GEORGIAN COLLEGE OF APPLIED ARTS AND TECHNOLOGY

Décisions


GEORGIAN COLLEGE OF APPLIED ARTS AND TECHNOLOGY
Dossier no PR-2001-067R


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 3 novembre 2003

Dossier no PR-2001-067R

EU ÉGARD À une plainte déposée par Georgian College of Applied Arts and Technology aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision, par voie d'un addenda, le 9 août 2002, de ne pas accorder le remboursement à la partie ayant gain de cause;

ET À LA SUITE D'une décision rendue par la Cour d'appel fédérale annulant la décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 9 août 2002 et renvoyant l'affaire au Tribunal canadien du commerce extérieur pour qu'il se prononce à nouveau sur la question des coûts sur le fondement de principes appropriés, à la lumière des motifs de l'arrêt.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette par la présente la demande de remboursement de frais présentée par le ministère du Développement des ressources humaines.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

Date de la décision et des motifs :

Le 3 novembre 2003

   

Membre du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Peter Rakowski

   

Conseillers pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

 

Reagan Walker

 

Roger Nassrallah

   

Partie plaignante :

Georgian College of Applied Arts and Technologies

   

Institution fédérale :

Ministère du Développement des ressources humaines

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

Susanne Pereira

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 29 mai 2002, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a rendu une décision relative à une plainte déposée par Georgian College of Applied Arts and Technology (Georgian College) aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur une expression d'intérêt (EDI) faite par le Centre de ressources humaines du Canada de Barrie (le Centre) le 30 novembre 2001, concernant la gestion et la prestation d'un ou de plusieurs services pour aider les personnes sans emploi à obtenir du travail ou à devenir des travailleurs autonomes. Le Centre, situé à Barrie (Ontario), est une composante du ministère du Développement des ressources humaines (DRHC).

Le Centre a fait publier l'EDI dans les journaux locaux, invitant les fournisseurs de services potentiels à présenter des soumissions. Les extraits pertinents de l'EDI se lisent ainsi :

Le Centre des ressources humaines du Canada de Barrie (CRHC) sollicite une expression d'intérêt pour la gestion et la prestation d'un ou de plusieurs des services ci-dessous pour aider les personnes sans emploi à obtenir un emploi ou à devenir des travailleurs autonomes.

2. Séances d'information sur l'emploi et sur la formation, détermination des besoins/gestion de dossier, counselling en emploi : à partir de septembre 2002

(Zone desservie par le CRHC de Barrie, à l'exception de South Simcoe)

Le coordonnateur doit fournir des services dans le cadre du programme de services d'aide à l'emploi aux citoyens et aux résidents permanents canadiens sans emploi, qui sont prêts à accéder au marché du travail et qui ont besoin d'aide pour se préparer à travailler et pour trouver et conserver un emploi.

Les soumissions seront examinées et évaluées en fonction d'un guide de cotation, des budgets actuels et des priorités opérationnelles du CRHC. Les soumissions ne se rendront pas toutes à l'étape de la proposition ou du marché.

[Traduction]

Georgian College a soutenu sans succès que l'annonce ci-dessus constituait un appel d'offres qui relevait de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 et de l'Accord sur le commerce intérieur 3 . La position de DRHC était que « la procédure n'était pas une passation de marché public pour des biens et services, mais plutôt un moyen d'informer la communauté dans son ensemble que le ministère était à la recherche d'un répondant approprié pour une activité communautaire financée dans le cadre d'un paiement de transfert à partir d'un crédit parlementaire »4 [traduction].

L'annonce n'indiquait nulle part que l'EDI n'était pas un marché public et elle ne faisait aucune mention selon laquelle le résultat final de la procédure d'EDI serait un accord de contribution financé dans le cadre d'un paiement de transfert, par opposition à un contrat de services. Il n'y avait aucune référence au fait que l'EDI était régie par la politique du Conseil du Trésor relative aux paiements de transfert et non par les accords commerciaux et par le Règlement sur les contrats du gouvernement. Au contraire, l'annonce comprenait certains éléments propres à une demande de soumission, par exemple, la locution « les soumissions ne se rendront pas toutes à l'étape de la proposition ou du marché » (soulignement ajouté). Selon l'expérience du Tribunal, « proposition » et « marché » sont des termes qui sont habituellement associés à la passation de marchés publics de biens et de services.

