BELL NEXXIA

Décisions


BELL NEXXIA
Dossier no PR-2001-023

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 25 octobre 2001

Dossier no PR-2001-023

EU ÉGARD À une plainte déposée par Bell Nexxia aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

Date de la décision et des motifs :

Le 25 octobre 2001

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

Partie plaignante :

Bell Nexxia

Conseiller pour la partie plaignante :

Ronald D. Lunau

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseiller pour l'institution fédérale :

David Attwater

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 27 juillet 2001, Bell Nexxia (Bell) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard d'un marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère du Développement des ressources humaines (DRHC). Le présent marché public (invitation no V9345-000020/A) porte sur les besoins suivants : 1) un réseau de systèmes intégrés de réponse vocale interactive (RVI); 2) des applications pour l'intégration téléphonique par ordinateur; 3) une application pour l'acheminement d'appels téléphoniques sans frais d'interurbain; 4) des rapports de gestion intégrale liés à l'infrastructure téléphonique proposée; 5) une interface de passerelle pour appels téléphoniques sans frais d'interurbain avec les services téléphoniques 800; 6) le soutien en services professionnels, au fur et à mesure des besoins.

Bell a allégué que TPSGC a choisi, au titre de soumissionnaire retenu, Sprint Canada Inc. (Sprint) et que, si TPSGC avait évalué la proposition financière de Sprint en conformité avec la méthodologie d'évaluation indiquée dans la demande de propositions (DP), la proposition de Sprint aurait été déclarée non conforme. Plus précisément, Bell a allégué que la méthodologie appliquée par TPSGC semble avoir intégré deux éléments incorrects, à savoir :

· que les vendeurs pouvaient offrir des prix multiples pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain selon l'application, les périodes horaires ou les emplacements;
· qu'il était acceptable que les soumissionnaires ne soumissionnent qu'une année de prix pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain plutôt que d'offrir le prix requis pour la totalité de la période de cinq ans.

Bell a ajouté qu'elle avait des motifs de croire, à la lumière de l'information reçue à la séance de compte rendu, que TPSGC avait autorisé que soient faites d'autres déductions qui n'étaient pas indiquées dans la DP ou qu'un nombre de minutes d'appel par année différent soit utilisé comme point de départ de la formule d'évaluation. Quel que soit le cas, Bell a soutenu que TPSGC n'avait pas appliqué la méthodologie indiquée dans la DP.

Selon Bell, lorsqu'il a appliqué cette méthodologie incorrecte, TPSGC a contrevenu à plusieurs dispositions des accords commerciaux, notamment les alinéas 1014(4)c) et 1015(4)d) de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 , le paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 3 et les alinéas XII (2)h), XIII (4)b) et XIII (4)c) de l'Accord sur les marchés publics 4 . À titre de mesure corrective, Bell a demandé que, si un contrat a été adjugé à Sprint, TPSGC le résilie et l'adjuge à Bell. Si le contrat n'a pas été adjugé, Bell a demandé que le Tribunal recommande qu'il soit adjugé à Bell, le seul soumissionnaire conforme. Si le contrat ne peut être adjugé à Bell, Bell demande que le Tribunal recommande alors le versement d'une indemnité à Bell en reconnaissance de l'occasion qu'elle a perdue de tirer des profits du présent contrat. Bell a aussi demandé le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation d'une soumission en réponse à l'invitation à soumissionner et pour le dépôt et le traitement de la plainte.

Le 2 août 2001, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 5

Le 28 août 2001, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 6 . Étant donné les événements tragiques du 11 septembre 2001, une prorogation a été accordée à Bell pour la présentation de ses observations sur le RIF. Le 12 septembre 2001, Bell a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 22 août 2000, un avis de projet de marché (APM) a été publié par l'entremise du MERX7 avec, initialement, une date de clôture fixée au 29 septembre 2000. L'APM indiquait que l'invitation à soumissionner n'était assujettie qu'à l'ACI. La date de clôture a été reportée au 3 octobre 2000, puis de nouveau reportée au 12 octobre 2000.

