ZENON ENVIRONMENTAL INC.

Décisions


ZENON ENVIRONMENTAL INC.
Dossier no PR-2002-015


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 15 octobre 2002

Dossier no PR-2002-015

EU ÉGARD À une plainte déposée par ZENON Environmental Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux résilie le contrat accordé à Seprotech Systems Inc. et, quant aux deux propositions restantes, qu'il réévalue uniquement le critère selon lequel il doit être clairement indiqué que les composants, qui ne sont pas rapidement et facilement obtenus auprès d'un fournisseur commercial ou qui ne sont pas fabriqués par le soumissionnaire lui-même, peuvent être obtenus par le soumissionnaire.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à ZENON Environmental Inc. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la présente plainte.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant


Susanne Grimes

Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

 

 

Date de la décision et des motifs :

Le 15 octobre 2002

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Cathy Turner

   

Conseiller pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Partie plaignante :

ZENON Environmental Inc.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Ronald D. Lunau

 

Phuong T.V. Ngo

   

Intervenantes :

Seprotech Systems Inc.

 

Peacock Inc.

   

Conseillers pour les intervenantes :

David Sherriff-Scott

 

Gerry Stobo

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Ian McLeod

 

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 15 juillet 2002, ZENON Environmental Inc. (ZENON) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (invitation no W8482-01TF04/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) portant sur la réparation et la révision des appareils de dessalement par osmose inverse à bord des navires pour le ministère de la Défense nationale (MDN).

ZENON a allégué que, contrairement au paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 2 , TPSGC a adjugé un contrat à un soumissionnaire dont la proposition ne répondait pas à toutes les exigences obligatoires du document d'appel d'offres. Plus précisément, elle a allégué que Seprotech Systems Inc. (Seprotech) n'a pas présenté de lettres d'intention provenant des fabricants d'équipement d'origine (OEM), comme il est énoncé dans l'annexe « A » de la demande de propositions (DP). ZENON a en outre soutenu que certaines présentations contenues dans la proposition de Seprotech quant à ses ressources en personnel sont inexactes.

ZENON a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal recommande que le contrat adjugé à Seprotech soit résilié et qu'il lui soit plutôt adjugé. Elle a également demandé que lui soient remboursés les frais engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Le 18 juillet 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le 22 juillet 2002, TPSGC a avisé le Tribunal, par écrit, qu'un contrat au montant de 6,9 millions de dollars avait été adjugé à Seprotech. Les 25 juillet et 7 août 2002, respectivement, le Tribunal a autorisé Seprotech et Peacock Inc. (Peacock) à intervenir dans l'affaire. Le 13 août 2002, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 23 août 2002, ZENON a déposé ses observations confidentielles et publiques sur le RIF auprès du Tribunal. Seprotech a déposé ses observations confidentielles sur le RIF auprès du Tribunal le 23 août 2002 et elle a déposé ses observations publiques le 29 août 2002. Le 11 septembre 2002, TPSGC a demandé l'autorisation de commenter les présumés nouveaux problèmes et arguments présentés dans les observations de ZENON sur le RIF et les a commentés. Le 12 septembre 2002, Seprotech a demandé l'autorisation de présenter d'autres renseignements aux fins d'étude par le Tribunal et elle a soumis lesdits renseignements. Le 13 septembre 2002, ZENON a demandé l'autorisation de répondre aux présumés nouveaux problèmes et arguments soulevés dans l'exposé de Seprotech et les a commentés. Le 27 septembre 2002, le Tribunal a approuvé les demandes de TPSGC, de Seprotech et de ZENON et a fait parvenir les observations et les renseignements aux parties à titre d'information. Le 30 septembre 2002, ZENON a demandé que Seprotech présente une version révisée non confidentielle ou un résumé non confidentiel des renseignements désignés confidentiels dans son exposé du 12 septembre 2002. Le 4 octobre 2002, Seprotech a présenté au Tribunal une version révisée non confidentielle des renseignements confidentiels contenus dans son exposé du 12 septembre 2002. Le Tribunal a fait parvenir ces renseignements aux parties à titre d'information, le 7 octobre 2002.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 22 mars 2002, un avis de projet de marché a été publié par l'entremise du MERX, le Service électronique d'appel d'offres du Canada, pour la réparation et la révision des appareils de dessalement par osmose inverse à bord des navires (SROD) utilisés sur les frégates des Forces canadiennes au fur et à mesure des besoins.

