AT&T CANADA CORP.

Décisions


AT&T CANADA CORP.
Dossier no : PR-2000-024

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 27 novembre 2000

Dossier no : PR-2000-024

EU ÉGARD À une plainte déposée par AT&T Canada Corp. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Conformément aux paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, pour évaluer les propositions reçues en réponse au numéro d'invitation U6158-000401/A et pour déterminer le soumissionnaire retenu qu'il convient de recommander aux fins de l'adjudication du contrat, exclue les propositions de prix qui font entrer en ligne de compte les frais de transition prévus à l'article 23.8.2 de la demande de propositions et, plutôt, évalue les autres propositions de prix (PROPOSITION DE PRIX « B ») déjà présentées par les fournisseurs éventuels conformément à l'article 19.2.1.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à AT&T Canada Corp. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour le dépôt et le traitement de sa plainte.


Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant

Pierre Gosselin

Pierre Gosselin
Membre

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs de la décision du Tribunal sera publié à une date ultérieure.
 
 

Date de la décision :

Le 27 novembre 2000

Date des motifs :

Le 14 décembre 2000

   

Membres du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Richard Lafontaine, membre

   

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Philippe Cellard

   

Partie plaignante :

AT&T Canada Corp.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Gordon LaFortune

 

Peter Clark

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

David M. Attwater

 
 

Ottawa, le jeudi 14 décembre 2000

Dossier no : PR-2000-024

EU ÉGARD À une plainte déposée par AT&T Canada Corp. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 13 juillet 2000, AT&T Canada Corp. (AT&T) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (numéro d'invitation U6158-000401/A) par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour la prestation de services en mode de transfert asynchrone (services MTA)2 pour le ministère de l'Industrie (Industrie Canada).

AT&T a allégué que, lorsqu'il a passé le présent marché public, le Ministère a violé plusieurs dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain 3 , de l'Accord sur le commerce intérieur 4 et de l'Accord sur les marchés publics 5 . AT&T a allégué que, contrairement à l'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA et au paragraphe VII(1) de l'AMP, le Ministère n'a pas appliqué la procédure d'appel d'offres d'une manière non discriminatoire, plus précisément pour ce qui touche le traitement de certains frais d'annulation liés à la résiliation hâtive d'un contrat en place avec le fournisseur de services titulaire et les frais liés au temps supplémentaire du personnel qui seraient liés à l'adjudication du contrat à un nouveau fournisseur. AT&T a aussi allégué que la décision du Ministère de ne pas proroger de quatre semaines le délai de présentation des soumissions, comme elle l'a demandé, était discriminatoire. AT&T a en outre allégué que, contrairement au paragraphe 506(5) de l'ACI et au paragraphe XI(1) de l'AMP, le Ministère n'a pas accordé aux soumissionnaires non titulaires un délai raisonnable pour présenter leurs soumissions. Finalement, AT&T a allégué que le Ministère, contrairement au paragraphe 506(6) de l'ACI, a pris en compte des critères discriminatoires. AT&T a soutenu que la décision de permettre au fournisseur titulaire de déterminer la manière dont sa soumission devrait être évaluée relativement à l'applicabilité, ou la non-applicabilité, des frais d'annulation est un avantage important qui est accordé uniquement au fournisseur titulaire et constitue une violation manifeste de la règle de non-discrimination réciproque. Au sujet des frais liés au temps supplémentaire du personnel, AT&T a soutenu que la décision d'imposer lesdits frais aux soumissionnaires non titulaires et le fait que lesdits frais paraissent avoir été gonflés constituent aussi une violation manifeste de la règle de non-discrimination réciproque.

AT&T a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal ordonne au Ministère de modifier la demande de propositions (DP) puis de la diffuser à nouveau et, ce faisant, de supprimer les « frais de transition » précisés aux articles 23.8.2.a et 23.8.2.b de la DP et proroger de quatre semaines le délai de préparation et de présentation des propositions. AT&T a demandé que le Tribunal ordonne le report de l'adjudication de tout contrat relatif à cette invitation à soumissionner jusqu'à ce que le Tribunal ait complété l'examen de la présente affaire. AT&T a demandé le remboursement des frais liés à la plainte.

Le 18 juillet 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 6 . Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance de report d'adjudication de tout contrat relatif à cette invitation à soumissionner jusqu'à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte.

Le 3 août 2000, le Ministère a déposé auprès du Tribunal une requête de rejet de la plainte. Les 14 août et 8 septembre 2000, AT&T a déposé auprès du Tribunal des observations sur la requête du Ministère. Les 25 août et 18 septembre 2000, le Ministère a déposé des observations en réponse. Le 27 septembre 2000, le Tribunal a rejeté la requête. Le 12 octobre 2000, le Ministère a déposé un RIF auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 7 . Le 24 octobre 2000, AT&T a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 12 juin 2000, le Ministère a diffusé une DP datée du 8 juin 2000, aux termes d'un arrangement en matière d'approvisionnement pour des services de télécommunications, en vue d'obtenir des prix fermes pour des services MTA aux 68 emplacements exploités par Industrie Canada. La DP était ouverte à tous les fournisseurs de services MTA qualifiés en vertu de l'arrangement en matière d'approvisionnement pour des services de télécommunications.

