HURON CONSULTING

Décisions


HURON CONSULTING
Dossier no PR-2002-037


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 10 février 2003

Dossier no PR-2002-037

EU ÉGARD À une plainte déposée par Huron Consulting aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux n'exerce pas l'option de renouvellement facultatif d'un an prévue dans l'offre à commandes et lance un nouvel appel d'offres pour la période du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2004. De plus, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que Huron Consulting reçoive une indemnité d'un montant égal au quart du profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé, en fonction de 130 jours de formation, tel qu'il est indiqué dans l'offre à commandes, pour la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2003.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Huron Consulting le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

 

Date de la décision et des motifs :

Le 10 février 2003

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Agent principal d'enquête :

Cathy Turner

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Partie plaignante :

Huron Consulting

   

Intervenante :

CTC Computer Training & Consulting

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Ian McLeod

 

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 13 novembre 2002, Huron Consulting (Huron) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (invitation no W0113-02A064/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), pour la fourniture de services de formation en logiciel informatique pour le ministère de la Défense nationale (MDN).

Huron a allégué que TPSGC avait appliqué une procédure d'évaluation injuste, qu'il avait accordé un traitement de faveur à certains soumissionnaires et qu'il avait incorrectement appliqué la formule de sélection de l'entrepreneur.

Huron a soutenu que l'annexe B de l'invitation initiale prévoyait seulement l'espace pour un taux quotidien pour un an, même si l'offre à commandes portait sur une période d'un an assortie d'une option de renouvellement facultatif d'un an. Elle a en outre soutenu qu'une modification de l'invitation avait été envoyée par le MERX par courrier ordinaire, demandant une soumission corrigée ventilée en un taux quotidien pour la première année et un autre taux quotidien pour la deuxième année; toutefois, elle a dit n'avoir reçu ladite modification que le 22 octobre 2002, soit le lendemain de la date de fermeture de la procédure de soumission le 21 octobre 2002.

À titre de mesure corrective, Huron a demandé que le Tribunal recommande le lancement d'un nouvel appel d'offres pour le besoin; elle a aussi demandé à recevoir une indemnité pour perte d'occasion de réaliser un profit et le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Le 18 novembre 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 21 novembre 2002, TPSGC a avisé le Tribunal, par écrit, qu'un contrat3 de 90 950 $ avait été adjugé à CTC Computer Training & Consulting (CTC). Le 16 décembre 2002, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 19 décembre 2002, le Tribunal a autorisé CTC à intervenir dans l'affaire. Huron a déposé ses observations confidentielles sur le RIF auprès du Tribunal le 29 décembre 2002 et ses observations publiques, le 6 janvier 2003. CTC a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal le 31 décembre 2002. Le 10 janvier 2003, TPSGC a demandé la permission de présenter des observations en réponse à de nouveaux points, concernant les modalités du contrat, soulevés dans les observations de CTC sur le RIF et a soumis lesdites observations en réponse avec sa demande. Le 16 janvier 2003, le Tribunal a accueilli la demande de TPSGC et a transmis lesdites observations en réponse aux parties à titre d'information.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Une demande d'offre à commandes (DOC) a été diffusée et publiée par l'intermédiaire du MERX, le Service électronique d'appel d'offres du Canada, le 9 septembre 2002, pour la fourniture de services de formation en logiciel informatique pour le MDN, de la façon et au moment prescrits.

La DOC se lit notamment ainsi :

Offre à commandes - durée

Des commandes subséquentes à cette offre à commandes pourront être passées et les services être rendus de la date de délivrance de l'offre à commandes jusqu'au 31 octobre 2003.

Offre à commandes - prolongation

Advenant la prolongation autorisée de l'offre à commandes, le proposant consent par la présente à fournir, au cours d'une période supplémentaire de douze mois allant du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2004, les biens et le services visés par cette dernière, aux mêmes conditions et au prix/taux fixés dans le présent document, ou au prix/taux calculé selon la formule mentionnée dans le présent document.

