INBUSINESS SYSTEMS INC.

Décisions


INBUSINESS SYSTEMS INC.
Dossier no PR-2002-020


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 29 novembre 2002

Dossier no PR-2002-020

EU ÉGARD À une plainte déposée par InBusiness Systems Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, qu'InBusiness Systems Inc. reçoive une indemnité d'un montant égal au tiers des profits qu'elle aurait tirés du contrat, si elle avait soumissionné les travaux à un prix inférieur de un dollar au prix estimatif du contrat proposé. Le Tribunal recommande aussi que le ministère des Travaux Publics et des Services gouvernementaux verse à InBusiness Systems Inc. le remboursement de tous les frais qu'elle a engagés relativement à sa contestation du préavis d'adjudication du contrat. En utilisant ce qui précède comme point de départ, le Tribunal recommande aux parties d'élaborer une proposition conjointe d'indemnité qui tienne compte : a) de la gravité des irrégularités constatées dans la procédure de passation du marché public; b) du préjudice causé à l'intégrité et à l'efficacité du mécanisme d'adjudication. La proposition doit être présentée au Tribunal dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision et du présent exposé des motifs. Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le montant de l'indemnité, elles feront rapport séparément au Tribunal avant la fin du même délai de 30 jours, et le Tribunal publiera ensuite ses recommandations à cet égard.

Enfin, aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal accorde à InBusiness Systems Inc. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

 

Date de la décision et des motifs :

Le 29 novembre 2002

Membre du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

Gestionnaire de l'enquête :

Daniel Chamaillard

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

Partie plaignante :

InBusiness Systems Inc.

Conseiller pour la partie plaignante :

Vincent DeRose

Intervenante :

Core Software Corp.

Conseiller pour l'intervenante :

William J. Smith

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseiller pour l'institution fédérale :

David M. Attwater

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 13 août 2002, InBusiness Systems Inc. (InBusiness) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte porte sur le marché public (invitation no 21120-017897/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du Service correctionnel du Canada (SCC) pour la prestation de services professionnels en informatique en vue du transfert intégral de l'application du Système de gestion des détenus (SGD) du SCC à un environnement Web.

InBusiness a allégué que TPSGC et le SCC ont tenu d'une manière irrégulière un marché public devant être adjugé à Core Software Corp. (Core) dans le cadre d'une procédure limitée d'appel d'offres. Elle a aussi allégué que les spécifications techniques du marché public ont été rédigées d'une façon partiale de manière à favoriser le logiciel de Core et que TPSGC et le SCC ont accordé un traitement préférentiel à Core.

À titre de mesure corrective, InBusiness a demandé que le Tribunal recommande que TPSGC adjuge le contrat dans le cadre d'une procédure de soumission en régime de concurrence et que TPSGC communique à tous les soumissionnaires une information suffisante pour leur permettre de présenter une soumission recevable. Subsidiairement, elle a demandé à recevoir une indemnité en reconnaissance de l'occasion qu'elle a perdue de tirer des profits, ainsi que le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Le 19 août 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

Le 22 août 2002, TPSGC a confirmé qu'un contrat de 5 271 275,18 $ avait été adjugé à Core.

Le 4 septembre 2002, Core a demandé à être autorisée à intervenir dans l'affaire et le Tribunal a accueilli la demande le 6 septembre 2002. Le 16 septembre 2002, le Tribunal a reçu le rapport de l'institution fédérale (RIF). Le 25 septembre 2002, le Tribunal a accordé à InBusiness une prorogation du délai de dépôt de ses observations sur le RIF. Le 4 octobre 2002, InBusiness et Core ont déposé leurs observations respectives sur le RIF. Le 16 octobre 2002, TPSGC a demandé la permission de contre-interroger une personne qui avait déposé un affidavit à l'appui des observations soumises par InBusiness. Le Tribunal a autorisé TPSGC à déposer des observations en réponse à l'affidavit et aux observations déposées par InBusiness. Le 1er novembre 2002, TPSGC a déposé ses observations sur l'affidavit et sur les observations d'InBusiness. Le 6 novembre 2002, InBusiness a déposé ses observations sur les observations de TPSGC.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 19 avril 2002, TPSGC a diffusé, par l'entreprise du MERX, un préavis d'adjudication de contrat (PAC) dans lequel il annonçait l'adjudication d'un contrat de services professionnels en informatique pour le transfert intégral de l'application du SGD du SCC à un environnement Web. Les fournisseurs qui estimaient être pleinement qualifiés et prêts à fournir les produits et les services décrits dans le PAC devaient présenter un énoncé de capacités avant le 3 mai 2002.

