EURODATA SUPPORT SERVICES INC.

Décisions


EURODATA SUPPORT SERVICES INC.
Dossier no PR-2000-078

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 30 juillet 2001

Dossier no PR-2000-078

EU ÉGARD À une plainte déposée par Eurodata Support Services Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte d'Eurodata Support Services Inc., en ce qui a trait à la façon dont le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le ministère du Développement des ressources humaines ont structuré le besoin pour la fourniture de services d'entretien préventif et correctif du matériel et de soutien du logiciel relativement à environ 120 systèmes serveurs Hewlett-Packard et à leurs périphériques connexes appartenant au ministère du Développement des ressources humaines, n'est pas fondée.

Par conséquent, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine qu'Eurodata Support Services Inc. n'est pas un fournisseur potentiel du contrat spécifique. Pour cette raison, le Tribunal canadien du commerce extérieur ne statuera pas sur la question de savoir si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le ministère du Développement des ressources humaines ont contrevenu aux dispositions des accords commerciaux lorsqu'ils ont adjugé le contrat spécifique à Hewlett-Packard (Canada) Ltée dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres limitée.



Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

Date de la décision et des motifs :

Le 30 juillet 2001

   

Membre du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

   

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Partie plaignante :

Eurodata Support Services Inc.

   

Partie intervenante :

Hewlett-Packard (Canada) Ltée

   

Conseillers pour la partie intervenante :

Adam F. Fanaki

 

Davit D. Akman

 

Robert S. Russell

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 11 avril 2001, Eurodata Support Services Inc. (Eurodata) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 concernant un préavis d'adjudication de contrat (PAC) (invitation à soumissionner no V9330-000085/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) pour la fourniture, dans le cadre d'un contrat du type à fournisseur exclusif, par Hewlett-Packard (Canada) Ltée (Hewlett-Packard), sur place, de services d'entretien préventif et correctif du matériel, de services d'installation et de reconfiguration et de services de soutien du logiciel, y compris les mises à jour, sur place, du micrologiciel2 , relativement à environ 120 systèmes serveurs Hewlett-Packard appartenant au ministère du Développement des ressources humaines (DRHC).

Eurodata a allégué que, dans le cadre de la passation du présent marché public, DRHC et le Ministère ont contrevenu aux principes de l'Accord de libre-échange nord-américain 3 , de l'Accord sur le commerce intérieur 4 et de l'Accord sur les marchés publics 5 lorsqu'ils ont adjugé le contrat à Hewlett-Packard, contournant de ce fait la procédure d'appel d'offres et éliminant la possibilité d'une juste concurrence pour des entreprises comme Eurodata. Eurodata a en outre soutenu que, contrairement à la position avancée par le gouvernement, les besoins qui se rapportent aux services d'entretien du matériel et ceux qui se rapportent aux services de soutien du logiciel devraient être séparés pour permettre une juste concurrence et donner au public l'impression qu'il y a de l'équité sur le marché.

Eurodata a demandé, à titre de mesure corrective, que le contrat passé avec Hewlett-Packard soit résilié et que, plutôt, le Tribunal ordonne au Ministère d'exercer son droit de renouvellement facultatif prévu par le contrat avec Eurodata pour l'exercice du 1er avril 2001 au 31 mars 2002. À titre de mesure corrective de rechange, Eurodata a demandé qu'il soit ordonné au Ministère de passer avec elle un nouveau contrat pour la période se terminant le 31 mars 2002, assorti d'une disposition de renouvellement facultatif par le Ministère pour une période supplémentaire d'un an. Dans le cadre d'une deuxième mesure corrective de rechange, Eurodata a demandé de recevoir une indemnité en reconnaissance des profits qu'elle a perdus relativement à la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2002. Enfin, Eurodata a demandé le remboursement des frais qu'elle a engagés dans la présente affaire.