Base de paiement

Les frais pour les services rendus seront calculés conformément à l'annexe « B », ci-incluse.

Méthode de sélection

La détermination de la soumission au prix le plus bas sera fondée sur le coût global détaillé à l'annexe « B », Base de paiement, y compris pour toutes les options d'application.

MÉTHODE DE SÉLECTION DE L'ENTREPRENEUR

Le soumissionnaire retenu sera l'entreprise qui propose la «  meilleure valeur  » fondée sur le plus bas prix par point coté.

Le prix par point coté sera calculé d'après le rapport entre le nombre de points obtenus pour les critères cotés et le prix proposé dans la soumission, y compris pour les options.

3. Une offre à commandes sera délivrée pour la soumission représentant la meilleure valeur relativement aux articles que l'entreprise peut fournir. Un exemple de la Méthode de sélection de l'entrepreneur est inclus à l'annexe « C ».

[Traduction]

L'annexe « B » de la DOC se lit notamment ainsi :

Base de paiement

(pour la période allant de la date d'adjudication jusqu'au 31 août 20025 )

Base de paiement

1. L'entrepreneur sera payé aux taux quotidiens fermes suivants, pour les travaux et services effectués conformément à la présente offre à commandes.

Instructeur qualifié - Taux quotidien ferme de _______ $. (Nombre estimatif de jours de formation - 130)

[Traduction]

L'annexe « C » de la DOC se lit ainsi :

Exemple de détermination de la meilleure valeur

En supposant trois soumissions recevables (chacune satisfaisant aux critères/exigences obligatoires et le résultat minimum requis pour la prestation), détermination de la meilleure valeur fondée sur un résultat maximum de 100. Veuillez prendre note que les cotes par point (résultats) utilisées dans l'exemple ci-dessous ne reflètent pas nécessairement le total des points attribués à la prestation dans la présente invitation. Ils ne sont donnés qu'à titre d'exemple.

 

Soumission no 1

Soumission no 2

Soumission no 3

Résultat pour la prestation

130 points

118 points

105 points

Prix proposé

60 000

55 000

50 000

Calcul :

Points techniques

Points pour le prix

Résultat global

Soumission no 1

130 x 65 = 65 points

50 x 35 = 29,17 points

94,17 points

 

130*

60

 

Soumission no 2

118 x 65 = 59 points

50 x 35 = 31,82 points

90,82 points

 

130

55

 

Soumission no 3

105 x 65 = 52,5 points

50 x 35 = 35 points

87,50 points

 

130

50**

 

* Plus haut résultat pour la prestation

** Plus bas prix proposé

Le contrat serait adjugé à la soumission no 1 d'après la meilleure valeur (meilleur résultat selon les critères de prestation et le prix).

[Traduction]

La modification no 003 de la DOC a été diffusée le 17 octobre 2002. Elle a eu pour effet de modifier le paragraphe 1 de l'annexe « B » pour permettre aux soumissionnaires, au lieu de soumissionner un seul taux, de soumissionner un taux pour la première année et un autre taux différent pour l'option de renouvellement facultatif d'un an.

L'annexe « B », révisée par la modification no 003 de la DOC, se lit notamment ainsi :

Base de paiement

1. L'entrepreneur sera payé aux taux quotidiens fermes suivants, pour les travaux et les services effectués conformément à la présente offre à commandes.

(pour la période allant de la date d'adjudication jusqu'au 31 octobre 2003)

Instructeur qualifié - Taux quotidien ferme de _______ $. (Nombre estimatif de jours de formation - 130)

(pour la période allant du 1er novembre 2003 au 31 octobre 20036 )

Instructeur qualifié - Taux quotidien ferme de _______ $. (Nombre estimatif de jours de formation - 130)

[Traduction]

La date de clôture pour la soumission d'offres a été fixée au 21 octobre 2002. Selon TPSGC, 10 propositions ont été reçues et soumises à l'autorité technique, au MDN, pour fins d'évaluation. Quatre propositions ont été déclarées conformes aux critères obligatoires et aux critères à cotation numérique énoncés dans la DOC. Le 31 octobre 2002, les proposants, y compris Huron, ont été avisés qu'une offre à commandes avait été délivrée à CTC.