Lors de l'examen de la plainte, le Tribunal était encore incertain quant à savoir comment caractériser l'EDI après avoir reçu le rapport de l'institution fédérale (RIF) et il a dû avoir recours à la démarche inhabituelle de poser une série de questions supplémentaires au DRHC, y compris la suivante : « Quand la Commission conclut un accord avec une tierce partie pour la prestation de services visant à aider les personnes sans emploi dans la communauté à trouver et à conserver un emploi, la Commission acquiert-elle ces services afin de mettre en _uvre les programmes et de remplir une partie de son mandat? » [traduction]. Ce n'est qu'après avoir reçu les réponses à ces questions, y compris les extraits pertinents des budgets des dépenses parlementaires, que le Tribunal était convaincu que l'EDI visait un accord d'aide financière et non pas un marché public.

Dans sa correspondance avec Georgian College, DRHC a soutenu que la « procédure [d'aide financière] est bien connue dans la communauté des fournisseurs de services »5 [traduction]. Aucun élément de preuve n'a été présenté pour appuyer cette affirmation et, de toute façon, le simple fait que Georgian College ait eu une objection à la procédure et ait déposé une plainte, preuve manifeste d'absence de mauvaise foi, annule la position de DRHC.

En fin de compte, le Tribunal a décidé que, étant donné que l'aide financière du gouvernement sous forme de contributions, telle qu'elle est prévue expressément dans la Loi sur l'assurance-emploi 6 , avait été exclue de la définition de marché public dans l'ALÉNA et l'ACI, il n'avait pas compétence pour poursuivre son enquête en l'espèce. Par conséquent, la plainte a été rejetée.

Le 17 juillet 2002, le Tribunal a reçu une lettre de DRHC indiquant que le Tribunal n'avait pas examiné la question du remboursement de frais qui avait été demandé par DRHC dans le cadre de l'enquête. Dans cette lettre, DRHC a demandé au Tribunal de prendre une décision en sa faveur quant au remboursement de frais.

Le 9 août 2002, le Tribunal a rejeté la demande de frais de DRHC par la voie d'un addenda. Le procureur général du Canada, au nom de DRHC, a demandé à la Cour d'appel fédérale (la Cour) une révision judiciaire de l'addenda du Tribunal du 9 août 2002, alléguant que la pratique du Tribunal de n'autoriser le remboursement de frais contre la partie plaignante que dans des circonstances exceptionnelles constituait une entrave à son pouvoir discrétionnaire qui privait le Tribunal de sa compétence. Le Tribunal a déposé une demande pour intervenir dans la procédure judiciaire ci-dessus afin de défendre sa compétence aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, mais sa demande a été rejetée.

Le 2 mai 2003, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a renvoyé l'affaire au Tribunal pour qu'il exerce à nouveau son pouvoir discrétionnaire sur le fondement de principes appropriés7 .

ANALYSE

Dans sa décision, la Cour a conclu qu'en l'espèce, le Tribunal avait entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en suivant une pratique préétablie de refuser le remboursement de frais à l'État en matière de marché public malgré le fait qu'il ait gain de cause8 . Le pouvoir discrétionnaire du Tribunal découle de l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, qui stipule ce qui suit :

30.16(1) Les frais relatifs à l'enquête - même provisionnels - sont, sous réserve des règlements, laissés à l'appréciation du Tribunal et peuvent être fixés ou taxés.

(2) Le Tribunal peut, sous réserve des règlements, désigner les créanciers et les débiteurs des frais, ainsi que les responsables de leur taxation ou autorisation.

Cette disposition a été ajoutée par la Loi de mise en _uvre de l'Accord de libre-échange nord-américain 9 , qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1994. Avant cette date, le prédécesseur du Tribunal, la Commission de révision des marchés publics, n'avait pas le pouvoir d'accorder le remboursement des frais contre une partie plaignante, même quand le comportement de la partie plaignante équivalait à un abus de la procédure de plainte10 .

La disposition citée ci-dessus, qui corrigeait le défaut mentionné en dernier, doit être interprétée dans son propre contexte, c'est-à-dire l'établissement d'un système de contestation des offres qui favoriserait des « procédures équitables, ouvertes et impartiales » conformément aux obligations du Canada découlant de l'ALÉNA 11 . Selon le Tribunal, la disposition ci-dessus avait pour but d'assurer que l'organisme canadien chargé d'examiner les contestations des offres agirait en tant que « cour » facilement accessible afin d'assurer, par l'intermédiaire des accords commerciaux, l'intégrité de la procédure de passation des marchés publics.

