COGNOS INCORPORATED

Décisions


COGNOS INCORPORATED
Dossier no PR-2002-017


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 29 novembre 2002

Dossier no PR-2002-017

EU ÉGARD À une plainte déposée par Cognos Incorporated aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que Cognos Incorporated reçoive une indemnité d'un montant égal au tiers des profits qu'elle aurait tirés du contrat si elle avait soumissionné les travaux à un prix inférieur de un dollar au prix estimatif du contrat proposé. En utilisant ce qui précède comme point de départ, le Tribunal recommande aux parties d'élaborer une proposition conjointe d'indemnité et qui tienne compte de ce qui suit : a) la gravité des irrégularités constatées dans la procédure de passation du marché public; b) l'ampleur du préjudice causé à la partie plaignante; c) le préjudice causé à l'intégrité ou à l'efficacité du mécanisme d'adjudication. La proposition doit être présentée au Tribunal dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision et du présent exposé des motifs. Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le montant de l'indemnité, elles feront rapport séparément au Tribunal avant la fin du même délai de 30 jours, et le Tribunal publiera ensuite ses recommandations à cet égard.

Enfin, aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal accorde à Cognos Incorporated le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

 

Date de la décision et des motifs :

Le 29 novembre 2002

   

Membre du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

   

Gestionnaire de l'enquête :

Daniel Chamaillard

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Partie plaignante :

Cognos Incorporated

   

Conseiller pour la partie plaignante :

Ronald D. Lunau

   

Intervenante :

Core Software Corp.

   

Conseiller pour l'intervenante :

William J. Smith

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

David M. Attwater

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 16 juillet 2002, Cognos Incorporated (Cognos) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte porte sur le marché public (invitation no 21120-017897/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du Service correctionnel du Canada (SCC) pour la prestation de services professionnels en informatique en vue du transfert intégral de l'application du Système de gestion des détenus (SGD) du SCC à un environnement Web.

Cognos a allégué que, contrairement aux dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 , de l'Accord sur les marchés publics 3 et de l'Accord sur le commerce intérieur 4 , TPSGC et le SCC utilisent une procédure limitée d'appel d'offres qui ne s'appuie sur aucun des motifs admissibles énoncés dans les accords commerciaux applicables. Elle a aussi allégué que le SCC a omis d'exprimer ses besoins en fonction de critères de rendement.

À titre de mesure corrective, Cognos a demandé que le Tribunal recommande la résiliation du préavis d'adjudication de contrat (PAC) et la passation du marché public dans le cadre d'un d'appel d'offres ouvert, comme le prévoient les accords commerciaux applicables. À titre de mesure corrective de rechange, elle a demandé que le Tribunal recommande que lui soit versée une indemnité représentant 50 p. 100 des profits qu'elle aurait tirés du contrat si elle avait soumissionné à un prix inférieur de un dollar au prix estimatif du contrat proposé. De plus, Cognos a demandé que lui soit accordé le remboursement des frais qu'elle a engagés pour le traitement de la plainte.

Le 18 juillet 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 5 . Le même jour, il a rendu une ordonnance de report de l'adjudication de tout contrat relatif à cette invitation à soumissionner jusqu'à ce qu'il ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 29 juillet 2002, TPSGC a certifié, aux termes du paragraphe 30.13(4) de la Loi sur le TCCE, que l'acquisition était urgente et qu'un retard dans l'adjudication du contrat serait contraire à l'intérêt public. Il a demandé que le Tribunal procède immédiatement à l'annulation de son ordonnance de report d'adjudication du 18 juillet 2002.

Le 31 juillet 2002, Cognos a fait opposition à l'annulation de l'ordonnance de report d'adjudication de contrat au motif que TPSGC n'avait produit ni explication ni information à l'appui de l'affirmation selon laquelle l'acquisition était urgente et qu'un retard dans l'adjudication du marché serait contraire à l'intérêt public. Elle a avisé le Tribunal qu'une requête serait signifiée à la Cour fédérale du Canada pour obtenir une injonction provisoire empêchant l'adjudication du contrat et qu'une demande de révision judiciaire serait déposée concernant la certification par TPSGC.

Le 1er août 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait annulé son ordonnance du 18 juillet 2002. Le même jour, il a reçu, de Cognos, une copie d'un avis de requête déposé auprès de la Section de première instance de la Cour fédérale, relativement à la requête susmentionnée. Le 16 août 2002, la Cour fédérale du Canada a rejeté ladite requête. Le 16 août 2002, le contrat a été adjugé à Core Software Corp. (Core).

