IBM CANADA LIMITÉE, PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP ET LE CENTRE FOR TRADE POLICY AND LAW À L'UNIVERSITÉ CARLETON

Décisions


IBM CANADA LIMITÉE, PRICEWATERHOUSECOOPERS LLP ET LE CENTRE FOR TRADE POLICY AND LAW À L'UNIVERSITÉ CARLETON
Dossier no PR-2002-040


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 10 avril 2003

Dossier no PR-2002-040

EU ÉGARD À une plainte déposée par IBM Canada Limitée, PricewaterhouseCoopers LLP et le Centre for Trade Policy and Law à l'Université Carleton, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

L'énoncé des motifs sera publié à une date ultérieure.

Date de la décision :

Le 10 avril 2003

Date des motifs :

Le 4 juin 2003

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Agent principal d'enquête :

Daniel Chamaillard

   

Conseiller pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Parties plaignantes :

IBM Canada Limitée

 

PricewaterhouseCoopers LLP

 

Centre for Trade Policy and Law à l'Université Carleton

   

Conseillers pour les parties plaignantes :

Ronald D. Lunau

 

Phuong Ngo

   

Institution fédérale :

Agence canadienne de développement international

Ottawa, le mercredi 4 juin 2003

Dossier no PR-2002-040

EU ÉGARD À une plainte déposée par IBM Canada Limitée, PricewaterhouseCoopers LLP et le Centre for Trade Policy and Law à l'Université Carleton, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

IBM Canada Limitée (IBM Canada), PwC Consulting (PwC), l'unité des services consultatifs de PricewaterhouseCoopers LLP (PricewaterhouseCoopers), et le Centre for Trade Policy and Law (CTPL) à l'Université Carleton, collectivement les parties plaignantes, ont allégué que l'Agence canadienne de développement international (ACDI) a commis une erreur en déclarant non conforme la proposition conjointe soumise par un consortium constitué de PwC et du CTPL. Selon les parties plaignantes, la proposition n'a jamais été non conforme, l'ACDI n'a pas tenu compte de tous les facteurs pertinents ayant trait au lien existant entre PwC et IBM Canada et l'ACDI aurait dû considérer PwC et IBM Canada comme une seule entreprise commerciale aux fins de la présentation de la proposition.

Les parties plaignantes ont soutenu que l'aliénation d'entreprise à venir mettant en cause PwC n'aurait pas dû avoir pour effet le rejet de la proposition. Cette aliénation a été pleinement et fidèlement divulguée à l'ACDI dans la proposition.

Les parties plaignantes ont en outre soutenu que les anciennes fonctions des services consultatifs PwC étaient maintenant exercées dans le cadre d'une unité d'entreprise distincte au sein d'IBM Canada, sans qu'il y ait eu de changements importants du point de vue des professionnels en exercice ou des capacités de l'unité par rapport aux services en existence avant le changement de propriétaire; elles ont aussi soutenu qu'IBM Canada est devenue un « soumissionnaire ou soumissionnaire potentiel » aux termes de la proposition une fois l'acquisition de PwC menée à terme.

Enfin, les parties plaignantes ont soutenu que l'ACDI, ayant incorrectement rejeté la soumission présentée par le consortium en ne traitant pas PwC et IBM Canada comme une seule entreprise commerciale aux fins de l'invitation à soumissionner, a contrevenu aux accords commerciaux, et plus précisément aux alinéas 1015(4)c), 1015(4)d) et 1008(1)a) de l'Accord de libre-échange nord-américain 1 , à l'article 501, à l'alinéa 504(3)g) et au paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 2 ainsi qu'au paragraphe VII(1) et aux alinéas XIII(4)b) et XIII(4)c) de l'Accord sur les marchés publics 3 .

Les parties plaignantes ont demandé que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) recommande que la décision de l'ACDI qui avait eu pour effet de déclarer non conforme la proposition du consortium soit annulée et que ladite proposition fasse l'objet d'une évaluation fondée sur les critères énoncés dans la Demande de proposition (DP). Si, à la suite de l'évaluation, il est déterminé que la proposition est la soumission gagnante, alors l'ACDI devrait poursuivre les négociations conformément aux modalités de la DP. Les parties plaignantes ont de plus demandé que le Tribunal leur accorde le remboursement des frais qu'elles avaient engagés pour la préparation et le traitement de la plainte et rende une ordonnance de report de l'adjudication du contrat.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 5 juillet 2002, l'ACDI a diffusé une DP, invitation no SEL-02-A-031004-01, par l'intermédiaire du MERX afin de retenir des services de soutien professionnel et des services de soutien à la gestion. La date de fermeture de l'appel d'offres était fixée au 12 septembre 2002.

Le marché vise la prestation de services de gestion dans le cadre du Programme d'intégration économique (PIE) du Forum de coopération économique Asie-Pacifique. Le but est de contribuer à l'intégration plus efficace de six pays4 (les pays bénéficiaires) de l'Asie du Sud-Est au système commercial international. Le PIE fait partie de l'Aide publique au développement du Canada, qui est assujetti aux traités passés avec quatre des pays bénéficiaires et qui, selon les prévisions de l'ACDI, sera aussi assujetti à des protocoles d'entente avec les pays bénéficiaires.

Le 12 septembre 2002, l'ACDI a reçu une proposition technique d'un consortium constitué de PwC et du CTPL, y compris la notification suivante, à l'ACDI, de l'acquisition à venir mettant en cause l'unité d'entreprise PwC :

Veuillez prendre note que, une fois la transaction complétée, notre intention est que toute négociation subséquente avec vous soit menée par IBM ou une entité du groupe IBM, et que tout contrat dont il pourrait être convenu avec vous soit passé par ladite entité.

[Traduction]

Selon la plainte, IBM Canada a acquis l'unité d'entreprise PwC de PricewaterhouseCoopers dans le cadre d'une convention d'achat locale datée du 21 septembre 2002. La transaction a été menée à terme le 1er octobre 2002.

Le 9 octobre 2002, PricewaterhouseCoopers a écrit à l'ACDI pour l'informer que certaines des ressources humaines évaluées et incluses dans la proposition n'avaient pas été transférées à IBM et que PricewaterhouseCoopers avaient retenu les services des autres, auprès d'IBM, sur une base de sous-traitance aux fins du présent contrat5 .

Le 25 octobre 2002, PricewaterhouseCoopers a de nouveau écrit à l'ACDI, confirmant qu'elle était autorisée à négocier et à passer un contrat avec l'ACDI, si PricewaterhouseCoopers était choisie pour participer à des négociations avec l'ACDI6 .

Le 12 novembre 2002, l'ACDI a informé PricewaterhouseCoopers que la proposition conjointe soumise par PwC et le CTPL avait été déclarée non conforme aux critères obligatoires et était donc rejetée. La raison donnée par l'ACDI est la suivante :

La disposition, dans la proposition, selon laquelle tout contrat qui pourrait être convenu avec l'ACDI sera passé par IBM ou une entité du groupe IBM est inacceptable. Une disposition obligatoire de la Demande de proposition est que, si un contrat est adjugé, chaque membre d'un consortium doit être signataire du contrat et être conjointement et solidairement responsable de l'exécution du contrat. Ni IBM ni toute autre entité du groupe IBM n'est membre de l'entité proposante.

La pièce de correspondance datée du 25 octobre 2002, reçue de PricewaterhouseCoopers LLP après la date de clôture pour la remise des propositions, constitue une modification de votre proposition. L'ACDI ne peut accepter de modification aux propositions après la date de clôture.

[Traduction]

Une plainte a été déposée auprès du Tribunal le 26 novembre 2002, et une ordonnance de report d'adjudication du contrat a été rendue le 10 décembre 2002.

Le 13 janvier 2003, l'ACDI a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal.