La DP modifiée inclut les dispositions pertinentes suivantes :

[Partie A, « Instructions aux soumissionnaires et information », article 7.2]
(OBLIGATOIRE) Si le soumissionnaire retenu procure présentement à Industrie Canada une forme quelconque de services MTA, lesdits services deviendront immédiatement et automatiquement admissibles à l'inclusion dans tout contrat afférent à la présente DP. Aucun frais de mise en oeuvre ou de services ne s'appliquera du fait d'une telle inclusion.
[Article 7.3]
(OBLIGATOIRE) Si le fournisseur titulaire de toute forme de services à relais de trames et/ou à ligne louée à Industrie Canada est le soumissionnaire retenu, tous lesdits services à relais de trames et/ou à ligne louée offerts par le fournisseur titulaire deviendront immédiatement et automatiquement admissibles à une migration aux services MTA dont la prestation serait visée dans un contrat afférent à la présente DP. Les options suivantes seront disponibles au titulaire :
a. renoncement à tous les frais d'annulation ou à tous les droits contractuels liés à la migration desdits services à relais de trames et/ou à ligne louée dispensés dans le cadre de tout contrat afférent; OU
b. application des frais de transition, précisés à la Partie A article 23.8.2.a, à la proposition du titulaire de la même manière qu'ils s'appliquent aux propositions présentées par des fournisseurs non titulaires.
Toute proposition présentée par le titulaire devra indiquer laquelle des deux options susmentionnées devra s'appliquer.
[Article 17.1.2]
(OBLIGATOIRE) Un soumissionnaire peut présenter plus d'une proposition, mais chaque proposition doit être présentée sous la forme d'un ensemble de documents de proposition MATÉRIELLEMENT DISTINCT, clairement désigné à titre de proposition distincte, et respecter la présentation spécifiée dans les présentes. Chaque proposition sera évaluée indépendamment de toute autre proposition.
[Article 19.2, « Autre proposition de prix (OBLIGATOIRE) », paragraphe 19.2.2]
Les soumissionnaires doivent préparer la PROPOSITION DE PRIX « B » sans faire entrer en ligne de compte les frais de transition précisés à la Partie A, Article 23.8. Aux fins de la PROPOSITION DE PRIX « B », le fournisseur titulaire ne tiendra pas compte de la condition énoncée à la Partie A, Article 7.3, telle qu'elle a été ajoutée par la modification no 007 de l'invitation à soumissionner.
[Article 23.5.3]
Les soumissionnaires doivent soumettre des prix fermes, fondés sur l'usage mensuel et/ou fixes selon une ventilation mensuelle, en conformité avec la Partie A, Article 23.4, et soumettre des frais d'installation uniques fondés sur l'adjudication d'un contrat de services d'une durée de trois ans, assorti d'options de renouvellement facultatif pour une période supplémentaire de deux ans, et de deux périodes supplémentaires d'un an relativement aux types suivants de composants de services MTA.
[Article 23.8, « Frais de transition » (modifié par la modification no 016 publiée le 4 août 2000)]
23.8.1 Industrie Canada est présentement abonné à des services de réseau. Si un contrat est adjugé à un fournisseur autre qu'au fournisseur titulaire, Industrie Canada devra engager des frais de transition, qu'il n'aurait pas à engager si un contrat pour les services MTA décrits dans la présente DP est adjugé au fournisseur titulaire. Par conséquent, les frais de transition seront ajoutés aux soumissions de tous les soumissionnaires, sauf à la soumission présentée par le fournisseur titulaire, pour déterminer le prix évalué de la soumission dans le cadre de l'évaluation des prix.
23.8.2 Les frais de transition suivants seront ajoutés à la soumission provenant d'un soumissionnaire autre que le fournisseur titulaire :

a. Frais d'annulation des services à relais de trames et à DS-1 actuels. Si les services à relais de trames et à DS-1 maintenant en place à Industrie Canada sont annulés avant le 31 janvier 2001, Industrie Canada devra verser des frais d'annulation de services au fournisseur pertinent. Il est supposé que le nouveau service de réseau MTA sera accepté le 30 novembre 2000. Si la commande visant l'annulation des services actuels est passée le 30 novembre 2000, ladite annulation prendra effet le 31 décembre 2000 et obligera Industrie Canada à verser des frais mensuels ordinaires de 87 439,00 $ pour le mois de décembre 2000 ainsi que des frais d'annulation hâtive de 38 679,92 $;
b. Temps supplémentaire du personnel pour soutenir la mise en oeuvre. Les fenêtres accessibles pour la maintenance des services MTA d'Industrie Canada se présentent habituellement une fois la semaine, de 18 h le samedi jusqu'à 9 h le dimanche. Le nouveau service MTA sera mis à l'essai au cours de ces fenêtres de maintenance. Selon les estimations, il faudra disposer de trois (3) membres du personnel d'Industrie Canada, durant six fenêtres de maintenance complète pour réaliser le transfert du service en place au nouveau service. Le salaire horaire moyen du personnel requis est de 100 $/heure et le poste de travail devrait être de 15 heures. Par conséquent, le total estimatif des frais liés au temps supplémentaire du personnel pour la mise en _uvre est de 100 $/heure * 15 heures * 3 personnes * 6 fenêtres de maintenance=27 000 $.