La transparence et l'efficacité de la procédure de passation des marchés publics sont servies lorsqu'il existe un système de contestation des offres qui permet aux fournisseurs de contester les décisions en matière de marchés publics qui ont été prises sub rosa ou d'une façon autrement injuste. Un tel système met à la disposition des acheteurs du gouvernement un vaste réservoir de soumissionnaires concurrentiels, assurant ainsi que le gouvernement reçoit la meilleure valeur pour son argent. Le fait de décourager les soumissionnaires potentiels de participer pleinement à la procédure de passation des marchés publics en imposant des frais qui ont pour effet de les dissuader de contester la procédure irait à l'encontre de l'intention susmentionnée du chapitre de l'ALÉNA sur les marchés publics.

À la différence du système judiciaire, où les frais servent de moyens de dissuasion pour éviter des procès pour des motifs faibles ou non crédibles, il n'est pas nécessaire que les frais servent ainsi de moyens de dissuasion dans le cadre de l'examen de marchés publics. Aux termes de l'article 30.13 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal peut, à la réception d'une plainte, décider d'enquêter sur cette plainte. De plus, il ne peut pas accepter d'enquêter sur toute plainte qui ne donne pas une indication raisonnable d'une infraction aux accords commerciaux. Par le passé, le Tribunal n'a pas accepté d'enquêter sur la moitié de toutes les plaintes. Le fait d'ajouter un moyen de dissuasion supplémentaire sous la forme de frais, alors que ces cas ont déjà passé cette procédure de validation, risquerait de créer un obstacle à l'examen des marchés publics.

Les autres accords commerciaux ont des intentions semblables à celles du chapitre de l'ALÉNA sur les marchés publics. Le préambule de l'Accord sur les marchés publics 12 reconnaît « qu'il est souhaitable d'assurer la transparence des lois, règlements, procédures et pratiques en matière de marchés publics ». L'article 501 de l'ACI indique que « le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d'achat et à favoriser l'établissement d'une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d'efficience ».

En interprétant l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit tenir compte des obligations internationales ci-dessus. En interprétant ses propres dispositions législatives, le Tribunal suit l'approche contextuelle moderne de l'interprétation des lois, selon laquelle le libellé d'un texte de loi doit être interprété dans l'ensemble de son contexte et dans son sens grammatical et ordinaire en harmonie avec les dispositions de la loi, l'objet de la loi et l'intention du Parlement13 .

Comme il est indiqué dans Sullivan and Dreidger on the Construction of Statutes :

La législature est présumée respecter les valeurs et principes enchâssés dans le droit international, tant coutumier que conventionnel. Ceux-ci constituent une partie du contexte juridique dans lequel la législation est promulguée et s'applique. Par conséquent, dans la mesure du possible, on préfère une interprétation qui reflète ces valeurs et principes.14

[Traduction]

On trouve un appui à l'opinion ci-dessus dans un grand nombre de décisions de la Cour suprême. Dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 15 , la Cour suprême a décidé que, en appliquant l'approche contextuelle à l'interprétation des lois, le droit international en matière de droits de la personne joue un rôle important pour aider à interpréter le droit interne. Dans National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations) 16 , elle a décidé qu'il n'était manifestement pas déraisonnable de la part du Tribunal canadien des importations de tenir compte des termes des obligations du GATT pour interpréter des articles de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 17 , étant donné que la loi canadienne a été conçue pour mettre en _uvre les obligations du Canada découlant du GATT.

De l'avis du Tribunal, l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE est semblable à la LMSI à cet égard, du fait que le Tribunal doit tenir compte des termes des obligations du Canada découlant de l'AMP, de l'ACI et de l'ALÉNA pour interpréter les dispositions sur les marchés publics de la Loi sur le TCCE. Comme il a été indiqué, cet article faisait partie de la loi de mise en _uvre de l'ALÉNA et doit être interprété en tenant compte de ce contexte.

Une telle approche indiquerait que le pouvoir discrétionnaire du Tribunal d'accorder le remboursement des frais contre les parties plaignantes doit être utilisé avec modération durant un conflit. Comme indiqué précédemment, l'intention expresse des accords commerciaux est, entre autres choses, de faciliter la transparence et l'efficience de la procédure de passation des marchés publics, rendant la contestation indépendante des offres disponible et accessible. Cette approche correspond à la pratique des autres parties de l'ALÉNA.