La DP prévoit, notamment, ce qui suit :

TOUTE LA PORTÉE DU TRAVAIL NÉCESSAIRE EST DÉCRITE EN DÉTAIL DANS LES DOCUMENTS SUIVANTS :

1) LE DOCUMENT DE DEMANDE DE PROPOSITIONS,

2) L'ANNEXE « A » CI-JOINTE - LES EXIGENCES CONCERNANT LE SOUMISSIONNAIRE.

[Traduction]

L'annexe « A » de la DP précise, notamment, ce qui suit :

Les soumissionnaires doivent présenter ce qui suit dans leur réponse à la présente demande de propositions :

PROPOSITION TECHNIQUE

Les soumissionnaires doivent présenter une proposition technique complète qui montre leur capacité d'exécuter tout contrat éventuel. La proposition technique doit comprendre, sans toutefois s'y limiter, une présentation complète sur ce qui suit :

- une liste des ressources en personnel de l'entreprise, leur expérience et leurs compétences. La liste devrait comprendre le personnel de génie et de conception, ainsi que leurs aptitudes,

- une indication claire que tous les composants requis pour effectuer le travail nécessaire peuvent être obtenus par le soumissionnaire (c.-à-d. des lettres d'intention provenant des fabricants d'équipement d'origine).

Les soumissionnaires sont avisés par la présente que le ministère de la Défense nationale et TPSGC feront une évaluation technique de tous les renseignements présentés. Il incombe aux soumissionnaires de présenter une proposition technique complète qui montre qu'ils sont qualifiés pour effectuer le travail décrit dans la présente invitation ainsi que dans toutes les annexes, les spécifications et les dessins qui font partie de la présente invitation. À défaut de présenter des renseignements suffisants permettant une évaluation technique complète, la proposition sera jugée non conforme.

[Traduction]

La date limite de présentation des propositions était fixée au 17 avril 2002. Selon TPSGC, trois entreprises ont présenté des propositions. Le 22 avril 2002, TPSGC a envoyé les propositions techniques au MDN pour qu'elles soient évaluées. Le 16 mai 2002, le MDN a affirmé à TPSGC qu'il avait plusieurs préoccupations concernant les exigences techniques obligatoires. Après avoir discuté de ces préoccupations avec TPSGC, tous les soumissionnaires ont été jugés techniquement conformes. Le 4 juin 2002, le MDN a transmis son rapport final d'évaluation technique à TPSGC.

En fonction de l'évaluation financière, la proposition de Seprotech a été jugée comme étant l'offre conforme la moins-disante; par conséquent, un contrat pour la somme de 6,9 millions de dollars a été adjugé à Seprotech le 6 juin 2002. Le 7 juin 2002, TPSGC a informé ZENON qu'un contrat avait été adjugé à Seprotech. Le 12 juin 2002, ZENON a présenté une lettre d'opposition à TPSGC quant à l'adjudication du contrat à Seprotech. Le 2 juillet 2002, TPSGC a envoyé à ZENON une lettre rejetant son opposition. Le 12 juillet 2002, ZENON a présenté sa plainte au Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

En ce qui a trait à l'exigence selon laquelle la proposition doit indiquer clairement que tous les composants requis pour effectuer le travail nécessaire peuvent être obtenus par le soumissionnaire (c.-à-d. des lettres d'intention provenant des OEM), TPSGC a déclaré que les lettres d'intention présentées avec la proposition de Seprotech ont été jugées conformes à cette exigence.

