PRUDENTIAL RELOCATION CANADA LTD.

Décisions


PRUDENTIAL RELOCATION CANADA LTD.
Dossier no PR-2002-070


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 30 juillet 2003

Dossier no PR-2002-070

EU ÉGARD À une plainte déposée par Prudential Relocation Canada Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux réévalue, d'ici le 10 septembre 2003, les propositions à l'égard de la section 2.1.1.5 (systèmes informatiques) des parties C2-1, C2-2 et C2-3 de l'annexe C de la demande de propositions (DP), sans tenir compte de la question de savoir si les systèmes informatiques proposés par les soumissionnaires sont compatibles avec la technologie en usage au sein du gouvernement du Canada.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande en outre que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux réévalue, d'ici le 10 septembre 2003, les propositions à l'égard des autres sections des parties C2-1, C2-2 et C2-3 de l'annexe C de la DP, qui font l'objet de cotation numérique, dans tous les cas où aucun soumissionnaire n'a reçu de points au niveau « Dépasse les critères » [traduction] et en partant du fait qu'il devrait être possible pour les soumissionnaires d'atteindre le niveau « Dépasse les critères » [traduction] de toutes ces sections de la DP.

Si, après les réévaluations, le soumissionnaire retenu dans le cas du Programme intégré de réinstallation (PIR) des Forces canadiennes, du PIR du gouvernement du Canada ou du PIR de la Gendarmerie royale du Canada est une partie autre que Royal LePage Inc., le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande également que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux adjuge un nouveau contrat au soumissionnaire retenu au plus tard le 1er janvier 2004.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Meriel V.M. Bradford
Meriel V.M. Bradford
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Date de la décision :

Le 30 juillet 2003

Date des motifs :

Le 18 septembre 2003

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Meriel V.M. Bradford, membre

   

Agent d'enquête :

Peter Rakowski

   

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Partie plaignante :

Prudential Relocation Canada Ltd.

   

Conseiller pour la partie plaignante :

David J. Lowdon

   

Partie intervenante :

Royal LePage Relocation Services Limited

   

Conseiller pour Royal LePage Relocation Services Limited :

Donald S. Affleck

   

Partie intervenante :

Envoy Relocation Services Inc.

   

Conseiller pour Envoy Relocation

 

Services Inc. :

Ronald D. Lunau

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

Ottawa, le jeudi 18 septembre 2003

Dossier no PR-2002-070

EU ÉGARD À une plainte déposée par Prudential Relocation Canada Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 17 mars 2003, Prudential Relocation Canada Ltd. (Prudential) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard d'un marché public (invitation no 24062-020006/B) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), des Forces canadiennes (FC) et du gouvernement du Canada (GDC). Prudential a allégué que, contrairement aux dispositions des accords commerciaux, TPSGC a évalué de manière irrégulière les propositions soumises en réponse à la demande de propositions (DP).

Prudential a allégué que ses propositions n'ont pas été évaluées d'une manière régulière parce que les évaluateurs n'ont pas appliqué la méthode, les critères et les procédures énoncés dans la DP, ont interprété les critères énoncés dans la DP d'une manière incohérente et irrégulière, et n'ont pas pu attribuer le nombre de points indiqué pour certains critères d'évaluation parce qu'il était impossible de dépasser le niveau « Satisfait aux critères » [traduction]. Les allégations de Prudential incluaient des affirmations selon lesquelles les propositions devaient obtenir la note de 70 p. 100 dans chaque catégorie d'évaluation plutôt que la note globale de 70 p. 100, que les évaluateurs ont, à tort, tenu compte de la compatibilité avec la plate-forme technologique actuelle du gouvernement et que les échantillons de véritables dossiers de réinstallation ont été évalués en fonction d'une norme différente de celle publiée dans la DP. Prudential a aussi allégué que l'évaluation favorisait l'entrepreneur titulaire. Enfin, Prudential a allégué que le recours à un évaluateur qui avait entrepris une action en justice contre Prudential a donné naissance à un risque de partialité dans l'évaluation des soumissions de Prudential.

Le 26 mars 2003, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 4 avril 2003, le Tribunal a autorisé Envoy Relocation Services Inc. (Envoy) à intervenir dans l'affaire. Le 22 avril 2003, le Tribunal a autorisé Royal LePage Relocation Services Limited (Royal LePage) à intervenir dans l'affaire. Le 5 mai 2003, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Prudential et Envoy ont déposé leurs observations sur le RIF le 16 mai 2003.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

REQUÊTE EN RADIATION DES OBSERVATIONS D'ENVOY

Le 28 mai 2003, TPSGC a déposé une requête en vue d'obtenir du Tribunal une ordonnance de radiation des observations d'Envoy sur le RIF, au motif qu'elles constituaient une plainte n'ayant pas été déposée dans les délais prescrits. À titre de solution de rechange, TPSGC a demandé une ordonnance de radiation de certains paragraphes précis de ces observations, au motif qu'ils constituaient de nouveaux motifs de plainte n'ayant pas été déposés dans les délais prescrits ou contenaient des observations qui sortaient du cadre de l'enquête du Tribunal et n'étaient pas des observations en réponse convenables. Le 6 juin 2003, Envoy a déposé ses observations en réponse à la requête et, le 11 juin 2003, TPSGC a déposé sa réponse aux observations d'Envoy. Le 27 juin 2003, le Tribunal a avisé les parties du rejet de la requête de TPSGC. Le 4 juillet 2003, TPSGC a déposé ses observations sur les observations d'Envoy sur le RIF.