Le 3 février 2003, les parties plaignantes ont déposé leurs observations sur le RIF auprès du Tribunal.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

QUESTION DE COMPÉTENCE

Position de l'ACDI sur la compétence

L'ACDI a prétendu que le Tribunal n'a pas compétence pour connaître de la plainte étant donné que l'expression « marché public », telle que la définissent les accords commerciaux pertinents, ne vise pas les contrat relatifs à l'aide gouvernementale et que le marché public en cause n'était donc pas un « contrat spécifique » au sens du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 7 ou des articles 3 et 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 8 . L'ACDI a soutenu que le contrat proposé en était un d'aide publique au développement, à savoir, une aide gouvernementale aux pays en développement, financée par des fonds réservés à l'aide publique au développement et non à partir du budget de fonctionnement de l'ACDI. Étant donné que le contrat proposé se rapporte à de l'aide gouvernementale, le paragraphe 2 des Notes générales pour le Canada jointes en appendice à l'AMP, l'alinéa 1001(5)a) de l'ALÉNA et la définition de l'expression « marché public » à l'article 518 de l'ACI ne s'appliquent pas. L'ACDI a aussi prétendu que le marché public était exclu de l'AMP, en raison du paragraphe 7 des Notes générales pour le Canada qui stipule ce qui suit : « L'accord ne s'applique pas aux marchés passés en vertu d'un accord international et portant sur la réalisation ou l'exploitation en commun d'un ouvrage9 . »

De plus, l'ACDI a soutenu que l'alinéa 1001(1)a) de l'ALÉNA stipule que l'ALÉNA ne s'applique qu'aux mesures adoptées ou maintenues relativement aux marchés passés par une entité publique fédérale figurant à l'annexe 1001.1a-1 et que, dans cette annexe, l'ACDI est incluse ainsi : « Agence canadienne de développement international (pour son propre compte) ». L'ACDI a prétendu que l'insertion des mots « pour son propre compte » visait à exprimer avec plus de certitude et de façon claire que seuls les marchés publics concernant des biens et services pour le propre usage de l'ACDI ou à son profit direct seraient visés. L'ACDI a en outre prétendu que l'AMP contient une disposition similaire prévoyant le même traitement.

L'ACDI a déclaré que l'objet des services mentionnés dans la DP était d'aider les gouvernements des pays bénéficiaires à s'améliorer afin de se conformer aux règles d'adhésion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de satisfaire aux obligations découlant de leur appartenance à l'OMC et d'accroître leur capacité de tirer profit des droits que leur confère l'adhésion à l'OMC.

Enfin, l'ACDI a soutenu que le renvoi aux règles du Tribunal dans l'« ACDI 102 - Conditions générales de l'ACDI pour les DP » (ACDI 102) était simplement prévu au titre de disposition d'application générale qui ne pouvait avoir pour effet d'imposer l'application de la Loi sur le TCCE dans les cas où il n'y avait pas de marché public conformément aux accords commerciaux.

Position des parties plaignantes sur la compétence

Les parties plaignantes ont soutenu que l'argument de l'ACDI selon lequel le Tribunal n'a pas compétence pour connaître de la plainte était dénué de fondement. Elles ont soutenu que l'ACDI avait déjà reconnu, dans la DP, que le marché public était soumis aux Règles, comme il est prévu dans l'ACDI 102, qui est intégré par renvoi à la section 1.1 de la DP. Ayant posé l'examen par le Tribunal au titre de condition de la DP, l'ACDI ne peut maintenant prétendre que le marché public n'entre pas dans le champ de compétence du Tribunal.

Les parties plaignantes ont soutenu que l'argument de l'ACDI, selon lequel « l'acquisition de biens et services pour les pays en développement et les pays en transition, qui est de l'aide gouvernementale, n'est pas comprise » [traduction], est fondé sur une description erronée de la nature de ce qui est acquis en vertu de la DP et une application erronée de l'exclusion d'« aide gouvernementale ». Ce qui est visé dans le marché public c'est l'embauchage par l'ACDI d'un expert-conseil établi au Canada en vue de la prestation de services à l'ACDI, selon les directives de l'ACDI. Les parties plaignantes ont aussi soutenu que, même si les accords commerciaux ne définissent pas l'expression « aide gouvernementale », ils indiquent effectivement ce que l'aide gouvernementale comprend en donnant divers exemples, comme les subventions, les prêts, les apports de capitaux, les garanties et les stimulants fiscaux, tous ces exemples se rapportant à la prestation directe d'une aide financière. La sélection et l'embauchage d'un expert-conseil pour fournir des services à l'ACDI ne constitue pas une « aide gouvernementale » au sens prévu par les divers accords commerciaux.

Les parties plaignantes ont aussi invoqué la décision que le Tribunal a rendue dans le dossier no PR-97-04010 . Dans cette affaire, la DP décrivait le but des services en des termes similaires aux termes du présent marché public : « La présente demande de proposition vise à sélectionner un expert-conseil pour participer à des négociations avec l'ACDI afin de conclure un accord contractuel pour fournir des services à titre d'organisme d'exécution canadien. » Dans Société de coopération, le fait invoqué à l'origine de la plainte était que l'ACDI avait incorrectement rejeté la soumission des parties plaignantes. Il ne semble pas que l'ACDI ait laissé entendre dans cette cause que le Tribunal n'avait pas compétence pour enquêter sur le marché public, et le Tribunal avait effectivement entrepris l'examen de la plainte pour en déterminer le bien-fondé.

Décision du Tribunal sur la compétence

Le Tribunal a compétence pour enquêter sur les plaintes concernant toute transaction qui est notamment un « marché public » au sens d'un accord commercial applicable, sous réserve de toute exception prévue à l'accord commercial. L'ACDI prétend que la DP a pour but de fournir une « aide gouvernementale » à des pays en développement, qu'un tel marché public est visé dans une exception prévue aux accords commerciaux et que le Tribunal n'a donc pas compétence pour déterminer le bien-fondé de la plainte.

Les trois accords commerciaux prévoient tous des exceptions dans le cas d'aide gouvernementale.

Le paragraphe 1001(5) de l'ALÉNA prévoit en partie que « [l]es marchés englobent les acquisitions effectuées par les méthodes comme l'achat, le bail ou la location, avec ou sans option d'achat », mais ne comprennent pas « les ententes non contractuelles ou toute forme d'aide gouvernementale, notamment les accords de coopération, les subventions, les prêts, les participations au capital, les garanties, les incitations fiscales, et la fourniture publique de biens et de services à des personnes, à des gouvernements d'États ou de provinces ou à des gouvernements régionaux ».

Le paragraphe 2 des Notes générales pour le Canada dans l'AMP stipule en partie que, « [p]our le Canada, les marchés entrant dans le champ d'application s'entendent de transactions contractuelles visant l'acquisition de biens ou de services devant bénéficier directement au gouvernement ou être utilisés directement par celui-ci », mais que n'est pas compris « toute forme d'aide publique, y compris, mais pas uniquement, les accords de coopération, les subventions, les prêts, les apports en capital, les garanties, les incitations fiscales et la fourniture par le gouvernement fédéral de produits et de services à des particuliers, des entreprises, des institutions privées et des gouvernements sous-centraux. »

L'article 518 de l'ACI définit l'expression « marché public » comme « [l'a]cquisition par tous moyens  notamment par voie d'achat, de location, de bail ou de vente conditionnelle  de produits, de services ou de travaux de construction », mais ajoute que ne sont toutefois pas visées « les diverses formes d'aide gouvernementale, par exemple les subventions, les prêts, les apports de capitaux, les garanties ou les stimulants fiscaux ».

Les éléments de preuve indiquent que le but direct de la présente invitation à soumissionner est d'obtenir des services d'un expert-conseil pour l'ACDI. Dans le cadre de la présente invitation, l'ACDI sélectionnera un expert-conseil avec qui négocier un contrat portant sur les ressources en personnel nécessaires pour organiser l'aide technique aux pays bénéficiaires. L'ACDI aurait pu choisir de recourir à ses propres employés pour fourrnir de tels services plutôt que de passer un contrat avec un expert-conseil en vue de leur prestation.

