POLARIS INFLATABLE BOATS (CANADA) LTD.

Décisions


POLARIS INFLATABLE BOATS (CANADA) LTD.
Dossier no PR-2002-003


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 3 septembre 2002

Dossier no PR-2002-003

EU ÉGARD À une plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 

 

Date de la décision :

Le 3 septembre 2002

Date des motifs :

Le 9 septembre 2002

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Peter Rakowski

   

Conseiller pour le Tribunal :

Lynne Soublière

   

Partie plaignante :

Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd.

   

Intervenante :

Zodiac Hurricane Technologies Inc.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

 

Ottawa, le lundi 9 septembre 2002

Dossier no PR-2002-003

EU ÉGARD À une plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 18 avril 2002, Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (Polaris) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (invitation no W8472-01MM02/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), pour le compte du ministère de la Défense nationale (MDN), pour la fourniture de 40 embarcations pneumatiques à coque rigide (RIB) qui seront utilisées au cours d'opérations de sauvetage et de repêchage d'homme en mer.

Polaris a soutenu que l'invitation à soumissionner renfermait des dispositions qui contrevenaient à l'Accord sur le commerce intérieur 2 , parce qu'elles étaient exagérément restrictives et contraires aux principes de la passation équitable de marchés publics. Plus précisément, l'entrepreneur était tenu : 1) de présenter des états financiers vérifiés; 2) de détenir une certification en soudage; et 3) de présenter certains renseignements à propos de ses sous-traitants. En outre, Polaris s'est plainte du fait que, en exigeant que l'entrepreneur possède les droits de propriété intellectuelle du produit proposé, TPSGC continuait de favoriser un fournisseur en particulier et que, par conséquent, l'adjudication de ce contrat était prédéterminée. Enfin, Polaris a soutenu qu'il était injuste que TPSGC n'ait pas prolongé le délai prévu pour la présentation des soumissions et n'ait pas donné suffisamment de temps pour la présentation d'une soumission. Polaris a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal tienne une audience sur cette question, que TPSGC lance une nouvelle invitation à soumissionner et qu'une indemnité, calculée en pourcentage de la valeur du contrat, lui soit accordée.

Le 22 avril 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le 25 avril 2002, TPSGC a informé le Tribunal, par écrit, qu'un contrat d'une valeur de 787 495,80 $ avait été adjugé à Zodiac Hurricane Technologies Inc. (Zodiac). Le 8 mai 2002, Zodiac a demandé d'obtenir le statut d'intervenante. Le 9 mai 2002, le Tribunal a accordé le statut d'intervenante à Zodiac. Le 22 mai 2002, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 17 juin 2002, Polaris a déposé des observations sur le RIF auprès du Tribunal.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 1er mars 2002, TPSGC a publié sur MERX5 , au nom du ministère de la Défense nationale, un avis de projet de marché (APM) pour l'achat de 40 RIB munies de coques d'aluminium, à être livrées à Victoria (Colombie-Britannique) et à Halifax (Nouvelle-Écosse). La date de clôture pour la présentation des soumissions était le 5 avril 2002.

L'APM mentionnait les spécifications des RIB, qui se rapportaient à la capacité de charge, à la longueur hors tout, à la largeur hors tout, à la longueur intérieure, à la largeur intérieure, à la puissance nominale en horse-power, à la surface du cockpit, au nombre de compartiments (boudins), au diamètre de la chambre à air et au poids de l'embarcation.

Les conditions obligatoires suivantes étaient mentionnées dans l'APM :

1) Expérience précédente (au cours des cinq dernières années) / capacité démontrée de la fabrication des RIB.

2) Certification en soudage conformément à la norme W47.2M, 1987 de l'ACNOR, section 1 ou 2.1.

3) Conformité aux exigences ISO 9001:2000 - Systèmes de gestion de la qualité.