Lorsqu'il a rejeté la requête de TPSGC, le Tribunal a fait observer que le paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE stipule que, dans son enquête, le Tribunal doit limiter son étude à l'objet de la plainte et qu'Envoy avait indiqué ne pas avoir l'intention de déposer une nouvelle plainte. Le Tribunal a aussi indiqué que, pour arriver à sa décision, il accorderait aux observations d'Envoy le poids qu'elles méritent comme il le fait habituellement dans le traitement des éléments de preuve et des autres observations.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 10 mai 2002, une lettre d'intérêt (LI) a été diffusée par l'intermédiaire du MERX, le Service électronique d'appel d'offres du Canada. La LI contenait une ébauche des modalités proposées de la DP eu égard à divers services d'aide à la réinstallation et des ébauches d'énoncés de travail (ÉT) pour les FC, la GRC et le GDC. Le 15 août 2002, l'avis de projet de marché et la DP, contenant trois sections distinctes à l'annexe C (FC, GDC et GRC), ont été diffusés par l'intermédiaire du MERX.

Pour être jugées recevables, les soumissionnaires devaient déposer des soumissions concernant tous les trois clients (FC, GDC et GRC) ou des soumissions concernant le GDC et la GRC. De plus, pour chaque client proposé, les soumissionnaires devaient obtenir une note d'au moins 70 p. 100 des points pour les critères assujettis à la cotation numérique précisée. Le nombre maximum de points possibles pour chaque client était de 15 000. Les sections des ÉT pertinents à l'espèce étaient les mêmes dans le cas de tous les trois clients. En réponse à une question sur les points possibles pour les quatre catégories de l'échelle de cotation, la modification no 2 de la DP, datée du 19 septembre 2002, stipulait ce qui suit : « les points seront attribués en fonction des critères énoncés [c.-à-d. Insatisfaisant - 0 p. 100; Satisfait à la plupart des critères - 50 p. 100; Satisfait aux critères - 70 p. 100; Dépasse les critères - 100 p. 100]. Les évaluateurs n'attribueront pas d'autres pourcentages » [traduction].

La date de clôture pour la présentation des propositions était le 30 septembre 2002. Selon TPSGC, cinq soumissionnaires ont soumis des propositions. Prudential a soumis des propositions pour tous les trois clients de TPSGC. L'évaluation des propositions techniques s'est terminée le 8 octobre 2002. Le 18 décembre 2002, Prudential a été informée que ses propositions avaient été déclarées non conformes et qu'un contrat avait été attribué à Royal LePage pour tous les trois clients de TPSGC. TPSGC a tenu une réunion d'information avec Prudential le 8 janvier 2003. Le 22 janvier 2003, Prudential a envoyé une lettre d'opposition à TPSGC. Le 4 mars 2003, Prudential a reçu l'avis de refus de réparation de TPSGC. Le 17 mars 2003, Prudential a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITIONS DES PARTIES

Position de Prudential

Prudential a soutenu que ses motifs de plainte concernant l'évaluation du niveau « Dépasse les critères » et la partialité présumée dans l'évaluation des dossiers de clients soumis à titre d'échantillon se rapportent à la manière dont l'évaluation a été menée et que Prudential n'en a pas été informée avant sa réunion d'information, le 8 janvier 2003. De ce fait, Prudential a soutenu que lesdits motifs de plainte ont été déposés dans les délais prescrits par l'article 6 du Règlement.

Prudential a soutenu que les évaluateurs ont introduit un changement important à la méthode et aux critères d'évaluation eu égard à l'information communiquée dans les documents d'appel d'offres. Selon Prudential, le changement susmentionné a été fait sans avis et sans que les soumissionnaires en prennent connaissance. Prudential a soutenu que ce changement infirmait le critère d'évaluation technique énoncé à la partie C2 de l'annexe C de la DP, soit qu'un nombre maximum de 15 000 points était possible, a introduit le principe « Réussite/échec » [traduction] au niveau « Satisfait aux critères » pour chaque section de l'évaluation (c.-à-d. qu'il a rendu obligatoire l'obtention par les soumissionnaires de la norme « Satisfait aux critères » pour chaque section de l'évaluation, contrairement aux critères d'évaluation énoncés dans la DP) et a favorisé l'entrepreneur titulaire eu égard au Programme intégré de réinstallation (PIR) en ce sens que le titulaire fonctionnait censément au niveau « Satisfait aux critères » aux termes dudit PIR.

Prudential a soutenu que sa plainte n'a pas pour principal objet la question de savoir si sa soumission aurait dû être déclarée conforme, mais plutôt la question de savoir si les points annoncés comme théoriquement possibles dans la DP n'étaient pas effectivement possibles selon la procédure d'évaluation menée par les évaluateurs. Selon Prudential, l'effet de l'impossibilité d'obtenir ces points est illustré par le fait que l'entrepreneur titulaire sous le régime du PIR était le seul soumissionnaire déclaré conforme relativement à la présente DP. Ainsi, Prudential a soutenu que l'impossibilité susmentionnée a fait perdre toute sa signification au calcul du « prix par point », puisque Prudential et, peut-être, d'autres soumissionnaires n'ont pas pu obtenir le nombre de points que méritaient leurs soumissions.

Enfin, Prudential a soutenu que le fait qu'un des évaluateurs avait été partie à un litige avec Prudential implique qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité dans l'évaluation de ses propositions.

Prudential a soutenu que l'évaluation de ses propositions aux termes de la DP s'est déroulée de façon contraire à l'article 501 et au paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur 4 , que le contrat devrait être résilié et le besoin faire l'objet d'un nouvel appel d'offres lancé d'une manière régulière. Prudential a soutenu que les vices fondamentaux de la procédure d'évaluation de la DP ne pouvaient faire l'objet d'une réparation par simple arrangement des résultats des soumissions. Prudential a ajouté que, même s'il existe un besoin continu de réinstaller des employés, il serait possible de résilier un contrat adjugé injustement et de le remplacer par un contrat adjugé sans irrégularité, et cela d'une façon adaptée aux besoins des clients de TPSGC. Prudential a soutenu qu'on ne devrait pas permettre qu'une procédure de passation des marchés publics viciée vaille pendant cinq ans, plus deux années en option, du simple fait qu'elle est réputée « essentielle ». Prudential a aussi demandé le remboursement des frais qu'elle avait engagés relativement à la plainte.