Toutefois, les éléments de preuve indiquent aussi que le but indirect de la présente invitation à soumissionner est de fournir une aide gouvernementale aux pays bénéficiaires. L'expert-conseil sera chargé de la planification générale du projet, de la gestion et de l'administration financière, de l'acquisition, de la passation de contrat et de la fourniture de personnel pour la prestation de l'aide gouvernementale11 . Le Tribunal prend note du fait que l'avantage tiré par les pays bénéficiaires ne se réalisera pas avant que le personnel embauché par l'expert-conseil commence à livrer l'aide gouvernementale, sous forme d'aide technique liée au commerce, de formation dirigée et de soutien à la création et au maintien de réseaux thématiques12 . De plus, étant donné que le contrat consécutif à la présente invitation sera passé entre l'ACDI et l'expert-conseil, il n'établira aucune obligation pour l'ACDI à l'endroit des pays bénéficiaires en ce qui a trait à la prestation de l'aide gouvernementale. Une telle obligation devrait être établie par un instrument distinct, comme un traité ou un protocole d'entente avec le gouvernement en question.

Le Tribunal doit examiner la question de savoir si les exemptions liées à l'aide gouvernementale dont il est fait mention dans les dispositions susmentionnées des accords commerciaux doivent être appliquées étroitement de manière à n'englober que les marchés publics dont le but direct du marché est l'aide gouvernementale ou si, plutôt, les exemptions doivent être appliquées plus libéralement de manière à englober aussi les cas où l'aide gouvernementale est le but indirect.

Dans l'interprétation des accords commerciaux, et particulièrement de l'AMP 13 , le Tribunal tient compte du paragraphe 31(1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités 14 , qui stipule ce qui suit :

Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

Le Tribunal tient aussi compte du fait qu'il a déjà été conclu dans un certain nombre d'affaires en droit commercial international que, dans l'interprétation d'accords, « les dispositions d'exceptions doivent normalement être interprétées dans un sens étroit plutôt que dans un sens large »15 [traduction].

Dans le dossier no PR-2001-02616 , le Tribunal a examiné la question de savoir si l'exemption des accords commerciaux visant les « navires » doit être interprétée au sens large ou au sens étroit. Le Tribunal a fait les observations suivantes, qui sont conformes aux affaires liées au commerce international dont il a déjà été question :

D'une façon générale, l'objet des dispositions sur les marchés publics de l'ALÉNA et de l'AMP est de promouvoir la libéralisation du commerce en veillant à ce que les procédures d'appel d'offres soient appliquées d'une manière non discriminatoire et transparente. Pour répondre à un tel objet d'une manière aussi complète que possible, le Tribunal est d'avis que les catégories de marchés publics exclues de la portée de l'ALÉNA et de l'AMP doivent normalement être interprétées étroitement17 .

Le Tribunal estime que ces observations s'appliquent non seulement à l'ALÉNA et à l'AMP, mais aussi à l'ACI et qu'elles doivent régir l'interprétation de l'exemption en question dans la présente plainte. Par conséquent, le Tribunal estime que les exemptions visant l'aide gouvernementale ne s'appliquent pas en l'espèce parce qu'elles doivent être interprétées étroitement et se limiter aux circonstances où l'aide gouvernementale est le but direct de l'invitation à soumissionner.

Ainsi qu'il a déjà été souligné, l'ACDI a aussi prétendu que l'annexe 1001.1a-1 de l'ALÉNA et l'appendice 1 de l'AMP exemptent l'ACDI de l'application de ces accords commerciaux, étant donné que ces dispositions indiquent que les accords commerciaux respectifs s'appliquent seulement à l'« Agence canadienne de développement international (pour son propre compte) » [soulignement ajouté]. L'ACDI soutient qu'un marché public pour le propre usage ou le bénéfice direct de l'ACDI serait financé à même son budget de fonctionnement et non à même le budget d'Aide publique au développement du Canada, à savoir la source des fonds pour le présent marché public.

Pour examiner cette question, le Tribunal doit tenir compte de la nature du rôle de l'ACDI dans l'invitation à soumissionner. La DP décrit la nature de ce rôle. Ainsi qu'il a déjà été déclaré, le Tribunal estime que l'ACDI est le bénéficiaire direct de l'invitation. La DP indique aussi que l'ACDI est l'entité qui régit la procédure de passation du marché public et qui négociera et passera le contrat avec le soumissionnaire retenu, que l'expert-conseil devra rendre compte à l'ACDI aux termes du contrat et que l'ACDI exercera le contrôle financier du contrat. Par conséquent, la DP indique que l'ACDI agit en son propre nom dans l'invitation et n'appuie pas l'hypothèse selon laquelle l'ACDI agit en tant qu'agent, fiduciaire ou intermédiaire des pays bénéficiaires ou de toute autre partie. Le Tribunal estime que, de par sa nature, la DP est plus convaincante sur ce point que l'exposé de l'ACDI concernant sa décision administrative interne au sujet de la source du financement. Par conséquent, le Tribunal estime que l'ACDI agit pour son propre compte dans la présente invitation et est donc une entité publique fédérale assujettie à l'ALÉNA et à l'AMP.

L'ACDI a aussi prétendu que la présente invitation à soumissionner est visée par l'exemption prévue au paragraphe 7 des Notes générales pour le Canada dans l'AMP, qui dispose que l'AMP ne s'applique pas aux « marchés passés en vertu d'un accord international et portant sur la réalisation ou l'exploitation en commun d'un ouvrage. »

De l'avis du Tribunal, les éléments de preuve n'indiquent pas que le marché public vise la réalisation ou l'exploitation en commun du PIE par l'ACDI et les pays bénéficiaires. Plutôt, il est prévu que l'expert-conseil entreprendra l'ouvrage à titre d'unique « organisme d'exécution canadien » sous la direction de l'ACDI18 . Même s'il est envisagé que l'expert-conseil travaillerait de concert avec les pays bénéficiaires à certains égards (p. ex., par suite de leur participation à un comité directeur du projet), le Tribunal n'estime pas qu'un tel type de participation suffise pour constituer une « réalisation ou exploitation en commun ». Le Tribunal fait également observer que, même s'il pouvait être soutenu que le marché public pourrait constituer un « [marché passé] en vertu d'un accord international » dans le cas des quatre pays bénéficiaires avec lesquels un traité a été conclu, le même argument ne pourrait s'appliquer aux deux autres pays bénéficiaires, étant donné que les éléments de preuve n'indiquent pas qu'il existe un traité ou un protocole d'entente avec ces deux pays. Par conséquent, le Tribunal n'estime pas que la présente invitation à soumissionner est visée par l'exemption prévue au paragraphe 7 des Notes générales pour le Canada dans l'AMP.

Ainsi qu'il a déjà été souligné, les parties plaignantes ont soutenu que l'ACDI ne peut prétendre que le Tribunal n'a pas compétence parce que la DP a intégré, par renvoi, la disposition de l'ACDI 102 qui stipule ce qui suit : « Le présent processus de sélection est soumis aux règles du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE). » Le Tribunal n'est pas d'accord sur ce point. C'est la loi régissant le Tribunal, et non l'accord de l'entité publique, qui détermine si le Tribunal a compétence.

Cependant, le Tribunal est tenu d'examiner l'effet de la disposition susmentionnée. L'ACDI a soutenu qu'il s'agit d'une disposition d'application générale à toutes les DP, que ce soit pour un marché public destiné à l'utilisation propre de l'ACDI ou pour un marché public lié à l'aide gouvernementale. Le Tribunal n'estime pas qu'une telle explication soit utile. L'ACDI ne peut faire abstraction du texte de son propre document dans les cas où elle ne souhaite pas l'appliquer. Autrement dit, elle ne peut prétendre que la disposition s'applique seulement aux marchés publics destinés à son propre usage, et non à ceux destinés à une aide gouvernementale, lorsque le document n'établit pas de telle distinction. Selon le Tribunal, cette disposition est une preuve que, lorsqu'elle a diffusé la DP, l'ACDI estimait que l'invitation à soumissionner entrait dans la portée de la compétence du Tribunal, c'est-à-dire qu'elle ne considérait pas l'invitation comme étant pour de l'aide gouvernementale.

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal estime que l'invitation à soumissionner n'est pas exempte de la portée de l'ALÉNA, de l'AMP ou de l'ACI. Par conséquent, il conclut qu'il a compétence pour enquêter sur la plainte.