Le PAC prévoit notamment les critères suivants eu égard au marché public :

NATURE DES BESOINS :

Le [SCC] recherche un entrepreneur qui doit assurer des services professionnels en informatique pour transférer le logiciel Powerhouse de l'application de renouvellement du système de gestion des détenus à un environnement Web [...] La conversion doit se réaliser en effectuant la reprise de la conception automatisée de l'application existante de Powerhouse [...] à l'aide des générateurs automatisés [Core Chameleon Migration Software (CCMS)].

ACCORDS COMMERCIAUX :

Ce marché est assujetti à l'[AMP], à [l'ALÉNA] et à [l'ACI] lorsque les procédures limitées d'appel d'offres sont applicables « puisqu'il s'agit d'oeuvres d'art ou pour des raisons liées à la protection de brevets, de droits d'auteur ou d'autres droits exclusifs ou de renseignements de nature exclusive, et qu'en l'absence de concurrence pour des raisons techniques, les produits ou services ne peuvent être fournis que par un fournisseur particulier ».

NOM ET ADRESSE DE L'ENTREPRENEUR PROPOSÉ :

Core Software Corporation

1668, promenade Woodward

Ottawa (Ontario)

JUSTIFICATION DU RECOURS À UN APPEL D'OFFRES RESTREINT :

Le [SCC] a besoin de s'assurer des compétences et du savoir-faire d'une entreprise qui possède les outils et les services connexes pour réaliser la reprise de la conception du logiciel Powerhouse et le transfert du [SGC] actuellement utilisé par le SCC. Le produit [Core] Chameleon Migration Software (CCMS) est le seul ensemble d'outils de conversion connu et automatisé conçu spécialement pour permettre le transfert de Powerhouse 4GL et d'Interbase RDBMS à Visual Basic (COM+, ASP) et Oracle RDBMS : l'environnement que vise le SCC. La société Core Software Corporation possède les droits brevetés sur le CCMS. Compte tenu du fait que le CCMS est conçu uniquement pour transférer des applications PowerHouse, les points suivants constituent un sous-ensemble des caractéristiques qui font que la société Core Software et son ensemble d'outils CCMS sont les plus aptes à la réalisation du projet de transfert du [SGD].

Capacité d'analyser le code source du PowerHouse classique actuel structuré dans un entrepôt de données du CCMS tout en saisissant et en préservant 100% de la logique de traitement et des règles de gestion.

Conversion automatisée d'une application basée caractère PowerHouse à une interface utilisateur basée sur le Web (COM+, ASP, rapports actifs, PL/SQL);

Conversion des formules du [SGD] à des rapports actifs générant des rapports en Acrobat d'Adobe.

Transfert automatisé d'Interbase RDBMS à Oracle RDBMS, ce qui comprend les ensembles PL/SQL et les procédures.

Conception automatisée de toute la logique de traitement et de toutes les règles de gestion à COM+, ASP tout en exploitant la capacité d'améliorer dynamiquement la navigation et l'interface utilisateur.

Ensemble d'outils de nouvelle documentation permettant de générer la documentation de système pour chaque module Powerhouse chargé dans l'entrepôt de données Chameleon [traduction].

Ensemble d'outils d'analyse d'impact exploitant des fonctions qui permettent au SCC d'évaluer l'impact des changements et des améliorations (capable d'accueillir à la fois l'application du SGD classique et l'application du SGD nouvellement transférée) [traduction].