Le 6 août 2002, TPSGC a demandé une prorogation du délai de dépôt du rapport de l'institution fédérale (le RIF). Le Tribunal a accordé la prorogation. Le 19 août 2002, TPSGC a déposé le RIF auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 6 . Le 26 août 2002, Cognos a demandé une prorogation du délai de dépôt de ses observations sur le RIF. Le Tribunal a accordé la prorogation et, le 6 septembre 2002, Cognos a déposé ses observations sur le RIF. À la suite d'une demande à cette fin, le Tribunal a, le 6 septembre 2002, autorisé Core à intervenir dans l'affaire. Le 20 septembre 2002, Core a déposé ses observations sur le RIF.

Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 19 avril 2002, TPSGC a diffusé, par l'entreprise du MERX, un PAC dans lequel il annonçait l'adjudication d'un contrat de services professionnels en informatique pour le transfert intégral de l'application du SGD du SCC à un environnement Web. Les fournisseurs qui estimaient être pleinement qualifiés et prêts à fournir les produits et services décrits dans le PAC devaient présenter un énoncé de capacités avant le 3 mai 2002.

Le PAC prévoit, notamment, les critères suivants à l'égard du marché public :

NATURE DES BESOINS :

Le [SCC] recherche un entrepreneur qui doit assurer des services professionnels en informatique pour transférer le logiciel Powerhouse de l'application de renouvellement du système de gestion des détenus à un environnement Web [...] On doit réaliser la conversion en effectuant la reprise de la conception automatisée de l'application existante de Powerhouse [...] à l'aide des générateurs automatisés [Core Chameleon Migration Software (CCMS)].

ACCORDS COMMERCIAUX :

Ce marché est assujetti à l'[AMP], à [l'ALÉNA] et à [l'ACI] lorsque les procédures limitées d'appel d'offres sont applicables « puisqu'il s'agit d'oeuvres d'art ou pour des raisons liées à la protection de brevets, de droits d'auteur ou d'autres droits exclusifs ou de renseignements de nature exclusive, et qu'en l'absence de concurrence pour des raisons techniques, les produits ou services ne peuvent être fournis que par un fournisseur particulier ».

NOM ET ADRESSE DE L'ENTREPRENEUR PROPOSÉ :

Core Software Corporation

1668, promenade Woodward

Ottawa (Ontario)

JUSTIFICATION DU RECOURS À UN APPEL D'OFFRES RESTREINT :

Le [SCC] a besoin de s'assurer les compétences et le savoir-faire d'une entreprise qui possède les outils et les services connexes pour réaliser la reprise de la conception du logiciel Powerhouse et le transfert du [SGC] actuellement utilisé par le SCC. Le produit [Core] Chameleon Migration Software (CCMS) est le seul ensemble d'outils de conversion connu et automatisé conçu spécialement pour permettre le transfert de Powerhouse 4GL et d'Interbase RDBMS à Visual Basic (COM+, ASP) et [Oracle] RDBMS : l'environnement que vise le SCC. La société Core Software Corporation possède les droits brevetés sur le CCMS. Compte tenu du fait que le CCMS est conçu uniquement pour transférer des applications PowerHouse, les points suivants constituent un sous-ensemble des caractéristiques qui font que la société Core Software et son ensemble d'outils CCMS sont les plus aptes à la réalisation du projet de transfert du [SGD].

Capacité d'analyser le code source du PowerHouse classique actuel structuré dans un entrepôt de données du CCMS tout en saisissant et en préservant 100 % de la logique de traitement et des règles de gestion.

Conversion automatisée d'une application basée caractère PowerHouse à une interface utilisateur basée sur le Web (COM+, ASP, rapports actifs, PL/SQL);

Conversion des formules du [SGD] à des rapports actifs générant des rapports en Acrobat d'Adobe.

Transfert automatisé d'Interbase RDBMS à Oracle RDBMS, ce qui comprend les ensembles PL/SQL et les procédures.

Conception automatisée de toute la logique de traitement et de toutes les règles de gestion à COM+, ASP tout en exploitant la capacité d'améliorer dynamiquement la navigation et l'interface utilisateur.

Ensemble d'outils de nouvelle documentation permettant de générer la documentation de système pour chaque module Powerhouse chargé dans l'entrepôt de données Chameleon [traduction].

Ensemble d'outils d'analyse d'impact exploitant des fonctions qui permettent au SCC d'évaluer l'impact des changements et des améliorations (capable d'accueillir à la fois l'application du SGD classique et l'application du SGD nouvellement transférée) [traduction].