QUALITÉ POUR AGIR

L'ACDI a soutenu que PwC n'a pas qualité pour déposer une plainte, parce qu'elle n'est pas elle-même une entité juridique. PwC est décrite dans la proposition comme étant la fonction des services consultatifs de gestion de l'organisation mondiale PricewaterhouseCoopers. L'ACDI a de plus soutenu qu'IBM Canada ne peut être un fournisseur potentiel et, de ce fait, n'a pas non plus qualité pour déposer une plainte. Les parties plaignantes ont soutenu que PwC a qualité pour agir et qu'IBM Canada aussi a cette qualité parce qu'elle est le « soumissionnaire » aux termes de la proposition de PwC.

La Loi sur le TCCE accorde la qualité pour déposer des plaintes aux « fournisseur[s] potentiel[s] ». L'expression « fournisseur potentiel » est définie comme étant « tout soumissionnaire - même potentiel - d'un contrat spécifique. » L'expression « contrat spécifique » est définie dans le Règlement comme étant « tout contrat ou catégorie de contrats relatif au marché passé par une institution fédérale pour des produits ou des services, ou pour toute combinaison de ceux-ci, visé à l'article 1001 de l'ALÉNA, à l'article 502 de l'Accord sur le commerce intérieur ou à l'article premier de l'Accord sur les marchés publics. » Ainsi qu'il a déjà été indiqué, PwC était un soumissionnaire pour un contrat concernant l'acquisition des services décrits dans les articles pertinents des accords commerciaux et, donc, un « fournisseur potentiel ». Puisque, au moment de la présentation des soumissions, PwC n'était pas elle-même une entité juridique, mais plutôt une partie de PricewaterhouseCoopers, les droits et obligations qu'elle a acquis en qualité de soumissionnaire étaient les droits et obligations de PricewaterhouseCoopers. Les éléments de preuve soumis par l'ACDI n'ont pas indiqué que PwC était quelque chose d'autre qu'une division de PricewaterhouseCoopers ayant l'autorité apparente pour se joindre à la plainte soumise par les parties plaignantes.

Le Tribunal conclut aussi qu'IBM Canada, par suite de son achat de l'unité d'entreprise PwC, a qualité pour déposer la plainte et y donner suite. Les parties plaignantes ont soutenu que, du fait de la convention cadre sur l'achat d'actions et d'actifs et de la convention d'achat locale, dont des extraits ont été déposés auprès du Tribunal à titre de pièces confidentielles, au moment de la clôture de la vente de PwC à IBM Canada, cette dernière assumait les droits et obligations de la fonction des services consultatifs de PricewaterhouseCoopers et est devenue un « soumissionnaire » aux termes de la proposition de PwC. Le Tribunal convient que la prise en charge de tels droits et obligations conférerait à IBM Canada un intérêt suffisant relativement à l'invitation à soumissionner pour déposer une plainte aux termes de l'article 30.11 de la Loi sur le TCCE. Même si la Loi sur le TCCE traite abondamment de questions contractuelles dans le contexte des marchés publics, nulle part dans la Loi sur le TCCE est-il précisé que les droits en vertu de la Loi sur le TCCE qui découlent de telles questions ne peuvent faire l'objet d'une cession. Un tel fait est conforme à la décision que le Tribunal a rendue dans le dossier no PR-95-01119 . Le Tribunal fait observer que l'analyse concernant la cession de droits aux fins de la qualité pour agir ne s'applique toutefois pas dans le cas de la cession d'obligations aux fins de l'évaluation d'une soumission, une question qui est traitée ci-après.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position des parties plaignantes sur le bien-fondé de la plainte

Les parties plaignantes ont soutenu que la proposition du consortium n'avait jamais été non conforme et que l'ACDI a commis une erreur lorsqu'elle a rejeté la proposition en ne tenant pas compte de tous les facteurs pertinents ayant trait au lien existant entre IBM Canada et PwC. En effet, elles ont soutenu qu'IBM Canada devait être considérée comme ayant pris la place de PwC et avoir acquis par voie de succession tous les droits et obligations de cette dernière et que l'ACDI aurait dû traiter PwC et IBM Canada comme une seule entreprise aux fins de l'évaluation. Les parties plaignantes ont de plus soutenu que, au moment de la présentation des soumissions, une convention cadre sur l'achat d'actions et d'actifs signée par PricewaterhouseCoopers et l'International Business Machines Corporation était en vigueur, ce qui conférait donc à IBM Canada un intérêt à l'endroit de tous les engagements pris par PwC avant la clôture du marché public.

Les parties plaignantes ont invoqué la décision que le Tribunal a rendue dans AmeriData et selon laquelle il a été conclu que la partie plaignante dans cette affaire avait qualité pour déposer, auprès du Tribunal, une plainte concernant une proposition qui avait été déposée par une autre société, Control Data Systems Canada, Ltd. Dans cette affaire, la partie plaignante n'avait pas été une partie à la proposition comme telle, et sa signature n'y figurait pas non plus. Malgré le fait qu'elle ne s'était pas jointe à la proposition, le Tribunal a rejeté la contestation, par TPSGC, de la qualité pour déposer une plainte des parties plaignantes, au motif que la partie plaignante était le successeur de Control Data Systems Canada, Ltd. pour ce qui avait trait à la qualité de fournisseur « potentiel » en vertu de la soumission.

Selon les parties plaignantes, AmeriData montre qu'une société qui est le successeur d'une autre peut, à la suite de transactions commerciales légitimes, remplacer le soumissionnaire véritable aux termes d'une proposition qui a été soumise avant la vente de l'entreprise.

Les parties plaignantes ont aussi allégué qu'en toute justice, avant un rejet, les soumissionnaires devraient être informés des préoccupations de l'entité acheteuse et avoir l'occasion de donner des éclaircissements sur leur proposition, sous réserve des règles de la procédure de passation du marché public.

Selon les parties plaignantes, la DP obligeait PwC à informer l'ACDI de la vente à venir et de son effet sur toute négociation subséquente. La section 3.1 de la DP stipule ce qui suit : « Il est donc essentiel de définir, au début, qui seront  la partie contractante ou les parties contractantes » [traduction]. Les parties plaignantes ont soutenu que, étant donné les circonstances de l'espèce, où le calendrier de la transaction de vente a coïncidé avec celui de la DP, PwC avait l'obligation continue de divulguer les faits ayant une incidence sur la proposition.

Les parties plaignantes ont de plus soutenu que PwC avait correctement indiqué, à la page 9 de la proposition, « notre intention est que toute négociation subséquente avec vous soit menée par IBM ou une entité du groupe IBM, et que tout contrat dont il pourrait être convenu avec vous soit passé par ladite entité. Le changement de propriétaire de PwC Consulting n'entraînera aucun changement à la structure, à la conception, à la gestion, aux ressources ou au lien établi avec le client proposés eu égard au PIE » [traduction]. Elles ont soutenu que la simple déclaration d'une intention dans la proposition n'aurait pas dû revêtir une importance suffisante, dans les circonstances, pour rendre la proposition non conforme, étant donné que la vente aurait pu échouer à la dernière minute pour des causes imprévues.

De plus, les parties plaignantes ont soutenu que la décision de l'ACDI en l'espèce est contradictoire à la manière dont l'ACDI avait traité avec PwC et IBM Canada à l'occasion d'une autre DP similaire.

Les parties plaignantes ont aussi soutenu que la DP prévoyait un cadre pour les négociations, mais n'avait pas délimité leur contenu, et que ce cadre envisageait la possibilité que le marché final puisse être différent à des égards importants à la fois en ce qui avait trait au contenu de la proposition et à celui de la DP elle-même.

Position de l'ACDI sur le bien-fondé de la plainte

L'ACDI a soutenu que les parties plaignantes avaient mal défini la question en la présentant comme étant celle de savoir si la proposition était, oui ou non, non conforme du fait du changement de propriétaire de PwC à venir. Selon l'ACDI, la question véritable est celle de savoir si la déclaration suivante figurant dans la proposition a pour effet de rendre la soumission du consortium irrecevable :

Veuillez prendre note que, une fois la transaction complétée, notre intention est que toute négociation subséquente avec vous soit menée par IBM ou une entité du groupe IBM, et que tout contrat dont il pourrait être convenu avec vous soit passé par ladite entité.