Le 18 avril 2001, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 6 . Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance de report d'adjudication de tout contrat relatif à la présente invitation à soumissionner jusqu'à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 20 avril 2001, le Ministère a avisé le Tribunal, par écrit, qu'un contrat au montant de 1 329 864,59 $ avait été adjugé à Hewlett-Packard le 29 mars 2001. Par conséquent, le 23 avril 2001, le Tribunal a ordonné que soit annulée l'ordonnance de report d'adjudication qu'il avait rendue le 18 avril 2001. Le 1er mai 2001, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait autorisé Hewlett-Packard à intervenir dans l'affaire. Le 30 mai 2001, le Ministère a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 7 . Le 12 juin 2001, Hewlett-Packard a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal et, le 26 juin 2001, Eurodata a déposé ses observations en réponse.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

MARCHÉ PUBLIC

Contexte

Afin de faciliter la compréhension du litige, il convient de donner certains renseignements sur les antécédents du contrat accordé, le 30 juin 2000, à Eurodata pour des services d'entretien du matériel et sur les raisons pour lesquelles DRHC a décidé de ne pas exercer son droit de renouvellement facultatif prévu par ledit contrat.

Le 20 mars 2000, le Ministère a reçu une demande de DRHC relativement à la fourniture de services d'entretien du matériel, de soutien du logiciel et d'installation et de reconfiguration pour 70 serveurs Hewlett-Packard dans la région de la capitale nationale. Le 31 mars 2000, le Ministère a diffusé auprès de tous les fournisseurs potentiels une invitation à soumissionner en régime concurrentiel relativement à ce besoin. À la suite de questions reçues de fournisseurs potentiels durant la période de soumission, l'invitation à soumissionner a été modifiée pour exclure du besoin la partie qui se rapportait aux services de soutien du logiciel. Le 30 juin 2000, un contrat portant sur les services d'entretien du matériel a été adjugé à Eurodata, le soumissionnaire conforme le moins-disant. Ledit contrat portait sur la période du 1er juillet 2000 au 31 mars 2001 et contenait une disposition de renouvellement facultatif, à la discrétion de DRHC, pour deux périodes supplémentaires d'un an.

Durant la période visée par le contrat, plus précisément les 20 et 21 juillet 2000, dans le cadre d'un processus normal de réfection des serveurs, DRHC a informé Eurodata d'un besoin possible de technicien, s'il devenait nécessaire de mettre à jour le micrologiciel pour exploiter des unités supplémentaires. À ces moments, il est devenu évident pour DRHC qu'Eurodata ne pouvait exécuter, sur place, des mises à jour du micrologiciel. De toute façon, Eurodata a affirmé que les mises à jour du micrologiciel n'étaient pas visées dans le contrat de services d'entretien du matériel.

Lors d'une réunion tenue le 27 juillet 2000, DRHC a avisé le Ministère qu'il s'était attendu à ce que les mises à jour du micrologiciel soient exécutées aux termes du contrat de services d'entretien du matériel passé avec Eurodata et que le besoin de mises à jour du micrologiciel représentait une partie importante des besoins d'entretien du matériel de DRHC. Après la réunion, le Ministère a examiné le contrat et les documents d'invitation à soumissionner et n'a pu y trouver de conditions se rapportant expressément au micrologiciel. Bien qu'il ait par la suite été confirmé qu'il se fait des mises à jour du micrologiciel dans le cadre de l'entretien courant prévu dans des contrats de services d'entretien du matériel et qu'il ait aussi été établi que les mises à jour du micrologiciel sont, d'une façon générale, considérées dans l'industrie comme des services d'entretien du matériel, DRHC a néanmoins déterminé qu'il n'était pas spécifiquement fait mention de « mises à jour du micrologiciel » dans d'autres contrats semblables.

Dans une lettre datée du 26 septembre 2000, DRHC a informé le Ministère des difficultés qu'il éprouvait relativement à l'obtention de mises à jour du micrologiciel d'une manière séparée des services d'entretien préventif et correctif du matériel fournis par Eurodata. À titre de mesure provisoire, le Ministère a négocié avec Hewlett-Packard et a ajouté un avenant au contrat alors en vigueur avec l'entreprise et portant sur des services de soutien du logiciel afin de prévoir expressément les services d'entretien préventif et correctif du matériel ou du micrologiciel qu'Eurodata n'était pas autorisée à exécuter aux termes de son contrat du 30 juin 2000.

