
· Rapport du vérificateur;
· Notes complémentaires.

(4) Lorsqu'un soumissionnaire est une succursale ou une division d'une société, les renseignements susmentionnés portant sur la société mère doivent aussi être soumis.
B-11 VENTILATION DES COÛTS
(1) Le soumissionnaire doit inclure avec sa proposition une ventilation complète des coûts relativement à son prix de soumission pour les travaux. Le prix doit être établi relativement à chaque élément des travaux ou services, et indiquer le coût de la main-d'_uvre ou des matériaux, les frais généraux et les bénéfices. Chaque élément des coûts fera l'objet d'un renvoi à un élément de la spécification au besoin.
(2) Tous les éléments de coûts compris dans le prix des travaux seront précisés dans la ventilation des coûts en conformité avec le système de barème des coûts ou de comptabilité du prix de revient du soumissionnaire.
B-15 SYSTÈME DE CONTRÔLE DE LA QUALITÉ PAR L'ENTREPRENEUR
(1) Le soumissionnaire soumettra des éléments de preuve objectifs qu'il dispose d'un système d'assurance de la qualité qui répond à chacun des éléments prévus dans le modèle ISO 9001. Ces éléments de preuve objectifs pourront prendre la forme d'un certificat d'homologation, ou d'un exemplaire de son Manuel d'assurance de la qualité qui traite de chacun des éléments prévus dans le modèle ISO 9001. Les installations du soumissionnaire pourront faire l'objet d'une vérification par la Couronne, ou son représentant autorisé, avant l'adjudication du contrat, pour vérifier l'existence d'un système en place conformément à la condition susmentionnée.

[Traduction]

L'Énoncé des besoins (ÉB) comprenait aussi les dispositions suivantes au sujet de l'assurance de la qualité et du contrôle de la qualité :

G 1.2 Proposition du soumissionnaire

1.2.3 La proposition du soumissionnaire doit traiter de chaque article ou section de l'ÉB et démontrer la compréhension et la conformité relativement à chacun des besoins.
G 1.10.1 Assurance de la qualité et contrôle de la qualité
1.10.1 Les [soumissionnaires] doivent soumettre des éléments de preuve, dans leur proposition, que leur système d'assurance de la qualité (AQ) est présentement homologué selon le modèle ISO 9001. Subsidiairement, [les soumissionnaires] qui ne détiennent pas l'homologation susmentionnée doivent démontrer, dans leur proposition, de quelle manière leur système d'AQ satisfait aux critères du modèle ISO 9001. [Les soumissionnaires] qui ne sont pas homologués relativement au modèle ISO 9001, mais qui démontrent de façon satisfaisante dans leur proposition que leur système d'AQ présentement en place satisfait aux critères du modèle ISO 9001 pourront faire l'objet d'une vérification par l'autorité technique de la Garde côtière ou son représentant autorisé avant l'adjudication d'un contrat pour vérifier qu'il est satisfait aux critères de l'ÉB.

[Traduction]

Selon le RIF, trois propositions ont été reçues avant la date de clôture des soumissions. L'équipe d'évaluation a déterminé que les trois soumissions ne satisfaisaient pas à certaines des conditions obligatoires énoncées dans l'invitation à soumissionner et ont donc toutes été déclarées non conformes. Le 23 août 2001, TPSGC a avisé McNally, par écrit, que les trois soumissions avaient été déclarées irrecevables eu égard à des conditions obligatoires et que, de ce fait, un contrat ne serait pas adjugé. La lettre précisait aussi les trois conditions obligatoires à l'égard desquelles la proposition de McNally avait été déclarée non conforme. De plus, TPSGC a indiqué que l'invitation à soumissionner serait lancée de nouveau au plus tard le 28 août 2001.