La DP prévoit, notamment, ce qui suit :

A.3 Demande de proposition

Par opposition à un appel d'offres, la présente constitue une demande [communément appelée demande de proposition (DDP)] d'élaboration et de présentation de propositions au ministre des Travaux publi[cs] et des Services gouvernementaux indiquant les meilleurs moyens disponibles qui permettent d'atteindre certains buts et objectifs techniques, de rendement, de temps et autres en regard des exigences obligatoires indiquées. Le ministre envisagera de conclure un marché pour l'exécution de la proposition la plus acceptable évaluée conformément aux facteurs indiqués dans la présente DDP. En outre, le caractère acceptable des conditions contractuelles, en vertu desquelles l'intéressé serait prêt à procéder à l'exécution de la proposition, sera mesuré en fonction des conditions contractuelles contenues dans la présente DDP.

L'Énoncé des travaux (ÉDT), annexe B de la DP, prévoit, notamment, ce qui suit :

4.2 Calcul du nombre de systèmes et de leur emplacement (O)
Les soumissionnaires doivent faire leurs propres calculs pour déterminer où les systèmes devraient être installés et le nombre optimal de systèmes nécessaires à la fourniture des fonctionnalités décrites dans le présent document. DRHC a besoin d'au moins deux sites dans des régions géographiques différentes pour les besoins de la PRA. Les soumissionnaires doivent fournir leurs calculs des volumes d'appels interurbains et locaux avec leurs recommandations relatives à l'emplacement des systèmes. DRHC vérifiera les volumes d'appels estimés par les soumissionnaires au regard des volumes indiqués à l'appendice D table 8 afin de valider les calculs et les estimations des coûts d'appels interurbains des soumissionnaires.
[Tableau] D8 : Volumes potentiels d'appels locaux par centre principal
[Le tableau] qui suit fournit des renseignements sur les bureaux qui reçoivent le plus grand nombre d'appels au pays. La colonne Nombre potentiel d'appels locaux contient le nombre d'appels qui seraient reçus dans un secteur de service local si un système était installé dans ces emplacements et la colonne Nombre potentiel de minutes - Appels locaux, le nombre de minutes correspondant à la durée de ces appels. Ces données visent à aider les soumissionnaires à déterminer les endroits où il convient d'installer des systèmes. Si les coûts d'acheminement des appels à un autre emplacement muni d'un système de RVI sont supérieurs aux coûts d'installation et de soutien d'un système, il pourrait être plus efficace d'installer un système. S'il y avait un système à Montréal, par exemple, 1 932 585 appels d'une durée totale de 4 058 428 minutes seraient traités comme des appels locaux. Il serait donc probablement avantageux d'installer un système dans cette ville, ce qui ne serait pas le cas à Saskatoon, par exemple.

L'alinéa v) du « Modèle de tarification », à l'annexe D de la DP prévoit ce qui suit :

Services téléphoniques sans frais
Les services téléphoniques sans frais doivent (O) comprendre la facturation, l'installation, l'activation et la configuration de la transmission des appels et doivent (O) être présentés en fonction du prix à la minute pour tous les frais d'appel se rapportant aux systèmes de traitement des appels, de même que pour toutes les exigences relatives aux services téléphoniques sans frais de DRHC. On estime à environ 160 millions de minutes par an le nombre total de minutes d'appels. Pour les besoins de l'évaluation, on rajustera ce chiffre (de 160 millions) pour tenir compte du crédit au titre du nombre et de l'emplacement des systèmes de RVI proposés par le soumissionnaire. Le montant du crédit sera établi d'après les chiffres présentés dans le tableau 8,f de l'appendice E de l'EDT, dans l'annexe B. Cette estimation ne constitue pas un engagement de volume; on ne prendra d'ailleurs pas, dans le cadre de ce contrat, d'engagement minimum pour le nombre total de minutes d'appels ou d'interurbains. Les services interurbains devront être facturés selon l'utilisation réelle, chaque mois et par arrérages. Prospectivement, les tarifs interurbains devront (O) être établis d'après les prix consentis aux clients privilégiés. Autrement dit, lorsque les tarifs interurbains baisseront, DRHC devra (O) profiter de cette baisse.