La Commission nationale des libérations conditionnelles occupe présentement un module dans l'application [SGD] actuelle et dans l'infrastructure technique et elle est très avancée pour ce qui est du transfert de son PowerHouse 4GL et de ses éléments Interbase RDBMS au moyen du logiciel [CCMS]. C'est à des fins de compatibilité et de cohérence des résultats, ainsi que de continuité, qu'il faut utiliser le produit [CCMS] pour ce marché.

DURÉE PROPOSÉE DU CONTRAT :

Le contrat doit couvrir la période allant de la date d'attribution au 28 avril 2003.

COÛT PRÉVU DU CONTRAT PROPOSÉ :

5 271 276,25 $, taxe sur les produits et services comprise.

DATE ET HEURE DE CLÔTURE DE LA RÉCEPTION DES ÉNONCÉS DE COMPÉTENCES SOUMIS PAR LES FOURNISSEURS :

Si pendant la période d'affichage, aucun fournisseur ne présente d'énoncé de capacités répondant aux exigences précisées dans le PAC, l'agent de négociation des contrats pourra alors procéder à l'attribution du marché. [S'il] est jugé toutefois, qu'un énoncé de capacités répond aux exigences précisées dans le PAC, l'agent de négociation des contrats devra entamer le processus complet d'appel d'offres.

Les fournisseurs qui estiment être pleinement qualifiés et prêts à fournir les produits ou les services décrits dans la présente peuvent présenter par écrit un énoncé de capacités à la personne-ressource dont le nom est indiqué dans le présent avis, à la date de clôture au plus tard, qui est aussi précisée dans l'avis. L'énoncé de capacités doit clairement montrer en quoi le fournisseur satisfait aux exigences indiquées dans le préavis.

À la suite de la publication du PAC, le 19 avril 2002, Cognos a fait parvenir une lettre à TPSGC, le 2 mai 2002, dans laquelle elle contestait le PAC aux motifs suivants :

· Procédure de passation du marché public non concurrentielle

· Énoncé fallacieux des besoins

· Solution proposée qui n'a pas été prouvée à l'égard d'une application/organisation de la taille du SCC

· Possibilité de violation, par Core, des droits de propriété intellectuelle

Le 21 mai 2002, TPSGC a répondu à la contestation du PAC présentée par Cognos, en indiquant que Cognos n'avait pas fait la preuve qu'elle pouvait satisfaire aux exigences du PAC. Dans sa lettre, TPSGC a énuméré 28 critères élaborés par le SCC aux fins de la définition de ses besoins relativement au transfert du SGD et a fait savoir qu'il procéderait à la passation du marché public de la manière prévue si aucun autre fournisseur ne présentait un énoncé des capacités à la date de clôture du PAC ou avant cette date.

Le 24 mai 2002, Cognos a fait parvenir une lettre à TPSGC en réponse à la lettre du 21 mai 2002 et a alors demandé si cette dernière constituait le rejet, par TPSGC, de sa contestation du PAC présentée le 2 mai 2002. Le 27 mai 2002, TPSGC a répondu à Cognos et lui a fait savoir qu'à moins qu'elle n'ait d'autres renseignements à soumettre au SCC, sa contestation du PAC ne ferait l'objet d'aucune considération ultérieure et qu'il procéderait à la passation du marché public proposé.

Le 28 mai 2002, TPSGC a confirmé à Cognos qu'une réunion entre Cognos, le SCC et TPSGC avait été prévue pour le 4 juin 2002, afin de discuter de la contestation du PAC. La réunion a par la suite eu lieu le 17 juin 2002. L'après-midi de cette date, TPSGC a informé Cognos que le SCC avait exhorté l'agent de négociation des contrats à TPSGC d'adjuger le contrat à Core dans les plus brefs délais. Le 19 juin 2002, Cognos a rencontré un haut fonctionnaire du SCC afin de discuter de l'attribution du contrat dans le cadre d'un contrat du type à fournisseur exclusif. À ce moment-là, le SCC a avisé Cognos qu'une enquête sur l'attribution d'un contrat du type à fournisseur exclusif serait entreprise.

Au cours d'une réunion tenue le 11 juillet 2002, TPSGC a avisé Cognos que le SCC exerçait des pressions sur TPSGC pour que ce dernier adjuge le contrat à Core. Cognos a alors informé TPSGC qu'elle allait procéder à un suivi auprès du SCC relativement à la réunion du 19 juin 2002. Étant donné les observations reçues de TPSGC et sa tentative infructueuse de rencontrer les représentants du SCC au milieu du mois de juillet, Cognos a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 16 juillet 2002, parce qu'elle croyait que l'adjudication du contrat à Core était imminente.