Position de TPSGC

TPSGC a soutenu que les évaluateurs n'avaient pas évalué les propositions selon les fondements allégués par Prudential et que les soumissionnaires étaient tenus d'obtenir une note globale de 70 p. 100 au regard des exigences techniques pour que leurs soumissions soient jugées recevables. Selon TPSGC, les propositions techniques de Prudential ont été déclarées irrecevables parce que le résultat global de chacune de ses trois soumissions ne satisfaisait pas à l'exigence portant sur le seuil de 70 p. 100 du résultat global possible de 15 000 points pour chaque soumission. TPSGC a soutenu que l'annexe C de la DP établit les critères et la procédure d'évaluation et que le résultat-seuil de 70 p. 100 est 10 500 points sur un total global de 15 000 points.

TPSGC a soutenu que le résumé de l'évaluation des soumissions pour le PIR qu'elle a préparé après l'évaluation des soumissions techniques et financières énonçait d'une manière régulière les fondements de l'exécution de l'évaluation pour la partie qui a fait l'objet d'une cotation numérique, comme il a été dit dans la phrase suivante :

L'évaluation était fondée sur les critères à cotation numérique uniquement et l'évaluation de chaque client est fondée sur 15 000 points et une note globale de réussite de 70 p. 100 (10 500 points).5

[Traduction]

TPSGC a soutenu que, après la réunion d'information tenue avec Prudential, la lettre du 28 février 2003 de TPSGC6 a clairement informé Prudential que le résultat global obtenu pour chacune de ses trois soumissions ne satisfaisait pas à l'exigence portant sur le seuil de 70 p. 100. La lettre renvoyait expressément au résultat global attribué à Prudential pour chacune de ses trois soumissions, par rapport au résultat global maximum possible de 15 000 points pour chaque soumission, de la façon suivante :

Ainsi qu'il a été expliqué à la réunion d'information, Prudential a obtenu 10 442 points sur un total possible de 15 000 points pour la soumission présentée pour les Forces canadiennes, 10 320 points sur un total possible de 15 000 points pour la soumission présentée pour la GRC et 10 320 points sur un total possible de 15 000 points pour la soumission présentée pour le gouvernement du Canada.

[Traduction]

TPSGC a de plus soutenu que cette lettre donnait à Prudential un exemple d'un des principaux domaines faibles de ses propositions, à savoir la catégorie de la « Gestion des dossiers » [traduction], un domaine où le soumissionnaire était tenu de soumettre des dossiers échantillons. Il s'agissait là d'une exigence assujettie à une cotation numérique et pour laquelle Prudential a obtenu des résultats inférieurs au résultat de 70 p. 100 correspondant au niveau « Satisfait aux critères ». TPSGC a soutenu que la soumission de Prudential n'a pas été déclarée irrecevable à cause du résultat qu'elle a obtenu à la catégorie « Gestion des dossiers ». Selon TPSGC, c'est le résultat regroupé pour tous les critères qui a déterminé la question de savoir si la soumission était techniquement recevable ou non.

TPSGC a soutenu que Prudential avait découvert ou aurait raisonnablement dû découvrir la méthode d'évaluation énoncée dans la DP, y compris l'échelle de cotation, les pourcentages et les notes possibles pour chacun des critères, et aurait dû faire connaître ses préoccupations, au sujet de l'évaluation du niveau « Dépasse les critères », un certain temps après la diffusion de la DP (le 15 août 2002) et avant la clôture des soumissions (le 30 septembre 2002). Plutôt, Prudential a attendu jusqu'après l'adjudication du contrat, le 18 décembre 2002, avant de faire connaître ses préoccupations. TPSGC a soutenu n'avoir reçu ni question ni demande d'éclaircissement sur la méthode d'évaluation du niveau « Dépasse les critères » durant la période de soumission. TPSGC a aussi soutenu qu'aucun élément de preuve n'a été présenté eu égard à l'ambiguïté latente de la notation des exigences au niveau « Dépasse les critères » établie dans la DP. Plutôt, TPSGC a déclaré que l'opposition se rapporte au fait que la notation du niveau « Dépasse les critères » n'était pas définie dans la DP et que, par conséquent, il n'était pas possible d'obtenir les points devant être attribués au niveau « Dépasse les critères ». TPSGC a soutenu que de telles oppositions auraient dû être soulevées pendant la période de soumission. TPSGC a donc soutenu que la plainte concernant l'évaluation du niveau « Dépasse les critères » n'a pas été déposée dans les délais prescrits par le Règlement.

À titre subsidiaire, TPSGC a soutenu que l'allégation de Prudential selon laquelle il n'était pas possible d'obtenir les points associés à la cotation du niveau « Dépasse les critères » est dénuée de fondement. Selon TPSGC, tous les soumissionnaires, y compris Prudential, ont obtenu des points parce que certains aspects de leurs propositions dépassaient les exigences de certains critères.

TPSGC a aussi soutenu que, même s'il était vrai que certains points associés au niveau « Dépasse les critères » étaient plus difficiles à obtenir, tous les soumissionnaires ont été touchés également et ont été évalués de la même manière. Toutefois, TPSGC a soutenu que, si le Tribunal devait déterminer que la plainte selon laquelle certains points de l'évaluation étaient plus difficiles à obtenir était fondée, une telle décision ne devrait pas changer les résultats de l'évaluation, étant donné qu'une nouvelle évaluation de l'offre de Prudential, la rendant conforme, à la suite de l'élimination de l'effet associé au niveau « Dépasse les critères » de l'évaluation, ne donnerait toujours pas lieu à l'adjudication du contrat à Prudential.

TPSGC a soutenu que l'équipe d'évaluation n'avait pas mal appliqué les critères d'évaluation pour les « Systèmes informatiques » [traduction]. TPSGC a soutenu que Prudential avait sorti de leur contexte les observations présentées à la réunion d'information tenue le 8 janvier 2003, environ trois mois après la fin de l'évaluation, et que la proposition de Prudential relativement aux critères associés aux « Systèmes informatiques » a obtenu le résultat « Satisfait aux critères ».