En réponse au nouvel argument de ZENON selon lequel les lettres d'intention provenant de distributeurs autorisés ou de représentants d'OEM et présentées avec la proposition de Seprotech ne satisfaisaient pas à l'exigence obligatoire de la DP, TPSGC a déclaré que l'exigence obligatoire de la DP ne restreignait pas le soumissionnaire à la seule présentation de lettres provenant d'OEM. Selon TPSGC, cela aurait injustement limité la concurrence en restreignant la source d'approvisionnement, contrairement aux exigences de l'ACI. Il a en outre soutenu que, quand des composants des OEM sont nécessaires ou lorsque le travail de réparation ou de révision comprend une garantie des OEM, on peut obtenir les pièces des OEM ou de leurs distributeurs autorisés ou de leurs représentants, qui peuvent aussi effectuer le travail. (La version confidentielle du RIF contenait de plus amples renseignements et arguments.)

En ce qui a trait au tamis mécanique fabriqué par Hellan Strainer, TPSGC a soutenu que l'équipe d'évaluation technique a jugé qu'une lettre d'intention provenant de ce fabricant n'était pas nécessaire parce que le composant est un appareil standard disponible sur le marché. En ce qui a trait aux compteurs de débits variables et aux autres appareils fabriqués par ABB, TPSGC a soutenu que l'équipe d'évaluation technique a jugé qu'une lettre d'intention provenant de ce fabricant n'était pas nécessaire parce que ces composants, lesquels sont des appareils standard disponibles sur le marché, ne soulèvent aucune question de droit de propriété ou de brevet.

En ce qui a trait à l'allégation de ZENON selon laquelle Seprotech a fait des présentations inexactes quant à ses ressources en personnel, TPSGC a soutenu que la proposition de Seprotech a été évaluée correctement en fonction des renseignements contenus dans sa proposition, laquelle comptait des renseignements détaillés sur les ressources en personnel et des curriculum vitæ du personnel de Seprotech.

En réponse au nouvel argument de ZENON concernant l'évaluation des ressources en personnel, TPSGC a soutenu que la DP ne contenait aucune évaluation des ressources en personnel; plus précisément, elle ne comprenait pas de critères d'évaluation de la disponibilité.

TPSGC a en outre soutenu qu'il n'avait connaissance d'aucun présumé litige entre ZENON et ses anciens employés eu égard aux ententes relatives à la confidentialité au moment de l'évaluation des propositions et, quoi qu'il en soit, il n'y aurait pas eu lieu d'en tenir compte lors de l'évaluation. En outre, il a soutenu qu'il n'appartient pas vraiment à TPSGC dans le cadre de l'évaluation ou au Tribunal de décider si pareilles ententes en matière de confidentialité, lesquelles interdisent aux anciens employés de travailler à des programmes de ZENON quand ils sont à l'emploi d'un compétiteur, s'appliqueraient en fait dans les circonstances de l'exigence en cause.

Position de Seprotech

Seprotech a soutenu qu'elle avait clairement et correctement démontré dans sa proposition sa capacité d'obtenir les composants nécessaires pour effectuer le travail décrit dans la DP.

Selon Seprotech, la DP n'exige pas des soumissionnaires qu'ils présentent des lettres d'intention provenant des OEM; la DP exigeait seulement qu'un soumissionnaire donne à TPSGC une « indication claire » qu'il pouvait fournir les composants nécessaires, et la mention d'une lettre d'intention était seulement un exemple de moyen par lequel un soumissionnaire pouvait démontrer à TPSGC qu'il pouvait obtenir les composants requis. Elle a en outre soutenu que l'expression « i.e. » est une abréviation des mots latins « id est » qui signifie « à savoir » ou « c'est-à-dire ». Elle a soutenu que les tribunaux ont régulièrement maintenu que l'expression « i.e. » ou « à savoir », lorsqu'elle est utilisée pour modifier la description générale d'une chose ou d'une exigence, n'abrège, ne réduit ou ne restreint pas le sens de l'expression. Elle a présenté deux causes5 à l'appui de sa position. Selon elle, par exemple, une indication d'engagements verbaux ou d'autres méthodes d'accès étaient acceptables et les soumissionnaires n'étaient pas limités à présenter des lettres d'intention.