[Traduction]

L'invitation à soumissionner exigeait aussi que les soumissionnaires offrent leurs meilleures dates de livraison pour :

· Les dessins de niveau 1 (nombre de semaines après l'adjudication du contrat)

· L'achèvement de la première embarcation (prototype) (nombre de semaines après l'approbation des dessins de niveau 1 par l'autorité technique)

· L'achèvement des 40 embarcations (nombre de semaines après l'approbation de la première embarcation)

· L'achèvement des dessins de niveau 2 (nombre de semaines après la date de l'approbation du premier article)

La demande de propositions (DP) exigeait que les soumissionnaires présentent des états financiers vérifiés pour les deux exercices précédant immédiatement la date de leurs propositions. Les dispositions de la DP se rapportant à cette exigence précisaient ce qui suit :

8. CAPACITÉ FINANCIÈRE

Pour qu'il soit possible de vérifier que les soumissionnaires ont la capacité financière nécessaire pour la réalisation des travaux demandés, les soumissionnaires doivent fournir, avec leur proposition, leurs états financiers pour les deux (2) exercices qui précèdent immédiatement la date de leur proposition. Ces états fourniront les trois (3) années d'information financière nécessaire à l'évaluation. Les états financiers comprendront :

a) un état des résultats;

b) un bilan;

c) les bénéfices non répartis;

d) le rapport du vérificateur;

e) les notes complémentaires.

Lorsqu'il n'y a pas d'états financiers vérifiés, les soumissionnaires doivent fournir avec leur proposition des états financiers certifiés pour les deux (2) exercices précédant immédiatement la date de leur proposition. Ces états seront certifiés par un cadre supérieur de l'entreprise et comporteront les articles mentionnés ci-dessus. Si les états de fin d'exercice fournis conformément à ce qui précède sont datés de plus de trois (3) mois avant la date de la proposition, des états financiers intermédiaires datés de moins de deux (2) mois avant la date de la proposition doivent être fournis. Ces états comprendront :

a) Un état des revenus - de la fin du dernier exercice à aujourd'hui;

b) Un bilan.

Lorsqu'un soumissionnaire est une succursale ou une division d'une société, les renseignements susmentionnés portant sur la société mère doivent également être présentés.

Le Canada se réserve le droit de demander de la sécurité financière additionnelle avant d'adjuger un contrat si la capacité financière d'un soumissionnaire est en danger.

[Traduction]

L'article 17 de la DP prévoit :

17. CERTIFICATION EN SOUDAGE

Les soumissionnaires doivent fournir avec leur proposition une copie de leur certification en soudage actuelle, délivrée par le Bureau canadien de soudage, conformément à la norme W47.2M de l'ACNOR, 1987, section 1 ou 2.1, « Certification des compagnies de soudage par fusion de l'aluminium ». Les soumissionnaires doivent fournir la preuve de leur certification pour l'année en cours et conserver leur certification du Bureau canadien de soudage jusqu'à ce que le contrat ait été terminé.

[Traduction]

L'article 60 de la DP prévoit ce qui suit :

60. SOUS-TRAITANTS

Le soumissionnaire doit identifier dans sa proposition toutes les entreprises sous-traitantes avec qui il a conclu des accords conditionnels pour l'exécution d'une partie du présent marché. Les renseignements à fournir sont le nom du sous-traitant, l'adresse de son établissement, un curriculum vitæ de l'entreprise et des personnes, une description des travaux qui lui seront confiés et le pourcentage du travail qui sera effectué par le sous-traitant.

Le soumissionnaire doit fournir aussi une copie de l'accord confirmant que le soumissionnaire est disponible et indiquant clairement que le sous-traitant s'engage à effectuer les travaux si le contrat est adjugé au soumissionnaire.

[Traduction]

Le 12 mars 2002, Polaris a écrit à TPSGC, indiquant qu'elle fabrique une RIB à coque d'aluminium comparable satisfaisant pleinement à l'ensemble des spécifications. Polaris a indiqué que cette embarcation est disponible dans le commerce et a inclus sa fiche commerciale des spécifications. Polaris a demandé que TPSGC négocie avec elle l'adjudication d'un contrat à fournisseur unique.