Procédure de passation du marché public

Le 15 janvier 2001, le Ministère a reçu une demande de DRHC portant sur le besoin visé dans l'invitation à soumissionner no V9330-000085/A. La demande était accompagnée d'une justification raisonnée à l'appui du recours à une procédure d'appel d'offres limitée en conformité avec plusieurs articles des accords commerciaux applicables du fait que Hewlett-Packard détient des droits exclusifs portant sur la fourniture des mises à jour du microcode et du micrologiciel exclusifs utilisés sur ses serveurs.

À la mi-février 2001, Eurodata a communiqué avec DRHC pour lui demander s'il allait se prévaloir de la disposition de renouvellement facultatif prévue dans son contrat. DRHC a informé Eurodata qu'il n'exercerait pas son droit de renouvellement, puisqu'il avait besoin de mises à jour sur place du micrologiciel, ces mises à jour devant être exécutées dans le cadre du besoin d'entretien, et qu'Eurodata était incapable d'assurer ce service.

Le 27 février 2001, un PAC relatif à cette invitation à soumissionner a été diffusé par l'intermédiaire du Service électronique d'appels d'offres canadien (MERX). Le besoin a été énoncé dans le PAC, notamment, comme suit :

Développement des ressources humaines Canada a besoin d'un entrepreneur qui assurera, sur place, les services d'entretien préventif et correctif du matériel, les services d'installation et de reconfiguration et les services de soutien du logiciel exclusif de Hewlett Packard, y compris les mises à jour du micrologiciel (microcode) pour les systèmes serveurs Hewlett Packard, séries HP 9000 D, E et K, appartenant à la Couronne, au nombre d'environ cent vingt (120), et leurs périphériques connexes.

[Traduction]

Le 15 mars 2001, Eurodata a contesté le PAC. Le 28 mars 2001, le Ministère a rejeté la contestation d'Eurodata, notamment, ainsi qu'il suit :

Eurodata est incapable de combler la totalité du besoin, mais propose, à titre de solution de rechange, que le besoin soit réparti entre elle-même et le constructeur de matériel;
la répartition proposée du besoin est injustifiable tant du point de vue opérationnel que sécuritaire;
le constructeur de matériel a fait savoir qu'Eurodata n'a pas été certifiée pour offrir la gamme complète de services énoncée dans le PAC;
étant donné le très haut degré d'intégration du système qui doit faire l'objet d'entretien, il ne conviendrait pas de passer un contrat avec une entreprise qui n'est pas autorisée ou certifiée par le constructeur de matériel à fournir la gamme complète des services requis.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

Invoquant les alinéas 1016(2)b) de l'ALÉNA, XV(1)b) de l'AMP et 506(12)a) de l'ACI, le Ministère a soutenu que la procédure d'appel d'offres limitée a été passée conformément aux accords commerciaux. Renvoyant au dossier no PR-098-0398 , le Ministère a soutenu avoir établi les circonstances qu'il a invoquées pour déroger à la procédure d'appel d'offres normale.

Plus précisément, le Ministère a soutenu avoir adjugé le contrat à Hewlett-Packard parce que cette dernière détient les droits exclusifs sur les mises à jour de programmation nécessaires relativement au micrologiciel. Le Ministère a ajouté que les systèmes serveurs comprennent du logiciel exclusif de Hewlett-Packard, comme le logiciel OpenView de Hewlett-Packard, qui contrôle et gère le fonctionnement du matériel serveur Hewlett-Packard, et que Hewlett-Packard doit fournir les sous-programmes de modification du logiciel, les mises à jour et les modifications d'ingénierie nécessaires pour ce logiciel exclusif, qui est inextricablement lié à l'exploitation du matériel. Le Ministère a donc soutenu que, pour des raisons se rapportant à la protection des « droits exclusifs » détenus par le constructeur de matériel sur son micrologiciel et sur son logiciel exclusif, il fallait recourir à une procédure d'appel d'offres limitée dans les circonstances.