TPSGC a soutenu que Prudential n'avait pas soulevé de question sur l'interprétation de l'exigence concernant l'échantillon de dossiers de réinstallation de clients et n'a pas fait part non plus de préoccupations selon lesquelles les critères retenus pour évaluer cette exigence favorisaient un fournisseur donné au moment de la réception de la DP ou à un autre moment avant la clôture des soumissions. TPSGC a soutenu que, par conséquent, le délai pour le dépôt d'une plainte sur l'interprétation de cette exigence ou la question de savoir si les critères favorisaient en soi un fournisseur donné a expiré depuis longtemps.

TPSGC a soutenu que l'affirmation de Prudential selon laquelle les évaluateurs avaient à tort interprété les critères comme signifiant qu'il fallait soumettre des dossiers échantillons qui « imitent chaque aspect du dossier d'un client du PIR » [traduction] ou avaient fait d'un « dossier d'un client du PIR actuel la norme à laquelle devaient satisfaire tous les autres dossiers échantillons »7 [traduction], est une affirmation dénuée de fondement.

TPSGC a soutenu que rien ne justifie une conclusion de crainte de partialité dans l'évaluation des propositions de Prudential du fait de la participation d'un des évaluateurs à l'évaluation des propositions. TPSGC a soutenu que, à l'appui de l'allégation de crainte raisonnable de partialité, Prudential invoque le fait que, dans une action en justice déposée il y a six ans, un jugement par défaut avait été obtenu contre elle, pour un montant qui est sans importance par rapport à la valeur du contrat en cause. TPSGC a soutenu qu'une personne raisonnable et bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, sachant que Prudential a expressément refusé d'attaquer les motifs de cette personne ou de l'un des autres évaluateurs, conclurait inévitablement que rien ne justifie une conclusion de crainte raisonnable de partialité.

En réponse à la demande du Tribunal visant des observations sur l'exposé d'Envoy, TPSGC a soutenu que les observations d'Envoy contenaient des allégations tardives portant sur sa propre réunion d'information, sa propre évaluation, le délai accordé dans la procédure pour l'évaluation des propositions, la période de soumission et la méthode de cotation énoncée dans les documents d'appel d'offres. TPSGC a qualifié de non fondées toutes ces allégations et a ajouté qu'elles s'appuient sur des questions au sujet desquelles le délai prescrit pour déposer une plainte a expiré depuis longtemps.

TPSGC a qualifié de non fondée l'allégation d'Envoy selon laquelle la proposition de Royal LePage a, d'une manière irrégulière, obtenu des points au niveau « Dépasse le critère » parce qu'elle a proposé des ajouts ou des améliorations de services qui auraient dû être présentés et dont le prix aurait dû être établi dans le cadre d'une section distincte de sa proposition en regard de l'article 5.0 de la DP. TPSGC a soutenu qu'aucun poids ne devait être accordé à cette allégation dans la décision du Tribunal puisque ladite allégation constitue une nouvelle plainte et n'entre donc pas dans le champ d'application de l'enquête du Tribunal.

TPSGC a demandé que lui soient adjugés ses frais de défense.

Position d'Envoy

Envoy a appuyé les observations de Prudential et a soutenu que les vices de la procédure de passation du marché public obligent à lancer un nouvel appel d'offres, en toute équité à l'endroit de tous les soumissionnaires. Envoy a aussi soutenu que d'importantes difficultés ont été relevées eu égard à l'évaluation des soumissions en fonction des exigences associées au niveau « Dépasse les critères ». Envoy a soutenu que la reconnaissance par TPSGC qu'il existe, en fait, des critères pour lesquels il est impossible d'obtenir le niveau « Dépasse les critères » signifie que l'évaluation ne peut se faire sans s'écarter du régime d'évaluation énoncé dans la DP. Selon Envoy, il n'existe aucune façon de permettre aux soumissionnaires d'augmenter leurs résultats globaux en obtenant un meilleur résultat dans leur domaine particulier de spécialisation, tel que l'envisageait le régime de cotation énoncé dans la DP.

Envoy a soutenu qu'il est possible de faire en sorte d'éviter de perturber ou d'interrompre le service à la Couronne pendant la période du nouvel appel d'offres pour le contrat.

Envoy a aussi demandé le remboursement des frais qu'elle a engagés pour intervenir dans l'affaire.

Position de Royal LePage

Royal LePage a dit appuyer et adopter en tous points la position décrite dans le RIF. Royal LePage a soutenu que la plainte n'a pas été déposée dans des délais prescrits par le Règlement. Plus particulièrement, elle a soutenu que la plainte a été déposée 7 mois après la diffusion de la DP par l'intermédiaire du MERX, 6 mois après la clôture de la période de soumission, 3 mois après que Prudential a été informée que le contrat ne lui avait pas été adjugé, plus de 2 mois après la réunion d'information tenue avec Prudential et plus de 10 jours ouvrables après la réponse de TPSGC à l'opposition présentée par Prudential.

Royal LePage a soutenu que l'affirmation de Prudential selon laquelle les critères associés à l'échantillon de « dossier de réinstallation » favorisaient l'entrepreneur titulaire n'est pas corroborée par des faits concrets. Selon Royal LePage, en tant qu'entrepreneur titulaire, elle a soumis des dossiers de réinstallation à titre d'échantillon conformément à la DP, dont trois provenant de déplacements extérieurs au gouvernement, et tous les dossiers échantillons ont été évalués comme satisfaisants aux exigences.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, seulement l'ACI s'appliquant en l'espèce.

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit en partie que « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères ».

Prudential a énoncé les cinq motifs de plainte suivants, chacun de ces motifs étant traité en détail ci-après :

· TPSGC a exigé une note de passage de 70 p. 100 pour chaque catégorie de la DP plutôt qu'une note globale de passage de 70 p. 100.

· À l'évaluation, il était impossible d'obtenir des points au niveau « Dépasse les critères » pour certaines catégories de l'évaluation.