Le 7 septembre 2001, McNally a déposé sa plainte auprès du Tribunal. Le 10 septembre 2001, TPSGC a de nouveau lancé l'invitation à soumissionner, la date de clôture étant fixée au 11 octobre 2001.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

TPSGC a soutenu que le marché public était assujetti uniquement aux dispositions de l'ACI et que ce fait n'était pas en litige. Dans ce contexte, il a soutenu que l'invitation à soumissionner était exclue de la portée de l'ALÉNA étant donné que le bateau de patrouille propulsé par réaction qui faisait l'objet de l'invitation à soumissionner entrait dans la portée de l'exclusion spécifique pour les « marchés de construction et de réparation des navires »7 . D'une façon similaire, TPSGC a soutenu que les Notes générales pour le Canada dans l'AMP excluaient aussi la « construction navale et réparation de navires »8 . TPSGC a donc soutenu que les dispositions de l'AMP ne s'appliquaient pas au marché public.

TPSGC a soutenu avoir agi de bonne foi, avoir correctement évalué la proposition de McNally d'une manière conforme aux prescriptions de l'ACI et avoir correctement conclu que la proposition était non conforme eu égard aux conditions obligatoires portant sur les états financiers, la ventilation des coûts et le contrôle de la qualité et l'assurance de la qualité.

En réponse à l'allégation de McNally selon laquelle TPSGC a erré lorsqu'il a conclu que la soumission de McNally n'était pas conforme au motif que les renseignements financiers soumis en réponse à la clause B-5 de la DP ne satisfaisaient pas aux conditions obligatoires, TPSGC a soutenu que la condition portant sur deux ensembles d'états financiers vérifiés, un pour chacun des deux exercices les plus récents du soumissionnaire, était clairement indiquée dans les modalités obligatoires de la DP. En outre, TPSGC a soutenu que la condition portait clairement sur la soumission de deux ensembles d'états financiers vérifiés. De plus, TPSGC a soutenu qu'il était de pratique courante de présenter, dans tout ensemble d'états financiers, des données comparatives portant sur deux exercices. Étant donné cette pratique courante, la condition avait pour objet d'obtenir, de chacun des soumissionnaires, deux ensembles d'états financiers, un ensemble pour chacun des deux exercices les plus récents, qui, réunis, présenteraient des renseignements financiers portant sur les trois exercices les plus récents.

Pour ce qui concerne les renseignements présentés par McNally en réponse à la clause B-11 de la DP, TPSGC a soutenu que McNally a limité sa ventilation des coûts aux grandes sections de l'ÉB, reproduites à l'appendice B, non apparenté, de la DP, plutôt qu'établir un prix pour « chaque élément des travaux ou services », comme l'exigeait la clause B-11. TPSGC a ajouté que le libellé de ladite clause était explicite quant à la prescription d'une ventilation détaillée.

TPSGC a ajouté que McNally n'avait pas de motif d'associer le mot « élément » avec les grandes catégories énoncées à l'appendice B. Il a affirmé que rien dans la clause B-11 de la DP n'établissait un lien entre les prescriptions et l'appendice B ou les catégories de l'ÉB.

TPSGC a fait observer que McNally semblait avancer dans sa proposition que, en soumettant une ventilation au niveau 29 , elle avait satisfait au critère requis portant sur une ventilation détaillée. Dans le RIF, TPSGC a cité un exemple et des paragraphes d'un texte qui fait autorité10 dans le domaine des systèmes de contrôle de gestion concernant les niveaux de détail des ventilations des coûts. TPSGC a soutenu que, conformément au texte faisant autorité qu'il a cité dans le RIF, on s'attend habituellement à ce que les coûts soient présentés selon une ventilation au niveau 3, afin de permettre la mesure de l'exécution future du contrat et que McNally n'avait donc aucun motif raisonnable de supposer qu'une ventilation des coûts au niveau 2, plus limitée, suffirait pour répondre au critère énoncé à la clause B-11 portant sur une ventilation détaillée des coûts.

Pour ce qui a trait à la non-conformité de la proposition de McNally à la condition obligatoire portant sur le contrôle de la qualité et l'assurance de la qualité, TPSGC a soutenu que la clause B-15 de la DP et la section G 1.10.1 de l'ÉB indiquaient clairement toutes deux le critère selon lequel un soumissionnaire devait satisfaire à toutes les conditions obligatoires. Il a fait valoir que l'équipe d'évaluation avait jugé la proposition de McNally irrecevable au motif que ladite proposition ne présentait pas suffisamment de détails eu égard à la plupart des éléments compris dans le modèle ISO 9001. Par conséquent, l'équipe d'évaluation n'a pas été en mesure de conclure que la proposition de McNally répondait à toutes les conditions associées à chaque élément.