De plus, renvoyant à l'alinéa XV(1)b) de l'AMP, le Ministère a soutenu qu'il n'existe pas d'élément de preuve d'une intention de sa part d'empêcher la concurrence. Les faits démontrent que c'est en fonction des questions soulevées par les soumissionnaires que le Ministère a initialement décidé de séparer la partie du besoin de DRHC qui se rapportait aux services de soutien du logiciel de la partie de son besoin qui se rapportait aux services d'entretien du matériel, qui, d'après DRHC, était censée inclure les mises à jour, sur place, du micrologiciel. Cependant, étant donné les droits exclusifs détenus par Hewlett-Packard, Eurodata n'était pas en mesure d'exécuter les mises à jour du micrologiciel. Cet état des choses a entraîné la décision subséquente de DRHC de combler son besoin auprès d'un fournisseur unique, ce fournisseur étant le constructeur de matériel, pour répondre à ses besoins opérationnels.

Faisant état de l'alinéa 506(12)a) de l'ACI, le Ministère a soutenu que les faits de l'espèce établissent que les systèmes serveurs Hewlett-Packard sont des « produits spécialisés dont l'entretien doit être effectué par le constructeur ou son représentant » [traduction]. Une tentative de procéder en régime de concurrence pour le besoin en question et de passer un contrat avec un fournisseur qui n'est pas autorisé à offrir les services de soutien relativement au matériel Hewlett-Packard et au logiciel exclusif de cette dernière, y compris les mises à jour du micrologiciel, a démontré qu'il fallait que l'entretien des produits serveurs spécialisés soit exécuté par un fournisseur de services autorisé par le constructeur de matériel.

Le Ministère, s'appuyant sur la cause PR-2000-379 , a soutenu que la Couronne, et non un fournisseur particulier ou la collectivité des fournisseurs, a le droit de déterminer et de définir les besoins de la Couronne visés dans une invitation à soumissionner. Dans un tel contexte, le Ministère a soutenu que la position d'Eurodata selon laquelle les besoins de la Couronne devraient être répartis entre Eurodata et le constructeur de matériel est dénuée de fondement et a pour seul objet de profiter à Eurodata aux dépens des besoins opérationnels légitimes de DRHC. Le Ministère a soutenu que, étant donné la fréquence et le caractère spécialisé de l'entretien correctif du matériel, ainsi que la nécessité de remettre les systèmes en état de fonctionnement dans les plus brefs délais, il n'est pas logique de compter sur DRHC pour assurer la surveillance de chaque réparation du matériel pour déterminer si une mise à jour du micrologiciel est également requise pour en informer un autre fournisseur. Le Ministère a affirmé qu'une fonction complète de gestion des systèmes est le type de services requis d'un fournisseur de services en technologie de l'information.

Le Ministère a en outre soutenu que la question fondamentale en litige se rapporte aux pratiques commerciales restrictives et à caractère monopolistique des constructeurs de matériel, ce qui est une question qui déborde le champ d'application de la procédure de passation du marché public en cause et celui de la compétence du Tribunal. Le Ministère a soutenu qu'il incombe à Eurodata de donner suite à son droit d'action auprès d'une instance compétente.

Le Ministère a soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour mener une enquête sur la question de savoir si le Ministère aurait dû se prévaloir de l'option prévue dans le contrat passé avec Eurodata. Cette question, selon le Ministère, en est une d'administration des marchés, une question qui déborde le champ d'application de la « procédure de passation du marché public » et qui n'est donc pas assujettie à un examen du Tribunal. En outre, le Ministère a soutenu que, en droit, la Couronne n'est pas obligée de se prévaloir d'une telle option.

Le Ministère a soutenu qu'une recommandation du Tribunal selon laquelle la Couronne devrait résilier le contrat passé avec Hewlett-Packard et tenir une procédure de passation de marché public ouverte en régime concurrentiel ne profiterait pas à Eurodata qui, de l'aveu même de cette dernière, n'est pas un fournisseur de services autorisé par le constructeur de matériel, Hewlett-Packard, et ne pourrait donc pas satisfaire aux conditions de l'invitation à soumissionner. De plus, étant donné qu'il n'y a pas d'autres fournisseurs qu'Eurodata qui ont répondu au PAC, le Ministère a soutenu avoir établi qu'une recommandation voulant que la Couronne résilie le contrat passé avec Hewlett-Packard et tienne une procédure de passation de marché public ouverte en régime concurrentiel ne profiterait pas à la collectivité des fournisseurs.