· L'évaluation des exigences pour les « Systèmes informatiques » a, à tort, tenu compte de la compatibilité avec la technologie en usage au sein du gouvernement.

· L'évaluation des dossiers de clients soumis à titre d'échantillon favorisait l'entrepreneur titulaire.

· Le recours à un évaluateur qui avait entrepris une action en justice contre Prudential a donné naissance à une crainte raisonnable de partialité dans l'évaluation des soumissions de Prudential.

Exigence visant l'obtention d'une note de 70 p. 100

Le paragraphe 1a) de la partie C1 de l'annexe C de la DP stipule que, pour être jugée recevable, une proposition doit obtenir une note globale d'au moins 70 p. 100 pour les critères à cotation numérique (c.-à-d. 10 500 points sur un total possible de 15 000 points). Les parties s'entendent sur le fait que tel est bien le cas et qu'il n'existe pas d'exigence visant l'obtention d'une « note de passage » de 70 p. 100 des points possibles pour chaque exigence énoncée dans la DP.

Cependant, dans une lettre à Prudential datée du 28 février 20038 , TPSGC a déclaré ce qui suit : « Un des principaux domaines faibles des propositions soumises par Prudential était les dossiers échantillons soumis. [...] Prudential a obtenu 389 points sur un total possible de 777 points pour les dossiers soumis pour les FC, la GRC et le GDC, soit 155 points de moins que les 544 points nécessaires pour obtenir la note de passage pour ce critère pour chaque client » [traduction; soulignement ajouté].

Même si cette déclaration est erronée et porte à confusion, les éléments de preuve n'indiquent pas que l'évaluation a réellement été effectuée en fonction du principe selon lequel il fallait obtenir une note de passage pour chacune des catégories de l'évaluation. Pour chacune de ses trois soumissions, Prudential a obtenu une note globale de moins de 70 p. 100 des points possibles pour les critères assujettis à une cotation numérique. Les résultats globaux à ce niveau constituaient un fondement pertinent pour déclarer irrecevables les soumissions.

Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n'est pas fondé.

Possibilité d'obtenir des points au niveau « Dépasse les critères »

Les parties C2-1, C2-2 et C2-3 de l'annexe C de la DP9 stipulent en partie ce qui suit :

Un nombre maximum de 15 000 points peut être obtenu pour les critères assujettis à une cotation numérique.

Les points seront attribués comme il suit : pourcentage des points possibles

Insatisfaisant

0 p. 100

Satisfait à la plupart des critères

50 p. 100

Satisfait aux critères

70 p. 100

Dépasse les critères

100 p. 100

[Traduction]

Les grilles de cotation qui suivent indiquent « Dépasse les critères » comme un résultat qu'il est possible d'obtenir pour toutes les exigences assujetties à une cotation numérique, un résultat qui recevrait 100 p. 100 des points possibles pour chaque exigence. L'addition des points attribués au niveau « Dépasse les critères » pour toutes les exigences donne un total de 15 000 points10 .

La DP indique donc clairement que l'évaluation devrait être telle qu'un soumissionnaire puisse obtenir le résultat « Dépasse les critères » pour chacune des exigences assujetties à une cotation numérique et, par conséquent, reçoive 100 p. 100 des 15 000 points possibles. Le Tribunal fait observer que TPSGC ne semble pas contester le fait que la DP prévoit que le résultat « Dépasse les critères » est possible pour toutes les sections. La question en l'espèce est celle de savoir si TPSGC s'est conformé à cette exigence lorsqu'il a procédé à l'évaluation.

Les grilles d'évaluation appliquées par les évaluateurs pour évaluer les exigences assujetties à une cotation numérique indiquent que le résultat « Dépasse les critères » et, par conséquent, tous les points possibles ont été attribués pour certaines sections, mais non pas pour toutes les sections11 . La question qui se pose est celle de savoir si la raison pour laquelle le résultat « Dépasse les critères » n'a pas été attribué pour ces autres sections est le fait qu'aucune soumission ne méritait un tel résultat élevé ou le fait que les évaluateurs n'ont pas rendu possible l'atteinte du résultat « Dépasse les critères » pour ces sections.

Les grilles d'évaluation appliquées par les évaluateurs ne faisaient pas partie intégrante de la DP. Les directives à la première page des grilles se lisent ainsi :

Le Guide de cotation qui suit a été préparé pour aider l'équipe d'évaluation des soumissions. Les descriptions qui suivent doivent servir de guide et ainsi aider à l'attribution des résultats pour chaque soumission. Dans certains cas, aucune indication n'est fournie, surtout dans la catégorie « dépasse ». Il est impossible de prévoir ce qui pourrait constituer un rendement dont on pourrait dire qu'il « dépasse » les exigences. Dans d'autres cas, « dépasser » les attentes n'est pas considéré comme possible. Toutefois, à titre de principe directeur, pour obtenir un résultat qui s'inscrit dans la colonne « dépasse », une soumission donnée doit offrir un avantage global supplémentaire mesurable pour la Couronne du fait de la proposition soumise pour ce critère12 .

[Traduction; soulignement ajouté]

Autrement dit, les évaluateurs ont reçu des directives claires selon lesquelles, dans l'évaluation de certaines sections des soumissions (qui n'ont pas été précisées), il était impossible d'évaluer les soumissions au niveau « Dépasse les critères ». Un tel état des choses est corroboré par les éléments de preuve produits par Prudential concernant les renseignements qu'elle avait reçus à sa réunion d'information13 . Prudential a déposé une déclaration sous serment d'un employé présent à la réunion tenue le 8 janvier 2003 qui indiquait que les évaluateurs n'avaient pas pu donner d'exemples de la manière dont une soumission aurait pu obtenir le résultat « Dépasse les critères » pour certaines sections. TPSGC n'a pas produit d'éléments de preuve provenant de ses évaluateurs à cet égard. De plus, Prudential a soulevé ce point dans sa lettre du 22 janvier 2003 à TPSGC, mais il n'en a pas été expressément traité dans la réponse de TPSGC datée du 28 février 2003.