Dans la législation des États-Unis, seule la partie plaignante peut se faire rembourser ses frais lors d'une enquête sur les marchés publics auprès de l'organisme fédéral chargé d'examiner les contestations des offres, c.-à-d. le General Accounting Office (GAO). Les dispositions législatives pertinentes des États-Unis se lisent ainsi :

21.8 Recours.

. . .

(d) Si le GAO décide qu'une invitation, une adjudication proposée ou une adjudication n'est pas conforme à la loi ou au règlement, il peut recommander que l'organisme contractant rembourse au contestataire les frais :

(1) de dépôt et de traitement de la plainte, y compris les honoraires d'avocat et les frais de consultants et de témoins experts;

(2) de préparation de la soumission et de la proposition.

(e) Si l'organisme contractant décide de prendre des mesures correctives en réponse à la contestation, le GAO peut recommander que cet organisme verse au contestataire les frais raisonnables de dépôt et de traitement de la plainte, y compris les honoraires d'avocat et les frais des consultants et des témoins experts.

[Traduction]

De même, au Mexique, selon le Secretaría de la Función Pública (auparavant le Secretaría de Contraloría y Desarrollo Administrativo), l'organisme national chargé d'examiner les contestations des offres, conformément au droit civil mexicain de ne pas imposer de frais contre l'une ou l'autre des parties dans une enquête sur les marchés publics, cette pratique est suivie18 .

Le fait que tous les trois organismes chargés d'examiner les contestations des offres de l'ALÉNA ont suivi une pratique semblable, dans le sens de ne pas imposer de frais aux parties plaignantes, n'est pas accidentel. Les trois états membres ont une obligation de rendre le mécanisme de contestation des offres accessible aux fournisseurs sur les territoires respectifs, entre eux.

Le Tribunal n'interprète pas la décision de la Cour comme lui interdisant de tenir compte de ces grandes considérations de politiques commerciales lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire lors d'une enquête individuelle sur les marchés publics, à condition que son pouvoir discrétionnaire soit exercé activement chaque fois, et non pas simplement écarté par un résultat préétabli du fait d'une politique ou d'une pratique quelconque.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal est fermement d'avis que, à la lumière des circonstances dans la présente affaire, il ne doit pas accorder le remboursement de frais demandé par DRHC en l'espèce.

D'après les faits contenus dans la section Contexte des présents motifs, le Tribunal conclut que Georgian College a été incité, au moins partiellement, à répondre à l'EDI en se fondant sur le fait, comme le laisse entendre la dernière phrase de l'EDI, qu'il s'agissait d'un marché public pour lequel les règles de transparence et d'équité contenues dans les accords commerciaux s'appliqueraient. Georgian College a consacré du temps et des ressources à préparer sa réponse et à soulever ses préoccupations concernant l'équité et la transparence de la présumée procédure de « passation des marchés publics » de DRHC19 . Selon ses propres termes, DRHC n'était pas tout à fait certain d'avoir suivi la bonne procédure pour l'EDI et il ressentait la nécessité « de demander plus de précisions » avant de répondre à ces préoccupations20 . De l'avis du Tribunal, étant donné le manque de clarté associé à l'EDI, il était raisonnable que Georgian College tire la conclusion ci-dessus. De plus, le Tribunal n'aurait pas accepté de recevoir la plainte si l'EDI n'avait pas, au vu même de son libellé, indiqué qu'il s'agissait d'un marché public et que le Tribunal était donc compétent.

Dans son examen de la décision du Tribunal, la Cour a décidé qu'« [e]n temps normal, en l'absence d'indications contraires, les frais sont ordinairement accordés à la partie qui a gain de cause »21 (soulignement ajouté). De l'avis du Tribunal, il y avait des indications contraires à accorder à DRHC le remboursement de ses frais en l'espèce. Une telle mesure reviendrait à tolérer le manque d'attention dont DRHC a fait preuve lors de la publication de l'EDI.

Si ce n'était de la locution « [l]es soumissions ne se rendront pas toutes à l'étape de la proposition ou du marché » et de l'absence de toute indication qu'il s'agissait seulement d'un mécanisme de financement, Georgian College n'aurait pas pensé que l'EDI portait sur un marché public et aurait pu adopter une autre approche à l'EDI, comme décider de ne pas y répondre. De plus, si ce n'était du libellé de l'EDI, le Tribunal n'aurait pas accepté d'enquêter sur la plainte. Par conséquent, bien qu'en fin de compte le Tribunal ait décidé que la position de DRHC était justifiée, il n'en demeure pas moins qu'une faiblesse dans la conduite de DRHC a été un facteur important de la plainte. La cause principale de la plainte est une interprétation erronée qui a été causée entièrement par le manque d'attention de DRHC lors de la rédaction du libellé trompeur de l'EDI.