[Article 24.2.6]
Le prix de la soumission sera égal à la somme des totaux de la première à la septième année, fournis par le soumissionnaire dans les tableaux prévus pour la réponse sur les prix (Annexe D de la présente DP). Les frais de transition seront ajoutés, le cas échéant, au prix de la soumission pour calculer le prix évalué total de la soumission.
[Article 25.1]
Le choix du soumissionnaire retenu sera fondé sur la meilleure valeur globale, celle-ci étant définie comme la plus haute cote combinée pour le prix et pour la valeur technique selon la méthode de sélection énoncée ci-après.
[Article 25.2.1]
Le choix du soumissionnaire retenu est déterminé par application d'un rapport 90/10 entre le prix et les points attribués pour la valeur technique respectivement.
[Partie B, « Modalités de tout contrat et commandes de services afférents », destinées à fonder tout contrat afférent]
[Article 5.1]
La période durant laquelle des commandes pourront être passées aux termes dudit contrat sera de trois (3) ans à compter de la date précisée à la page 1 dudit contrat.

[Traduction]

Le 22 juin 2000, AT&T a fait opposition par écrit auprès du Ministère à l'inclusion de « frais de transition » dans l'évaluation des propositions des fournisseurs non titulaires.

Le 28 juin 2000, le Ministère a répondu ainsi à la question 6c, dans la modification no 005 :

[Q6c] Si, pour une raison quelconque, l'adjudication du contrat devait être retardée au-delà de la date prévue, de sorte que le contrat présentement en vigueur ne puisse être annulé le 31 octobre 2000[8], les soumissions feront-elles alors toutes l'objet d'un nouvel examen dans le but de supprimer les frais de transition imposés?
[R6c] Il n'est pas prévu que l'adjudication du contrat soit retardée au-delà de la date prévue. Cependant, le cas échéant, les soumissions ne feront pas l'objet d'un nouvel examen dans le but de supprimer ou de réviser les frais de transition imposés, puisque l'imposition de frais de transition ne devrait pas, selon nos prévisions, procurer un avantage indu au titulaire.

[Traduction]

REQUÊTE

Dans sa requête, le Ministère a présenté de nombreuses observations concernant la compétence du Tribunal pour connaître de la plainte aux termes de l'ACI, de l'ALÉNA et de l'AMP. De l'avis du Tribunal, la plainte soulevée par AT&T peut être tranchée entièrement aux termes de l'ACI. Bien que le Tribunal ait demandé aux parties de présenter des observations sur l'applicabilité de l'AMP et de l'ALÉNA, le Tribunal ne croit pas disposer de suffisamment de renseignements pour traiter de la question de savoir si les dispositions des deux accords commerciaux susmentionnés s'appliquent au présent marché public. Par conséquent, seules les observations déposées par les parties au sujet de la compétence du Tribunal en application de l'ACI sont résumées ci-après.

Quant à l'allégation de l'AT&T selon laquelle l'imposition de « frais de transition » aux soumissionnaires non titulaires contrevient aux articles 504 et 506 de l'ACI, le Ministère a soutenu que le paragraphe 504(2) de l'ACI n'empêche pas les mesures neutres du point de vue de la province ou région. En outre, le Ministère a soutenu que l'ajout des « frais de transition » aux propositions des soumissionnaires non titulaires constitue, comme tel, une mesure neutre du point de vue géographique et donc autorisée aux termes de l'ACI. Le Ministère a en outre soutenu que, puisque AT&T n'a pas allégué que l'ajout de « frais de transition » aux propositions des soumissionnaires non titulaires revient à l'exercice de discrimination fondée sur la province ou sur la région contre les fournisseurs non titulaires, la plainte d'AT&T à cet égard ne peut établir une contravention de l'ACI. Par conséquent, un tel motif de plainte doit être rejeté.

Dans sa réponse, AT&T a soutenu que le paragraphe 101(3) et l'article 501 de l'ACI prévoient que les obligations de l'ACI doivent être interprétées de façon à faire en sorte que tous les soumissionnaires éventuels sont traités sur un pied d'égalité. AT&T a soutenu que, considérés ensemble, l'article 504 et le paragraphe 506(6) de l'ACI disposent aussi que tous les fournisseurs de produits et de services doivent recevoir un traitement égal et que la question d'un traitement conçu pour favoriser une région n'est pas une considération nécessaire ou pertinente. AT&T a soutenu que l'interprétation stricte que fait le Ministère de l'article 504 de l'ACI permettrait au gouvernement fédéral d'appliquer pratiquement n'importe quelle mesure discriminatoire dans le cadre d'un marché public, pourvu que ladite mesure soit neutre du point de vue géographique.

Comme argument de rechange, AT&T a soutenu que les faits énoncés dans sa plainte démontrent clairement que la DP exerce de la discrimination fondée sur la province ou la région contre les fournisseurs en imposant des « frais de transition » uniquement aux soumissionnaires non titulaires. AT&T a soutenu que l'obligation de veiller à la non-discrimination réciproque, comme un traitement national, est absolue.

Le paragraphe 504(1) de l'ACI prévoit, notamment, en ce qui concerne les mesures visées par le chapitre cinq, que chaque partie accorde aux produits et aux services des autres parties un traitement non moins favorable que le meilleur traitement qu'elle accorde à ses propres produits et services et qu'elle accorde aux fournisseurs de produits et de services des autres parties un traitement non moins favorable que le meilleur traitement qu'elle accorde à ses propres fournisseurs de tels produits et services.