Le 31 octobre 2002, Huron a présenté de vive voix une opposition à TPSGC relativement à la délivrance d'une offre à commandes à CTC, et TPSGC a refusé de lui accorder réparation. Le 13 novembre 2002, Huron a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

En ce qui a trait aux préoccupations soulevées dans la plainte eu égard au moment de la diffusion de la modification no 003 de la DOC, TPSGC a soutenu que la modification avait été distribuée par l'entremise du MERX le 17 octobre 2002, avant la date de clôture du 21 octobre 2002. Il a soutenu que, au moment de l'ouverture d'une session avec le MERX, un fournisseur potentiel pouvait choisir de recevoir les modifications de l'invitation et d'autres avis du MERX par télécopieur ou par courrier. Il a ajouté que Huron avait choisi d'être avisée par courrier.

TPSGC a soutenu que Huron avait communiqué avec lui le 22 octobre 2002 et avait parlé avec l'agent de négociation des contrats. Il a admis avoir informé Huron qu'il avait découvert que certains des fournisseurs potentiels avaient reçu la modification de l'invitation par courrier et d'autres par télécopieur; il avait supposé que, lorsqu'un seul taux était proposé dans une soumission, le taux s'appliquait aux deux années. Il a de plus confirmé avoir avisé Huron en même temps que le dossier ne serait pas rouvert étant donné que la période de soumission était terminée.

TPSGC a admis avoir informé Huron que, après la fin de l'évaluation, il avait obtenu confirmation que le taux unique de CTC s'appliquait tant à la première année qu'à l'option de renouvellement facultatif d'un an. Il a aussi confirmé que seul le proposant retenu, CTC, avait été contacté aux fins d'éclaircissements à cet égard.

Toutefois, TPSGC a dit être préoccupé du fait qu'une injustice perçue ou réelle aurait pu découler du moment de la diffusion de la modification no 003 de la DOC, particulièrement étant donné le fait que Huron n'avait pris connaissance de la modification qu'après la date de clôture des soumissions. De même, TPSGC a aussi dit être préoccupé de la perception d'injustice dans la procédure de passation du marché public qui avait pu découler du fait qu'il avait demandé des éclaircissements à CTC au sujet de l'application du prix de sa soumission.

En ce qui a trait à l'allégation de Huron selon laquelle TPSGC avait fait erreur dans le calcul de ses résultats pour la « Meilleure valeur », TPSGC a soutenu que Huron avait tort et que, pour obtenir la totalité des 65 points à la partie des critères à cotation numérique de la formule décrite à l'annexe « C » de la DOC, il suffisait qu'une soumission ait obtenu le résultat le plus élevé à l'évaluation des critères à cotation numérique. Contrairement à l'affirmation de Huron, il a soutenu qu'un soumissionnaire n'était pas obligé d'obtenir un résultat parfait de 130 points pour les critères à cotation numérique pour obtenir la totalité des 65 points selon la formule décrite à l'annexe « C ». Par conséquent, TPSGC a soutenu que ce motif de plainte était dénué de fondement.

Selon TPSGC, la proposition de Huron a obtenu un résultat de 105 pour les critères à cotation numérique. TPSGC a de plus soutenu qu'il s'agissait du résultat le plus élevé de toutes les soumissions. Il a aussi soutenu que, aux fins de l'application de la formule de détermination de la « Meilleure valeur », décrite à l'annexe « C » de la DOC, le fait que la proposition de Huron ait obtenu le résultat le plus élevé pour les critères à cotation numérique signifiait que cette dernière avait reçu la totalité des 65 points pour cette partie de la formule. Toutefois, TPSGC a soutenu que le prix de la soumission de Huron n'était pas le plus bas prix proposé et, par conséquent, que Huron avait obtenu 33,48 points pour le prix de sa soumission, sur un total possible de 35 points. D'après TPSGC, une fois le calcul du résultat global (points pour les critères à cotation numérique et pour le prix) obtenu par chacune des propositions conformes, il avait été déterminé que le total le plus élevé avait été obtenu par CTC et que Huron venait au deuxième rang.