L'alinéa v) de la section « Prix total offert pour l'évaluation », à l'annexe D de la DP prévoit ce qui suit :

Prix des services téléphoniques sans frais pour l'évaluation : pour les besoins de l'évaluation, on multipliera le prix proposé à la minute pour les services téléphoniques sans frais par 160 millions de minutes, moins le nombre de minutes de conversation locale calculé d'après l'emplacement proposé pour les systèmes (cf. l'alinéa 4.2 de l'EDT), pour connaître le prix des services téléphoniques sans frais pour l'évaluation.

Une note au bas du tableau de tarification des services téléphoniques sans frais d'interurbain, à l'annexe D de la DP prévoit ce qui suit :

NOTE* Le calcul se fera comme suit :
160 millions de minutes rajustées par soustraction pour tenir compte du crédit au titre du nombre et de l'emplacement des plates-formes de RVI, conformément au tableau 8 de l'appendice D de l'annexe B. En cas d'erreur de calcul des minutes de service téléphonique sans frais d'interurbain, le nombre de minutes indiqué au tableau D8 de l'appendice D prévaut.

[Traduction]

Six propositions en provenance de cinq soumissionnaires ont été reçues avant la clôture des soumissions. Après l'évaluation technique, DRHC a déterminé que trois soumissions répondaient aux exigences obligatoires de la première phase de la procédure, et il a été demandé aux soumissionnaires de procéder à des démonstrations de l'équipement. Après un report lié à une enquête du Tribunal (PR-2000-037), les démonstrations de l'équipement ont été complétées, et un autre soumissionnaire a été déclaré non conforme. Seules les propositions de Bell et de Sprint sont alors demeurées en lice. Après des échanges de correspondance entre TPSGC et les soumissionnaires, visant des éclaircissements sur certains aspects de leurs propositions financières, le contrat a été adjugé à Sprint, le 7 mai 2001. Le 23 mai 2001, Bell a participé à une séance de compte rendu dans les locaux de TPSGC. Le 5 juin 2001, Bell a avisé TPSGC qu'elle s'opposait à l'adjudication du contrat à Sprint. Le 13 juillet 2001, à la suite d'une rencontre tenue entre Bell et TPSGC le 11 juillet 2001, TPSGC a communiqué, par écrit, avec Bell et l'a informée, notamment, qu'elle avait « le droit d'en référer au TCCE si telle était sa décision » [traduction]. Le 27 juillet 2001, Bell a déposé une plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

TPSGC a présenté sa position en quatre volets.

L'invitation à soumissionner est assujettie à l'ACI seulement

TPSGC a soutenu que les services qui font l'objet de l'invitation à soumissionner sont des Services électroniques de télécommunications et de transmission (catégorie D304 du Système commun de classification), qui sont exclus de la portée de l'ALÉNA en vertu de l'alinéa 1001(1)b) et de l'annexe 1001.1b-2. Ces services ne sont également pas compris dans la liste des services visés, pour le Canada, à l'annexe 4 de l'appendice I de l'AMP.

La DP laissait place à la créativité et à l'ingéniosité

TPSGC a soutenu que la DP accordait clairement aux soumissionnaires la possibilité de proposer des moyens auxiliaires de satisfaire les exigences techniques de l'ÉDT. TPSGC a soutenu que la définition même d'une DP prévoit qu'une DP constitue une demande « d'élaboration et de présentation de propositions au ministre des Travaux publi[cs] et des Services gouvernementaux indiquant les meilleurs moyens disponibles qui permettent d'atteindre certains buts et objectifs techniques, de rendement, de temps et autres en regard des exigences obligatoires indiquées. »

Le soumissionnaire retenu a été choisi selon la meilleure valeur globale

D'après le RIF, « TPSGC soumet que la DP offrait aux soumissionnaires la possibilité de concevoir le réseau le plus efficient et le plus avantageux au plan des coûts capable d'accomplir la fonctionnalité exigée dans l'ÉDT. Le réseau proposé par Sprint satisfait à toutes les exigences techniques de l'ÉDT ou les dépasse et, par sa puissance créatrice et son ingéniosité, est en mesure de réduire le prix des services téléphoniques sans frais d'interurbain pour la Couronne » [traduction].