Le paragraphe 504(2) de l'ACI prévoit que, en ce qui concerne le gouvernement fédéral, le paragraphe 504(1) a pour effet d'interdire au gouvernement fédéral d'exercer de la discrimination : a) entre les produits et services d'une province ou d'une région et les produits ou services d'une autre province ou région; b) entre les fournisseurs de tels produits ou services d'une province ou d'une région et les fournisseurs d'une autre province ou région.

Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, dans le contexte de la requête du Ministère déposée le 3 août 2000, les parties ont avancé deux avis contraires sur la portée du paragraphe 504(2) de l'ACI. Selon la position du Ministère, le paragraphe 504(2) se limite à interdire d'exercer de la discrimination entre les provinces ou les régions. Il n'interdit pas les mesures neutres du point de vue de la province ou région. AT&T, pour sa part, a soutenu que ce sont les mesures qui ont des effets discriminatoires qui sont interdites.

Le Tribunal est d'avis que le paragraphe 504(2) de l'ACI doit être interprété dans son contexte, à savoir le chapitre cinq de l'ACI. L'article 501 prévoit notamment que, conformément aux principes énoncés au paragraphe 101(3)9 , le chapitre cinq vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d'achat et à favoriser l'établissement d'une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d'efficience. L'article 500 dispose que l'article 403 s'applique au chapitre cinq. L'article 403 prévoit, par ailleurs, que chaque partie s'assure que les mesures qu'elle adopte ou maintient n'ont pas pour effet de créer un obstacle au commerce intérieur.

Les dispositions susmentionnées doivent être interprétées ensemble. Elles doivent aussi être interprétées d'une manière à promouvoir l'atteinte des objectifs et des buts de l'ACI et du chapitre cinq. Une telle interprétation est conforme aux principes de l'interprétation des lois nationales10 ainsi qu'aux principes d'interprétation des traités internationaux11 . L'orientation des dispositions susmentionnées favorise nettement une interprétation du paragraphe 504(2) de l'ACI qui interdit les mesures qui exercent de la discrimination entre les marchandises et les services ou les fournisseurs, que de telles mesures soient, ou non, neutres du point de vue de la province ou région. En fait, la discrimination, même si elle n'est pas fondée sur des critères de lieu et qu'elle est neutre du point de vue de la province ou région, peut empêcher l'égalité d'accès pour tous les fournisseurs canadiens.

Une telle interprétation du paragraphe 504(2) de l'ACI se trouve corroborée par le paragraphe 504(3) qui fournit, à titre d'exemple, une liste de mesures incompatibles avec le paragraphe 504(2). Il ressort clairement des exemples compris dans la liste susmentionnée que ce sont les mesures qui ont des effets discriminatoires qu'interdit le paragraphe 504(2). Un de ces exemples se trouve à l'alinéa 504(3)g), qui interdit l'exclusion injustifiable d'un fournisseur du processus d'appel d'offres. Selon le Tribunal, la portée de l'alinéa 504(3)g), une disposition large, ne peut se limiter aux exclusions fondées sur l'endroit de l'établissement d'un fournisseur. Une telle interprétation se trouve corroborée par l'existence de l'alinéa 504(3)a) qui englobe déjà de telles exclusions fondées sur l'endroit où se trouve l'établissement d'un fournisseur12 . Étant donné l'existence de l'alinéa 504(3)a), l'alinéa 504(3)g), pour qu'il ait un sens, doit viser des situations où la discrimination n'est pas fondée sur l'endroit.

La vaste portée de l'interdiction d'exercer de la discrimination ressort aussi de l'existence de l'alinéa 504(3)b) de l'ACI. L'alinéa interdit la rédaction des spécifications techniques de façon soit à favoriser ou à défavoriser des produits ou services donnés, soit à favoriser ou à défavoriser des fournisseurs de tels produits ou services, en vue de se soustraire aux obligations prévues par le chapitre cinq. Limiter cette interdiction d'exercer de la discrimination au plan technique aux seuls cas où une telle discrimination entraînerait des mesures discriminatoires entre les provinces ou les régions serait indéfendable. Cela signifierait qu'une institution fédérale pourrait recourir de façon flagrante à des spécifications techniques restrictives de façon à favoriser un fournisseur spécifique donné aux dépens de tous les autres. Un tel comportement, s'il était acceptable, enlèverait tout leur sens aux autres dispositions du chapitre cinq qui visent à établir un cadre où les marchés publics seront passés dans un contexte de transparence et d'efficience.

Par conséquent, étant donné l'objet du chapitre cinq et à la lumière du paragraphe 504(3) de l'ACI, le Tribunal est d'avis que le paragraphe 504(2) interdit d'exercer de la discrimination, que les mesures en cause soient, ou non, neutres du point de vue de la province ou région.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position du Ministère

Selon le RIF, Industrie Canada exploite présentement 68 emplacements touchés par le marché public en cause. Ces emplacements comprennent 14 emplacements régionaux du réseau de base et 54 bureaux de district. Présentement, les 14 emplacements régionaux du réseau de base utilisent des services MTA, et les 54 bureaux de district utilisent des services à relais de trames et à DS-1 à ligne louée pour satisfaire leurs besoins en télécommunications. Le contrat de gestion des installations visant les services MTA devait expirer le 31 octobre 200013 . La convention de services pour les relais à trames est établie mensuellement, tandis que la convention de services à DS-1 à ligne louée expirera le 31 janvier 2001.