En ce qui a trait à l'ensemble des dessins des SROD contenus dans la DP, Seprotech a soutenu que c'est seulement dans le cas de 14 composants nommés dans la DP que les soumissionnaires devaient expressément préciser qu'ils pouvaient se procurer ces composants de fabricants nommés spécifiques et que les exigences ou les restrictions ne s'appliquaient pas aux autres composants. Ces dessins ont été désignés comme les « dessins de contrôle à la source » et portaient tous, dans un encadré dans le coin supérieur gauche, un numéro de pièce de fournisseur ainsi qu'une description des « sources d'approvisionnement approuvées » qui énonçait les noms et adresses des seuls fournisseurs approuvés du composant. Pour ce qui est des fournisseurs désignés comme étant obligatoires sur les dessins de contrôle à la source, elle a affirmé avoir déposé des lettres d'intention provenant de chacun de ces fabricants. Dans le cas d'un fournisseur, désigné comme étant un fournisseur approuvé exclusif sur un dessin de contrôle à la source, elle a soutenu avoir obtenu un engagement verbal de ce fournisseur pour l'approvisionnement des composants précisés sur le dessin de contrôle à la source. Elle a en outre soutenu que l'engagement verbal a été vérifié par TPSGC. Selon elle, tous les autres composants étaient essentiellement génériques et pouvaient être obtenus d'un grand nombre de sources ou de leurs fabricants d'origine. Par conséquent, elle a soutenu que, dans les circonstances, une affirmation ou une indication de la façon d'obtenir l'accès voulu était suffisante pour être conforme dans le présent contexte.

En ce qui a trait à l'allégation de ZENON selon laquelle Seprotech a présenté de manière inexacte ses ressources en personnel, Seprotech a soutenu que la DP ne mentionne pas d'exigences cotées ni de barème de notation pour l'évaluation du personnel. Selon elle, les ententes censément restrictives n'ont pas été présentées au Tribunal et, par conséquent, il n'y a aucun élément de preuve de l'ampleur, de la durée, des limites ou de l'étendue des présumées restrictions ou ententes en matière de confidentialité. Elle a en outre soutenu que le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve de quelque nature que ce soit qui définisse ces restrictions, la façon dont elles fonctionnent, le moment où elles s'appliquent ou la compétence sous laquelle elles s'appliquent, ni la mesure dans laquelle elles gouvernent qui que ce soit. Finalement, selon elle, ces allégations manquaient non seulement de crédibilité mais elles étaient profondément injustes et, dans les circonstances, ne démontraient aucunement la non-conformité aux accords commerciaux.

Position de ZENON

Selon ZENON, la proposition de Seprotech ne répondait pas aux exigences de l'annexe « A » de la DP, puisque Seprotech n'a pas présenté les lettres d'intention provenant des OEM. Elle a soutenu que les entreprises (OEM) visées sont celles qui fabriquent les composants requis qui suivent :

a. Les pompes à eau C9 et C46 (FMC EnergySystems);

b. La pompe d'alimentation en eau de mer, conversion en face « C » des moteurs de premier et de deuxième étages (Springcrest Inc.);

c. Les tamis de prétraitement (Hellan Strainer);

d. Les clapets à bille pour eau de mer (Marwin Valve);

e. Les instruments proposés pour la surveillance de la salinité (Thorton Inc.);

f. Les soupapes de régulation et d'arrêt de pression (Jordan Valve);

g. Les commutateurs d'instruments (Detroit Switch);

h. Les instruments de débit (ABB);

i. Les clapets de sûreté et de décharge (CPV) et

j. Le chauffe-eau d'alimentation pour le SROD (Glo-Quartz)6 .