TPSGC a en outre soutenu que le défaut de McNally de satisfaire à l'une ou à l'autre des trois conditions obligatoires susmentionnées aurait suffi pour rendre la soumission de McNally irrecevable. TPSGC a aussi fait observer que, en l'absence de soumissions recevables, la procédure de passation du marché public avait été annulée et avait fait l'objet d'un nouveau lancement et que McNally avait soumis une nouvelle proposition.

TPSGC a demandé qu'on lui donne la possibilité de présenter d'autres commentaires sur l'adjudication des frais dans la présente affaire.

Position de McNally

Dans sa réponse au RIF, McNally a soutenu que la DP demandait des états financiers pour les deux exercices antérieurs, et non deux « ensembles » d'états financiers. En rétrospective, McNally a dit être d'avis que TPSGC souhaitait des renseignements portant sur trois exercices, mais que ce n'était pas ce que la DP avait exigé. McNally a fait observer que la nouvelle DP avait énoncé ce critère plus clairement11 .

McNally a aussi souligné que « la DP ne disait rien sur les éléments qu'il fallait utiliser ou ne pas utiliser » [traduction] aux fins de la réponse aux exigences concernant la ventilation des coûts, et que la DP faisait mention des éléments des travaux, mais sans les définir. McNally a soutenu que, en rétrospective, le niveau de détail que TPSGC prévoyait recevoir semble clair, mais que TPSGC aurait dû énumérer les éléments requis en détail ou préciser le niveau de détail requis.

Eu égard à la condition portant sur le contrôle de la qualité et l'assurance de la qualité, McNally a déclaré que « si TPSGC [souhaitait] que la DP demande la soumission d'un [manuel] de projet pleinement développé, il aurait dû le demander expressément » [traduction].

En conclusion, McNally a soutenu que « le niveau de détail soumis dans la proposition n'était pas le niveau attendu par les gens qui avaient procédé à l'évaluation » [traduction]. Elle a ajouté que « la DP ne précisait pas le niveau de détail requis par les évaluateurs » [traduction] et que la nouvelle DP avait indiqué plus clairement les conditions portant sur les états financiers et le programme de contrôle de la qualité. Selon McNally, « on ne peut guère s'attendre à ce que les soumissionnaires devinent ce qui sera nécessaire en l'absence de directives précises et claires particulièrement eu égard aux conditions obligatoires » [traduction].

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables.

Dans le cadre d'une question préliminaire, le Tribunal doit déterminer si le marché public est assujetti à l'ACI, à l'ALÉNA ou à l'AMP.

Le Tribunal fait observer que McNally a déposé sa plainte aux termes des trois accords commerciaux. Le Tribunal est d'accord avec les parties sur le fait que le marché public est assujetti aux dispositions de l'ACI. Cependant, TPSGC a soutenu que le marché public était exclu de la portée de l'ALÉNA et de l'AMP en vertu des exclusions spécifiques portant sur les « marchés de construction et de réparation des navires »12 . Le Tribunal est d'accord avec les parties sur le fait que le marché public est assujetti à l'ACI, et doit déterminer s'il constitue un marché public « de construction et de réparation des navires » aux fins des exclusions de l'ALÉNA et de l'AMP.

Ni l'ALÉNA ni l'AMP ne définissent l'expression « construction de navires » ou ne guident autrement l'interprétation de l'expression « construction des navires ». Par conséquent, le Tribunal prendra d'autres sources en considération pour le guider.

Le Gage Canadian Dictionary 13 définit « shipbuilding » (construction de navires) comme il suit :

1 la conception ou la construction de navires. 2 l'art de construire les navires.

[Traduction]

Par conséquent, le Tribunal déterminera si le bateau de patrouille propulsé par réaction qui fait l'objet du marché public est un « navire ». TPSGC a proposé trois sources pour guider le Tribunal à cet égard : les lois fédérales, les dictionnaires juridiques et les dictionnaires généraux. Le Tribunal convient que ces sources sont des aides utiles pour guider l'interprétation.