Le 13 mars 2002, TPSGC a répondu à la lettre de Polaris, mentionnant que, étant donné que l'invitation à soumissionner en question n'était pas encore close, TPSGC ne pouvait pas évaluer son produit avant la clôture de l'appel d'offres et a signalé à Polaris que, si son produit satisfaisait aux exigences, elle pouvait présenter une soumission.

Le 26 mars 2002, Polaris a écrit à TPSGC pour s'opposer aux exigences suivantes :

· La présentation des états financiers du soumissionnaire

· La certification en soudage du soumissionnaire

· Les copies des accords avec les sous-traitants

Le 28 mars 2002, Polaris a de nouveau écrit à TPSGC à propos de plusieurs exigences techniques particulières et a demandé une prolongation du délai accordé pour la présentation des propositions. Le 2 avril 2002, TPSGC a publié la modification no 001, qui répondait aux objections que Polaris avait soulevées dans sa lettre du 26 mars 2002. Cette modification indiquait que les exigences relatives aux états financiers et à la certification en soudage n'allaient pas changer. Pour la présentation d'une proposition, il n'était plus nécessaire de présenter les curriculum vitæ du personnel sous-traitant.

Le 3 avril 2002, TPSGC a publié la modification no 002, qui répondait aux éclaircissements techniques que Polaris demandait dans sa lettre du 28 mars 2002. La date limite pour la présentation des propositions n'était pas reportée.

Le 3 avril 2002, Polaris a de nouveau écrit à TPSGC, s'opposant à l'obligation de présenter des états financiers, à l'exigence relative à la certification en soudage du soumissionnaire et à l'obligation de présenter des renseignements se rapportant aux sous-traitants. Polaris a de nouveau demandé que la date de clôture soit reportée.

Le 4 avril 2002, Polaris a fait parvenir une télécopie à TPSGC, dans laquelle elle acceptait les réponses relatives aux aspects techniques de l'invitation à soumissionner, mais maintenait les inquiétudes qu'elle avait soulevées dans sa lettre du 3 avril 2002. Polaris a demandé à TPSGC de modifier les exigences relatives à la présentation des états financiers, à la certification en soudage du soumissionnaire et à la nécessité de fournir des renseignements sur les sous-traitants; elle a également demandé que la date de clôture des soumissions soit reportée à deux semaines après la date où les exigences contractuelles ont été publiées de nouveau.

Le 5 avril 2002, TPSGC a écrit à Polaris, lui disant qu'il n'y aurait pas d'autres changements aux exigences obligatoires, et que, étant donné que le MDN avait besoin de ces embarcations et que Polaris avait tardé à poser ses questions, le report de la date de clôture des soumissions ne serait pas accordé.

Polaris n'a pas présenté de soumission. Le 18 avril 2002, Polaris a déposé une plainte auprès du Tribunal. Le 19 avril 2002, un contrat d'une valeur de 787 495,80 $ (TPS incluse) a été adjugé à Zodiac. Dans une lettre datée du 22 avril 2002, le Tribunal a avisé TPSGC qu'il avait accepté de faire enquête sur cette plainte.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

TPSGC a fait valoir que l'exigence relative à la présentation d'états financiers est raisonnable et nécessaire pour assurer que le soumissionnaire a la capacité financière nécessaire pour entreprendre et terminer les travaux en vertu du contrat. Selon TPSGC, il ne suffit pas qu'une institution financière fournisse une référence, car cela ne permet pas aux analystes des coûts de TPSGC d'effectuer une analyse des coûts financiers du soumissionnaire, et une telle référence ne serait pas conforme à la politique gouvernementale en matière de passation de marché public.