POSITIONS DES PARTIES

Position de TPSGC

TPSGC a soutenu que l'utilisation et la teneur d'un PAC dans l'annonce d'un contrat dirigé sont fondées exclusivement sur une politique de la Couronne et que, aux termes de l'article 11 du Règlement, l'utilisation et la teneur du PAC ne sont pas des questions qui relèvent de la compétence du Tribunal. Selon TPSGC, le SCC a déterminé que le transfert automatisé du SGD était nécessaire et que, à la suite d'efforts raisonnables, il avait établi qu'un seul fournisseur de service était capable d'effectuer le transfert nécessaire. Après avoir défini ses besoins à l'égard du transfert automatisé, le SCC a consulté le Groupe Gartner pour déterminer quels fournisseurs disposaient d'un logiciel capable d'effectuer le transfert automatisé d'une base de données InterBase et de l'application Powerhouse. Le Groupe Gartner a fait savoir que seule Core possédait présentement un logiciel capable d'effectuer le transfert automatisé du SGD. En se fondant sur le fait susmentionné, le SCC a demandé que TPSGC attribue le contrat à Core.

TPSGC a soutenu que l'ACI, l'ALÉNA et l'AMP permettent de recourir à des procédures limitées d'appel d'offres lorsqu'un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public. L'alinéa 506(12)a) de l'ACI prévoit le recours aux procédures limitées d'appel d'offres « pour assurer la compatibilité avec des produits existants » lorsqu'un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public. De même, l'alinéa 506(12)b) de l'ACI permet les procédures limitées d'appel d'offres « lorsque, pour des raisons d'ordre technique, il y a absence de concurrence et que les produits ou services ne peuvent être fournis que par un fournisseur donné ». L'ALÉNA et l'AMP prévoient des procédures limitées similaires, selon les mêmes critères.

TPSGC a soutenu que la plainte a été déposée soit trop tôt soit trop tard et qu'elle doit donc être rejetée. Selon TPSGC, la plainte n'aurait pas pu être déposée aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement, puisqu'un refus de réparation est une condition préalable au dépôt d'une plainte aux termes du paragraphe 6(2). TPSGC a de plus soutenu que le paragraphe 6(2) ne prévoit pas le refus de réparation par déduction. Il a soutenu que, avant le dépôt de la plainte de Cognos auprès du Tribunal, il n'avait jamais refusé la réparation. Selon TPSGC, ce n'est que le 1er août 2002 que le refus de réparation a eu lieu; Cognos ne pouvait donc pas avoir pris connaissance directement ou par déduction d'un refus de réparation avant le dépôt de sa plainte du 16 juillet 2002, aux termes du paragraphe 6(2).

TPSGC a aussi soutenu que Cognos a découvert les faits à l'origine de sa plainte dès le 2 mai 2002, lorsqu'elle a fait opposition au PAC de TPSGC et, de ce fait, le délai pour déposer sa plainte était expiré lorsqu'elle a déposé celle-ci seulement le 16 juillet 2002, bien après l'expiration du délai de 10 jours prévu aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement.

En ce qui a trait à l'allégation selon laquelle le besoin a été exprimé autrement que par des critères de rendement, TPSGC a soutenu que la définition du besoin dans le PAC et, plus précisément, la ventilation détaillée des besoins dans la lettre du 21 mai 2002 expriment les besoins du SCC en fonction du rendement et non en fonction de la conception ou de caractéristiques descriptives. Le SCC a besoin d'un fournisseur de services pour effectuer le transfert automatisé du SGD.

TPSGC a dit nier expressément que la solution de Cognos était jugée d'avance. TPSGC a aussi soutenu que Cognos avait eu amplement l'occasion de rencontrer TPSGC et le SCC pour établir sa capacité de satisfaire les besoins du SCC. Selon TPSGC, Cognos n'a pas présenté d'énoncé de capacités dans sa contestation du PAC et, de ce fait, n'a pas établi qu'elle était un fournisseur potentiel de services.

En conclusion, TPSGC a soutenu que le recours à une procédure limitée d'appel d'offres était pleinement justifié dans le cadre de ladite invitation et que la plainte devait être rejetée.

TPSGC a demandé le remboursement des frais qu'il a engagés relativement à la plainte.

Position de Core

Core a appuyé et confirmé la réponse de TPSGC à la plainte. Elle a soutenu que, étant donné les objectifs spécifiques du projet de transfert du SCC, l'utilisation d'un système automatisé était une condition fonctionnelle nécessaire et non une restriction injustifiée dans la spécification du contrat. Core a soutenu que l'utilisation d'un outil de transfert automatisé n'était pas simplement un moyen d'arriver au même résultat que produirait un effort manuel, mais était plutôt un processus entièrement différent.