Ces trois sources indiquent qu'il y a deux façons possibles d'aborder la définition du terme « navire ». La première est d'appliquer une définition extrêmement large qui, pour l'essentiel, indique qu'un navire est tout type de bateau. Selon une telle façon de procéder, des bâtiments aussi divers qu'un canot, un radeau de billes, un pétrolier et un navire de guerre peuvent toutes être considérés comme des navires.

NAVIRE. n. 1. Comprend tout type de bâtiment ou de bateau utilisé ou destiné pour la navigation, indépendamment de son mode de propulsion ou de l'absence de propulsion. 2. Comprend toute construction lancée ou destinée à servir pour la navigation en tant que navire ou partie d'un navire... 3. Tout type de bâtiment, ou de bateau, propulsé à voile, par la vapeur, à essence ou autrement.[14]

[Traduction]

De façon similaire, l'article 673 de la Loi sur la marine marchande du Canada donne la définition suivante :

« navire » Bâtiment ou embarcation conçus, utilisés ou utilisables, exclusivement ou non, pour la navigation, indépendamment de leur mode de propulsion ou de l'absence de propulsion.[15]

[Traduction]

La deuxième façon possible d'aborder la question est d'appliquer une définition plus étroite qui restreint l'usage du terme « navire » à un type particulier de bateau. Par exemple TPSGC a renvoyé le Tribunal à la définition du terme « vessel » dans la Loi sur les commissions portuaires 16 .

« navire » Toute construction flottante, y compris les élévateurs flottants, et, par assimilation, les hydravions.

[Traduction]

Contrairement à l'article 673 de la Loi sur la marine marchande du Canada, la définition que donne la version anglaise de la Loi sur les commissions portuaires ne fait pas du terme « ship » un terme générique. La définition anglaise ne définit pas en fait le mot « ship », mais indique plutôt qu'il s'agit uniquement d'un des plusieurs types d'embarcations qui entrent dans la portée d'application du mot « vessel » [traduit dans la Loi sur les commissions portuaires par le mot « navire », mais traduit, dans tous les autres contextes de l'espèce par le mot « bâtiment », le mot « navire » correspondant, dans tous ces autres contextes, au mot anglais « ship »].

TPSGC a aussi renvoyé le Tribunal à plusieurs définitions tirées de dictionnaires généraux qui retiennent une acception étroite du mot « navire ». Ces définitions indiquent que les caractéristiques d'un navire sont qu'il a un gros tonnage et qu'il navigue en mer. Par exemple, une des définitions du terme « ship » (navire) soumise par TPSGC prévoit ce qui suit :

tout gros bâtiment de mer.[17]

[Traduction]

Étant donné qu'il est possible de définir le mot « ship » (navire) au sens large ou au sens étroit, le Tribunal doit déterminer s'il convient d'adopter une définition large ou une définition étroite en l'espèce.

D'une façon générale, l'objet des dispositions sur les marchés publics de l'ALÉNA et de l'AMP est de promouvoir la libéralisation du commerce en veillant à ce que les procédures d'appel d'offres soient appliquées d'une manière non discriminatoire et transparente. Pour répondre à un tel objet d'une manière aussi complète que possible, le Tribunal est d'avis que les catégories de marchés publics exclues de la portée de l'ALÉNA et de l'AMP doivent normalement être interprétées étroitement. De ce fait, le Tribunal adopte la définition plus étroite du terme « navire » et conclut que, en l'espèce, un navire est « tout gros bâtiment de mer ».

Pour déterminer si un bateau de patrouille propulsé par réaction répond à la définition susmentionnée, le Tribunal doit d'abord décider si un tel bateau est un gros bâtiment.