TPSGC a également soutenu que l'exigence pour un soumissionnaire de posséder la certification voulue en soudage est à la fois raisonnable et nécessaire dans les circonstances. D'après TPSGC, il incombe au soumissionnaire retenu de mener le contrat à bonne fin et il est responsable du produit final et de la qualité globale des travaux. TPSGC a fait valoir que l'entrepreneur principal doit par conséquent posséder les connaissances et les qualifications nécessaires pour examiner la partie des travaux confiée à des sous-traitants et vérifier la qualité de ces travaux. TPSGC a de plus allégué que, dans le cas d'un prototype d'embarcation à coque en aluminium, pour lequel le soudage de l'aluminium effectué pendant la construction de la coque est d'une importance capitale, il est à la fois raisonnable et nécessaire que l'entrepreneur principal soit responsable de l'examen des travaux et qu'il lui incombe de vérifier et de garantir que la RIB respecte les spécifications de la Couronne et convient à l'utilisation pour laquelle elle est prévue. TPSGC a en outre souligné que, dans sa lettre du 26 mars 2002, Polaris s'est clairement opposée à l'exigence obligatoire de la DP selon laquelle les soumissionnaires devaient fournir une certification actuelle du Bureau canadien de soudage. TPSGC a ajouté qu'il est important que, dans cette lettre, Polaris disait clairement être incapable de fournir la certification obligatoire. TPSGC a fait valoir que cela avait conduit ses fonctionnaires à conclure, raisonnablement, que, s'il n'était pas possible d'enlever l'exigence relative à la certification par le Bureau canadien de soudage, Polaris ne pourrait pas répondre à l'invitation à soumissionner.

En réponse à l'argument de Polaris selon lequel l'exigence de fournir les accords avec les sous-traitants est restrictive, TPSGC a soutenu que le soumissionnaire n'est tenu de présenter des renseignements sur les sous-traitants et de confirmer leur disponibilité et leur engagement que lorsqu'il a conclu des accords conditionnels.

TPSGC a de plus allégué que son maintien de la période de 36 jours prévue pour le dépôt des soumissions était raisonnable dans les circonstances. Selon TPSGC, la décision de ne pas modifier la période des soumissions tenait compte de l'urgence et de l'importance de l'acquisition par le MDN d'embarcations de sauvetage en mer en temps de guerre. Selon TPSGC, ces embarcations seront utilisées sur des frégates impliquées à tour de rôle dans le conflit actuel au Moyen-Orient. TPSGC a mentionné que ces frégates patrouillent aussi régulièrement les eaux canadiennes et pourraient participer à tout moment à des opérations de sauvetage. Les demandes de prolongation de la période des soumissions de Polaris accompagnaient les demandes d'information et de modification des exigences de l'invitation à soumissionner, mais il n'était pas possible de modifier de façon substantielle les exigences. TPSGC a fait valoir que, quoique la première opposition à la nécessité d'un prototype soit arrivée 11 jours après que Polaris ait obtenu les documents d'appel d'offres, les nombreuses demandes spécifiques de modification des exigences de la DP qu'a faites Polaris et les nombreuses demandes d'information ont été formulées pendant les 10 derniers jours de la période des soumissions. TPSGC a fait remarquer que la dernière demande de prolongation de deux semaines à partir de la date de clôture des soumissions a été formulée par Polaris dans une lettre datée du 3 avril 2002, soit deux jours avant la clôture des soumissions. Enfin, après avoir déterminé qu'il était impossible de modifier ou d'enlever l'exigence obligatoire relative à la certification par le Bureau canadien de soudage, les fonctionnaires de TPSGC ont conclu que prolonger la période des soumissions pour accommoder Polaris n'aiderait pas, dans les circonstances, Polaris dans les faits et que cela retarderait inutilement et déraisonnablement la passation du marché.

En ce qui concerne la partie de la plainte se rapportant à l'exigence de droits de propriété intellectuelle détenus par l'entrepreneur, TPSGC a fait valoir qu'elle ne respectait pas les délais. TPSGC a allégué que cette exigence est clairement énoncée dans la DP et dans les modalités intégrées par renvoi à l'invitation à soumissionner et qui en font partie. Selon TPSGC, Polaris a téléchargé la DP de MERX le 1er mars 2002. TPSGC a soutenu que Polaris n'avait toutefois soulevé aucune objection à propos de ces dispositions particulières de la DP jusqu'au moment où elle a déposé sa plainte. TPSGC a donc soutenu que, conformément au paragraphe 6(1) du Règlement, la période de 10 jours prévue pour le dépôt d'une plainte ayant trait à ces dispositions de la DP était terminée depuis longtemps et que, par conséquent, cette partie de la plainte devait être rejetée. Subsidiairement, TPSGC a allégué que ces dispositions de la DP sont rigoureusement conformes à la politique du Canada sur la propriété intellectuelle et ne contreviennent pas aux principes de l'équité dans la passation des marchés publics.