Selon le RIF, Industrie Canada doit mettre ses services de télécommunications à niveau, à des vitesses MTA pour résoudre des difficultés d'exploitation. Dans un tel contexte, selon le RIF, le moment choisi pour lancer l'invitation à soumissionner était destiné à éviter les problèmes possibles liés aux fêtes de fin d'année, compte tenu des besoins en services de réseau d'Industrie Canada durant la période de fin d'exercice financier et du désir d'Industrie Canada d'éviter toute perturbation associée à la transition aux nouveaux services de télécommunications. Il a donc été décidé de retenir le 31 octobre 2000 comme date prévue pour l'annulation des services à relais de trames et à DS-1 à ligne louée présentement en place. De plus, selon le RIF, parce qu'Industrie Canada n'a pas prévu dans son budget les frais supplémentaires liés au passage du fournisseur titulaire des services de télécommunications à un autre, Industrie Canada a décidé d'inclure les frais d'une telle transition dans les documents d'appel d'offres sous la forme de « frais de transition » pour qu'il en soit tenu compte dans le cadre de l'évaluation des propositions, ce qui aurait pour effet de répartir les frais susmentionnés sur la durée du nouveau contrat, à savoir sept ans.

Le Ministère a soutenu que la procédure d'appel d'offres, y compris le traitement qui a été fait des « frais de transition », a été appliquée de façon non discriminatoire. Le Ministère a indiqué qu'il avait été supposé que la proposition financière du fournisseur titulaire serait structurée de manière à absorber les frais d'annulation des services à relais de trames et à DS-1, tout comme les propositions financières des autres fournisseurs seraient structurées pour absorber les frais de transition sur la période de validité du contrat, à savoir sept ans. Quant aux frais liés au temps supplémentaire du personnel, le Ministère a soutenu qu'ils représentent les frais engagés par Industrie Canada pour obtenir des services d'entrepreneurs du secteur privé eu égard à la transition des services MTA présentement offerts par le fournisseur titulaire aux 14 emplacements du réseau de base vers des services MTA qui seraient offerts à ces emplacements par un soumissionnaire retenu, autre que le fournisseur titulaire. Le Ministère a soutenu que, si le fournisseur titulaire devait être le soumissionnaire retenu, il n'y aurait pas de frais liés au transfert des services MTA aux emplacements du réseau de base. Le Ministère a affirmé que les « frais de transition » avaient été établis à leur valeur minimum et a indiqué qu'ils représentent sensiblement moins que 0,5 p. 100 de la valeur estimative du contrat de sept ans.

Le Ministère a soutenu que l'article 504 de l'ACI n'interdit pas l'imposition de « frais de transition » aux fournisseurs non titulaires. Le Ministère a réitéré la position qu'il a avancée dans sa requête. Étant donné que l'ajout des « frais de transition » aux propositions des fournisseurs non titulaires est une mesure neutre du point de vue géographique, il ne contrevient pas à l'article 504, et de telles mesures peuvent être prises en compte dans l'évaluation des offres, comme le permet le paragraphe 506(6) de l'ACI.

Le Ministère a soutenu qu'une façon de réduire les frais d'achat, tout en maintenant le caractère concurrentiel de la procédure de passation du marché public, consiste à faire en sorte que les soumissionnaires non titulaires absorbent les « frais de transition » liés au remplacement du fournisseur titulaire. Le Ministère a soutenu que l'article 501 de l'ACI guide les autorités contractantes dans le sens de la réduction des coûts d'achat et a ajouté que les frais de transition sont une façon d'atteindre un tel objectif dans le cadre d'un régime concurrentiel d'appel d'offres. Par conséquent, le Ministère a soutenu que le Tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui reconnaît l'objectif de réduction des coûts énoncé à l'article 501.

Le Ministère a soutenu que le Tribunal, dans les dossiers nos PR-98-012 et PR-98-01414 , PR-96-03715 , PR-98-03316 et PR-98-03917 , a reconnu que la prise en compte des « frais de transition » dans l'évaluation des propositions est une façon pertinente et acceptable de réduire les coûts d'achat et ne constitue pas une pratique discriminatoire. Le Ministère a affirmé que les frais de transition incluent les frais supplémentaires engagés par le gouvernement lorsqu'il passe d'un produit (le produit du titulaire) à un nouveau produit, des frais supplémentaires que le gouvernement n'aurait pas à engager dans le cadre d'une acquisition portant sur davantage de produits du titulaire. D'une façon similaire, les frais de transition incluent les frais supplémentaires engagés par le gouvernement pour passer d'un fournisseur (le fournisseur titulaire) à un nouveau fournisseur, des frais supplémentaires qui n'auraient pas à être engagés si le fournisseur titulaire continuait à fournir les produits ou services requis. Dans un tel contexte, selon le Ministère, Industrie Canada aurait à engager les frais de transition en cause seulement si un fournisseur non titulaire de services MTA devait être le soumissionnaire retenu.

Position de AT&T

Au sujet de l'affirmation du Ministère selon laquelle les « frais de transition » ne représentent qu'une très faible proportion de la valeur estimative du contrat, AT&T a soutenu que les obligations qui découlent des accords commerciaux ne sont pas assorties d'un seuil de minimis auquel la discrimination devient acceptable et qui justifierait l'application de coûts de transition modestes. De plus, AT&T a fait observer que l'affirmation du Ministère au sujet de l'importance des frais de transition semble incompatible avec la stratégie du Ministère sur les frais de transition, qui précise que les « frais de transition » doivent être ajoutés lorsqu'ils sont considérés comme « importants ». AT&T a en outre fait valoir qu'elle évolue dans un environnement hautement concurrentiel où la concurrence au niveau des prix est extrêmement vive et où les considérations de prix revêtent un caractère de première importance dans la préparation et dans la présentation d'offres.