La section G 1.3.1 de l'ÉB énonce les conditions obligatoires suivantes relativement aux dimensions du bateau de patrouille :

a. Longueur (hors-tout) 13,11 m à 14,02 m (43 pieds à 46 pieds)
b. Largeur (hors-tout) 1/3 longueur hors-tout (environ)

Autrement dit, pour situer les dimensions dans un cadre de référence commun, la longueur du bateau de patrouille doit correspondre à peu près à la taille combinée de huit personnes adultes et sa largeur, à peu près à celle de la taille combinée de deux ou trois adultes. Il est bien connu que de telles dimensions ne sont pas considérables par rapport à la fourchette générale des tailles des bâtiments. Par exemple, il est clair que la taille d'un bâtiment comme un pétrolier ou un navire de guerre est de beaucoup supérieure à celle du bateau de patrouille propulsé par réaction qui fait l'objet de l'espèce. Par conséquent, le Tribunal estime que le bateau de patrouille propulsé par réaction n'est pas un gros bâtiment.

La détermination ci-dessus, à elle seule, suffit pour conclure que le bateau de patrouille propulsé par réaction n'est pas un navire. Toutefois, le Tribunal souhaite aussi examiner la question de savoir si ce bateau de patrouille est un bâtiment de mer. Le terme « seagoing » (de mer) est défini dans The Concise Oxford Dictionary of Current English 18 comme il suit :

se dit d'un navire destiné à traverser la mer.

[Traduction]

D'une façon similaire, The Oxford English Dictionary 19 donne la définition suivante du terme « seagoing » (de mer) :

Qui fait son voyage en mer, s'appliquant à un bâtiment qui fait de longs voyages par opposition à un navire de cabotage, un bateau servitude ou une embarcation fluviale.

[Traduction]

La section G 1.1 de l'ÉB décrit ainsi les fonctions requises du bateau de patrouille propulsé par réaction :

1.1.1 Pêches et Océans Canada (MPO), Garde côtière canadienne (GCC), Région des Maritimes, a besoin d'un bateau de patrouille rapide pour les eaux intérieures, à des fins d'application de la loi dans le domaine des pêches. Le bateau de patrouille sera utilisé comme bateau de patrouille dont l'équipage est logé à terre (vedette de poste) dans les eaux côtières dans la Région pendant toutes les saisons de l'année.
1.1.2 La mission première du bateau de patrouille sera de permettre aux agents des pêches de récupérer et de haler (ramener au port) les cages à homard illégalement placées ou non marquées et d'autres engins de pêche.
1.1.3 La mission secondaire du bateau de patrouille portera sur toutes les autres fonctions d'application de la loi dans le domaine des pêches, comme les fonctions d'arraisonnement et de surveillance, et des fonctions de recherche et sauvetage (SAR), qui se trouvent en-deçà des capacités raisonnables d'un bateau de patrouille de ce type et de cette taille. Parfois, le bateau de patrouille fournira des services ambulanciers pour l'évacuation de personnes depuis l'île Grand Manan.

[Traduction]

En résumé, l'ÉB indique que le bateau de patrouille doit être basé dans un port d'attache, d'où il sera détaché vers diverses zones d'affectation dans les eaux côtières pour des fonctions comme celles de ramener au port des cages à homard illégalement placées, des fonctions d'arraisonnement et de surveillance, des fonctions de SAR et des services ambulanciers.

Pour ces motifs, bien que le bateau de patrouille doive naviguer sur la mer, ses fonctions se limitent aux eaux côtières. Il ne doit ni traverser la mer ni faire de longs voyages en mer. Par exemple, il n'est pas nécessaire qu'il puisse faire un voyage au long cours, comme se rendre en Europe. Par conséquent, le Tribunal n'estime pas que le bateau de patrouille propulsé par réaction soit un bâtiment de mer.

Le Tribunal fait observer que la détermination ci-dessus, à elle seule, aurait suffi pour conclure que le bateau de patrouille n'est pas un navire, si le Tribunal n'avait pas déjà déterminé que ledit bateau n'est pas un gros bâtiment.

Par conséquent, le Tribunal est d'avis que le bateau de patrouille propulsé par réaction n'est pas un navire et que le marché public qui porte sur un bateau de patrouille propulsé par réaction n'est pas un marché « de construction de navires » au sens de l'ALÉNA et de l'AMP. Par conséquent, le Tribunal a compétence pour connaître de la plainte non seulement aux termes de l'ACI mais aussi aux termes de l'ALÉNA et de l'AMP.