En ce qui concerne l'assertion de Polaris selon laquelle « tous les fournisseurs éventuels avec qui elle est entrée en contact » [traduction] ont exprimé des vues semblables aux siennes sur l'invitation à soumissionner en cause, TPSGC a fait valoir qu'absolument rien n'indique que Polaris a été autorisée à représenter la position de quelque fournisseur que ce soit dans cette affaire. TPSGC a donc soutenu que ces allégations sont incendiaires et sans aucun fondement.

TPSGC a conclu en demandant le rejet de la plainte et le remboursement des frais qu'il a engagés.

Position de Polaris

Eu égard à la première exigence obligatoire en cause, Polaris a fait valoir qu'elle n'avait aucune objection à ce que TPSGC ait besoin d'une garantie raisonnable de la capacité financière d'un entrepreneur éventuel, mais que les états financiers d'une entreprise privée sont sa propre propriété intellectuelle et que, pour cette raison, une entreprise privée est en droit de demander à l'organisme de la Couronne des garanties quant à la sécurité de tels renseignements confidentiels ou de demander si d'autres façons commerciales d'offrir des garanties financières sont acceptables. Polaris a fait valoir que cette question était particulièrement préoccupante du fait que TPSGC avait déjà, en répondant aux questions d'éclaircissement relatives à la DP, violé ses propres règles en matière de divulgation en mentionnant publiquement que Polaris était le fournisseur éventuel qui avait posé la question.

En ce qui concerne la deuxième exigence obligatoire en cause, Polaris a affirmé ne pas s'opposer à fournir à TPSGC la certification demandée du sous-traitant qu'elle aura choisi par le Bureau canadien de soudage. Polaris a fait valoir que TPSGC devrait réévaluer sa définition d'« exigence raisonnable » à la lumière des réalités de l'industrie et du fait que TPSGC ne réussit pas à obtenir de gros contrats au Canada pour ce type d'embarcation. Polaris a allégué considérer cette exigence comme manifestement partiale et allant de façon flagrante à l'encontre de la procédure de passation du marché public ouverte au bénéfice (et au profit) d'un seul fournisseur.

En ce qui a trait à la troisième exigence obligatoire en cause, c'est-à-dire l'obligation de fournir des renseignements sur les sous-traitants, Polaris a allégué que cette disposition empêchait un entrepreneur éventuel de choisir un sous-traitant différent, son établissement, ou son lieu d'affaires, les personnes concernées, le travail ou le pourcentage du travail donné en sous-traitance et plusieurs autres éléments, allant jusqu'à lui enlever complètement la possibilité de modifier la forme de son accord. Polaris a ajouté n'avoir aucune objection à présenter cette information si un contrat lui était adjugé.

Polaris a fait valoir que TPSGC a, sur une période de 12 ans, adjugé des contrats relatifs à de nouvelles embarcations pour le MDN en utilisant des contrats de prestation de services à fournisseur unique, se servant de l'exigence relative à la propriété intellectuelle comme justification. Polaris a dit croire que l'adjudication actuelle du présent contrat était prédéterminée et qu'il avait été démontré que l'aspect droit de propriété intellectuelle était injuste et incompatible avec une procédure de passation de marché public ouverte, équitable et concurrentielle. Selon Polaris, l'application par TPSGC des « droits de propriété intellectuelle » convient mieux à des invitations à soumissionner pour des programmes informatiques, et l'appliquer à son produit ne serait ni approprié ni rentable.