De plus, AT&T a soutenu que l'imposition de « frais de transition » aux soumissionnaires non titulaires exercera manifestement de la discrimination contre tous les soumissionnaires non titulaires. AT&T a soutenu que, en l'espèce, c'est à tort que les frais en cause sont appelés « frais de transition » parce qu'ils seront imposés aux soumissionnaires non titulaires, peu importe si Industrie Canada engage véritablement lesdits frais ou non.

Quant aux frais d'annulation, AT&T a soutenu que l'article 7.3 de la DP permet au fournisseur titulaire de décider de maintenir l'avantage concurrentiel que représente l'imposition des frais de transition aux soumissionnaires non titulaires. Au sujet des frais liés au temps supplémentaire du personnel, AT&T a soutenu que l'affirmation, dans le RIF, selon laquelle lesdits frais se rapportent aux services que procureraient des entrepreneurs du secteur privé n'est pas compatible avec le libellé de l'article 23.8.2.b de la DP, qui fait mention du « personnel d'Industrie Canada ». AT&T a soutenu que le Ministère n'a pas fourni d'information détaillée pour expliquer le montant des frais liés au temps supplémentaire du personnel. AT&T a affirmé que ces frais sont excessifs, ne devraient pas être engagés au titre de frais liés au temps supplémentaire et ne peuvent être légitimement imposés qu'aux soumissionnaires non titulaires parce qu'ils seront engagés, peu importe quel fournisseur éventuel remporte le marché.

AT&T a soutenu que l'application de « frais de transition », à première vue, viole les obligations qui découlent des accords commerciaux. Par conséquent, selon AT&T, leur utilisation doit faire l'objet d'un contrôle strict pour éviter toute violation des accords commerciaux. Tout en reconnaissant que le Tribunal a estimé que les « frais de transition » peuvent être légitimes dans certains cas, AT&T a soutenu que la question consiste à déterminer dans quelles circonstances l'imposition de « frais de transition » est acceptable. En se fondant sur son analyse de décisions précédentes du Tribunal, AT&T a soutenu que des « frais de transition » peuvent être imposés aux fournisseurs non titulaires seulement si le marché public pouvait donner lieu à l'acquisition de produits ou services en provenance d'un fournisseur non titulaire qui sont différents des produits ou services jusqu'alors fournis par le fournisseur titulaire et si des frais véritables sont liés au passage des anciens produits ou services aux nouveaux. AT&T a soutenu qu'une troisième condition devrait s'appliquer, à savoir, que les « frais de transition » ne sont permis que dans les cas où ils sont véritablement engagés.

AT&T a soutenu que les circonstances susmentionnées ne s'appliquent pas dans la présente affaire parce que l'espèce porte sur le passage possible d'un fournisseur à un autre dans un contexte où le gouvernement acquiert un nouveau service, peu importe que ledit service soit acheté du fournisseur titulaire ou d'un fournisseur non titulaire. Les frais d'annulation énoncés dans la DP ne sont pas composés de frais véritables que le gouvernement engagera, mais plutôt de frais possibles, liés à la résiliation hâtive d'un contrat, une résiliation qui est entièrement dépendante de la volonté du gouvernement. Quant aux frais liés au temps supplémentaire du personnel, ils sont gonflés et devraient être engagés quelles que soient les circonstances. Par conséquent, AT&T a soutenu que les « frais de transition » énoncés à l'article 23.8.2 de la DP ne doivent pas être considérés comme des frais de transition légitimes.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des procédures et autres exigences établies par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit notamment que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l'ACI.

Ainsi qu'il a été indiqué à la section du présent exposé des motifs qui traite de la requête déposée par le Ministère le 3 août 2000, le Tribunal est d'avis que le paragraphe 504(2) de l'ACI interdit l'exercice de la discrimination, sans égard à la neutralité du point de vue géographique. Quant au marché public en cause, le Tribunal est d'avis que les dispositions des articles 23.8.2.a et 7.3 de la DP sur les frais d'annulation sont, quant à leurs effets, discriminatoires. Le Tribunal comprend qu'Industrie Canada devra peut-être engager des frais pour mettre fin aux conventions de services à relais de trames et à DS-1 à ligne louée qui lient Industrie Canada et le fournisseur titulaire. Le Tribunal comprend aussi qu'Industrie Canada envisage de recouvrer certains des frais susmentionnés durant la période de validité du nouveau contrat. Cependant, le Tribunal est d'avis qu'introduire dans les facteurs à prendre en compte dans un marché public à venir des obligations qui découlent d'un contrat précédent passé avec le fournisseur titulaire, particulièrement lorsque ledit titulaire livre concurrence pour remporter ce contrat à venir, est une démarche qui ne doit être entreprise qu'avec beaucoup de prudence aux termes de l'ACI, qui prescrit la transparence et l'égalité d'accès et de traitement pour tous les soumissionnaires.