Position de Hewlett-Packard

Hewlett-Packard a dit appuyer, dans l'ensemble, les observations présentées par le Ministère dans le RIF. De plus, elle a soutenu que le micrologiciel fait partie intégrante des dispositifs informatiques, qu'il est le coeur ou le code interne qui régit le fonctionnement d'un dispositif et qu'il détermine les caractéristiques de sortie, de traitement et de compatibilité des composants. Hewlett-Packard a ajouté que, bien qu'il se peut que de nombreux constructeurs de matériel utilisent les mêmes composants dans leurs produits respectifs, le micrologiciel qui y est installé distingue ces produits. Chaque micrologiciel d'un constructeur de matériel confère à ce dernier son avantage concurrentiel propre, d'où son caractère exclusif. Hewlett-Packard a soutenu que, bien qu'il soit possible d'obtenir un micrologiciel simple en le téléchargeant à partir du Web, pour garantir un fonctionnement correct des dispositifs, les mises à jour et les améliorations de performance pour ce qui concerne le micrologiciel des dispositifs complexes et des systèmes critiques de mission peuvent exiger des outils, une formation et une autorisation à caractère spécialisé.

Pour ce qui concerne le bien-fondé de combiner les services d'entretien du matériel et les services de soutien du logiciel, selon Hewlett-Packard, il y a une justification légitime du point de vue technique et économique. Plus précisément, Hewlett-Packard a soutenu qu'une organisation de soutien unique offre une compréhension globale du système, d'où une plus grande efficacité dans le règlement des difficultés qui peuvent exiger des solutions qui se rapportent à la fois au matériel et au logiciel. De plus, Hewlett-Packard a soutenu que, contrairement à ce qu'a affirmé Eurodata, regrouper l'entretien du matériel et le soutien du logiciel est avantageux au plan des coûts, diminue le risque et accroît l'efficience, particulièrement lorsque les délais constituent une condition essentielle.

En outre, Hewlett-Packard a soutenu que la combinaison des besoins qui se rapportent à l'entretien du matériel et de ceux qui se rapportent aux services de soutien du logiciel dans un même marché public est une exigence opérationnelle légitime conforme aux pratiques qui ont cours dans l'industrie, des pratiques appliquées aux concurrents de Hewlett-Packard tels qu'IBM Corporation, Sun Microsystems, Inc., Compaq Canada Corp. et Electronic Data Systems Corporation.

Enfin, Hewlett-Packard a appuyé la position du Ministère selon laquelle il incombe à la Couronne, et non à un fournisseur particulier ou à la collectivité des fournisseurs, de déterminer et de définir les besoins de la Couronne visés dans une invitation à soumissionner.

Position d'Eurodata

Eurodata a soutenu que, immédiatement après que le marché pour les services d'entretien du matériel lui ait été adjugé en juin 2000, Hewlett-Packard a commencé à faire des représentations auprès du Ministère pour tenter d'empêcher Eurodata et tout autre non-constructeur de matériel de participer aux futurs appels d'offres.

Au sujet de l'argument « économique » avancé dans le RIF, Eurodata a soutenu que le prix qu'elle a soumis pour le marché était de 150 000 $ inférieur à celui de Hewlett-Packard et que le seul élément de preuve de coût supplémentaire pour le gouvernement présenté dans le RIF relativement aux mises à jour du micrologiciel est minime par rapport au montant susmentionné. Eurodata a en outre soutenu que son exécution du contrat a été exemplaire et que les tentatives de Hewlett-Packard visant à la déloger étaient à l'origine de tout mécontentement que DRHC aurait pu avoir.

Eurodata a en outre soutenu que les mises à jour du micrologiciel sur différents éléments du matériel Hewlett-Packard sont réalisés de bien d'autres façons que par contrat avec Hewlett-Packard. Elle a ajouté que les achats de matériel du Ministère auprès de Hewlett-Packard auraient normalement compris l'installation et que, pour que l'installation des lecteurs de disques soit possible, le constructeur de matériel devrait avoir installé le micrologiciel ou le code pertinent, et ce, normalement, sans frais supplémentaires pour le client.