Par conséquent, le Tribunal est convaincu, à la lumière des éléments de preuve, qu'il n'était pas possible d'obtenir les points au niveau « Dépasse les critères » pour toutes les sections, contrairement à ce que précise la DP. Le Tribunal conclut donc que ce motif de plainte est fondé, du fait que les critères qui devaient être appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères qui devaient être appliqués dans l'évaluation des propositions n'étaient pas indiqués clairement dans les documents d'appel d'offres, contrairement aux dispositions prescrites au paragraphe 506(6) de l'ACI.

TPSGC a prétendu que Prudential aurait dû découvrir, au moment de l'examen de la DP, les faits à l'origine du motif de plainte concernant la méthode d'évaluation énoncée dans la DP et que, par conséquent, cette plainte de Prudential n'avait pas été déposée dans les délais prescrits par l'article 6 du Règlement. Royal LePage a également prétendu que tous les motifs de plainte n'avaient pas été déposés dans les délais prescrits. Prudential a prétendu qu'elle ne soulevait pas une question sur la méthode décrite dans la DP, mais plutôt une question sur la manière dont la méthode avait été appliquée lors de l'évaluation de ses propositions.

Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le Tribunal n'estime pas que ce motif de plainte concerne la méthode d'évaluation énoncée dans la DP. Plutôt, ce motif concerne la manière dont la méthode a été appliquée lors de l'évaluation des soumissions. Le Tribunal fait observer que les grilles d'évaluation et les renseignements reçus des évaluateurs à la réunion d'information, qui sont décrits ci-dessus, ne faisaient pas partie intégrante de la DP. Le Tribunal fait également observer que la réunion d'information a été tenue le 8 janvier 2003 et que, le 22 janvier 2003, Prudential a fait parvenir une lettre d'opposition à TPSGC. Prudential a reçu l'avis de refus de réparation le 4 mars 2003 et a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 17 mars 2003. Par conséquent, le Tribunal estime que ce motif de plainte a été déposé dans les délais prescrits par le paragraphe 6 du Règlement.

Prudential a aussi prétendu que la clause sur les options et l'amélioration de services qui figure dans la partie 2, article 5.0 de la DP, a été mal interprétée, ce qui a donné lieu au fait que Prudential a été privée à tort de résultats au niveau « Dépasse les critères ». L'article 5.0 se lit ainsi :

5.0 OPTIONS ou AMÉLIORATION DE SERVICES

On rappelle aux soumissionnaires que leurs propositions seront évaluées en tenant compte des énoncés des travaux (annexes A-1, A-2 et A-3) et des critères d'évaluation énoncés à l'annexe C.

Si un soumissionnaire estime qu'il peut offrir des options ou des améliorations de services en plus des services exigés dans les ÉT, le soumissionnaire doit fournir une description détaillée de ces options ou améliorations, en s'assurant que toutes ces options sont présentées dans une section distincte de toute proposition et désignées comme telles. Le prix de ces options doit également figurer à un poste distinct dans la proposition financière soumise.

Au cours de la période d'évaluation, la proposition du soumissionnaire ne sera évaluée qu'en conformité avec l'annexe C. Une fois que la proposition du coût le plus bas par point est déterminé, toutes les options ou améliorations offertes par les soumissionnaires choisis seront évaluées au regard de la pertinence et de l'applicabilité au programme, et la Couronne se réserve le droit de négocier avec le(s) soumissionnaire(s) choisi(s) la totalité ou une portion des options ou améliorations offertes.

[Traduction]

Plus précisément, Prudential a allégé que TPSGC avait interprété cet article de façon à vouloir dire que toutes les améliorations de services et les options ne font pas l'objet d'examen au niveau « Dépasse les critères », qu'il est difficile de voir comment une soumission pourrait être considérée comme dépassant les critères pour toute catégorie d'évaluation à moins qu'elle n'améliore les services au-delà des critères énoncés dans la DP et que le retrait réel des points qu'il est théoriquement possible d'obtenir au niveau « Dépasse les critères » par le truchement du processus d'évaluation a complètement changé la nature de la méthode d'évaluation de celle énoncée dans la DP. Cependant, bien qu'il soit vrai que la DP n'indique pas de quelle façon le résultat est censé être relié à la clause sur les améliorations et les options, le Tribunal souscrit à l'interprétation de TPSGC selon laquelle, pour atteindre le niveau « Dépasse les critères », un aspect doit être pertinent aux exigences qui fait l'objet de la cotation et ajouter une réelle valeur.

Évaluation des exigences pour les « Systèmes informatiques »

Prudential a allégué que les exigences pour les « Systèmes informatiques » énoncées dans la DP (section 2.1.1.5 de la partie C2-1 de l'annexe C) ont été évaluées d'une manière irrégulière, en ce sens qu'il a été tenu compte de la compatibilité avec la plate-forme technologique en usage au sein du gouvernement.

Comme l'ont tous deux soutenu Prudential et TPSGC, la DP n'exige pas la compatibilité avec la plate-forme technologique en usage au sein du gouvernement. La question qui se pose est celle de savoir si ce facteur a néanmoins été pris en considération dans le cadre de l'évaluation.

Prudential a déposé une déclaration sous serment d'un employé présent à la réunion d'information tenue le 8 janvier 2003, qui contient l'affirmation suivante concernant la discussion de cette question :

À cette réunion, les évaluateurs ont déclaré que la technologie associée aux systèmes informatiques utilisée dans les propositions soumises par Prudential n'était pas compatible avec la plate-forme technologique en usage au sein du gouvernement. Plus précisément, les évaluateurs se sont dit préoccupés au sujet de la technologie WAN (réseau étendu) de Prudential, de l'utilisation de Lotus Notes pour la préparation de la solution d'arrière-plan et de l'utilisation de la technologie de vidéoconférence proposée par Prudential14 .

[Traduction]

TPSGC n'a pas produit d'élément de preuve provenant de ses évaluateurs à cet égard.