Le Tribunal est d'avis que les dispositions de l'article 23.8.2.a de la DP, telles qu'elles ont été précisées dans la réponse 6c du Ministère et à l'article 7.3 de la DP modifiée sont discriminatoires. Lesdites dispositions établissent, en fait, deux catégories de soumissionnaires. Le fournisseur titulaire sait avec certitude que toutes les propositions des fournisseurs non titulaires seront majorées d'un montant fixe dans le cadre de l'évaluation; il sait que le montant fixe s'appliquera, en totalité, à leurs propositions, et ce, qu'Industrie Canada engage des frais d'annulation ou non; il peut décider de renoncer, ou non, aux frais d'annulation au moment où il formule sa proposition de prix. D'autre part, les soumissionnaires de la catégorie des non-titulaires ne découvriront pas avant la clôture des soumissions quel choix le soumissionnaire titulaire aura appliqué pour formuler sa proposition de prix. De plus, les non-titulaires ne connaîtront pas l'effet complet des frais d'annulation au moment de formuler leur proposition de prix, étant donné l'incertitude liée à la date d'adjudication du marché. Ainsi, un soumissionnaire non titulaire se trouve donc placé dans une situation clairement désavantageuse en raison de la position stratégique avantageuse dans laquelle le soumissionnaire titulaire se voit placé en raison du choix dont il dispose en application de l'article 7.3 de la DP. Le Tribunal est d'avis que les effets des articles 7.3 et 23.8.2.a et de la réponse 6c sont discriminatoires dans le contexte du chapitre cinq de l'ACI.

Le Tribunal fait observer aussi que les frais d'annulation décrits à l'article 23.8.2.a de la DP ne sont pas des « frais de transition » au sens donné à cette expression par le Tribunal dans les dossiers nos PR-98-012, PR-98-014, PR-98-033 et PR-98-039. Les dossiers susmentionnés se rapportent à des procédures où le Tribunal a déclaré que les fournisseurs éventuels, qui offraient des produits ou des services différents des produits ou services déjà en la possession de l'entité acheteuse, pourraient devoir absorber certains coûts pour tenter de compenser l'incidence, sur leur soumission, des avantages matériels acquis par les entités publiques par l'intermédiaire d'acquisitions précédentes de tels produits et services, des avantages que les entités publiques estiment précieux et peuvent décider de prendre en compte dans le cadre de leur énoncé des besoins et de leurs critères d'évaluation. Les causes invoquées ci-dessus démontrent le fait que, dans un marché public, les entités publiques entreprennent souvent d'acheter des produits et services au moment où elles disposent déjà de produits ou de services, habituellement appelés « parc installé » ou « actif installé », qui représentent pour elles une valeur. Elles ne sont pas tenues d'ignorer le parc installé, et souvent décident d'en tenir compte au moment de formuler leurs besoins et les critères qui serviront à déterminer la proposition retenue. L'adjudication d'un marché à un soumissionnaire non titulaire obligerait à délaisser le « parc installé », ce qui pourrait donner lieu à des frais supplémentaires que le ministère acheteur n'est pas obligé d'absorber et qu'il peut vouloir répercuter sur le fournisseur non titulaire. Le Tribunal a qualifié de tels frais de « frais de transition » et en a reconnu le bien-fondé.

Le Tribunal est d'avis que les frais d'annulation dont il est fait mention à l'article 23.8.2.a de la DP ne sont pas des « frais de transition ». En l'espèce, Industrie Canada ne veut pas maintenir le système qui est déjà en sa possession, mais veut se défaire des services périmés et inefficaces du titulaire, soit les services à relais de trames et à DS-1 à ligne louée. En outre, la date hâtive retenue pour le lancement du marché en cause a été choisie par Industrie Canada et, de ce fait, ne donne pas lieu, selon le Tribunal, à des frais de transition légitimes que devraient supporter les fournisseurs non titulaires. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les frais d'annulation décrits à l'article 23.8.2.a de la DP ne sont pas des frais de transition. Parce que ces frais sont discriminatoires, ils contreviennent au paragraphe 504(2) de l'ACI.

Le Tribunal est d'avis que les dispositions des articles 7.3 et 23.8.2.a de la DP contreviennent aussi aux dispositions du paragraphe 506(6)18 de l'ACI. En premier lieu, lesdites dispositions prescrivent, à titre de critère d'évaluation, certains frais qui ne sont pas directement liés au marché public en cause. De fait, lesdits frais se rapportent à un contrat précédent portant sur des services à relais de trames et à DS-1 à ligne louée et non sur l'acquisition de services MTA. En deuxième lieu, la démarche fixée à l'article 7.3 de la DP n'est pas claire pour tous les soumissionnaires. Les soumissionnaires non titulaires ne savent pas quel sera le choix du soumissionnaire titulaire. Étant donné que l'invitation à soumissionner en cause est, pour l'essentiel, un appel d'offres visant la présentation, en régime de concurrence, de prix fermes par un certain nombre de fournisseurs de services MTA qualifiés qui évoluent dans un secteur hautement compétitif, le Tribunal est d'avis que la connaissance du choix susmentionné représente une information importante pour la présentation d'une offre. La situation est en outre exacerbée du fait que les règles qui régissent la sélection du soumissionnaire retenu, énoncées à l'article 25.2.1 de la DP, fixent un rapport, de 90/10, qui favorise le prix par rapport aux résultats techniques.