TPSGC a admis que la façon dont la formule prévue dans la DOC, à la rubrique « Méthode de sélection de l'entrepreneur », et la formule prévue à l'annexe « C» devaient être appliquées n'était pas claire; en fait, il a soutenu que les deux formules avaient été appliquées dans le cadre de l'évaluation du proposant retenu.

Par conséquent, étant donné ces préoccupations, TPSGC a soutenu que la Couronne n'exercerait pas l'option de renouvellement facultatif d'un an prévue dans l'offre à commandes délivrée à CTC, mais lancerait plutôt un nouvel appel d'offres pour la période du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2004. De plus, TPSGC a dit être disposé à rembourser à Huron les frais liés à la plainte et à lui verser une indemnité supplémentaire. Il a soutenu qu'un montant de 1 430 $ serait indiqué, en se fondant sur le calcul de la perte de cette occasion de réaliser un profit. À cet égard, TPSGC a soutenu que la valeur potentielle de l'offre à commandes délivrée à CTC pour la période initiale d'un an était de 57 200 $ (130 jours à 440 $/jour). TPSGC a aussi fait valoir que Huron avait allégué qu'elle aurait envisagé une autre stratégie de prix si elle avait découvert l'existence de la modification no 003 de la DOC. De plus, il a soutenu que d'autres soumissionnaires n'avaient peut-être pas découvert l'existence de la modification no 003 de la DOC au moment de présenter leur soumission. Dans de telles circonstances, TPSGC a soutenu que la question de savoir si toute autre proposition qu'aurait présentée Huron aurait été la soumission gagnante était fondée sur de pures conjectures. Il a donc soutenu que la mesure d'indemnisation indiquée était une indemnité pour perte d'occasion, calculée sur un rapport de un sur quatre, étant donné qu'il y avait eu quatre soumissions conformes, et une marge raisonnable de profit de 10 p. 100.

En réponse aux observations de CTC sur le RIF au sujet de la durée du contrat, la Couronne a dit n'avoir jamais laissé entendre qu'elle exercerait effectivement l'option de renouvellement facultatif d'un an et, en outre, que « l'interprétation » de CTC selon laquelle cette dernière pouvait se fier à une période de deux ans pour le contrat était fondée uniquement sur une hypothèse injustifiée émanant de CTC seulement.

Position de CTC

En ce qui a trait à la notification tardive de la modification no 003 de la DOC, CTC a soutenu avoir aussi reçu la modification après la date de clôture des soumissions et avoir interprété la modification comme étant une confirmation de la conformité à la DOC; elle avait donc confirmé son intention d'honorer son prix pour une période supplémentaire de 12 mois.

Au sujet de l'interprétation du taux quotidien tel qu'il était indiqué dans la DOC à la section intitulée « Offre à commandes - prolongation », CTC a soutenu que les soumissionnaires devaient reconnaître avoir compris et s'être conformés aux modalités de la DOC en apposant leurs initiales conformément aux exigences de la DOC et qu'elle avait donc apposé ses initiales.

En ce qui a trait au traitement de faveur accordé à l'un des soumissionnaires, CTC a soutenu avoir compris que les soumissionnaires qualifiés étaient tenus de confirmer que leur taux quotidien demeurerait le même pour la deuxième année.

CTC a dit croire que la plainte de Huron était dénuée de fondement. Elle a aussi dit croire que la DOC était équitable, que les critères étaient justes et qu'elle avait été choisie sur la foi du mérite de sa soumission.

Dans ses observations en réponse au RIF, CTC a soutenu que, s'il devait y avoir lancement d'un nouvel appel d'offres pour la deuxième année, comme l'avait proposé TPSGC, elle demanderait le remboursement des frais et des dépenses engagés relativement à la préparation de services non compris dans l'énoncé des travaux.