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit, notamment, que « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères ». L'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA précise que « l'adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l'appel d'offres ». L'alinéa XIII(3)c) de l'AMP prévoit la même chose. Par conséquent, le Tribunal doit décider si les documents d'appel d'offres ont clairement énoncé les conditions de TPSGC et du MPO pour le marché public et si TPSGC a agi d'une manière conforme aux dispositions des accords commerciaux lorsqu'il a déclaré non conforme la proposition de McNally.

Au sujet de l'allégation de McNally selon laquelle TPSGC a incorrectement évalué sa proposition eu égard à la condition portant sur les états financiers, le Tribunal conclut que cette allégation n'est pas fondée. Le Tribunal n'accueille pas l'affirmation de TPSGC selon laquelle, lorsque TPSGC a demandé des états financiers portant sur deux exercices, il demandait des renseignements financiers portant sur trois exercices. Cependant, le Tribunal fait observer que la clause B-5 de la DP était claire, en ce sens qu'elle demandait les états financiers vérifiés concernant deux exercices et précisait que les états vérifiés devaient comprendre, en plus de l'état des résultats, le bilan et les bénéfices non répartis, le rapport du vérificateur et les notes complémentaires. Bien que les états financiers non consolidés en date du 30 avril 2001 soumis par McNally dans sa proposition aient compris des renseignements financiers portant sur deux exercices, c'est-à-dire sur l'exercice se terminant le 30 avril 2001 et l'exercice se terminant le 30 avril 2000, ils ne comprenaient ni le rapport du vérificateur ni les notes complémentaires pour le premier exercice. Le Tribunal fait observer que le vérificateur de McNally, dans une lettre à TPSGC datée du 28 août 200120 , a indiqué que la portée de son avis de vérification s'étendait à l'exercice se terminant le 30 avril 2000. Cependant, le Tribunal fait observer que la lettre susmentionnée ne faisait pas partie intégrante de la soumission de McNally, et n'a pas traité de l'omission des notes complémentaires aux états financiers pour le premier exercice. Par conséquent, le Tribunal conclut que McNally n'a pas satisfait à la condition obligatoire de soumettre tous les documents requis portant sur deux exercices.

En ce qui a trait à l'allégation de McNally selon laquelle TPSGC a incorrectement évalué sa proposition eu égard à la condition obligatoire de soumettre une ventilation des coûts, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas clairement énoncé, dans la DP, le critère selon lequel chacun des soumissionnaires devait soumettre « une ventilation complète des coûts relativement à son prix de soumission ». Le Tribunal fait observer que nulle part dans la DP les termes « élément de la spécification », « élément des travaux » et « élément des coûts » ne sont-ils définis, même s'il s'agit de termes qui sont utilisés dans la clause B-11 de la DP. De plus, nulle part dans les documents d'appel d'offres n'est-il fait mention de l'obligation de soumettre une ventilation des coûts au niveau 2 ou au niveau 3 pour satisfaire à la condition obligatoire énoncée à la clause B-11 de la DP. Un renvoi ou une explication en ce sens, selon le Tribunal, aurait été nécessaire pour que les soumissionnaires comprennent clairement ce qui était exigé. Dans les circonstances, le Tribunal conclut qu'il était raisonnable que McNally interprète la condition comme elle l'a fait, par application de l'appendice B de la DP qui donnait une liste des besoins répartis sous plusieurs rubriques, au titre de liste d'« éléments ». Le Tribunal est d'avis que TPSGC n'a pas pleinement décrit ses critères dans les documents d'appel d'offres, contrairement aux dispositions du paragraphe 506(6) de l'ACI, de l'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA et de l'alinéa XIII(3)c) de l'AMP.

Pour ce qui concerne l'allégation de McNally selon laquelle TPSGC a incorrectement évalué sa proposition eu égard à la condition obligatoire portant sur le contrôle de la qualité et l'assurance de la qualité, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas énoncé clairement ladite condition dans la DP.

Le RIF indique clairement que la proposition de McNally a été jugée non conforme, non pas parce qu'elle ne traitait pas des éléments de l'ISO 9001, comme l'exigeait la clause B-15, mais parce qu'elle ne fournissait pas suffisamment de détails à cet égard21 . Cependant, TPSGC n'a pas indiqué dans la DP le niveau de détail exigé, et n'a donc pas pleinement énoncé ses conditions. Le Tribunal est donc d'avis que TPSGC a enfreint le paragraphe 506(6) de l'ACI, l'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA et l'alinéa XIII(3)c) de l'AMP.