Polaris a allégué que le délai de 36 jours pour le dépôt des propositions était injuste, compte tenu des modifications tardives à l'invitation à soumissionner effectuées par TPSGC (p. ex., la dernière modification technique a été apportée le 3 avril 2002, soit 2 jours avant la clôture des soumissions). Selon Polaris, bien qu'elle ait demandé à trois reprises une prolongation à TPSGC, elle n'a pas eu suffisamment de temps pour préparer ou présenter sa soumission avant la date limite parce que TPSGC n'a pas accédé à cette demande.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. À la conclusion de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal est tenu de déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, en l'instance l'ACI.

Polaris a allégué que certaines exigences obligatoires de la DP sont indûment restrictives. Il s'agit des exigences suivantes :

· La capacité financière - Polaris s'est opposée à l'exigence obligatoire de déposer ses états financiers.

· La certification en soudage - Étant donné que Polaris confie à des sous-traitants les travaux de soudage de ses coques d'aluminium, elle a demandé à TPSGC de modifier l'exigence pour pouvoir présenter la certification en soudage de ses sous-traitants.

· Sous-traitants - Polaris s'est opposée à l'exigence obligatoire que le soumissionnaire identifie dans sa proposition tous les sous-traitants avec qui il a conclu des accords conditionnels pour l'exécution d'une partie du présent marché.

La plainte de Polaris soulevait aussi deux autres motifs de plainte. Le premier se rapporte à l'exigence que l'entrepreneur doit posséder les droits de propriété intellectuelle de tout nouveau produit créé pendant l'exécution du contrat en question, et le deuxième a trait à la limite de temps fixée pour la présentation des propositions et le refus de TPSGC de prolonger ce délai.

Premièrement, le Tribunal s'est penché sur l'allégation de Polaris selon laquelle, à titre de société privée, elle ne devrait pas être tenue de présenter ses états financiers, lesquels sont confidentiels et sont sa propriété. En réponse à ce motif de plainte, TPSGC a dit qu'il est nécessaire que ces états soient déposés pour que TPSGC puisse vérifier qu'un soumissionnaire a la capacité financière lui permettant d'entreprendre et de terminer les travaux en vertu du contrat. Bien que Polaris ait demandé que TPSGC modifie la DP afin d'accepter une référence écrite de son institution financière, attestant que sa situation financière passée et actuelle est en règle, TPSGC a soutenu qu'une référence d'un établissement financier ne permet pas aux analystes des coûts de TPSGC de procéder à une analyse des coûts financiers du soumissionnaire et que cela ne serait pas conforme à la politique du gouvernement en ce qui concerne la passation des marchés publics.

Le Tribunal remarque que le paragraphe 7 de la DP, intitulé « SOUMISSIONNAIRE - INFORMATION SUR LES CAPACITÉS » [traduction], stipule que le soumissionnaire doit permettre au Canada d'effectuer une évaluation pouvant porter, entre autres, sur le statut juridique du soumissionnaire, ses installations et sa capacité technique, financière et administrative de satisfaire aux exigences énoncées dans la DP. Le Tribunal est d'avis qu'il est raisonnable de demander la présentation des états financiers. Le Tribunal est d'accord avec TPSGC lorsque celui-ci soumet que ces documents sont nécessaires pour que ses fonctionnaires s'assurent par eux-mêmes que les soumissionnaires ont la capacité financière d'exécuter un contrat de l'importance de celui qui est envisagé dans cette DP. Le Tribunal est également d'avis que, bien qu'une référence d'un établissement financier puisse indiquer la situation des obligations du soumissionnaire à l'égard de cette institution en particulier, elle ne suffit pas pour permettre aux analystes des coûts de TPSGC de déterminer l'étendue de tout l'actif et de tout le passif du soumissionnaire et ne fournirait pas d'information sur les liquidités et la rentabilité du soumissionnaire. En outre, le Tribunal observe que cette exigence semble être la norme dans bon nombre des DP publiées par TPSGC. Bien qu'il comprenne que Polaris s'inquiète de la divulgation de renseignements financiers privés, le Tribunal est d'avis que TPSGC est une organisation responsable ayant beaucoup d'expérience de la garde et de la protection de renseignements d'affaires qui sont la propriété d'entreprises. Un fournisseur qui désire participer à un concours exigeant la divulgation de renseignements financiers devra se conformer à cette exigence ou risquer d'être exclu. Bien que l'identité de l'entreprise ayant posé des questions d'éclaircissement ait pu être divulguée par inadvertance, cela est peut-être dû à la hâte avec laquelle TPSGC a répondu à des questions posées à un moment où la date limite de réception des soumissions était imminente. Le Tribunal conclut donc que la plainte de Polaris, quant à ce motif particulier, n'est pas fondée.