Dans les circonstances, le Tribunal est d'avis qu'une décision de ne pas accorder le remboursement de frais à DRHC est conforme à la directive de la Cour selon laquelle une telle décision doit être fondée sur des « faits reliés au litige à l'égard duquel la décision est prise ou qui y ont conduit »22 . De plus, le Tribunal conclut qu'il serait contraire à l'intention des accords commerciaux cités ci-dessus d'accorder à DRHC le remboursement de ses frais.

De plus, les cours ont reconnu que les communications gouvernementales trompeuses sont une raison légitime pour refuser d'accorder le remboursement des frais, ou pour l'accorder, contre le gouvernement lorsque le gouvernement obtient gain de cause. Dans Brennan c. Canada (Gendarmerie royale du Canada) 23 , la Cour a indiqué : « les dépens suivraient normalement l'issue de la cause... je suis convaincu qu'un résultat différent s'impose dans la présente affaire au chapitre des dépens. Je ne peux m'empêcher de conclure que le demandeur a agi d'une manière tout à fait raisonnable en saisissant la Cour de la présente affaire et a été incité à le faire à cause du défaut de la GRC de clarifier ses politiques et ses Bulletins d'administration, tels qu'ils s'appliquaient à la demande de promotion au grade de s.-m.é.-m. du demandeur. »24

Dans Isnana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord)25 , la Cour est allée encore plus loin : « Le demandeur demande à la Cour de lui adjuger les dépens de la présente demande. Selon moi, même si la présente demande n'a pas été accueillie, le fait que la lettre du 17 mars a été rédigée de façon telle qu'elle a fait croire aux membres de la nation de Standing Buffalo Dakota que le ministre avait compétence ou avait exercé sa compétence relativement à l'élection du chef constitue le c_ur du débat en l'espèce. Cette conception erronée peut fort bien avoir occasionné des difficultés dans la gestion de la nation de Standing Buffalo Dakota, difficultés qui auraient pu être évitées. Pour ce motif, j'estime qu'il est approprié d'ordonner que le ministre assume les dépens de la présente demande. »26

Le Tribunal estime que la présente plainte correspond parfaitement à l'esprit des causes ci-dessus et, pour ce motif également, il rejette donc la demande de remboursement de frais présentée par DRHC.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

3 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [AIT].

4 . RIF, onglet 2, pièce jointe no 8.

5 . Ibid.

6 . S.C. 1996, c. 23.

7 . Procureur général du Canada c. Georgian College of Applied Arts, 2003 FCA 199.

8 . Ibid. au para. 38.

9 . S.C. 1993, c. 44.

10 . La Loi de mise en _uvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, S.C. 1988, c. 65, paragraphe 19(1), se lit en partie ainsi :

« La Commission, si elle décide que l'adjudication d'un contrat par une institution fédérale n'a pas été effectuée conformément aux exigences prévues à [l'article 1305 de l'Accord de libre-échange portant sur les obligations procédurales étendues de l'organe gouvernemental responsable des marchés publics], peut :

b) d'autre part, accorder au plaignant les frais entraînés par le dépôt et l'examen de la plainte, y compris les horaires et frais de l'avocat, ainsi que par la préparation de la soumission. »[Soulignement ajouté]

11 . Supra note 9, article 1017, Contestation des offres.

12 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce < http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

13 . Western Construction Company Limited c. MRN (20 novembre 2000), AP-99-093 (TCCE) à la p. 6.

14 . Ruth Sullivan, 4e éd., Toronto, Butterworths, 2002 à la p. 422.

15 . [1999] 2 R.C.S. 817.

16 . [1990] 2 R.C.S. 1324.

17 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

18 . Courrier électronique du 25 septembre 2003, de J.J. Larrazolo Carrasco, Jefe de Departamento, Dirección General de Inconformidades, Secretaría de la Función Pública.

19 . RIF, onglet 2, pièce jointe no 3.

20 . RIF, onglet 2, pièce jointe no 4.

21 . Supra note 7 au para. 28.

22 . Supra note 7 au para. 27.

23 . [1998] A.C.F. no 1629 (C.F. 1re inst.) (QL).

24 . Ibid. au para. 24.

25 . [1999] A.C.F. no 513 (C.F. 1re inst.) (QL).

26 . Ibid. au para. 15.