[Traduction]

Dans le contexte de cette déclaration, l'ACDI a prétendu qu'« IBM » doit être interprétée comme étant l'« International Business Machines Corporation », et non « IBM Canada Ltée ». Selon l'ACDI, la déclaration indique clairement que toute négociation subséquente et tout contrat qui pourrait s'ensuivre seront, selon l'intention du consortium, menés entre l'ACDI et l'International Business Machines Corporation ou une entité de ce groupe de sociétés liées. À la date de clôture de la DP, aucune telle entité n'était désignée.

Selon l'ACDI, il serait possible de former une entité entièrement nouvelle aux fins de l'exécution de la transaction, une entité n'ayant aucune historique de la société. L'ACDI ne pourrait savoir si l'entité satisfaisait aux exigences obligatoires, comme les exigences d'admissibilité canadienne. La signature du contrat par IBM Canada ou par tout autre membre du groupe de sociétés de l'International Business Machines Corporation constitue un écart important aux exigences énoncées dans la DP. Une telle modification n'est ni anodine ni d'importance mineure, étant donné qu'IBM Canada ou un autre membre du groupe de l'International Business Machines Corporation n'aurait pas été assujetti au processus d'évaluation.

Même s'il était possible d'interpréter la déclaration ci-dessus comme renvoyant à IBM Canada, selon l'ACDI :

IBM Canada Ltée n'est pas elle-même un expert-conseil; elle n'est pas une partie à la proposition; elle n'est pas une partie à tout consortium lié à la présente DP; elle n'a pas exécuté le Formulaire I obligatoire; elle n'a pas accepté d'être liée conjointement et solidairement en conformité avec les termes de la DP; elle n'a fourni aucun renseignement détaillé sur son entreprise tel que demandé; elle n'a pas fourni de procès-verbal des réunions du conseil d'administration ou d'autre document désignant la personne ou les personnes autorisées à signer le contrat; elle n'a pas été désignée comme sous-traitant. Il est donc inexact d'affirmer, comme les parties plaignantes le font au paragraphe 31 de la plainte, que la « [...] signature d'IBM sur le contrat consécutif aurait été pleinement conforme aux modalités de la DP [...] »20 .

[Traduction]

L'ACDI a prétendu que la déclaration énoncée dans la proposition et citée ci-dessus, qui l'oblige à traiter avec IBM Canada ou avec toute autre entité du groupe de l'International Business Machines Corporation, n'est pas conforme aux exigences et au processus établis dans la DP. Une telle déclaration équivaut à imposer à l'ACDI une condition selon laquelle PwC ne signera pas le contrat si la transaction décrite dans la convention cadre sur l'achat d'actions et d'actifs aboutit. L'ACDI a soutenu que, étant donné qu'il n'existe pas d'obligation non équivoque de la part de PwC de signer le contrat, accepter une telle condition porterait atteinte à l'intégrité de la procédure d'appel d'offres et serait injuste et inéquitable pour les autres soumissionnaires qui ont répondu à la DP.

En résumé, en ne désignant pas l'entité constituée qui serait responsable de la négociation consécutive et de tout contrat consécutif, PwC n'a pas satisfait aux exigences obligatoires.

Décision du Tribunal sur le bien-fondé de la plainte

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables.

Le litige est axé sur l'effet de deux paragraphes clés contenus dans la proposition du consortium. Ces paragraphes stipulent ce qui suit :

Comme vous le savez peut-être, le 30 juillet 2002, IBM et PricewaterhouseCoopers ont annoncé qu'IBM achèterait l'exploitation mondiale de l'unité des services consultatifs et technologiques de PricewaterhouseCoopers, PwC Consulting. La transaction a été approuvée par le conseil d'administration d'IBM et le conseil de direction de PricewaterhouseCoopers et est assujettie notamment aux approbations réglementaires et à l'approbation des entreprises locales de PwC par l'intermédiaire des votes de leurs partenaires. La transaction devrait être conclue d'ici le 1er octobre 2002. D'autres renseignements sont contenus dans le communiqué d'IBM et PwC au sujet de la transaction et qu'il est possible de consulter à l'adresse www.pwcconsulting.com. Veuillez prendre note que, une fois la transaction complétée, notre intention est que toute négociation subséquente avec vous soit menée par IBM ou une entité du groupe IBM, et que tout contrat dont il pourrait être convenu avec vous soit passé par ladite entité.

Le changement de propriétaire de PwC Consulting n'entraînera aucun changement à la structure, à la conception, à la gestion, aux ressources ou au lien établi avec le client proposés eu égard au PIE.

[Traduction]

La dernière phrase du premier paragraphe de la déclaration ci-dessus, et particulièrement l'expression « notre intention est », est plutôt ambiguë. Elle pourrait être interprétée comme envisageant soit une cession unilatérale des droits de négociation et des obligations de PwC à « IBM ou une entité du groupe IBM » soit une cession assujettie au consentement de l'ACDI21 .

Le Tribunal estime que, dans de telles circonstances, toute exigence portant sur le consentement de l'ACDI relativement à une cession constituerait une disposition importante et qu'une telle exigence, si elle existait, serait normalement expressément mentionnée dans la soumission. Toutefois, il n'existe aucune mention expresse d'une telle exigence de consentement. De plus, le Tribunal n'estime pas que le contexte dans lequel s'inscrivent les paragraphes de la proposition laisse à entendre qu'il existe une exigence de consentement.

Par conséquent, le Tribunal conclut que la soumission doit être interprétée comme proposant une cession unilatérale de la part de PwC. Autrement dit, il est demandé à l'ACDI d'accepter une soumission où (1) l'entrepreneur potentiel pourrait demeurer PricewaterhouseCoopers, propriétaire de PwC, une entité à l'égard de laquelle l'ACDI a eu l'occasion d'évaluer les renseignements du point de vue de la conformité aux exigences de la DP, ou (2) subsidiairement, avec ou sans le consentement de l'ACDI, l'entrepreneur potentiel pourrait être une autre entité à l'égard de laquelle l'ACDI n'a pas eu l'occasion d'évaluer les renseignements. Dans le contexte des paragraphes clés de la proposition cités ci-dessus, il est clair que le renvoi à « IBM » est un renvoi à l'International Business Machines Corporation, et non à IBM Canada. Par conséquent, « l'entité du groupe IBM » qui est l'entrepreneur potentiel pourrait être l'International Business Machines Corporation, IBM Canada ou tout autre membre de la famille internationale des sociétés de l'International Business Machines Corporation.

La question centrale de la présente plainte est celle de savoir, à la lumière des paragraphes clés de la soumission susmentionnés, si la proposition du consortium est conforme aux exigences obligatoires de la DP.

L'article 2 de la DP prévoit que chaque membre du consortium doit satisfaire à toutes les conditions obligatoires et attester de ce fait. L'article 2 stipule en partie ce qui suit :

2 EXIGENCES OBLIGATOIRES

La présente section énonce les exigences obligatoires, auxquelles l'expert-conseil, y compris CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou d'une autre forme d'association (dans le cas où la proposition est soumise par un consortium, une coentreprise ou une autre forme d'association), doit satisfaire. Par conséquent, le Formulaire I - Attestations obligatoires - doit être signé et joint à la proposition technique pour attester que l'expert-conseil, y compris CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou d'une autre forme d'association, satisfait à toutes les exigences obligatoires. Dans le cas où il y aurait écart entre le libellé de la présente section et celui des autres sections de la Demande de proposition (DP) et l'ACDI 102 - Conditions générales (DP), ou des deux, la présente section de la DP prévaut.

L'expert-conseil, y compris CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou d'une autre forme d'association, doit satisfaire aux conditions d'admissibilité de l'ACDI 102 - Conditions générales (DP). Notamment, l'expert-conseil, y compris CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou d'une autre forme d'association, doit satisfaire aux exigences d'admissibilité canadienne.

Si votre soumission ne satisfait pas
à toutes les exigences ci-dessous,
elle sera rejetée.

[Traduction]

D'une façon similaire, l'article 3.1 de la DP prévoit en partie ce qui suit :

3.1 Désignation de l'expert-conseil

Veuillez prendre note que, lorsque la proposition est soumise par un consortium, une coentreprise ou une autre forme d'association, CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou de l'autre forme d'association doit signer un exemplaire du Formulaire I concernant les attestations obligatoires en conformité avec les modalités de signature énoncées dans la DP et CHAQUE membre doit être habile à signer le contrat. Par conséquent, CHAQUE membre doit satisfaire aux exigences énoncées à la section des exigences obligatoires de la DP.