La Commission nationale des libérations conditionnelles occupe présentement un module dans l'application [SGD] actuelle et dans l'infrastructure technique et elle est très avancée pour ce qui est du transfert de son PowerHouse 4GL et de ses éléments Interbase RDBMS au moyen du logiciel [CCMS]. C'est à des fins de compatibilité et de cohérence des résultats, ainsi que de continuité, qu'il faut utiliser le produit [CCMS] pour ce marché.

Le 2 mai 2002, InBusiness a fait parvenir une communication à TPSGC dans laquelle elle présentait officiellement une contestation à la méthode appliquée à la passation du marché public. En réponse à cette contestation, le 21 mai 2002, TPSGC a communiqué une ventilation détaillée des besoins du SCC, dans laquelle étaient énumérés 28 critères et qui expliquait que le SCC avait besoin d'un outil automatisé capable d'effectuer la reprise de la conception automatisée de l'application existante de Powerhouse, tout en conservant toutes les règles administratives élaborées dans le SGD.

Le 23 mai 2002, InBusiness a répondu à TPSGC et a fait savoir notamment ce qui suit : « nous croyons que l'utilisation d'un outil automatisé ne devrait pas être une condition absolue » [traduction]. Elle a aussi inclus un énoncé de ses capacités. Selon TPSGC, InBusiness a exprimé clairement qu'elle n'était pas capable de réaliser un transfert automatisé du SGD.

Le 1er août 2002, TPSGC a rejeté l'opposition et l'énoncé de capacités d'InBusiness.

Le 13 août 2002, InBusiness a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITIONS DES PARTIES

Position de TPSGC

Selon TPSGC, seule Core peut fournir les services nécessaires, par application d'un outil logiciel existant et qui a fait ses preuves, pour effectuer un transfert automatisé du SGD. TPSGC a soutenu que les accords commerciaux permettent le recours à la procédure limitée d'appel d'offres dans les circonstances où un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public. Il a soutenu que nombre de décisions précédentes des tribunaux et du Tribunal corroborent cette affirmation.

TPSGC a aussi soutenu qu'InBusiness n'est pas en mesure d'effectuer un transfert automatisé du SGD. Selon TPSGC, même si InBusiness a allégué qu'elle était en mesure d'effectuer un transfert manuel du SGD, en aucun temps elle n'a laissé entendre qu'elle était capable d'effectuer un transfert automatisé du SGD. TPSGC a soutenu que cette allégation est semblable à la situation où un fabricant de charrettes affirmerait que le besoin d'un véhicule automobile est une spécification partiale.

TPSGC a soutenu que le transfert automatisé est un critère en fonction du rendement pleinement compatible avec l'ALÉNA et l'AMP. Il a aussi soutenu que les spécifications définies en fonction de la conception ou de caractéristiques descriptives ne sont pas en soi discriminatoires puisqu'elles doivent être définies par des critères établis en fonction du rendement seulement dans des circonstances indiquées.

TPSGC a de plus soutenu que l'ACI interdit la rédaction de spécifications techniques partiales uniquement dans la mesure où elles donnent lieu à l'exercice de discrimination fondée sur une province ou une région du Canada. Il a aussi soutenu qu'une violation de l'ACI en ce qui a trait à la rédaction de spécifications techniques partiales n'existe que si les spécifications techniques d'un marché public sont rédigées en vue de se soustraire aux obligations prévues au chapitre cinq de l'ACI.

TPSGC a soutenu qu'InBusiness n'est pas un fournisseur potentiel des services visés dans le marché public. Le paragraphe 30.11 de la Loi sur le TCCE prévoit que seuls les fournisseurs potentiels peuvent déposer une plainte auprès du Tribunal. TPSGC a soutenu que la plainte d'InBusiness devrait être rejetée, tout comme l'a été la plainte déposée par Foundry Networks3 .