Core a soutenu que la différence principale réside dans le fait que le processus automatisé de Core applique une logique uniforme et un ensemble normalisé de règles et de conventions de programmation pour reproduire la fonctionnalité de l'ancien système. Selon Core, une équipe de programmeurs ne pourrait arriver à une telle réplique d'une manière aussi efficace et avec autant de constance, tout simplement parce que les membres de l'équipe posséderaient des niveaux différents de connaissances spécialisées et appliqueraient leur interprétation personnelle de la fonctionnalité de l'application. Core a soutenu que la démarche automatisée donnerait inévitablement lieu à une meilleure reproduction, et ce, d'une manière constante.

Core a aussi soutenu que le SCC avait procédé, avant le PAC, à un exercice approfondi comportant toutes les mesures nécessaires raisonnables pour déterminer ses besoins. Cet exercice a inclus un examen, une discussion et une évaluation en profondeur avec les fournisseurs potentiels, y compris Core. Cette dernière a dit croire que le SCC avait participé à une ronde intensive de discussions avec Cognos et avec d'autres fournisseurs concernant le projet de renouvellement du SGD et que ce processus avait duré environ deux ans. À la fin du processus, le SCC a rejeté la solution proposée par Cognos et a prescrit un système automatisé pour son projet de transfert. Core a affirmé qu'il ne s'était agi là ni d'une décision impétueuse ni d'une décision irréfléchie et que Cognos n'avait pas subi de préjudice attribuable à la procédure appliquée.

Position de Cognos

Cognos a soutenu que, aux termes des accords commerciaux, les appels d'offres ouverts sont la norme et que les exceptions sont interprétées de façon étroite. Elle a de plus soutenu que le PAC énumérait simplement, au titre des besoins du SCC, « un sous-ensemble » des caractéristiques du produit logiciel de Core qui en fait, semble-t-il, un produit « conçu uniquement » pour réaliser le projet de transfert. Selon Cognos, étant donné qu'elle est le fournisseur de la base installée de « Powerhouse » du SCC, elle est clairement un fournisseur potentiel pour le renouvellement de la plate-forme de ce logiciel. Toutefois, le SCC a rejeté Cognos au titre de fournisseur potentiel parce qu'il a déjà décidé quel produit il veut acheter (c.-à-d. le CCMS).

Cognos a soutenu qu'il ne s'agit pas du tout, en l'espèce, d'un cas où un seul fournisseur est en mesure de satisfaire les besoins du SCC pour des raisons liées au respect de droits exclusifs, de droits d'auteur ou de droits fondés sur une licence ou un brevet, ni non plus d'un cas où il y a absence de concurrence pour des raisons d'ordre technique. Elle a soutenu que les seuls droits exclusifs dont il a été fait mention dans le PAC sont les droits que Core détient relativement à son propre produit et qu'il ne s'agit pas là du type de droits exclusifs dont traitent les accords commerciaux à l'égard des exceptions.

Cognos a aussi soutenu que les exemptions pour les « droits exclusifs » ne permettent pas de procéder à un contrat du type à fournisseur exclusif offert à un fournisseur donné pour l'unique raison que ledit fournisseur offre un produit exclusif. Elle a soutenu que, si le raisonnement du SCC était confirmé en l'espèce, il s'ensuivrait que les entités fédérales pourraient attribuer un contrat à n'importe quel fabricant de logiciel qu'elles veulent, étant donné que tous les logiciels des fabricants appartiennent exclusivement à ces derniers. Cognos a soutenu que l'exemption liée aux « droits exclusifs » prévoit aussi qu'il ne doit exister aucune solution de rechange ou encore de produits ou services de remplacement raisonnables et que, de ce fait, l'entité doit aussi faire la preuve qu'il n'existe pas de solution de rechange ou de moyen de remplacement qui puissent satisfaire ses besoins.

En réponse au RIF, Cognos a dit avoir agi de manière responsable et ouverte, lorsqu'elle a tenté d'obtenir que les hauts fonctionnaires tant du TPSGC que du SCC traitent de ses préoccupations. Selon Cognos, au lieu de réagir à ses préoccupations, le SCC a exercé des pressions sur TPSGC pour que ce dernier procède à l'attribution injustifiée du contrat du type à fournisseur exclusif. Cognos a soutenu que l'indemnité en reconnaissance de perte de profit ne suffisait pas à elle seule pour reconnaître toute la portée du préjudice qui lui a été porté et qui a été porté à l'intégrité de la procédure de passation du marché public à cause du comportement du SCC. Elle a en outre soutenu que, même si un appel d'offres était lancé maintenant, toute proposition qu'elle soumettrait ne serait pas évaluée d'une manière juste par le SCC et donnerait inévitablement lieu à d'autres contestations et à d'autres litiges. Cognos a demandé, pour les motifs qui précèdent, qu'une indemnité supplémentaire de 100 000 $ lui soit également accordée.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables.