[Traduction]

Les exigences obligatoires comprennent ce qui suit :

I Conditions d'admissibilité énoncées dans l'ACDI 102 - Conditions générales (DP)

L'expert-conseil doit notamment satisfaire aux exigences d'admissibilité canadienne suivantes :

[...]

(ii) si l'expert-conseil est un organisme à but lucratif - il doit avoir son établissement principal au Canada et des citoyens canadiens ou immigrants reçus canadiens doivent en être propriétaires à titre de bénéficiaires et doivent le contrôler à 51 p. 100 au moins.

Lorsque la proposition est soumise par un consortium, une coentreprise ou une autre forme d'association, CHAQUE membre doit satisfaire aux exigences énoncées en (i), (ii) ou (iii) ci-dessus.

II Viabilité financière

L'expert-conseil, y compris CHAQUE membre d'un consortium, d'une coentreprise ou d'une autre forme d'association, doit être financièrement solvable et avoir les ressources financières nécessaires à la réalisation des travaux proposés dans le cadre du contrat et être capable d'engager les dépenses nécessaires sans difficultés financières prévisibles, et être en mesure de démontrer le tout avant l'attribution du contrat.

III Non-participation à la planification et à la réalisation du projet

Lorsque la présente DP porte sur la réalisation de la première ou de la seule phase d'un projet, l'expert-conseil, y compris CHAQUE membre du consortium [...], ne doit pas avoir participé, conjointement ou individuellement, à la planification [...] du présent projet, ni avoir reçu d'aide pour la préparation de la proposition d'un tiers qui a participé à la planification du présent projet.

IV Validité des faits

L'expert-conseil, y compris CHAQUE membre du consortium [...], doit attester que toutes les déclarations faites en ce qui a trait à la proposition sont exactes et fidèles à la réalité et qu'il reconnaît que le ministre se réserve le droit de vérifier tous les renseignements fournis à cet égard et que toute fausse déclaration pourra entraîner le rejet de la proposition pour cause de non-conformité ou toute autre mesure que le ministre pourra juger pertinente.

[Traduction]

L'article 3.1 de la DP souligne l'importance d'une explication précise, par les soumissionnaires, concernant les entités juridiques qui soumettent la proposition, soit individuellement, soit dans le cadre d'un consortium, et stipule en partie ce qui suit :

Étant donné que l'expert-conseil qui soumet la proposition gagnante devra négocier en vue de signer le contrat éventuel avec l'ACDI pour la prestation des services énoncés dans le mandat - Appendice B, il importe de définir correctement la nature de l'expert-conseil, y compris la nature de CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou de l'autre forme d'association (lorsque la proposition est soumise par un consortium, une coentreprise ou une autre forme d'association) et de désigner les sous-traitants.

Veuillez prendre note que, lorsque la proposition est soumise par un consortium, une coentreprise ou une autre forme d'association, CHAQUE membre du consortium, de la coentreprise ou de l'autre forme d'association doit signer un exemplaire du Formulaire I concernant les attestations obligatoires en conformité avec les modalités de signature énoncées dans la DP et CHAQUE membre doit être habile à signer le contrat. Par conséquent, CHAQUE membre doit satisfaire aux exigences énoncées à la section des exigences obligatoires de la DP. De plus, CHAQUE membre doit accepter d'être conjointement et solidairement responsable de l'exécution de l'ensemble du contrat advenant un défaut d'exécution de la part d'un ou de plusieurs membres. Il est donc essentiel de définir, au début, qui la partie contractante ou les parties contractantes seront.

[Soulignement ajouté]

Puisque les entités établies dans les pays bénéficiaires ne répondent pas aux exigences d'admissibilité canadienne énoncées ci-dessus, ces entités locales NE PEUVENT PAS être l'expert-conseil, ni un membre d'un consortium, d'une coentreprise ou d'une autre forme d'association qui soumet la proposition, ni être les signataires du Formulaire I ou du contrat [...] Pour aider l'ACDI à déterminer si l'expert-conseil satisfait aux exigences, ce dernier doit, en premier lieu, indiquer dans sa proposition technique :

· une précision sur la nature de l'expert-conseil qui soumet la proposition et qui sera signataire du contrat; autrement dit, il s'agit de savoir si la proposition est soumise par un particulier, une société, un partenariat (sous le régime de la common law), une entreprise à propriétaire unique ou un consortium, une coentreprise ou une autre forme d'association.

[Traduction]

L'article 3.1 de la DP exige aussi un certain nombre d'éléments précis d'information de base concernant chaque membre du consortium, depuis son adresse postale jusqu'à une copie du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration ou d'autres documents autorisant la présentation de la proposition et la signature du contrat.

Malgré le libellé clair des exigences obligatoires, le consortium a présenté une soumission telle qu'il a été impossible pour l'ACDI de savoir, au moment de la clôture des soumissions, quelle entité juridique négocierait et passerait le contrat avec elle après l'exécution de la vente de PwC.

De plus, même si PwC peut avoir soumis des documents pour montrer qu'elle satisfaisait aux exigences obligatoires de la DP22 , la toujours inconnue « entité du groupe IBM » ne l'a manifestement pas fait, étant donné qu'elle n'a déposé aucun renseignement dans le cadre de la soumission. En effet, la proposition du consortium demande à l'ACDI d'accepter a priori, en tant qu'entité de négociation et de passation du contrat, une société qui n'a déposé ni l'information ni les documents nécessaires pour satisfaire aux exigences obligatoires.

Le Tribunal fait observer que les exigences obligatoires susmentionnées sont des conditions qui se rapportent principalement à l'entité juridique qui présente la soumission, par opposition aux membres particuliers du personnel qui fourniraient les services. Par exemple, l'identité du personnel n'est pas pertinente dans l'évaluation de la conformité à l'exigence obligatoire concernant la propriété et le contrôle de l'entité par des Canadiens. Ainsi, même si tous les mêmes membres du personnel participaient au contrat sous le régime de la propriété par l'International Business Machines Corporation comme étant sous le régime de la propriété par PricewaterhouseCoopers, cela ne signifie pas nécessairement que les exigences obligatoires seraient satisfaites.

De plus, si l'ACDI acceptait la soumission du consortium, elle accorderait potentiellement un traitement préférentiel à l'« entité du groupe IBM » inconnue, puisque cette dernière n'aurait pas été tenue de satisfaire aux exigences obligatoires qui s'appliquaient aux autres fournisseurs potentiels. Un tel acte discriminatoire aurait très vraisemblablement été contraire aux dispositions des accords commerciaux23 .

En résumé, l'ACDI a préparé la DP de telle façon qu'il était clair que la désignation de la partie avec qui elle négocierait et passerait le contrat consécutif et la conformité de ladite partie aux exigences obligatoires avaient un caractère crucial dans le marché public. La proposition du consortium n'a pas désigné la partie avec laquelle l'ACDI négocierait et passerait un contrat, et ladite partie, dont l'identité était inconnue, ne satisfaisait pas aux exigences obligatoires. De ce fait, la proposition ne répondait pas aux exigences obligatoires de la DP.

Le Tribunal fait observer qu'à son avis, il est tout à fait raisonnable pour l'ACDI d'exiger, dans la DP, qu'on lui fasse savoir avec quelle entité juridique elle négocierait et passerait un contrat. Lorsque la soumission a été déposée, il semblerait, à la lumière de la proposition confidentielle24 , que PwC et l'ACDI estimaient que l'identité de l'entité juridique établissant le contrat (par opposition à la simple identité des membres du personnel _uvrant à l'exécution du contrat) était un facteur important.

Les parties plaignantes prétendent aussi que l'ACDI aurait dû traiter PwC et IBM Canada comme une seule entreprise aux fins de l'évaluation et que l'ACDI a commis une erreur en rejetant la lettre d'éclaircissement des partie plaignantes et en interprétant la DP d'une manière trop stricte.