En ce qui a trait à l'allégation selon laquelle aucun énoncé des travaux n'a été communiqué à InBusiness, TPSGC a soutenu que la définition des besoins précisait clairement que le SCC recherchait un fournisseur de services capable d'effectuer la reprise de la conception automatisée du SGD. Selon TPSGC, la communication à InBusiness d'une copie de l'énoncé des travaux, lorsqu'il est devenu disponible quelque temps par après, ne pouvait changer le fait qu'InBusiness n'était pas en mesure d'exécuter les services requis.

En ce qui a trait à l'allégation de conflit d'intérêt, étant donné qu'un des propriétaires fondateurs de Core est un ancien employé du SCC, TPSGC nie expressément cette allégation. Selon TPSGC, le propriétaire fondateur de Core a quitté le SCC en 1995, et il n'y a pas de lien entre ses attributions antérieures et le projet de renouvellement du SGD.

Position de Core

Core a appuyé et confirmé la réponse de TPSGC à la plainte. Elle a soutenu que, étant donné les objectifs particuliers du projet de transfert du SCC, l'utilisation d'un système automatisé est une exigence fonctionnelle nécessaire et non une restriction injustifiée dans la spécification du contrat. Core a soutenu que l'utilisation d'un outil de transfert automatisé n'est pas simplement un moyen d'arriver au même résultat que produirait un effort manuel, mais est un processus entièrement différent.

Core a soutenu que la différence principale réside dans le fait que son processus automatisé applique une logique uniforme et un ensemble normalisé de règles et de conventions de programmation pour reproduire la fonctionnalité de l'ancien système. Selon Core, une équipe de programmeurs ne pourrait arriver à une telle réplique d'une manière aussi efficace et avec autant de constance, simplement parce que les membres de l'équipe posséderaient des niveaux différents de connaissances spécialisées et appliqueraient leur interprétation personnelle de la fonctionnalité de l'application. Core a soutenu que la démarche automatisée donnerait lieu inévitablement à une meilleure reproduction, et ce, d'une manière constante.

Core a aussi soutenu que le SCC avait procédé, avant le PAC, à un exercice approfondi comportant toutes les mesures nécessaires raisonnables pour déterminer ses besoins. Cet exercice incluait un examen, une discussion et une évaluation en profondeur avec les fournisseurs potentiels, y compris Core. À la fin de ce processus, le SCC a rejeté la solution manuelle au motif qu'elle était inappropriée et a prescrit un système automatisé pour son projet de transfert. Core a affirmé qu'il ne s'était agi là ni d'une décision impétueuse ni d'une décision irréfléchie et qu'InBusiness n'avait pas subi de préjudice attribuable à la procédure appliquée.

Core a soutenu que l'allégation d'InBusiness, se trouvant à l'alinéa 4.D.c) de sa plainte, et selon laquelle un conflit d'intérêt a émergé du fait que l'« un des propriétaires fondateurs de Core Software avait quitté son emploi au SCC il y a quelques années pour lancer Core Software » [traduction] et que, de ce fait, « par l'entremise de ce lien avec des personnes chez Core Software, le SCC accordait un traitement de faveur à Core » [traduction], était une allégation fausse et diffamatoire à l'endroit de la personne en question.

Position d'InBusiness

InBusiness a soutenu que l'invitation avait été tenue en violation des dispositions de l'ALÉNA, de l'AMP et de l'ACI lorsque TPSGC avait, d'une manière irrégulière, utilisé la procédure limitée d'appel d'offres dans des circonstances où il existait plus d'une solution technique en mesure d'effectuer avec succès le transfert du SGD.

InBusiness a soutenu que TPSGC a invoqué l'alinéa 1016(2)b) de l'ALÉNA, l'alinéa XV(1)b) de l'AMP et l'alinéa 506(12)b) de l'ACI pour justifier le recours à une procédure limitée d'appel d'offres. Elle a soutenu que ces alinéas permettent le recours à la procédure limitée d'appel d'offres, mais seulement en l'absence de concurrence pour des raisons d'ordre technique et s'il n'existe aucune solution de rechange ou de remplacement raisonnable. InBusiness a soutenu que les appels d'offres ouverts sont la norme aux termes des accords commerciaux applicables et que la procédure limitée d'appel d'offres est l'exception. Lorsque le gouvernement délivre un contrat du type à fournisseur unique, selon InBusiness, il lui incombe de démontrer l'existence des circonstances et des conditions énoncées dans les accords commerciaux. Par conséquent, selon InBusiness, il incombait à TPSGC d'établir qu'il n'existait pas de solution de rechange raisonnable au transfert automatisé. Selon InBusiness, TPSGC a omis de démontrer, ou de même tenter de démontrer, que le transfert automatisé est la seule solution en mesure d'effectuer avec succès le transfert du SGD, que ce soit dans le PAC ou dans le RIF.