Quant aux « frais liés au temps supplémentaire du personnel » dont il est fait mention à l'article 23.8.2.b de la DP, le Tribunal est d'avis qu'ils pourraient être considérés comme des « frais de transition », s'ils représentaient des coûts supplémentaires que devrait engager Industrie Canada s'il délaisse son « parc installé ». Lesdits coûts pourraient légitimement être imputés à des soumissionnaires non titulaires afin de compenser les avantages que retire Industrie Canada de son « parc installé » relativement aux services MTA à ses 14 emplacements régionaux du réseau de base. Cependant, le Tribunal est d'avis que la nature des services à offrir et le quantum des frais connexes n'ont pas été correctement étayés, à l'encontre des principes de transparence énoncés à l'article 501 et au paragraphe 506(6) de l'ACI.

Quant à la question des mesures correctives qui s'imposent en l'espèce, le Tribunal est au courant des dispositions spéciales introduites tardivement par le Ministère dans le cadre de la procédure d'appel d'offres et portant sur la formulation, par tous les fournisseurs éventuels, d'autres propositions de prix (PROPOSITIONS DE PRIX « B »). L'article 19.2.1 et les articles 24.2.7.1 et 2 de la DP se rapportent à ces autres propositions de prix et exigent qu'il ne soit pas tenu compte, dans la présentation de ces autres propositions de prix, des dispositions des articles 7.3 et 23.8.2 de la DP concernant les frais d'annulation et les frais liés au temps supplémentaire du personnel. Étant donné que les dispositions susmentionnées contreviennent à l'ACI, le Ministère ne doit pas en tenir compte dans l'évaluation des propositions. Par conséquent, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que, pour déterminer le soumissionnaire retenu à l'issue de l'invitation à soumissionner en cause et pour le recommander en vue de l'adjudication, le Ministère évalue les PROPOSITIONS DE PRIX « B » présentées par les soumissionnaires.

Le Tribunal fait observer que, comme l'ont reconnu les parties, le fondement de la plainte qui se rapporte au refus du Ministère d'accueillir la demande d'AT&T visant à obtenir une prorogation de quatre semaines du délai de présentation des propositions est maintenant sans objet. En effet, le Ministère a décidé, après le dépôt de la plainte, de reporter le délai de présentation des propositions. Les parties ont échangé une quantité considérable de pièces de correspondance au sujet des frais liés au fondement de la plainte qui se rapporte au refus d'accorder la prorogation demandée. Étant donné que le Tribunal a conclu que la plainte est fondée, AT&T obtiendra le remboursement des frais qu'elle a engagés, y compris les frais qu'elle a engagés relativement au fondement de la plainte susmentionné.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public n'a pas été passé conformément aux exigences de l'ACI et que la plainte est donc fondée.

Conformément aux paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que le Ministère, pour évaluer les propositions reçues en réponse à l'invitation à soumissionner en cause et pour déterminer le soumissionnaire retenu qu'il convient de recommander aux fins de l'adjudication du contrat, exclue les propositions de prix qui font entrer en ligne de compte les frais de transition prévus à l'article 23.8.2 de la DP et, plutôt, évaluent les autres propositions de prix (PROPOSITION DE PRIX « B ») déjà présentées par les fournisseurs éventuels conformément à l'article 19.2.1 de la DP.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) of la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à AT&T le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour le dépôt et le traitement de sa plainte.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . Le MTA est un protocole du Secteur de la normalisation de l'Union internationale des télécommunications (UIT-T) pour le transfert par paquets courts, où l'information des types de services multiples (voie, données, images) est transmise par paquets courts, de longueur fixe, appelés cellules.

3 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

4 . Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [ci-après AMP].

6 . D.O.R.S./93-602[ci-après Règlement].

7 . D.O.R.S./91-499.

8 . La question a été posée avant la diffusion de la modification no 016 qui a reporté au 30 novembre 2000 la date prévue de l'annulation.

9 . Le paragraphe 101(3) prévoit, entre autres, que certains principes guideront les parties dans l'application de l'ACI, notamment, que les parties n'érigeront pas de nouveaux obstacles au commerce intérieur et qu'elles faciliteront la circulation des personnes, des produits, des services et des investissements entre les provinces au Canada et qu'elles traiteront sur un pied d'égalité les personnes, les produits, les services et les investissements, indépendamment de leur lieu d'origine au Canada.

10 . Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, art. 12.

11 . L'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Voir Brookfield LePage Johnson Controls Facility Management Services (6 septembre 2000), PR-2000-008 et PR-2000-021 (TCCE) à la p. 21.

12 . L'alinéa 504(3)a) de l'ACI interdit, au motif qu'elle est comprise parmi les mesures incompatibles avec le paragraphe 504(2), l'application soit de conditions dans le cadre d'un appel d'offres, soit d'exigences en matière d'enregistrement ou encore de procédures de qualification fondées sur l'endroit où se trouve l'établissement d'un fournisseur, sur l'endroit où les produits sont fabriqués ou les services sont fournis, ou sur d'autres critères analogues.

13 . Le Conseil du Trésor a accepté que la période de validité du contrat visant les services MTA aux termes du contrat de gestion des installations soit prorogée à court terme, étant donné les délais attribuables à la plainte et à l'enquête concernant le marché public en cause.

14 . Corel Corporation, Décision (26 octobre 1998), Exposé des motifs (6 novembre 1998) (TCCE).

15 . Sybase Canada, Décision (30 juillet 1997) (TCCE).

16 . Polaris Inflatable Boats (Canada), Décision (8 mars 1999) (TCCE).

17 . Wescam, Décision (19 avril 1999) (TCCE).

18 . « Dans l'évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l'article 504. Les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. »


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Publication initiale : le 22 février 2001