TPSGC a correctement appliqué la méthodologie d'évaluation

TPSGC a soutenu que la proposition de Sprint a été évaluée d'après le nombre correct de minutes d'appels interurbains dans le calcul du « Prix des services téléphoniques sans frais pour l'évaluation » de Sprint. TPSGC a aussi soutenu que le nombre de minutes accordé au titre des minutes locales aux fins du calcul était correct. TPSGC a fondé son évaluation sur la proposition de Sprint dans laquelle cette dernière offrait le nombre requis d'emplacements réels de RVI ainsi que des emplacements virtuels (indiqués au tableau D8) où les appels reçus seraient traités comme des appels locaux sans frais pour la Couronne.

À titre d'argument de rechange, TPSGC a soutenu que la proposition de Sprint pouvait être comprise comme offrant des appels locaux dans les villes dotées des sites réels de RVI proposés, offrant un taux de 0,00 $ la minute pour les appels provenant des autres villes énumérées et offrant sa tarification proposée pour le nombre restant de minutes.

TPSGC a conclu sa réponse ainsi qu'il suit :

46. Ainsi qu'il a déjà été soumis, TPSGC a correctement appliqué la méthodologie d'évaluation indiquée dans la DP. Dans le calcul du « prix des services téléphoniques sans frais pour l'évaluation » de Sprint aux fins d'évaluation, TPSGC a correctement inclus seulement le temps des appels interurbains auxquels des frais s'appliquent. Un rajustement pour tenir compte du crédit au titre des minutes d'appels locaux a correctement été accordé à Sprint dans le calcul de son prix pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain. Subsidiairement, la DP autorisait les soumissionnaires à proposer plus d'un seul prix à la minute pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain. La proposition financière de Sprint montre clairement que cette dernière a soumissionné un prix pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain sur une période de cinq ans, comme l'exigeait la DP. TPSGC a évalué la proposition financière de Sprint en fonction du prix total des services téléphoniques sans frais d'interurbain sur cinq ans.
47. TPSGC demande le remboursement des frais qu'elle a engagés relativement à la plainte.

[Traduction]

Position de Bell

En réponse au RIF, Bell a soutenu que la DP indiquait de façon claire et constante que les soumissionnaires pouvaient seulement obtenir des points au titre du nombre et de l'emplacement des systèmes de RVI proposés. Bell a soutenu que, dans sa proposition, Sprint « a demandé et obtenu des points pour un motif autre que celui du nombre et de l'emplacement de ses systèmes de RVI » [traduction]. Bell a soutenu que Sprint pouvait seulement demander des points au titre de toutes les minutes disponibles pour les appels locaux relativement aux systèmes de RVI réellement ou physiquement situés dans un centre compris dans la liste du tableau D8. Bell a soutenu que la proposition de Sprint et les éclaircissements subséquents ont clairement montré que « la proposition de Sprint devait être jugée non conforme au motif du défaut délibéré et volontaire d'appliquer la formule prescrite dans la DP » [traduction]. Bell a soutenu que l'invention de quelque chose qui s'appellerait un « système de RVI virtuel » n'était pas permise ni reconnue dans la DP au titre de fondement d'une demande de points et de leur obtention. Bell a soutenu qu'un système de RVI est une pièce concrète de matériel qui occupe un emplacement réel. Il se compose, pour l'essentiel, « d'un serveur (matériel) dans lequel un logiciel est chargé » [traduction]. Bell a soutenu que les appels pour lesquels Sprint a reçu un rajustement au titre de points pour les conversations locales devaient quand même être réacheminés vers les deux centres où les systèmes de RVI sont réellement situés.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit, notamment, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords applicables.

Aux fins de la présente enquête, il suffit que l'ACI s'applique et il n'est pas nécessaire que le Tribunal rende une décision définitive sur la question de savoir si l'ALÉNA ou l'AMP s'appliquent. En effet, même si ces deux derniers accords devaient s'appliquer, la décision du Tribunal ne s'en trouverait pas modifiée.