En outre, InBusiness a soutenu que TPSGC avait justifié le recours à un appel d'offres du type à fournisseur unique en incluant une solution particulière fondée sur les caractéristiques de conception d'un produit logiciel donné, à savoir, le CCMS, au titre d'exigence obligatoire. Ce faisant, selon InBusiness, TPSGC a adopté des exigences techniques inutilement restrictives pour satisfaire son besoin opérationnel.

InBusiness a soutenu que, malgré l'existence de plus d'une solution technique, le SCC n'avait pas tenu une procédure ouverte d'appel d'offres. Elle a de plus soutenu que le SCC avait plutôt choisi à l'avance une solution technologique particulière (le transfert automatisé). InBusiness a ajouté que cette détermination préalable par le SCC n'avait pas été faite d'une manière ouverte et transparente susceptible de promouvoir la concurrence, mais plutôt d'une manière complètement cachée chez le SCC.

InBusiness a soutenu qu'il existe au moins trois démarches acceptées au sein de l'industrie de l'informatique :

· Transfert automatisé-l'utilisation d'outils logiciels pour balayer et analyser le logiciel d'application de la plate-forme source, et pour identifier et traduire ce logiciel pour la plate-forme cible

· Transfert entièrement manuel-l'utilisation de développeurs de logiciels (ressources humaines) pour balayer et analyser le logiciel d'application de la plate-forme source, et pour identifier et traduire ce logiciel pour la plate-forme cible

· Transfert partiellement manuel-l'utilisation à la fois d'outils logiciels et de développeurs de logiciels pour balayer et analyser le logiciel d'application de la plate-forme source, et pour identifier et traduire ce logiciel pour la plate-forme cible

InBusiness a soutenu que, si l'occasion lui avait été accordée de soumettre une proposition sur la manière de transférer le SGD, elle aurait proposé une méthode partiellement manuelle, comprenant l'application d'outils logiciels standard éprouvés pour automatiser une grande partie du processus de transfert. Elle a aussi soutenu avoir fait la preuve de sa capacité d'effectuer les travaux, par l'intermédiaire des exposés qu'elle a fait parvenir à TPSGC les 2 et 23 mai 2002 et en effectuant des travaux similaires, y compris des transferts manuels, pour d'autres institutions et organismes fédéraux.

InBusiness a soutenu que TPSGC avait refusé une demande raisonnable de renseignements qu'elle avait présentée, des renseignements qui étaient nécessaires pour contester de la manière indiquée la décision de TPSGC d'attribuer le contrat à un fournisseur unique. Elle a aussi soutenu que, en l'absence de l'information nécessaire, elle avait été, comme d'autres fournisseurs potentiels, empêchée de présenter une soumission pleinement recevable, étant donné l'insuffisance de l'information sur l'ampleur des travaux requis.

InBusiness a soutenu que Core était une société appartenant à d'anciens employés du SCC et exploitée par ces personnes. Les circonstances du présent marché public, jointes au fait que d'anciens employés du SCC possèdent et exploitent Core, selon InBusiness, ont donné naissance à une crainte raisonnable de partialité.

Enfin, étant donné les circonstances de l'espèce, InBusiness a soutenu que le Tribunal devrait recommander le paiement d'un montant supplémentaire en plus d'une indemnité pour perte d'occasion. Elle a soutenu qu'un montant de 100 000 $ devrait lui être versé à cet égard.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables.