En ce qui concerne le deuxième motif de plainte, c'est-à-dire que les soumissionnaires doivent fournir une copie d'une certification actuelle émise par le Bureau canadien de soudage, Polaris a mentionné dans sa lettre à TPSGC que la soudure de la coque d'aluminium est confiée à des sous-traitants et qu'elle ne pouvait par conséquent pas fournir de certification en soudage en son propre nom. Polaris a indiqué qu'elle pourrait toutefois choisir plusieurs entreprises détenant cette certification dans la liste du Bureau canadien de soudage, en attendant les résultats et l'adjudication du contrat. En réponse, TPSGC a allégué que cette exigence est raisonnable et nécessaire, étant donné que le soumissionnaire retenu est l'entité avec laquelle la Couronne conclut un contrat et que c'est lui qui est responsable de l'exécution réussie du marché, du produit final et de la qualité générale de l'ensemble des travaux. TPSGC a également fait valoir qu'exiger que le soumissionnaire ait une certification en soudage ne limite en rien la possibilité pour le soumissionnaire de confier à des sous-traitants la partie soudage du marché éventuel.

Bien que le Tribunal accepte l'argument de TPSGC selon lequel l'entrepreneur principal est en définitive responsable de mener le contrat à bonne fin, le Tribunal est d'avis qu'exiger que l'entrepreneur principal ait une certification en soudage est trop restrictif. Si TPSGC et le MDN peuvent accepter qu'un sous-traitant effectue les travaux de soudage, la certification de ce sous-traitant est certainement plus importante. Le Tribunal est d'avis qu'il importe peu que Polaris ou l'un de ses sous-traitants effectue le travail de soudage, en autant que Polaris puisse prouver de façon raisonnable et attester que le soudage et le contrôle de la qualité du soudage ont été effectués conformément à la norme demandée. Le Tribunal croit que les obligations de Polaris seraient les mêmes, que la certification en soudage soit établie à son nom ou à celui de l'un de ses sous-traitants. Le Tribunal détermine donc que cette exigence est trop restrictive et que ce motif de plainte est fondé. Il faut remarquer toutefois que, selon le Tribunal, exiger que le sous-traitant prévu et qui détient la certification soit identifié et exiger la preuve de cette certification au moment des soumissions ne serait pas déraisonnable.

Le troisième motif de plainte de Polaris, soit l'obligation pour le soumissionnaire d'identifier tous les sous-traitants éventuels dans sa proposition, a été considéré par Polaris comme indûment restrictif, étant donné qu'il empêchait un entrepreneur éventuel de choisir un sous-traitant différent. Selon le Tribunal, cette exigence est raisonnable et normale, étant donné que l'autorité contractante doit s'assurer que le soumissionnaire retenu peut exécuter toutes les dispositions de ce contrat. Le Tribunal est d'avis qu'un soumissionnaire ne doit pas pouvoir changer, à son seul gré, de sous-traitants après qu'un contrat a été adjugé, étant donné que cette adjudication est peut-être fondée sur l'expérience ou les qualifications des sous-traitants. Le Tribunal conclut donc que ce motif de plainte est sans fondement.