Les questions principales sur lesquelles le Tribunal doit statuer sont celles de savoir si la plainte a été déposée conformément aux dispositions de l'article 6 du Règlement, si Cognos était un fournisseur potentiel et si la passation du marché public a été conforme aux exigences énoncées dans l'ALÉNA, l'ACI et l'AMP.

Le Tribunal traitera d'abord de l'observation de TPSGC selon laquelle la plainte a été déposée soit trop tard soit trop tôt.

Aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement, le dépôt de la plainte doit se faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où le fournisseur potentiel a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte. Toutefois, aux termes du paragraphe 6(2), le fournisseur potentiel qui, dans les délais prescrits, a présenté à l'institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public et à qui l'institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus.

Le Tribunal est d'avis que la plainte de Cognos a été correctement déposée aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement. Selon le Tribunal, un refus de réparation peut se manifester de diverses manières, y compris une communication directe à cet égard par l'institution fédérale concernée, la découverte indirecte de la décision de l'institution fédérale et la découverte d'intentions ou d'actions de l'institution fédérale concernant le marché public dont l'effet équivaut à un refus de réparation. Le Tribunal est d'avis que la connaissance, par Cognos, des pressions exercées sur TPSGC par le SCC en vue d'attribuer le contrat à Core, jointe au passage du temps (du 1er mai au 16 juillet 2002) et à l'impossibilité pour Cognos d'organiser une autre réunion avec les hauts fonctionnaires du SCC au milieu de juillet, équivalent en l'espèce à un refus de réparation. La communication officielle de la décision le 1er août 2002 n'a été qu'une simple formalité. À la lumière du dossier, il est raisonnable de conclure que le SCC recherchait résolument l'application du scénario consistant à accorder à Core un contrat du type à fournisseur exclusif et que TPSGC n'était pas en mesure de convaincre le SCC de procéder autrement. Par conséquent, l'obligation pour le TPSGC d'aviser officiellement Cognos du refus de réparation n'était qu'une question de temps. Le Tribunal est donc d'avis que Cognos a découvert, par déduction, le refus de réparation avant le 16 juillet 2002 et qu'elle a correctement déposé sa plainte aux termes du paragraphe 6(2).

Le Tribunal abordera maintenant la question de savoir si la passation du contrat spécifique a été faite d'une manière contraire aux exigences des accords commerciaux applicables.

Selon le Tribunal, TPSGC et le SCC ont utilisé d'une manière irrégulière les dispositions sur les procédures limitées d'appel d'offres dans le cadre de la passation du marché public en question.

Ainsi qu'il a été établi dans des décisions précédentes du Tribunal7 , les appels d'offres ouverts sont la norme aux termes des accords commerciaux, les procédures limitées d'appel d'offres étant l'exception. Il incombe aux institutions fédérales d'établir que la décision de choisir une procédure limitée d'appel d'offres est une décision permise aux termes des accords commerciaux applicables dans les circonstances particulières de l'affaire. Le Tribunal n'est pas convaincu que TPSGC et le SCC ont satisfait aux exigences énoncées dans les accords commerciaux en l'espèce.

Selon le Tribunal, au lieu de tenir une procédure ouverte d'appel d'offres, TPSGC et le SCC ont utilisé une combinaison de ressources et d'experts-conseils à l'externe pour définir leurs besoins et pour déterminer le choix d'un fournisseur de services, puis ont utilisé un PAC pour confirmer le résultat. À cet égard, le Tribunal réitère que l'utilisation d'un PAC ne doit ni remplacer la procédure ouverte d'appel d'offres dans le choix des fournisseurs ni être considérée comme un moyen plus expéditif et plus souple de mener ou de tenter de mener la passation d'un marché public en régime concurrentiel8 .

Le Tribunal n'est pas convaincu que TPSGC et le SCC, lorsqu'ils ont diffusé le PAC en question, tentaient d'obtenir des produits ou services de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisants9 relativement à une solution et à un outil de conversion déjà prescrits. Il est d'avis que la définition des besoins et la justification du recours à un appel d'offres limité énoncées dans le PAC ont été rédigées de manière à favoriser, délibérément ou non, une solution et un outil de transfert propre à un produit donné dont le choix avait été arrêté d'avance.