Les principales questions sur lesquelles le Tribunal doit statuer sont celles de savoir s'il y a eu des irrégularités dans la passation du marché public, si les spécifications techniques étaient partiales et si un traitement de faveur a été accordé à un fournisseur, contrairement aux dispositions de l'ALÉNA, de l'ACI et de l'AMP.

Le Tribunal est d'avis que les spécifications techniques ont été rédigées d'une manière partiale et que TPSGC et le SCC ont, incorrectement, attribué le contrat à un fournisseur unique. Ainsi qu'il a été établi dans des décisions précédentes du Tribunal4 , les appels d'offres concurrentiels sont la norme aux termes des accords commerciaux, la procédure limitée d'appel d'offres étant l'exception. Il incombe aux institutions fédérales d'établir que la décision de choisir une procédure limitée d'appel d'offres est permise aux termes des accords commerciaux applicables dans les circonstances particulières de l'affaire. Le Tribunal n'est pas convaincu que TPSGC et le SCC ont satisfait aux conditions énoncées dans les accords commerciaux.

Selon le Tribunal, au lieu de tenir une procédure ouverte d'appel d'offres, TPSGC et le SCC ont utilisé une combinaison de ressources à l'interne et d'experts-conseils à l'externe pour définir leurs besoins et pour déterminer le choix d'un fournisseur de services, puis ont utilisé un PAC pour confirmer le résultat. À cet égard, le Tribunal réitère que l'utilisation d'un PAC ne doit ni remplacer la procédure ouverte d'appel d'offres dans le choix des fournisseurs ni être considérée comme un moyen plus expéditif et plus souple de mener ou de tenter de mener la passation d'un marché public en régime concurrentiel5 .

Le Tribunal n'est pas convaincu que TPSGC et le SCC, lorsqu'ils ont diffusé le PAC en question, tentaient d'obtenir des produits ou services de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisants6 relativement à une solution et à un outil de conversion déjà prescrits. Il est d'avis que la définition des besoins et la justification du recours à un appel d'offres limité énoncées dans le PAC ont été rédigées de manière à favoriser, délibérément ou non, une solution et un outil de transfert propre à un produit donné dont le choix avait été arrêté d'avance.

Le Tribunal n'est pas convaincu qu'il n'existe pas de produit de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisant à la solution de Core. En vérité, les éléments de preuve portent le Tribunal à croire que, dans l'ensemble, d'autres solutions possibles auraient bien pu être disponibles, si les critères avaient été davantage axés sur l'objectif en ce qui a trait à la solution et n'avaient pas été rédigés en fonction d'un produit spécifique en ce qui a trait à l'outil de conversion. Selon le Tribunal, la solution prescrite et l'outil pour la réaliser revêtaient un caractère restrictif et correspondaient à la description d'une conception particulière et non à des critères établis en fonction du rendement, comme cela aurait dû être. Le transfert du SGD n'était pas fondé sur le rendement, en ce sens qu'il n'a pas été donné aux fournisseurs la latitude nécessaire pour atteindre les objectifs voulus sans utilisation d'un logiciel donné et sans transfert automatisé. Le Tribunal est donc d'avis que le besoin a été exprimé en fonction de la conception et des caractéristiques descriptives et a eu pour effet de limiter l'éventail des choix disponibles aux fournisseurs en réduisant l'éventail des solutions acceptables, ce qui n'était pas indiqué. Par conséquent, le Tribunal conclut que le marché public a été passé d'une manière irrégulière, étant donné qu'il ne satisfait pas aux exigences des accords commerciaux concernant les appels d'offres limités.

De plus, le Tribunal fait observer que TPSGC affirme dans le PAC détenir des droits exclusifs pour justifier le recours à un appel d'offres en régime non concurrentiel. Le fait que l'outil de conversion choisi d'avance ait un caractère exclusif n'est pas un motif qui puisse justifier le recours à un contrat du type à fournisseur unique, lorsque la solution ou la démarche a été, au départ, irrégulièrement prescrite. Un tel état des choses ne peut être acceptable. S'il l'était, les institutions fédérales pourraient justifier le recours à une procédure de sélection irrégulière sous le couvert de l'exemption de droits exclusifs ou de toute exemption similaire prévue dans les accords commerciaux.