Ainsi qu'il a déjà été discuté, le Tribunal a déterminé qu'IBM Canada a qualité pour déposer la présente plainte. Toutefois, le Tribunal estime qu'il existe une distinction claire entre la situation où IBM Canada devient le successeur de PricewaterhouseCoopers en ce qui a trait au droit d'interjeter appel aux termes de la Loi sur le TCCE relativement à la proposition, d'une part, et la reconnaissance par l'ACDI de PwC et d'IBM Canada comme étant une seule entité commerciale aux fins de l'évaluation de la soumission du consortium, d'autre part.

S'appuyant sur le jugement The Lounsbury Company Limited c. George Duthie 25 de la Cour suprême du Canada, l'ACDI a soutenu que, « en règle générale, une partie à un contrat ne peut céder sa responsabilité sans le consentement de l'autre partie »26 [traduction]. En l'espèce, l'obligation contractuelle pertinente est le devoir qu'a PricewaterhouseCoopers de négocier de bonne foi avec l'ACDI en vue de conclure un contrat de consultation mutuellement acceptable, si elle remporte le marché public. Le Tribunal accepte l'argument de l'ACDI et conclut que la prétendue cession de l'obligation de PricewaterhouseCoopers à IBM Canada était en réalité sans effet, puisque le consentement de l'ACDI n'était pas présent. Les droits et obligations de PwC liés à la proposition ne constituent pas un « effet de commerce »27 et ne peuvent donc pas faire unilatéralement l'objet d'une cession valable selon le droit des titres négociables. Plutôt, c'est le droit des contrats ordinaire qui s'applique, et qui a été formulé récemment par la Cour suprême du Canada28 ainsi :

Voilà longtemps que la common law reconnaît que si l'on peut être libre de céder à un tiers les avantages découlant d'un contrat, il n'en va pas de même des obligations contractuelles. C'est là un principe qui procède de la fusion de deux principes fondamentaux du droit des contrats : 1) celui selon lequel les parties peuvent contracter avec qui elles veulent (la liberté contractuelle); et 2) celui selon lequel les parties ne sont pas tenues de s'acquitter d'obligations contractuelles à la création desquelles elles n'ont pas participé (effets relatifs du contrat). Notre droit reconnaît toutefois que les obligations contractuelles qu'une partie a librement assumées peuvent dans certaines circonstances être éteintes et le principe de la novation constitue un moyen d'y parvenir.

Une novation est une convention trilatérale qui opère l'extinction d'un contrat existant et qui y substitut un contrat nouveau. [...] Il est crucial que le bénéficiaire (le créancier, hypothécaire ou autre) de ces obligations donne son consentement à l'extinction et à la substitution. La raison en est que la novation a pour conséquence que le créancier ne peut plus s'adresser au débiteur originaire si par la suite on ne s'acquitte pas des obligations conformément au contrat substitué.

Puisque le consentement constitue l'élément essentiel de la novation, il est évident qu'on ne saurait imposer la novation à un créancier qui n'en veut pas et, en l'absence d'une entente expresse, un tribunal doit se montrer hésitant à conclure à la novation, à moins que les circonstances ne le commandent vraiment29 .

La règle juridique susmentionnée a pour objet d'empêcher les cessions qui entraîneraient le remplacement des habiletés, du jugement et des services de la partie contractante originaire par ceux d'une autre partie. Lorsque l'exécution d'obligations est en jeu, une partie à un contrat devrait pouvoir traiter avec la personne avec laquelle elle a signé et non avec une personne étrangère au contrat. En l'espèce, par exemple, la viabilité financière et l'admissibilité canadienne étaient des exigences clés que l'ACDI, au moment de la clôture des soumissions, était en mesure d'évaluer et d'accepter dans le cas de PwC, mais n'était pas en mesure d'évaluer en ce qui avait trait à la nouvelle « entité du groupe IBM » inconnue.

Le Tribunal fait observer que PwC était une entreprise membre du groupe PricewaterhouseCoopers International au moment de la proposition. Cette association aurait pris fin (même si un certain degré de coopération aurait possiblement pu se perpétuer) à la fin de la réorganisation de l'entreprise de PwC, et l'ACDI aurait bien pu considérer une telle association comme présentant un intérêt considérable pour elle.

S'appuyant sur la jurisprudence, les parties plaignantes ont aussi prétendu que le droit des contrats devait être interprété avec moins de rigueur en l'espèce de manière à lier l'ACDI à la prétendue cession de PricewaterhouseCoopers, malgré l'absence de consentement de l'ACDI. Toutefois, les affaires citées par les parties plaignantes à cet égard et le présent litige présentent des distinctions claires.

Downtown Eatery (1993) Ltd. c. Her Majesty the Queen in Right of Ontario 30 est une affaire qui a examiné la théorie de la communauté d'emploi dans le contexte de la Loi sur les normes d'emploi 31 , qui considère les entreprises associées comme un seul employeur, ce qui protège les avantages sociaux des employés lorsque l'intention ou l'effet de la séparation des entreprises est de contourner l'esprit et l'objet de la Loi sur les normes d'emploi. Il n'existe pas de tel objet « d'anti-évitement » qui pourrait être servi en traitant PwC et IBM Canada comme une seule entreprise commerciale en l'espèce, et il est loin d'être clair que le principe associé au droit du travail devrait aussi s'appliquer dans le contexte du droit des marchés publics.

Dans le dossier no PR-2001-05932 , les conclusions du Tribunal étaient limitées à la reconnaissance de l'expérience d'une société affiliée comme étant assimilable à celle de la partie plaignante dans un cas où, pour l'essentiel, le même personnel _uvrait dans les deux sociétés. Une telle décision, qui était fondée sur le libellé précis de la DP et sur les circonstances précises de l'affaire, ne devrait pas être interprétée comme signifiant que le Tribunal reconnaîtra les restructurations de sociétés dans toutes les circonstances et pour toutes les fins dans le contexte des marchés publics.

Morris Knudsen Corporation 33 , une décision rendue par le General Accounting Office (GAO) des États-Unis, a aussi été une décision dont l'effet était limité, en ce sens qu'elle traitait de « l'information sur le rendement antérieur d'une société affiliée qui avait exécuté des contrats similaires » [traduction]. De plus, les décisions du GAO n'ont qu'une valeur très restreinte, étant donné la différence considérable entre le mandat réglementaire du Tribunal et celui du GAO. Le GAO est tenu de « faire en sorte que l'évaluation de l'entité acheteuse était raisonnable et conforme aux critères d'évaluation énoncés et aux lois et règlements applicables » [traduction], ce qui pourrait potentiellement inclure des mesures qui n'ont rien à voir avec les accords commerciaux.

Dans AmeriData, la question examinée par le Tribunal était limitée à la qualité pour déposer une plainte, ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus.

Les parties plaignantes ont aussi prétendu que la décision de l'ACDI en l'espèce était contradictoire à la manière dont l'ACDI avait traité PwC et IBM Canada dans une autre situation d'appel d'offres similaire et ont déposé des copies confidentielles des documents d'appel d'offres pertinents à l'invitation à soumissionner d'alors. Le Tribunal fait observer que les circonstances de cette invitation à soumissionner étaient différentes, étant donné qu'un contrat avait été passé entre l'ACDI et IBM Canada, montrant clairement le consentement de l'ACDI à la cession. De plus, rien n'empêche l'ACDI de donner son consentement à l'endroit d'une telle cession dans un cas et de le refuser dans un autre cas, sous réserve que, ce faisant, elle respecte ses obligations juridiques.

Ainsi qu'il a été fait observer, les parties plaignantes prétendent aussi que l'ACDI avait commis une erreur lorsqu'elle avait rejeté leur lettre d'éclaircissement datée du 25 octobre 2002. À cet égard, elles soutiennent que l'ACDI se devait de demander des éclaircissements sur toute question liée à la proposition, au sujet de laquelle elle était incertaine, avant de rejeter la proposition. Elles ont plus précisément fait allusion à la déclaration figurant dans leur proposition concernant la restructuration imminente de PwC et ont soutenu que cette déclaration n'avait été présentée comme n'étant rien de plus ferme qu'une déclaration d'intention à ce moment.