Eurodata a soutenu que le PAC fait mention de Hewlett-Packard ou d'un revendeur autorisé des produits Hewlett-Packard comme étant les personnes capables d'exécuter le contrat. Cela, selon Eurodata, élargit le champ au-delà de l'unique entreprise Hewlett-Packard. Étant donné l'existence de plusieurs tels revendeurs, Eurodata a dit s'interroger à savoir pourquoi le contrat a été donné à Hewlett-Packard plutôt que de faire l'objet d'un appel d'offres qui aurait permis à d'autres parties qualifiées de soumissionner. Eurodata a soutenu que, s'il avait procédé de la sorte, le Ministère aurait pu économiser de l'argent, ce qui fait clairement partie du mandat de ce dernier.

Eurodata a avancé que le Ministère semble diriger tous les contrats, comme le contrat en cause, vers les constructeurs de matériel même s'il n'existe pas de preuve concluante d'une économie de coût rattachée à une telle façon de procéder. Dans le contexte, Eurodata a soutenu que le droit de la Couronne de déterminer ses besoins doit être exercé en conjonction avec un effort pour minimiser les dépenses, éliminer le favoritisme envers des fournisseurs particuliers et mettre fin au pouvoir manipulateur des constructeurs de matériel sur les besoins des utilisateurs finals.

Eurodata a dit trouver particulièrement pénible l'affirmation de Hewlett-Packard selon laquelle Eurodata est une « organisation d'entretien tierce partie non autorisée » [traduction], puisque Eurodata a présenté, à plusieurs reprises depuis dix ans, des demandes d'autorisation auprès de Hewlett-Packard, mais que, à chaque fois, ladite autorisation a été refusée sans explication et d'une façon déraisonnable. Cependant, Eurodata dit toujours être disposée à poursuivre son effort en vue d'établir un tel rapport avec Hewlett-Packard.

Eurodata a soutenu que, d'après son expérience, la Couronne a toujours mené ses contrats d'entretien du matériel jusqu'à leur pleine échéance, c.-à-d. qu'elle s'est prévalue de dispositions de renouvellement facultatif, sauf dans des circonstances atténuantes. Bien qu'Eurodata ait admis que DRHC n'était pas tenu, en droit, de se prévaloir de la clause facultative sur les années supplémentaires, elle a soutenu que la décision du gouvernement de ne pas se prévaloir de la clause en l'espèce est anormale et très sévère.

En conclusion, Eurodata a soutenu que la nécessité d'accorder le contrat d'entretien du matériel au constructeur dudit matériel est davantage une perception qu'une réalité et que les inconvénients occasionnels que pourrait éviter un ministère gouvernemental en recourant à un tel arrangement ne sont pas compensés par l'obligation du Ministère d'obtenir la meilleure valeur pour son argent en retenant les services à contrat de fournisseurs tiers efficients et dont la compétence est démontrée.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, qui, en l'espèce, comprennent l'ALÉNA, l'AMP et l'ACI.

Au titre de question préliminaire, le Tribunal fait observer que la pertinence de la décision de DRHC de ne pas se prévaloir de son droit de continuer à recourir aux services d'Eurodata est, en l'espèce, une question d'administration des marchés, une question qui n'entre pas dans la portée d'application de la compétence du Tribunal pour connaître des contestations des offres. De même, la question soulevée par Eurodata concernant les présumées pratiques commerciales restrictives et à caractère monopolistique de Hewlett-Packard ne relève pas de la compétence du Tribunal.

Le paragraphe 1001(4) de l'ALÉNA prévoit qu'aucune des parties ne pourra préparer, élaborer ou autrement structurer un projet d'achat dans l'intention de se soustraire aux obligations du chapitre dix de l'ALÉNA. Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit que les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public.

Le Tribunal doit décider si, lorsqu'ils ont préparé, élaboré ou structuré la présente invitation à soumissionner, DRHC et le Ministère ont agi de manière à se soustraire aux obligations des accords commerciaux applicables.