De plus, le Tribunal fait observer que les conditions pertinentes de la DP sont énoncées dans deux dispositions distinctes : la clause B-15 de la DP et la section G 1.10.1 de l'ÉB, intégrée dans la DP. La clause B-15 indique que « le soumissionnaire soumettra des éléments de preuve objectifs qu'il dispose d'un système d'assurance de la qualité qui répond à chacun des éléments prévus dans le modèle ISO 9001 ». Par ailleurs, la section G 1.10.1 indique que les soumissionnaires qui ne sont pas titulaires d'une homologation ISO 9001 « doivent démontrer, dans leur proposition, de quelle manière leur système d'AQ satisfait aux critères du modèle ISO 9001 » (soulignement ajouté). Les deux dispositions susmentionnées imposent deux normes différentes, qui ne sont pas cohérentes, et n'indiquent pas laquelle des deux normes il convient de retenir aux fins de soumissions.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public n'a pas été passé conformément aux dispositions de l'ACI, de l'ALÉNA et de l'AMP et que la plainte est donc fondée en partie.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à McNally le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le dépôt de la plainte.

 
 
Ottawa, le mercredi 13 mars 2002

Dossier no PR-2001-026

EU ÉGARD À une plainte déposée par McNally Construction Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

CORRIGENDUM

Dans la version française de l'exposé des motifs, sous la rubrique « DÉCISION DU TRIBUNAL », immédiatement avant la définition du mot « NAVIRE », devrait paraître la phrase introductive suivante : « TPSGC a transmis au Tribunal plusieurs définitions qui reflètent cette façon large d'aborder la définition. Par exemple, un certain dictionnaire juridique donne la définition suivante : »

Par ordre du Tribunal,


Michel P. Granger
Secrétaire

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

3 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

4 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [ci-après AMP].

5 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

6 . D.O.R.S./91-499.

7 . L'annexe 1001.2b de l'ALÉNA exclut expressément, de la Liste du Canada, les marchés de construction et de réparation des navires de l'application du chapitre dix.

8 . Article 1 des Notes générales pour le Canada dans l'AMP.

9 . TPSGC a soutenu que l'expression « niveau 2 » est une expression normalisée en gestion des coûts et renvoie aux grands sous-systèmes d'un projet.

10 . Quentin W. Fleming, Put Earned Value into Your Management Control System, Publishing Horizons Inc., 1983.

11 . McNally a déposé des parties de la nouvelle DP, avec ses observations. La clause B-5, « États financiers », dans la DP afférente à l'invitation à soumissionner no F7047-000054/D prévoit, notamment, ce qui suit : « Les soumissionnaires doivent fournir, avec leur proposition, leurs états financiers pour les deux (2) exercices qui précèdent immédiatement la date de leur proposition. Ces états donneront des renseignements financiers portant sur trois (3) exercices, requis aux fins d'évaluation » [traduction].

12 . L'annexe 1001.2b de l'ALÉNA, dans la Liste du Canada, précise, notamment, ce qui suit :

1. Le présent chapitre ne s'applique pas :

a) aux marchés de construction et de réparation des navires.

L'article 1 des Notes générales pour le Canada dans l'AMP prévoit, notamment, ce qui suit :
1. Nonobstant les présentes annexes, l'accord n'est pas applicable dans les cas suivants :

a) construction navale et réparation de navires.

13 . 1997, s.v. « shipbuilding ».

14 . The Dictionary of Canadian Law, 1995, s.v. « ship ».

15 . Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. 1985, c. S-9, art. 673.

16 . L.R.C. 1985, c. H-1, art. 2.

17 . The Concise Oxford Dictionary of Current English, 7e éd., s.v. « ship ».

18 . Ibid. s.v. « sea ».

19 . Deuxième éd. s.v. « sea-going ».

20 . Plainte, pièce jointe 3.

21 . RIF, onglet 7.


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Publication initiale : le 13 mars 2002