Le Tribunal n'accepte pas un tel raisonnement. Il est vrai que, dans certaines circonstances, le Tribunal a conclu qu'un ministère acheteur peut demander des éclaircissements au sujet d'une proposition dans le cadre de l'évaluation en fonction des exigences énoncées dans une DP34 . Toutefois, le Tribunal a aussi conclu que le ministère acheteur n'est pas tenu de ce faire35 , même en présence d'un doute à savoir si une exigence obligatoire d'une DP est satisfaite36 . De plus, le Tribunal a indiqué qu'il ne convient pas d'accepter des éclaircissement qui constitueraient une modification à un élément de fond d'une soumission37 .

Les parties plaignantes ont affirmé que, dans des lettres datées du 9 et du 25 octobre 2002, elles avaient avisé l'ACDI que le personnel coté établi dans la proposition ne serait pas touché par le changement de propriétaire de PwC et que, de toute façon, PricewaterhouseCoopers était autorisée à négocier et à passer un contrat si le consortium était le soumissionnaire retenu.

Les deux lettres ont été déposées après la date de clôture du marché public (le 12 septembre 2002) et, de l'avis du Tribunal, contredisent la déclaration faite dans la proposition du consortium selon laquelle « une fois la transaction complétée, notre intention est que toute négociation subséquente avec vous soit menée par IBM ou une autre entité du groupe IBM, et que tout contrat dont il pourrait être convenu avec vous soit passé par ladite entité ». Par conséquent, le Tribunal estime que les deux lettres constituent une modification à un élément de fond de la proposition du consortium après la date de clôture du marché public et qu'elles ne doivent donc pas être prises en considération dans l'évaluation par l'ACDI.

Les parties plaignantes ont aussi prétendu que l'ACDI avait interprété la DP d'une manière trop stricte et sans égard à la souplesse permise dans le cadre prévu dans la DP relativement à la poursuite de négociations. Le Tribunal n'accepte pas cet argument. L'ACDI est tenue d'évaluer les propositions en conformité avec les exigences énoncées dans la DP. Selon le Tribunal, rien dans la DP n'indique qu'elle doit être interprétée d'une manière plus souple que ne le justifient les règles d'interprétation normales.

Les parties plaignantes ont aussi soutenu que la position de l'ACDI, à savoir le rejet de la soumission du consortium au motif du défaut technique de satisfaire aux exigences obligatoires susmentionnées, est « illogique » [traduction], « crée une impasse pour les soumissionnaires » [traduction] et « donne lieu à une situation d'une absurdité manifeste » [traduction]38 . Dans la mesure où les parties plaignantes allèguent que l'évaluation faite par l'ACDI en ce qui a trait à la conformité aux exigences obligatoires était incorrecte, le Tribunal n'estime pas que ces affirmations sont bien fondées, ainsi qu'il en a déjà été traité. Dans la mesure où les parties plaignantes allèguent que, contrairement aux accords commerciaux, certaines exigences de la DP ne sont pas essentielles pour vérifier la capacité du soumissionnaire d'exécuter le contrat en question, un tel motif de plainte n'aurait pas été déposé dans les délais prévus par le Règlement et ne peut donc faire l'objet d'un examen par le Tribunal.

En outre, le Tribunal ne partage pas le point de vue des parties plaignantes selon lequel, si la position de l'ACDI devait être confirmée, il serait difficile de voir comment les sociétés placées dans des circonstances analogues pourraient un jour soumissionner en réponse à une DP. Le Tribunal ne voit pas pourquoi, en la structurant correctement, les parties plaignantes n'auraient pas pu soumettre une soumission conforme, par exemple, en y incluant une exigence satisfaisante prévoyant le consentement préalable de l'ACDI à la cession ou en faisant en sorte d'inclure l'entité pertinente d'IBM au nombre des membres du consortium soumissionnaire.

Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte n'est pas fondée.

Les parties plaignantes et l'ACDI ont demandé le remboursement de leurs frais dans la présente plainte. Étant donné la décision du Tribunal, dans laquelle la réussite est répartie également entre les parties, le Tribunal n'accordera pas de remboursement des frais. En outre, le Tribunal conclut que la présente plainte soulève des questions complexes concernant les marchés publics qu'il était dans l'intérêt public de porter en justice et que chaque partie devrait donc assumer ses propres frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n'est pas fondée.


1 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

3 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

4 . Vietnam, Cambodge, Laos, Thaïlande, Indonésie et Philippines.

5 . Rapport de l'institution fédérale, version confidentielle, onglet 4.

6 . Ibid. onglet 5.

7 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

8 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

9 . À cet égard, l'ACDI a renvoyé à quatre accords internationaux de ce type : l'Accord général sur la coopération au développement entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam; l'Accord relatif à la coopération au développement entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande; l'Accord général sur la coopération au développement entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République d'Indonésie 1991; l'Accord général sur la coopération au développement entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République des Philippines.

10 . Re plainte déposée par la Société de coopération pour le développement international (9 avril 1998) (TCCE) [Société de coopération].

11 . DP à la p. 31.

12 . Ibid. à la p. 32.

13 . L'article 3.2 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends de l'OMC, Annexe 2 de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, dispose que les accords de l'OMC seront clarifiés conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public, que l'organe d'appel de l'OMC a interprétées comme assimilables à la Convention de Vienne sur le droit des traités. Voir États-Unis - Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules (20 mai 1996), WT/DS2/AB/R à la p.  18.

14 . (1969) 1155 R.T.N.U. 331, en vigueur en 1980.

15 . États-Unis - Marché concernant un système de cartographie par sonar (23 avril 1992), GPR.DS1/R au para. 4.21; États-Unis - Restrictions à l'importation de vêtements de dessous de coton et de fibres synthétiques ou artificielles (8 novembre 1996), WT/DS24/R au para. 7.21.

16 . Re plainte déposée par McNally Construction Inc. (6 décembre 2001) (TCCE).

17 . Ibid. aux pp. 7-8.

18 . DP à la p. 25.

19 . Re plainte déposée par AmeriData Canada Ltd. (9 février 1996) (TCCE) à la p. 4 [AmeriData].

20 . RIF à la p. 52.

21 . Il semblerait au Tribunal que PricewaterhouseCoopers est l'entité juridique qui détiendrait les droits et obligations de PwC.

22 . Le point n'a pas été soulevé dans la plainte.

23 . Voir l'article 501 de l'ACI, qui vise à établir un cadre qui assurera « à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics »; voir, aussi, le paragraphe 514(2) de l'ACI, qui favorise « des procédures équitables, ouvertes et impartiales » et le paragraphe VII(1) de l'AMP qui stipule en partie que « [c]haque Partie fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités soient appliquées de façon non discriminatoire » et l'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA, qui stipule aussi que « [c]hacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités [...] soient appliquées de façon non discriminatoire ».

24 . Proposition protégée soumise par PwC et le CTPL à l'ACDI le 12 septembre 2002 à la p.  8.

25 . [1957] R.C.S 590.

26 . Ibid. à la p. 596.

27 . Défini comme suit : « Lettre de change, chèque, billet, instrument négociable, convention de vente conditionnelle, billet portant privilège, contrat de vente à crédit, hypothèque mobilière, connaissement, acte de vente, récépissé d'entrepôt, garantie, instrument de cession, choses en action et, de plus, tout document ou titre qui transfère les titres de la propriété ou la possession et qui peut servir à lever du crédit. Interpretation Act, R.S.B.C. 1979, c. 206, art. 29 » [traduction] (Dictionary of Canadian Law, 2e éd. à la p. 206).

28 . National Trust Co. c. Mead, [1990] 2 R.C.S. 410.

29 . Ibid. aux pp. 426-27.

30 . (22 mai 2001) 54 O.R. (3d) 161 (C.A. Ont.).

31 . L.R.O. 1990, c. E. 14.

32 . Re plainte déposée par MaxSys Professionals & Solutions Inc. (6 mai 2002) (TCCE).

33 . (9 septembre 1998) B-280261.

34 . Supra note 33 à la p. 12.

35 . Re plainte déposée par Safety Projects International Inc. (24 août 1998), PR-98-007 (TCCE).

36 . Re plainte déposée par Deloitte & Touche Groupe Conseil (4 mai 1999), PR-98-046 (TCCE).

37 . Re plainte déposée par CVDS Inc. (22 janvier 2003), PR-2002-035 (TCCE).

38 . Plainte à la p. 15.