Le Tribunal conclut que le Ministère et DRHC n'ont pas contrevenu aux dispositions des accords commerciaux applicables lorsqu'ils ont demandé que les fournisseurs potentiels intéressés à cette invitation à soumissionner en question soient capables de fournir des services d'entretien du matériel, y compris les mises à jour, sur place, du micrologiciel, et des services de soutien du logiciel pour les 120 serveurs Hewlett-Packard que possède DRHC. Le Tribunal est d'avis que le besoin de DRHC portant sur des services intégrés d'entretien du matériel et de soutien du logiciel est véritable et raisonnable. La question de l'appel d'offres limité mise à part, le Tribunal n'est pas convaincu que, en combinant les services d'entretien du matériel et les services de soutien du logiciel, DRHC et le Ministère empêcheraient d'autres fournisseurs potentiels de soumissionner pour ce besoin.

Étant donné l'existence de certains droits exclusifs dont Hewlett-Packard est titulaire, Eurodata ne peut exécuter certaines mises à jour du micrologiciel, sur place, comme l'exige l'invitation à soumissionner. Eurodata n'a pas contesté ce fait. Cependant, comme l'ont indiqué le Ministère et Hewlett-Packard, une telle contrainte ne s'étend pas aux revendeurs autorisés de produits Hewlett-Packard. Le Tribunal est d'avis que ces revendeurs pourraient, seuls ou en partenariat avec d'autres sociétés, comme Eurodata, livrer tous les produits requis dans l'invitation à soumissionner.

DRHC était tenu d'indiquer pleinement et clairement ses besoins dans les documents d'appel d'offres. De ce fait, il avait le droit d'exprimer tous les besoins véritables et raisonnables qu'il pouvait avoir. En outre, le Tribunal est d'avis que DRHC n'était pas obligé de compromettre ses besoins opérationnels légitimes pour tenir compte des circonstances particulières d'Eurodata en tant qu'entreprise.

À la lumière de la décision ci-dessus et de l'admission, par Eurodata, qu'elle n'est pas un vendeur autorisé des produits Hewlett-Packard et, de ce fait, qu'elle ne peut pas fournir tous les services requis dans l'invitation à soumissionner, et plus précisément les mises à jour, sur place, du micrologiciel, le Tribunal conclut qu'Eurodata n'est pas un fournisseur potentiel du présent contrat spécifique. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'Eurodata n'a pas qualité pour déposer un motif de plainte afférent au présent marché public. Le Tribunal n'examinera donc pas le bien-fondé de l'allégation d'Eurodata selon laquelle, parce qu'il existe plusieurs revendeurs autorisés par Hewlett-Packard qui sont capables d'exécuter le contrat, DRHC et le Ministère ont agi incorrectement lorsqu'ils ont utilisé une procédure d'appel d'offres limitée pour ce marché public.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal, aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, détermine que la plainte d'Eurodata Support Services Inc., en ce qui a trait à la façon que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le ministère du Développement des ressources humaines ont structuré le besoin de la fourniture de services d'entretien préventif et correctif du matériel et de soutien du logiciel relativement à environ 120 systèmes serveurs Hewlett-Packard et à leurs périphériques connexes dont le ministère du Développement des ressources humaines est propriétaire, n'est pas fondée.

Par conséquent, le Tribunal détermine qu'Eurodata n'est pas un fournisseur potentiel du contrat spécifique. Par conséquent, le Tribunal ne statuera pas sur la question de savoir si le Ministère et DRHC ont contrevenu aux dispositions des accords commerciaux lorsqu'ils ont adjugé le contrat spécifique à Hewlett-Packard dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres limitée.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . Le micrologiciel fait partie intégrante des dispositifs informatiques. Plus précisément, le micrologiciel est le coeur ou le code interne qui régit le fonctionnement d'un dispositif et qui détermine les caractéristiques de sortie, de traitement et de capacité des composants. Le micrologiciel est la propriété exclusive du constructeur de matériel.

3 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http ://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [ci-après AMP].

6 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

7 . D.O.R.S./91-499.

8 . Re plainte déposée par Wescam (19 avril 1999) (TCCE).

9 . Re plainte déposée par Computer Talk Technology (26 février 2001), (TCCE).


[ Table des matières]

Publication initiale : le 13 août 2001