Prudential a soulevé la question dans sa lettre du 22 janvier 2003, à TPSGC, résumant les observations de deux évaluateurs qui auraient censément exprimé leurs réserves. Toutefois, cette question n'a pas été expressément traitée dans la réponse de TPSGC datée du 28 février 200315 .

Les observations sur les grilles d'évaluation individuelles16 des deux évaluateurs, auxquelles a renvoyé Prudential, semblent corroborer la thèse qu'ils se souciaient de la compatibilité avec la technologie en usage au sein du gouvernement. Les feuilles sur lesquelles sont inscrits les résultats de l'évaluation auxquels l'équipe d'évaluation est arrivée par consensus, dans l'ensemble (feuilles d'évaluation par consensus), évaluent Prudential dans cette section comme « Satisfait aux critères » et ne portent aucune observation17 .

Le Tribunal rejette l'affirmation de TPSGC selon laquelle les feuilles d'évaluation par consensus montrent que toute question soulevée par les évaluateurs à cet égard a été réglée convenablement. L'examen des feuilles d'évaluation par consensus se rapportant à Prudential, eu égard à la DP dans son ensemble, montre qu'on n'y trouve aucune observation relative à l'une des sections où le résultat « Satisfait aux critères » a été attribué. Ainsi, l'absence d'observation à cet égard en particulier, de l'avis du Tribunal, n'indique pas si la question était restée en suspens à l'étape de l'évaluation par consensus. De plus, le Tribunal n'estime pas que le fait que Prudential a été évaluée au niveau « Satisfait aux critères » indique si l'évaluation a été tenue d'une manière régulière ou pas. Par exemple, il est possible qu'une évaluation convenable aurait donné lieu au résultat « Dépasse les critères ». Prudential a reçu 70 p. 100 pour le résultat « Satisfait aux critères » plutôt que les 100 p. 100 qu'elle aurait obtenus si sa proposition avait été évaluée au niveau « Dépasse les critères ».

À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal conclut que, dans l'évaluation de la section « Systèmes informatiques », TPSGC a effectivement tenu compte de la compatibilité avec la plate-forme technologique en usage au sein du gouvernement. Étant donné qu'il s'agit d'un critère qui n'a pas été clairement précisé dans les documents d'appel d'offres, contrairement aux dispositions prescrites au paragraphe 506(6) de l'ACI, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

Évaluation des dossiers de clients soumis à titre d'échantillon

Prudential a allégué qu'il existe une partialité favorisant l'entrepreneur titulaire eu égard à l'évaluation des véritables dossiers de réinstallation. Le Tribunal fait remarquer que Prudential n'a pas donné de détails sur la façon dont elle estimait que l'évaluation favorisait Royal LePage.

Prudential a déposé une déclaration sous serment d'un employé présent à la réunion d'information tenue le 8 janvier 2003, qui contenait l'affirmation suivante : « Les évaluateurs ont déclaré que les dossiers échantillons soumis en conformité avec la DP n'étaient pas complets et ne respectaient pas la "méthode du PIR" appliquée par les évaluateurs »18 [traduction]. Prudential a soulevé, dans sa lettre au TPSGC du 22 janvier 2003, la question des dossiers de clients soumis à titre d'échantillons.

Dans sa lettre datée du 28 février 2003, TPSGC a répondu ce qui suit :

Un des principaux domaines faibles des propositions soumises par Prudential était les dossiers échantillons soumis. Les soumissionnaires étaient priés de fournir des dossiers échantillons qui illustraient une réinstallation du début à la fin. La Couronne demande que les services incluent tous les aspects d'une réinstallation, et non seulement la vente et l'achat de biens. En outre, l'énoncé des travaux décrivait en détail la gamme des services que la Couronne s'attend à recevoir aux termes du présent contrat19 .

[Traduction]

Les feuilles d'évaluation par consensus contiennent des observations portant sur la compétitivité, la pertinence et la transparence lors de l'attribution à Prudential du résultat « Satisfait à la plupart des critères »20 .

Les observations qui figuraient sur les feuilles de travail de chaque évaluateur étaient, en général, conformes aux observations qui figuraient sur les feuilles d'évaluation par consensus. TPSGC a soutenu que ces observations sur les présumées faiblesses sont fondées sur les normes qui s'appliquent à l'industrie de la réinstallation en général et non seulement au PIR.

Prudential n'a pas allégué que les observations de TPSGC étaient inexactes ou qu'elles ne reflétaient pas les normes de l'industrie. Plutôt, Prudential a soutenu que cette exigence de la DP devrait tenir compte des besoins des véritables clients pour lesquels les dossiers échantillons avaient été créés.

Le Tribunal n'accepte pas l'argument de Prudential selon lequel ses dossiers échantillons devraient être évalués en fonction des besoins de ses clients. Le gouvernement a le droit d'évaluer les dossiers échantillons en fonction de ses propres besoins, tels qu'ils sont précisés dans la DP.

Le Tribunal fait également remarquer que l'argument de Royal LePage selon lequel elle n'a soumis que des dossiers échantillons portant sur des déplacements extérieurs au gouvernement (c.-à-d. des déplacements non PIR) et que tous ses dossiers échantillons avaient reçu un résultat « Satisfait aux critères » (plutôt que « Dépasse les critères »).

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n'est pas convaincu qu'il y avait partialité favorisant Royal LePage eu égard à l'évaluation de l'exigence des dossiers de clients soumis à titre d'échantillon. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n'est pas fondé.