[Traduction]

En outre, selon ZENON, elle a été informée, après avoir vérifié auprès des employés responsables des OEM après l'adjudication du contrat, qu'il n'y avait aucune entente, verbale ou autre, entre Seprotech et un représentant autorisé des OEM pour l'approvisionnement des composants requis pour répondre aux exigences de la DP.

ZENON a soutenu que les documents devant être présentés par les soumissionnaires, pour répondre à l'exigence obligatoire de présenter une « indication claire » de l'accessibilité, étaient des lettres d'intention provenant des OEM. Selon elle, l'utilisation de l'abréviation « i.e. » indiquait qu'il ne s'agissait pas simplement d'un exemple d'une façon d'indiquer l'accessibilité des composants et l'abréviation « i.e. » signifie « c'est-à-dire », une expression qui identifie précisément ce qui est requis. Dans le cas présent, selon elle, la DP précisait que les soumissionnaires devaient indiquer clairement l'accessibilité aux composants en présentant des lettres d'intention provenant des OEM et la DP ne donnait aucune autre méthode pour répondre à cette exigence.

En réponse à l'exposé de Seprotech selon lequel la référence aux lettres d'intention provenant des OEM dans la DP servait uniquement à expliquer « un des moyens par lequel un soumissionnaire » pouvait satisfaire à cette exigence, ZENON a soutenu que l'exposé de Seprotech a réduit à presque rien l'exigence d'une « indication claire » et l'expression « i.e. des lettres d'intention provenant des fabricants d'équipement d'origine ». En outre, selon elle, donner effet à l'exposé de Seprotech rendrait la DP très ambiguë sur ce qui constitue une « indication claire » d'un accès aux composants, ce que l'expression précise « i.e. des lettres d'intention » avait pour objet de clarifier.

Selon ZENON, dans le cas de Hudson, la clause en question faisait partie d'un testament et la cour a décidé que la liste détaillée ne restreignait pas le legs général. ZENON a en outre soutenu que Hudson n'est pas analogue à la présente plainte puisque, dans la présente plainte, les termes de la DP ne sont pas contradictoires.

En ce qui a trait à Bird Construction, ZENON a soutenu que la cause a été infirmée dans le cadre de l'appel à la Saskatchewan Court of King's Bench et que la décision de cette cour a été subséquemment infirmée par la Saskatchewan Court of Appeal pour des motifs de compétence et que, par conséquent, Bird Construction ne peut pas constituer un fondement pour justifier l'affirmation pour laquelle Seprotech l'a citée.

ZENON s'est reportée à deux causes7 et a soutenu qu'elles étaient plus pertinentes en l'espèce.

De plus, ZENON a affirmé que le renvoi à l'obtention de lettres d'intention devait signifier que des documents à l'appui étaient nécessaires, qu'une simple affirmation d'autorisation verbale était inadéquate et qu'il est évident qu'une affirmation d'un engagement verbal n'est pas une « indication claire ». ZENON a en outre soutenu que, s'il avait été voulu qu'une simple affirmation soit suffisante, il n'aurait pas été nécessaire de mentionner la présentation d'une lettre d'intention provenant des OEM.

En ce qui concerne les composants fabriqués par Hellan Strainer, ZENON a soutenu qu'il est inexact d'affirmer que les composants sont des appareils standard disponibles sur le marché. Selon elle, ces composants sont propres aux SROD, ils n'ont aucune autre application, et, de toute façon, l'annexe « A » de la DP ne faisait pas la distinction entre les OEM selon que les composants étaient standard ou qu'ils soulevaient des questions de propriété ou de brevet. Elle a aussi affirmé que TPSGC n'avait pas, en vertu de la DP, le pouvoir de passer outre l'exigence de présenter des lettres d'intention.