Position de Huron

Huron a soutenu, dans ses observations sur le RIF, que le choix de méthode de communication des modifications offert par l'intermédiaire du MERX ne devrait pas avoir d'incidence sur la responsabilité de livrer les modifications aux soumissionnaires avant la date de clôture. Huron a ajouté que la modification avait été diffusée tellement tard que, même si un soumissionnaire avait découvert son existence par l'intermédiaire du MERX immédiatement après sa diffusion, le délai pour apporter des changements majeurs à une importante stratégie de prix et pour veiller à ce que la nouvelle stratégie de prix soit expédiée par service de messagerie le même jour, de sorte qu'elle parvienne au bureau de TPSGC avant la date de clôture des soumissions, n'aurait été que d'une journée. Elle a dit avoir découvert, lors d'une conversation téléphonique avec TPSGC, que certains soumissionnaires avaient reçu la modification à temps pour pouvoir présenter une nouvelle soumission, ce qui n'avait pas été le cas pour d'autres, comme elle-même. Elle a soutenu que la modification l'aurait amenée à envisager l'application d'une toute nouvelle stratégie aux fins de la soumission d'un taux quotidien et que ces faits à eux seuls auraient probablement changé le résultat de l'invitation. De plus, Huron a soutenu qu'il n'était pas déraisonnable de supposer qu'un changement majeur à une stratégie de prix qui représentait 35 p. 100 du résultat global pour la meilleure valeur aurait eu une incidence sur le résultat de la procédure de passation du marché.

Huron a soutenu que, d'après TPSGC, dans le cas de tous les soumissionnaires qui n'avaient pas reçu la modification à temps, il avait été supposé que le montant proposé dans la soumission initiale valait pour les deux années de la soumission. Elle a dit que cette hypothèse était fausse dans son cas. Elle a ajouté qu'une conversation téléphonique avec TPSGC l'avait amenée à comprendre qu'un seul soumissionnaire avait été contacté après la fermeture de la procédure de soumission, aux fins de la confirmation que le chiffre pour une année inscrit à l'annexe « B » de la DOC initiale avait effectivement été destiné à être interprété comme le chiffre à retenir pour les deux années. Huron a soutenu qu'une telle action indiquait que TPSGC n'était pas à l'aise quant à la façon dont la modification avait, en fin de compte, été faite et que, à elle seule, cette action avait rendu injuste la procédure de passation du marché public.

Après avoir étudié la réplique de TPSGC concernant le calcul de la meilleure valeur, incluse dans le RIF, Huron a retiré seulement la partie de sa plainte qui portait sur la formule appliquée aux fins du calcul du résultat pour la meilleure valeur.

Dans ses observations sur le RIF, Huron a soutenu que l'indemnité proposée par TPSGC n'était pas acceptable. Elle a exprimé son opposition au facteur de « un sur quatre » proposé par TPSGC relativement à la perte d'occasion. Elle a de plus proposé une des indemnités suivantes :

A

La DOC fera immédiatement l'objet du lancement d'un nouvel appel d'offres aux quatre entreprises dont les propositions ont été déclarées conformes aux critères obligatoires et aux critères à cotation numérique énoncés dans la DOC. [. . .] Les quatre propositions conserveraient les résultats obtenus pour le mérite technique dans le cadre de la DOC précédente, puisque les résultats techniques n'ont pas fait l'objet de litige. La DOC devrait ensuite faire l'objet d'une nouvelle soumission en tenant compte [de la modification no 003 de la DOC] du point de vue du résultat pour le prix seulement, toutes les plaintes sur la passation du marché public en cause ayant découlé uniquement de cet aspect.

Huron Consulting reçoit une indemnité en reconnaissance des frais qu'elle a engagés pour la plainte et en reconnaissance de sa perte de l'occasion de tirer un profit du marché en cause du 1er novembre 2002 à la date d'adjudication d'un nouveau contrat.