En ce qui a trait à la question de savoir si InBusiness était un fournisseur potentiel pour le marché public en question, le Tribunal rejette l'observation de TPSGC selon laquelle, parce qu'elle n'a pas laissé entendre qu'elle était capable d'effectuer un transfert automatisé du SGC, InBusiness n'était pas un fournisseur potentiel. Il fait également observer, à cet égard, que Core n'effectuera pas un transfert automatisé à 100 p. 100 du SGD. Même si InBusiness a tenté de répondre au PAC en l'espèce, le Tribunal est d'avis qu'un fournisseur potentiel n'est pas tenu de répondre à un PAC lorsque le marché public fait dûment l'objet d'une contestation ou d'une opposition au motif que ledit marché public ne satisfait pas aux exigences des accords commerciaux. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Tribunal est d'avis que le marché public en l'espèce a été passé en violation des exigences des accords commerciaux.

Contrairement à son avis dans Foundry Networks, le Tribunal n'est pas d'avis qu'InBusiness tente de contraindre le SCC à s'adapter à ses capacités particulières. Même s'il avait conclu que l'institution fédérale était tenue de préciser ses besoins comme elle l'avait fait dans ce marché public, le Tribunal ne tire pas la même conclusion en l'espèce, pour les motifs déjà mentionnés.

Même s'il n'a pas besoin de statuer sur la question de savoir si le marché public a été passé en violation de l'article 504 de l'ACI pour rendre sa décision en l'espèce, le Tribunal souhaite répondre à l'argument de TPSGC selon lequel la portée d'application de l'article 504 se limite aux cas d'exercice de discrimination entre des provinces ou des régions. Le Tribunal est d'avis que l'article 504 interdit l'exercice de discrimination même dans les cas où il n'y a pas discrimination entre les provinces ou les régions. Il reprend la position et les motifs qu'il a établis dans ses décisions précédentes à cet égard7 . En outre, le Tribunal n'accueille pas l'argument de TPSGC selon lequel la rédaction partiale de spécifications techniques ne viole l'ACI que dans les cas où cette rédaction est faite en vue de se soustraire aux obligations prévues au chapitre cinq de l'ACI. Cela est contraire à l'objet même du chapitre cinq et, particulièrement, de l'article 501, du paragraphe 504(2) et de l'article 506. De plus, il fait observer que le paragraphe 504(3) n'est pas exhaustif et, à son avis, peut inclure la rédaction des spécifications techniques de manière partiale qui a pour effet de se soustraire aux obligations prévues au chapitre cinq.

Le Tribunal est aussi d'avis que, conformément à l'alinéa XII(3)c) de l'AMP, TPSGC était tenu de répondre aux demandes raisonnables de renseignements d'InBusiness et, plus précisément, de communiquer à cette dernière l'énoncé des travaux lorsqu'il était prêt, le 17 juillet 2002. Il ne suffit pas de s'appuyer sur les dires d'une partie plaignante selon lesquels cette dernière détiendrait beaucoup d'information ni sur la conclusion de l'institution fédérale selon laquelle cette dernière a suffisamment de renseignements sur l'entité contestataire pour déterminer ses capacités pour refuser à une partie plaignante l'accès aux renseignements pertinents. Cette information était, de l'avis du Tribunal, pertinente et nécessaire à la contestation du PAC par InBusiness et aurait dû être communiquée en conformité avec l'article XII.

Cependant, le Tribunal est d'avis que l'alinéa 1013(2)a) de l'ALÉNA ne s'applique pas à l'espèce, étant donné qu'il ne vise pas la procédure limitée d'appel d'offres, à la différence de l'alinéa 1013(2)b).