Le Tribunal n'accueille pas la proposition de TPSGC selon laquelle la définition des besoins ne signifiait pas qu'un fournisseur devait se servir des générateurs automatisés du CCMS. Selon le Tribunal, la définition énoncée dans le PAC s'applique d'une manière plus crédible à l'hypothèse avancée par Cognos selon laquelle la solution proposée par TPSGC et par le SCC est liée au CCMS. Le Tribunal n'est pas convaincu qu'il était prévu que la définition communiquerait simplement le fait que, sous réserve de la présentation d'un énoncé de capacités répondant aux exigences précisées dans le PAC, le SCC avait l'intention d'attribuer le contrat à Core, qui réaliserait le transfert automatisé nécessaire par application des générateurs automatisés du produit CCMS.

Le Tribunal n'est pas convaincu qu'il n'existe pas de produit de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisant à la solution de Core. En vérité, les éléments de preuve portent le Tribunal à croire que, dans l'ensemble, d'autres solutions possibles auraient bien pu être disponibles, si les critères avaient été davantage axés sur l'objectif en ce qui a trait à la solution et n'avaient pas été rédigés en fonction d'un produit spécifique en ce qui a trait à l'outil de conversion. Selon le Tribunal, la solution et l'outil prescrits pour réaliser le transfert revêtaient un caractère restrictif et correspondaient à la description d'une conception particulière et non à des critères établis en fonction du rendement, comme cela aurait dû être. Le transfert du SGD n'était pas fondé sur les critères de rendement, en ce sens qu'il n'a pas été donné aux fournisseurs la latitude nécessaire pour atteindre les objectifs voulus sans utilisation d'un logiciel donné et sans transfert automatisé. Le Tribunal est donc d'avis que le besoin a été exprimé en fonction de la conception et des caractéristiques descriptives et a eu pour effet de limiter l'éventail des choix disponibles aux fournisseurs en réduisant l'éventail des solutions acceptables, ce qui n'était pas indiqué. Par conséquent, le Tribunal conclut que le marché public a été passé d'une manière irrégulière, étant donné qu'il ne satisfait pas aux exigences des accords commerciaux concernant les appels d'offres limités.

De plus, le Tribunal fait observer que TPSGC affirme dans le PAC détenir des droits exclusifs pour justifier le recours à un appel d'offres en régime non concurrentiel. Le fait que l'outil de conversion choisi d'avance ait un caractère exclusif n'est pas un motif qui puisse justifier le recours à un contrat du type à fournisseur exclusif, lorsque la solution ou la démarche a été, au départ, irrégulièrement prescrite. Un tel état des choses ne peut être acceptable. S'il l'était, les institutions fédérales pourraient justifier le recours à une procédure de sélection irrégulière sous le couvert de droits exclusifs ou de toute exemption similaire prévue dans les accords commerciaux.

Le Tribunal aborde maintenant la question de savoir si la partie plaignante était un fournisseur potentiel. Il est d'avis que Cognos était un fournisseur potentiel relativement au marché public en question. Le Tribunal rejette l'observation de TPSGC selon laquelle, lorsqu'elle n'a pas présenté d'énoncé de capacités en réponse au PAC, Cognos a été exclue. Selon le Tribunal, une partie plaignante n'est pas tenue de répondre à un PAC lorsque le marché public fait dûment l'objet d'une contestation ou d'une opposition au motif que ledit marché public ne satisfait pas aux exigences des accords commerciaux. Le Tribunal est d'avis que la méthode retenue dans le cadre dudit marché public a été dûment contestée en l'espèce. De plus, le Tribunal n'accueille pas l'observation de TPSGC selon laquelle Cognos n'était pas un fournisseur de services, mais plutôt de logiciels, et que de ce fait ne possédait pas les qualités requises. Il est d'avis que l'exigence énoncée dans le PAC manque de clarté à cet égard. La mention, dans le PAC, relative au besoin de posséder « les outils et les services connexes » est, au mieux, vague. Toutefois, même en acceptant que le besoin était clair, l'opposition de Cognos au PAC en conteste l'exactitude. La solution ultime pouvait possiblement comporter à la fois un élément de produits et de services. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que TPSGC a conclu à tort que Cognos n'est pas un fournisseur potentiel.

À la lumière de ce qui précède, par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

Le Tribunal prend note de l'observation de Cognos selon laquelle TPSGC a donné un contrat à Core le ou vers le 16 août 2002 et que, depuis cette date, il semble que Core oeuvre au transfert de l'application et de la base de données du SGD. Cognos dit également croire que, même si un appel d'offres était maintenant lancé, toute proposition qu'elle soumettrait ne serait pas évaluée d'une manière juste par le SCC et donnerait inévitablement lieu à d'autres contestations et à d'autres litiges. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal, avec réticence, est d'avis que l'intérêt public général ne serait pas bien servi par la résiliation du contrat spécifique attribué à Core et par le lancement d'un appel d'offres ouvert.