OU

B

La Couronne n'exercera pas l'option de renouvellement facultatif d'un an prévue dans le contrat en vigueur attribué à CTC et un nouvel appel d'offres sera lancé par l'intermédiaire du MERX pour la période du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2004.

Huron Consulting [recevra aussi] une indemnité en reconnaissance des frais qu'elle a engagés pour la plainte [et, de plus, en reconnaissance de sa perte de l'occasion de tirer un profit du marché en cause].

[Traduction]

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, à savoir, en l'espèce, l'Accord de libre-échange nord-américain 7 et l'Accord sur le commerce intérieur 8 .

L'article 1008 de l'ALÉNA prévoit notamment que « [c]hacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités : a) soient appliquées de façon non discriminatoire ».

Le paragraphe 1012(1) de l'ALÉNA prévoit notamment que « [u]ne entité devra : b) en fixant ces délais, tenir compte, d'une manière compatible avec ses besoins raisonnables, de facteurs tels que la complexité de l'achat projeté, l'importance des sous-traitances à prévoir et le temps normalement nécessaire pour l'acheminement des soumissions, par la poste, de l'étranger aussi bien que du pays même ».

Le paragraphe 506(5) de l'ACI prévoit que « [c]haque Partie accorde aux fournisseurs un délai suffisant pour présenter une soumission, compte tenu du temps nécessaire pour diffuser l'information et de la complexité du marché public. »

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit notamment, que « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. »

Huron a allégué que TPSGC avait appliqué une procédure d'évaluation injuste, qu'il avait accordé un traitement de faveur à certains soumissionnaires et qu'il avait incorrectement appliqué la formule de sélection de l'entrepreneur.

Le Tribunal doit déterminer si, dans l'évaluation des propositions, TPSGC a tenu une procédure d'évaluation juste et a correctement appliqué les critères d'évaluation et la formule de sélection énoncés dans la DOC.

Au sujet du moment de la diffusion de la modification no 003 de la DOC, le Tribunal est d'avis qu'il incombait à TPSGC de veiller à ce que la modification soit diffusée à un moment qui accordait un délai suffisant avant la clôture des soumissions pour permettre aux fournisseurs potentiels de recevoir la modification et de préparer et présenter leur soumission avant la date de clôture. Selon le Tribunal, un seul jour ouvrable n'est pas un délai suffisant pour que les fournisseurs potentiels reçoivent la modification, préparent leur soumission et fassent en sorte que la soumission parvienne au module de réception des soumissions avant la date et l'heure de clôture des soumissions. D'un autre côté, s'il estimait nécessaire de diffuser une modification du marché à un moment aussi proche de la date de clôture des soumissions, TPSGC aurait dû prolonger le délai de soumission en conséquence.

Le Tribunal fait observer que, sur 10 propositions reçues, 4 ont été déclarées conformes. Il fait également observer que Huron et CTC ont toutes deux déclaré dans leurs observations qu'elles n'avaient reçu la modification no 003 de la DOC qu'après la date de clôture des soumissions. TPSGC a reconnu avoir informé Huron, le 22 octobre 2002, qu'il allait supposer que, dans les cas où un seul taux avait été proposé, le taux devait s'appliquer aux deux années. Toutefois, le Tribunal prend note que, avec la diffusion de la modification no 003, TPSGC s'attendait clairement à ce que les soumissionnaires proposent deux taux. Il fait également observer que seule CTC a été contactée aux fins d'une confirmation de sa soumission dans laquelle elle avait proposé un seul taux.

Selon le Tribunal, la communication avec CTC pour obtenir une information complémentaire relative à la soumission de CTC après la clôture des soumissions contrevenait aux dispositions de la DOC. Avoir donné à CTC l'occasion, après la clôture des soumissions, de présenter d'autres renseignements au sujet de son taux quotidien pour l'option de renouvellement facultatif d'un an, sans donner la même occasion aux autres soumissionnaires conformes, a eu pour effet de favoriser CTC aux dépens des autres soumissionnaires. À cet égard, le Tribunal est d'avis que TPGSC a contrevenu aux dispositions des accords commerciaux et conclut donc que les motifs de la plainte sont fondés.