Eu égard à l'exigence énoncée dans la DP de donner la liste des ressources en personnel de l'entreprise ainsi que leur expérience et leurs compétences, laquelle doit inclure le personnel de génie et de conception et leurs aptitudes, ZENON a soutenu que son objectif est de donner à TPSGC et au MDN les renseignements pertinents pouvant démontrer que les soumissionnaires ont des ressources en personnel compétent pour exécuter le travail décrit dans le document d'appel d'offres. ZENON a soutenu avoir des raisons de croire que certaines présentations contenues dans la proposition de Seprotech quant à ses ressources en personnel sont inexactes. Elle a soutenu que, à titre d'exemple, elle croit que des anciens employés de ZENON figurent sur la liste des ressources en personnel de Seprotech même s'ils ne devraient pas s'y trouver. Elle a soutenu que tous ces anciens employés ont signé des ententes en matière de confidentialité les empêchant de travailler à des programmes de ZENON pendant qu'ils sont des employés d'un compétiteur. Par conséquent, elle a soutenu que ce type de ressource ne serait pas à la disposition de Seprotech à cause des ententes en matière de confidentialité et que toutes les présentations de Seprotech affirmant le contraire rendraient la proposition de Seprotech non conforme. Finalement, selon ZENON, un ancien employé a été inclus sur la liste par Seprotech principalement pour rehausser sa proposition en faisant référence à l'expérience de l'ancien employé en matière de SROD.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, à savoir, dans le cas présent, l'ACI.

Le paragraphe 506(6) de l'ACI mentionne notamment ce qui suit : « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères ».

ZENON a allégué que, contrairement au paragraphe 506(6) de l'ACI, TPSGC a adjugé un contrat à un soumissionnaire dont la proposition ne répondait pas à toutes les exigences obligatoires du document d'appel d'offres. Plus précisément, elle a allégué que Seprotech n'a pas présenté de lettres d'intention provenant des OEM, comme le stipule l'annexe « A » de la DP. ZENON a aussi allégué que certaines présentations contenues dans la proposition de Seprotech quant à ses ressources en personnel étaient inexactes.

Le Tribunal doit déterminer si TPSGC a appliqué correctement les critères d'évaluation énoncés dans la DP en ce qui concerne ces deux questions au moment de l'évaluation des propositions et de l'adjudication du contrat.

Le Tribunal interprète l'exigence selon laquelle un soumissionnaire doit donner une « indication claire que tous les composants requis pour effectuer le travail nécessaire peuvent être obtenus par le soumissionnaire » comme signifiant qu'il faut avoir une confirmation écrite provenant des OEM ou de leurs fournisseurs ou agents pour les composants qui ne sont pas rapidement et facilement obtenus auprès des fournisseurs commerciaux ou qui ne sont pas fabriqués par le soumissionnaire lui-même. Essentiellement, il s'agit des composants qui sont désignés dans les dessins de contrôle à la source où l'on précise les noms et les adresses des OEM approuvés. Pour ce qui est des composants qui sont rapidement et facilement obtenus auprès des fournisseurs commerciaux, à savoir, les produits courants offerts dans le commerce ou figurant dans les catalogues ou les composants qui sont fabriqués par le soumissionnaire lui-même, un simple énoncé du soumissionnaire affirmant qu'ils sont rapidement et facilement obtenus constitue une indication claire de leur accessibilité.

Le Tribunal prend note que TPSGC supposait qu'une lettre d'intention provenant d'un OEM était une forme d'indication claire pouvant être présentée par le soumissionnaire pour établir que tous les composants requis pour effectuer le travail nécessaire pouvaient être obtenus par le soumissionnaire. À cet égard, le Tribunal a fait observer que TPSGC avait utilisé la notation « i.e. » pour identifier un exemple et non pour signifier qu'une lettre d'intention provenant d'un OEM était la seule forme acceptable de confirmation de l'accessibilité des composants. TPSGC estimait qu'une lettre d'un distributeur, d'un fournisseur autorisé ou d'un agent était également une façon acceptable de donner une indication claire de l'accessibilité des composants. Selon le Tribunal, des lettres provenant de distributeurs d'OEM, de fournisseurs autorisés ou d'agents sont essentiellement la même chose que des lettres provenant directement des OEM. De ce fait, le Tribunal conclut que l'interprétation de TPSGC est en accord avec les termes de la DP.