La disposition pertinente de l'ACI est le paragraphe 506(6) qui prévoit, notamment, que les « documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. »

En ce qui concerne les motifs de la plainte selon lesquels TPSGC a incorrectement appliqué la méthodologie d'évaluation lorsqu'il a autorisé les soumissionnaires à offrir des prix multiples pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain selon l'application, les périodes horaires ou les emplacements, et lorsqu'il a permis aux soumissionnaires de ne soumissionner qu'une année de prix pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain plutôt que d'offrir le prix requis pour la totalité de la période de cinq ans, le Tribunal conclut que lesdits motifs ne sont pas fondés.

Le Tribunal aborde maintenant le volet de la plainte selon lequel TPSGC a incorrectement appliqué la méthodologie d'évaluation lorsqu'il a autorisé d'autres déductions qui n'étaient pas indiquées dans la DP. Le Tribunal conclut que la DP exigeait seulement des systèmes de RVI réels à « au moins deux sites » et que cette exigence se rapportait aux « besoins de la planification de la reprise des activités ». La proposition de Sprint satisfaisait clairement l'exigence obligatoire susmentionnée. Le Tribunal est d'avis que, bien que la solution virtuelle proposée par Sprint dans sa soumission puisse ne pas avoir été expressément prévue dans les termes de la DP, l'article A.3 de la DP exprime clairement l'existence d'une latitude et d'une possibilité suffisantes pour que les soumissionnaires puissent soumettre une proposition indiquant « les meilleurs moyens disponibles qui permettent d'atteindre certains buts et objectifs techniques, de rendement, de temps et autres en regard des exigences obligatoires indiquées » [mise en évidence ajoutée]. En plus de ce qui précède, l'article 4.2 de l'ÉDT prévoit que « [l]es soumissionnaires doivent faire leurs propres calculs pour déterminer où les systèmes devraient être installés et le nombre optimal de systèmes nécessaires à la fourniture des fonctionnalités décrites dans le présent document [ÉDT] » [mise en évidence ajoutée].

La question que le Tribunal doit maintenant trancher consiste à savoir si TPSGC a correctement conclu que Sprint était admissible à des points au titre des emplacements où elle a proposé des « systèmes de RVI virtuels ».

L'alinéa v) de l'annexe D de la DP prévoit que, pour établir le prix des services téléphoniques sans frais d'interurbain pour l'évaluation, on multipliera le prix proposé à la minute pour les services téléphoniques sans frais d'interurbain par 160 millions de minutes, moins le nombre de minutes de conversation locale calculé d'après l'emplacement proposé pour les systèmes. Le Tribunal est d'avis que, étant donné la latitude accordée en termes de créativité et l'accent placé sur la fonctionnalité du système plutôt que sur sa structure, il n'existe pas de motif qui empêche les systèmes de RVI virtuels, avec les systèmes de RVI réellement situés à un emplacement, d'être compris dans les « emplacements des systèmes proposés » aux fins d'évaluation. La DP n'établit pas de lien entre la soustraction de points au titre du nombre de minutes de conversation locale et l'emplacement des RVI réels. Plutôt, la DP emploie indifféremment les termes « systèmes », « systèmes proposés » et, dans un renvoi dans le tableau de tarification des services téléphoniques sans frais d'interurbain, « plate-forme ». À la lumière du contexte global de la DP, le Tribunal est convaincu qu'un système virtuel était acceptable.

Selon le Tribunal, les points obtenus par un soumissionnaire pour le nombre de minutes de conversation locale, que le réseau proposé traite comme des appels locaux sans frais, sont admissibles. De ce fait, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas erré lorsqu'il a accepté que Sprint réduise le nombre de minutes de conversation locale attribué à tous les centres inclus dans la liste du tableau D8.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public a été passé conformément aux exigences de l'ACI et que, par conséquent, la plainte n'est pas fondée. Chacune des parties supportera ses propres frais.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

3 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

4 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http ://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [ci-après AMP].

5 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

6 . D.O.R.S./91-499.

7 . Service électronique d'appel d'offres du Canada.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 8 novembre 2001