En ce qui a trait au motif de plainte de Huron concernant l'application de la formule de sélection de l'entrepreneur, le Tribunal fait observer que Huron a retiré la plainte qu'elle avait portée à ce motif; il estime donc ne plus être saisi de ce motif de plainte.

Le Tribunal fait observer que, dans ses observations en réponse au RIF, CTC a présenté des observations portant sur une éventuelle demande de remboursement des frais qu'elle a engagés, si TPSGC devait ne pas exercer l'option de renouvellement facultatif d'un an prévue dans l'offre à commandes. D'après CTC, les frais accrus en cause se rapporteraient à des tâches supplémentaires qu'elle a accepté d'exécuter au service de la Couronne et dont il n'avait pas été fait mention dans la DOC. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il ne s'agit pas là d'une question dont il est saisi, mais plutôt d'une question afférente à l'administration du contrat passé entre TPSGC et CTC.

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas tenu une procédure d'évaluation équitable, qu'il a accordé un traitement de faveur à un soumissionnaire et, ce faisant, qu'il a contrevenu aux dispositions des articles 1008 et 1012 de l'ALÉNA et des paragraphes 506(5) et 506(6) de l'ACI.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

À titre de mesure corrective, Huron a demandé que le Tribunal recommande le lancement d'un nouvel appel d'offres pour le besoin en cause; elle a aussi demandé à recevoir une indemnité en reconnaissance de sa perte de l'occasion de tirer un profit du contrat en cause et le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Le Tribunal fait observer que l'offre à commandes a déjà été délivrée à CTC, qu'elle expirera le 31 octobre 2003 et qu'elle prévoit la possibilité, au choix de TPSGC, de l'exercice d'une option de renouvellement facultatif d'un an. Le Tribunal recommande que TPSGC n'exerce pas l'option de renouvellement facultatif d'un an et lance un nouvel appel d'offres pour la période du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2004.

En ce qui a trait à l'indemnité, il est clair, selon le Tribunal, que Huron, étant donné les actions de TPSGC, a été privée de l'occasion de modifier son prix, une occasion qui, si elle avait pu en profiter, aurait pu faire de Huron la soumissionnaire retenue. Toutefois, le Tribunal fait observer qu'il n'a été donné qu'à un seul des quatre soumissionnaires, déclarés conformes du point de vue des critères à cotation numérique, la possibilité de réviser son prix conformément à la modification no 003 de la DOC. De ce fait, le Tribunal ne peut déterminer si l'offre à commandes aurait été délivrée à Huron, n'eût été la violation. Dans de telles circonstances, le Tribunal recommande le versement à Huron d'une indemnité pour perte d'occasion. Sur une telle base, le Tribunal est d'avis qu'une indemnité indiquée pour la perte d'occasion serait un montant égal au quart du profit qu'elle aurait tiré de l'offre à commandes si cette dernière lui avait été délivrée pour la période initiale du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2003 et si l'utilisation de l'offre à commandes avait correspondu au besoin estimé.

Enfin, le Tribunal accorde à Huron le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC n'exerce pas l'option de renouvellement facultatif d'un an prévue dans l'offre à commandes délivrée à CTC et lance un nouvel appel d'offres pour la période du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2004. De plus, le Tribunal recommande que Huron reçoive une indemnité d'un montant égal au quart du profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé, en fonction de 130 jours de formation, tel qu'il est indiqué dans l'offre à commandes, pour la période du 1er novembre 2002 au 31 octobre 2003.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Huron le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

3 . Même si le marché est désigné ici par le mot contrat, il s'agit en fait d'une offre à commandes.

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . La date exacte aurait dû se lire ainsi : 31 octobre 2003.

6 . La date exacte aurait dû se lire ainsi : 31 octobre 2004.

7 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].