En ce qui concerne l'exigence selon laquelle l'entrepreneur doit détenir les droits de propriété intellectuelle du produit qu'il propose, Polaris a fait valoir qu'elle est injuste et qu'elle a servi par le passé de justification pour la passation de marchés à fournisseur unique. TPSGC a allégué qu'il était trop tard pour déposer une plainte à ce sujet. Le Tribunal admet l'argument de TPSGC selon lequel Polaris connaissait, ou aurait dû raisonnablement connaître, ce motif de plainte lorsqu'elle a pris connaissance de la DP qu'elle a téléchargée le 1er mars 2002. Polaris n'a pas soulevé ce motif jusqu'au dépôt de sa plainte. Le Tribunal conclut donc que ce motif de plainte n'a pas été déposé conformément aux délais établis au paragraphe 6(1) du Règlement et, par conséquent, le rejette. Cela étant dit, les craintes de Polaris à ce sujet laissent le Tribunal un peu perplexe, étant donné que les conditions susmentionnées semblent protéger l'entrepreneur et la Couronne en ce qui concerne les travaux effectués par suite du contrat et ne semblent pas empêcher un fournisseur d'offrir ses produits légitimes en réponse à une invitation à soumissionner.

En ce qui a trait au motif de plainte relatif au fait que TPSGC n'a pas accordé de report de la date de clôture des soumissions, TPSGC a dit avoir décidé de ne pas prolonger le délai, à la fois en raison de la nature urgente du besoin et de l'impossibilité de Polaris de satisfaire à l'exigence obligatoire relative à l'attestation de la certification en soudage. Polaris a demandé une prolongation la première fois le 28 mars 2002 puis, le 4 avril 2002, a demandé précisément une prolongation de deux semaines à partir du moment où les spécifications du contrat ont été diffusées à nouveau. TPSGC a décidé à ce moment-là de ne pas republier les spécifications du contrat et, par conséquent, n'a pas prolongé le délai. Au départ, la période de présentation des soumissions était de 36 jours, conformément à l'ACI. Bien qu'il incombe aux soumissionnaires de soulever des objections et d'exiger des éclaircissements dès que possible au cours du processus d'appel d'offres, de manière que l'institution fédérale puisse étudier les exposés et communiquer sa décision à tous les fournisseurs potentiels, TPSGC a également l'obligation d'agir de façon raisonnable. TPSGC était dans son bon droit lorsqu'il a décidé de ne pas prolonger la période des soumissions, mais le Tribunal est d'avis que la concurrence d'autres fournisseurs aurait pu avoir pour effet de raccourcir les délais globaux de livraison. En d'autres mots, une petite prolongation de la période pour la présentation des soumissions aurait pu être largement compensée si la prolongation avait permis au gouvernement d'évaluer une embarcation disponible dans le commerce qui, d'après Polaris, satisfaisait, ou satisfaisait presque, aux spécifications demandées. Néanmoins, le Tribunal est d'avis que ce motif de plainte, étant donné que TPSGC s'est conformé à l'ACI, est sans fondement.

Polaris a demandé, à titre de mesure corrective, que TPSGC lance une nouvelle invitation à soumissionner ou qu'une indemnité financière lui soit accordée, calculée en pourcentage de la valeur du contrat. Le Tribunal fait remarquer qu'il a conclu au bien-fondé de la plainte pour l'un seulement des motifs de plainte et, par conséquent, même si Polaris avait pu présenter la certification en soudage de l'un de ses sous-traitants, elle n'aurait probablement pas eu le temps de présenter une proposition conforme. L'importance des dommages qu'a subis Polaris ne constitue donc pas une raison suffisante pour perturber le marché public ou recommander une indemnité monétaire. Par conséquent et compte tenu du paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal ne recommande pas qu'une nouvelle invitation à soumissionner soit lancée ou qu'une indemnité financière, calculée en pourcentage de la valeur du contrat, soit versée à Polaris.

Le Tribunal tient compte toutefois de ce que Polaris a engagé des frais pour le dépôt de la présente plainte et accorde à Polaris les frais qu'elle a engagés pour sa plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public n'a pas été passé conformément aux accords commerciaux applicables et, par conséquent, que la plainte est fondée en partie.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Polaris les frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http ://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . Service électronique d'appel d'offres du Canada.