En ce qui a trait aux allégations de partialité, le Tribunal n'est pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition, que le rapport établi entre la SCC et les membres clés de Core était tellement étroit ou que la manière selon laquelle la passation du marché public a été exécutée était assimilable à des circonstances donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité. Il n'y a pas d'élément de preuve, si ce n'est une association passée employeur-employé et une certaine participation à l'étape initiale de la planification du SGD, qui relie les anciens employés et le marché public en question. Le Tribunal est d'avis, à la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition dans la présente affaire, que les circonstances ne donnent pas naissance à une crainte raisonnable de partialité.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut donc que la plainte est fondée en partie.

Le Tribunal prend note de l'observation d'InBusiness selon laquelle TPSGC a attribué un contrat à Core le ou vers le 16 août 2002 et qu'un avantage indu serait accordé à Core par rapport aux autres soumissionnaires si le Tribunal devait recommander la résiliation du contrat spécifique et le lancement d'un appel d'offres en régime de concurrence. C'est avec réticence que le Tribunal accueille cet argument.

Dans la détermination de la mesure corrective indiquée, le Tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes au marché public, telles qu'elles sont énoncées au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Les facteurs pertinents incluent la prise en considération de la gravité des irrégularités constatées dans la procédure du marché public, l'ampleur du préjudice causé à la partie plaignante, l'ampleur du préjudice causé à l'intégrité ou à l'efficacité du mécanisme d'adjudication, et la bonne foi des parties.

À la lumière de tout ce qui précède, le Tribunal conclut qu'il y a eu de graves irrégularités dans le traitement du présent marché public. Il est aussi d'avis qu'un préjudice d'une certaine ampleur a été porté à l'intégrité et à l'efficacité du mécanisme d'adjudication. Le Tribunal est d'avis que TPSGC et le SCC avaient l'intention d'accorder le contrat spécifique à Core, même si InBusiness avait fait opposition au PAC et même si le PAC et la lettre du 21 mai 2002 en provenance de TPSGC ne font pas mention d'une urgence dans cette affaire. Le PAC prévoyait une procédure concurrentielle d'appel d'offres, si elle devait s'avérer nécessaire.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, qu'InBusiness reçoive une indemnité d'un montant égal au tiers des profits qu'elle aurait tirés du contrat, si elle avait soumissionné les travaux à un prix inférieur de un dollar au prix estimatif du contrat proposé. Le Tribunal recommande aussi que le TPSGC verse à InBusiness le remboursement de tous les frais qu'elle a engagés relativement à sa contestation du PAC. En se fondant sur ce qui précède, le Tribunal recommande aux parties d'élaborer une proposition conjointe d'indemnité qui tienne compte : a) de la gravité des irrégularités constatées dans la procédure de passation du marché public; b) du préjudice causé à l'intégrité et à l'efficacité du mécanisme d'adjudication. La proposition doit être présentée au Tribunal dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision et du présent exposé des motifs. Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le montant de l'indemnité, elles feront rapport séparément au Tribunal avant la fin du même délai de 30 jours, et le Tribunal publiera ensuite ses recommandations à cet égard.

Enfin, aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à InBusiness le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

3 . Re plainte déposée par Foundry Networks (30 août 2001), PR-2001-008 (TCCE) [ci-après Foundry Networks].

4 . Re plainte déposée par Foundry Networks (23 mai 2001), PR-2000-060 (TCCE); Re plainte déposée par Novell Canada, Ltd. (17 juin 1999), PR-98-047 (TCCE).

5 . Re plainte déposée par Array Systems Computing Inc. (16 avril 1996), PR-95-023 (TCCE); Re plainte déposée par Encore Computer Ltd. (28 février 1992), G92PRF6631-021-0001 (CRMP).

6 . Voir l'alinéa 1016(2)b) de l'ALÉNA, l'alinéa XV(1)b) de l'AMP et l'alinéa 506(12)b) de l'ACI.

7 . Re plainte déposée par AT&T Canada Corp. (27 novembre 2000), PR-2000-024 (TCCE); Re plainte déposée par Foundry Networks (23 mai 2001), PR-2000-060 (TCCE); Re plainte déposée par FLIR Systems Ltd. (25 juillet 2002), PR-2001-077 (TCCE).