Crainte raisonnable de partialité

Prudential a soutenu que la participation d'un des évaluateurs à un litige mettant en cause Prudential implique l'existence d'une crainte raisonnable de partialité dans l'évaluation de ses propositions. Les faits, qui n'ont pas été contestés, peuvent être résumés de la façon suivante. Un des évaluateurs était une personne en cause dans une poursuite en justice contre Prudential en septembre 1997. La poursuite découlait de la participation de cet évaluateur et de son épouse à un ancien programme pilote du plan garanti de vente d'habitation au bénéfice des membres des FC. Prudential avait géré la réinstallation de l'évaluateur et avait conclu que la maison de ce dernier avait besoin de réparations avant que l'évaluateur et son épouse puissent se voir offrir la pleine valeur de la propriété. Le litige avait éventuellement entraîné une retenue de fonds, et l'évaluateur et son épouse avaient déposé leur réclamation devant la cour des petites créances. Un jugement par défaut avait été rendu le 14 novembre 1997, au montant de 1 596 $ plus les dépens et l'intérêt. Le montant visé dans la décision avait été versé le 20 janvier 1998 et, le 6 mars 1998, Prudential avait facturé au MDN le montant qu'elle avait payé aux termes du jugement par défaut. Subséquemment, le MDN avait remboursé ledit montant à Prudential. Le Tribunal fait observer que Prudential n'a pas allégué que la situation avait donné lieu à de la partialité, mais cette dernière avait limité son allégation à une crainte raisonnable de partialité.

Dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada 21 , la Cour d'appel fédérale a conclu que, aux termes de l'ACI, la compétence du Tribunal pour statuer sur une plainte n'était pas limitée aux plaintes de partialité réelle, mais incluait celles portant sur des allégations de crainte raisonnable de partialité. Le critère appliqué par le Tribunal pour déterminer si les circonstances de l'espèce donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité est le critère énoncé par le juge de Grandpré, dans son opinion dissidente dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, qui était confirmé par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone 22 , laquelle opinion dissidente stipulait ce qui suit :

[À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?23

Le Tribunal estime que les faits de l'espèce ne donnent pas lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part de TPSGC. Il s'est passé beaucoup de temps depuis les événements qui ont mené au litige en question. En vérité, l'affaire a eu lieu en 1997. Le Tribunal a aussi tenu compte du fait que le montant d'argent en cause était relativement faible et, étant donné que le MDN avait finalement payé le montant du règlement, qu'aucune des parties au litige n'avait dû débourser de sommes financières. De plus, TPSGC a soutenu que l'évaluateur avait maintenu un bon rapport de travail avec Prudential au cours des six dernières années. Prudential n'a pas contesté le fait. De l'avis du Tribunal, ces faits appuient la conclusion que toute animosité qui aurait pu exister entre l'évaluateur et Prudential a disparu au fil du temps. En outre, un seul membre d'une équipe composée de sept évaluateurs était visé par une telle animosité.

À la lumière de ces facteurs, le Tribunal, par application du critère d'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, estime peu vraisemblablement que l'évaluation serait effectuée de façon injuste en raison de ces circonstances. Ce motif de plainte est donc non fondé.

Lorsqu'il recommande une mesure corrective, le Tribunal doit, en vertu du paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique. Le Tribunal conclut que la violation du paragraphe 506(6) de l'ACI constitue une grave irrégularité dans la procédure de passation des marchés publics et que l'ampleur du préjudice causé à Prudential, aux autres soumissionnaires ainsi qu'à l'intégrité ou à l'efficacité du mécanisme d'adjudication suffit pour justifier une réévaluation des sections pertinentes des propositions qui ont été soumises. Le Tribunal fait remarquer que le présent contrat pourrait être d'une durée de sept ans si les deux années en option sont mises en application. Cependant, les éléments de preuve ne montrent pas que les parties n'ont pas agi de bonne foi durant la procédure. Étant donné que l'exécution du contrat est déjà amorcée, le Tribunal ne recommandera pas la résiliation du contrat accordé à Royal LePage à moins que, comme il est indiqué ci-après, la réévaluation détermine que le contrat aurait dû être adjugé à une autre société.

Étant donné qu'il a été déterminé que la plainte est fondée en partie et que les parties ont toutes eu gain de cause en partie, chaque partie supportera ses propres frais.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède et aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC réévalue, d'ici le 10 septembre 2003, les propositions à l'égard de la section 2.1.1.5 (systèmes informatiques) des parties C2-1, C2-2 et C2-3 de l'annexe C de la DP, sans tenir compte de la question de savoir si les systèmes informatiques proposés par les soumissionnaires sont compatibles avec la technologie en usage au sein du GDC.

Le Tribunal recommande en outre que TPSGC réévalue, d'ici le 10 septembre 2003, les propositions à l'égard des autres sections des parties C2-1, C2-2 et C2-3 de l'annexe C de la DP, qui font l'objet de cotation numérique, dans tous les cas où aucun soumissionnaire n'a reçu de points au niveau « Dépasse les critères » et en partant du fait qu'il devrait être possible pour les soumissionnaires d'atteindre le niveau « Dépasse les critères » de toute ces sections de la DP.

Si, après les réévaluations, le soumissionnaire retenu dans le cas du PIR des FC, du PIR du GDC ou du PIR de la GRC est une partie autre que Royal LePage, le Tribunal recommande également que TPSGC adjuge un nouveau contrat au soumissionnaire retenu au plus tard le 1er janvier 2004.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S. /93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S. /91-499.

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

5 . RIF à la p. 10, para. 4.

6 . RIF, pièce 7.

7 . Plainte à la p. 11.

8 . RIF, pièce 7.

9 . Ces sections étaient les mêmes pour la GRC, les FC et le GDC.

10 . Ces sections étaient les mêmes pour la GRC, les FC et le GDC.

11 . RIF, pièce 9.

12 . Ibid.

13 . Déclaration sous serment de Mme Debbie Allen, plainte, onglet 2.

14 . Plainte, onglet 2 à la p. 2, para. 8.

15 . RIF, pièce 7.

16 . RIF, pièce 3.

17 . RIF, pièce 4.

18 . Déclaration sous serment de Mme Debbie Allan, plainte, onglet 2.

19 . RIF, pièce 7.

20 . RIF à la p. 22.

21 . Cougar Aviation (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (28 novembre 2000), A-421-99 (C.A.F.).

22 . Bell Canada, 2003 CSC 36.

23 . [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394.