Le Tribunal prend note de l'observation du TPSGC selon laquelle le marché public ne visait pas une reconstruction totale du système, mais plutôt le renouvellement du système actuel dans les plus brefs délais. Il prend aussi note de l'absence d'éléments de preuve indiquant que Cognos proposait une solution de reconstruction. De plus, le Tribunal prend note que le PAC et la pièce de correspondance de TPSGC datée du 21 mai 2002 ne font pas mention de l'urgence du transfert de la base de données et du logiciel d'application. En fait, le PAC prévoit la possibilité qu'un processus complet d'appel d'offres soit entamé si un énoncé de capacités était jugé conforme aux besoins. Le Tribunal fait également observer que TPSGC et le SCC n'ont pas demandé le traitement expéditif de la présente plainte. Il fait aussi observer que la Cour fédérale du Canada a dit croire que le contrat spécifique était toujours à l'étape de la négociation et ne serait ni signé ni exécuté dans l'immédiat. La cour ne croyait pas que, lorsque le Tribunal rendrait sa décision, le degré d'exécution du contrat serait tel que sa résiliation serait à toutes fins pratiques impossible. Le Tribunal fait de plus observer que le contrat spécifique a été adjugé immédiatement après la décision de la Cour fédérale du Canada de ne pas accorder d'injonction concernant l'adjudication dudit contrat. Selon le Tribunal, TPSGC et le SCC avaient l'intention d'attribuer le contrat spécifique à Core, même si Cognos avait fait opposition au PAC et même si le PAC et la pièce de correspondance du 21 mai 2002 en provenance de TPSGC ne faisaient pas mention d'une urgence dans cette affaire. Au contraire, ainsi qu'il a déjà été indiqué, le PAC prévoyait une procédure concurrentielle d'appel d'offres, si elle devenait nécessaire. De plus, le Tribunal fait observer que Cognos a participé au projet de renouvellement du SGD durant plus de deux ans et croyait comprendre que la possibilité lui serait donnée de présenter une offre en régime de concurrence pour le projet. Enfin, le Tribunal prend note de l'observation de Cognos selon laquelle le SCC, le ministère client, a exercé une pression intense sur TPSGC.

Dans la détermination de la mesure corrective indiquée, le Tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes au marché public, telles qu'elles sont énoncées au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Les facteurs pertinents incluent la prise en considération de la gravité des irrégularités constatées dans la procédure d'un marché public, l'ampleur du préjudice causé à la partie plaignante, l'ampleur du préjudice causé à l'intégrité ou à l'efficacité du mécanisme d'adjudication, et la bonne foi des parties.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'il y a eu de graves irrégularités dans le traitement dudit marché public. Il est aussi d'avis qu'un préjudice d'une certaine ampleur a été porté à l'intégrité et à l'efficacité du mécanisme d'adjudication.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que Cognos reçoive une indemnité d'un montant égal au tiers des profits qu'elle aurait tirés du contrat si elle avait soumissionné les travaux à un prix inférieur de un dollar au prix estimatif du contrat proposé. En se fondant sur ce qui précède, le Tribunal recommande aux parties d'élaborer une proposition conjointe d'indemnité et qui tienne compte de ce qui suit : a) la gravité des irrégularités constatées dans la procédure de passation du marché public; b) l'ampleur du préjudice causé à la partie plaignante; c) le préjudice causé à l'intégrité et à l'efficacité du mécanisme d'adjudication. La proposition doit être présentée au Tribunal dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision et du présent exposé des motifs. Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le montant de l'indemnité, elles feront rapport séparément au Tribunal avant la fin du même délai de 30 jours, et le Tribunal publiera ensuite ses recommandations à cet égard.

Enfin, aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Cognos le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

3 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [ci-après AMP].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

5 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

6 . D.O.R.S./91-499.

7 . Re plainte déposée par Foundry Networks (23 mai 2001), PR-2000-060 (TCCE); Re plainte déposée par Novell Canada, Ltd. (17 juin 1999), PR-98-047 (TCCE).

8 . Re plainte déposée par Array Systems Computing Inc. (16 avril 1996), PR-95-023 (TCCE); Re plainte déposée par Encore Computer Ltd. (28 février 1992), G92PRF6631-021-0001 (CRMP).

9 . Voir l'alinéa 1016(2)b) de l'ALÉNA, l'alinéa XV(1)b) de l'AMP et l'alinéa 506(12)b) de l'ACI.