Cependant, TPSGC a également accepté les affirmations du soumissionnaire selon lesquelles celui-ci avait obtenu des autorisations verbales en matière de l'accessibilité des composants. Dans son exposé, Seprotech a affirmé, à la lumière des causes en common law mentionnées ci-avant, que l'expression entre parenthèses « (i.e. des lettres d'intention des fabricants d'équipement d'origine) » n'empêchait pas TPSGC d'accepter d'autres formes de confirmation de l'accessibilité de stock de pièces de composants. Le Tribunal a entendu les arguments de ZENON et de Seprotech relatifs à leur interprétation de « i.e. » et il en est conscient. Il prend note que les causes en common law semblent laisser place à une interprétation tant restrictive que non restrictive, selon le cas. De toute façon, il n'est pas nécessaire que le Tribunal décide de l'interprétation de « i.e. » puisque, à son avis, il ne fait aucun doute que l'expression précédant « une indication claire que tous les composants requis pour effectuer le travail nécessaire peuvent être obtenus par le soumissionnaire » prévoit quelque chose de plus concret que la mention d'une conversation verbale entre un soumissionnaire et un fournisseur. À tout le moins, il doit y avoir une preuve écrite sous une forme ou une autre confirmant que les composants illustrés dans les dessins de contrôle à la source des SROD pouvaient être obtenus par le soumissionnaire aux fins du marché public. Le Tribunal conclut que, en acceptant ces indications verbales comme conformes au critère d'évaluation, TPSGC a permis que l'évaluation déroge de ce qui était énoncé dans la DP.

Le Tribunal déduit donc que TPSGC a conclu incorrectement que l'exigence selon laquelle il faut donner une « indication claire que tous les composants requis pour effectuer le travail nécessaire peuvent être obtenus par le soumissionnaire » comprend l'affirmation par le soumissionnaire d'une entente verbale concernant les composants qui ne sont pas rapidement et facilement obtenus auprès des fournisseurs commerciaux ou qui ne sont pas fabriqués par le soumissionnaire lui-même. Pour cette raison, le Tribunal conclut que TPSGC a appliqué incorrectement les critères d'évaluation énoncés dans la DP et que, en déterminant que la proposition de Seprotech était conforme, il a contrevenu aux dispositions du paragraphe 506(6) de l'ACI en menant l'évaluation.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

Eu égard au deuxième aspect de la plainte, ZENON a allégué que certaines des présentations de la proposition de Seprotech sur ses ressources en personnel sont inexactes.

Selon le Tribunal, il n'est pas raisonnable de penser que TPSGC était au courant d'un présumé litige entre ZENON et ses anciens employés quant aux ententes en matière de confidentialité au moment de l'évaluation des propositions et, même s'il avait été au courant d'un litige, il n'y aurait pas eu lieu d'en tenir compte lors de l'évaluation.

Enfin, le Tribunal accorde à ZENON le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la présente plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC résilie le contrat accordé à Seprotech et, quant aux deux propositions restantes, qu'il réévalue uniquement le critère selon lequel il doit être clairement indiqué que les composants, qui ne sont pas rapidement et facilement obtenus auprès d'un fournisseur commercial ou qui ne sont pas fabriqués par le soumissionnaire lui-même, peuvent être obtenus par le soumissionnaire.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à ZENON le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la présente plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . Re Hudson, [1908] 16 O.L.R. 165 [ci-après Hudson]; Bird Construction c. Maier and Saskatchewan Government Insurance Office, [1949] 1 D.L.R. 51 [ci-après Bird Construction].

6 . Plainte au para. 31.

7 . Re Toronto Transit Commission and A.T.U., Loc. 113 (Rain Pay), [1999] 78 L.A.C. (4e) 364; Walt Estate c. Williams, [1997] 18 E.T.R. (2e) 242.