NANAIMO SHIPYARD LTD.

Décisions


NANAIMO SHIPYARD LTD.
Dossier no PR-2002-023


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 17 décembre 2002

Dossier no PR-2002-023

EU ÉGARD À une plainte déposée par Nanaimo Shipyard Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

 

Date de la décision et des motifs :

Le 17 décembre 2002

   

Membre du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

   

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

   

Conseiller pour le Tribunal :

Philippe Cellard

   

Partie plaignante :

Nanaimo Shipyard Ltd.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 18 septembre 2002, Nanaimo Shipyard Ltd. (Nanaimo) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (Lettre d'intérêt [LI] no W8483-01FD03/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour le radoub [la refonte] du NCSM Algonquin, un destroyer de la classe Iroquois basé à Victoria (Colombie-Britannique).

Nanaimo a soutenu que, contrairement aux dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur 2 , TPSGC a délivré une LI portant des critères restrictifs et partiaux auxquels un seul soumissionnaire pouvait satisfaire, qu'il n'a pas pleinement divulgué les critères d'évaluation appliqués à la seule condition obligatoire à laquelle Nanaimo n'a pas satisfait et qu'il a utilisé une procédure d'évaluation injuste. À titre de mesure corrective, elle a demandé que l'invitation à soumissionner pour ce besoin lui soit envoyée et soit rédigée d'une manière acceptable et impartiale.

Le 27 septembre 2002, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le 25 octobre 2002, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 7 novembre 2002, Nanaimo a déposé des observations sur le RIF.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 11 avril 2002, une LI a été délivrée et mise à la disposition des fournisseurs par l'entremise du MERX. La procédure devait comporter deux phases, à savoir la présélection des soumissionnaires et la publication d'une invitation à soumissionner. La LI indiquait le 6 mai 2002 comme date de fermeture pour les réponses à l'exigence de la présélection.

La LI décrivait le projet, notamment, ainsi :

L'information détaillée sera communiquée au moment de la publication des documents d'invitation à soumissionner de la Couronne. Il est prévu que les exigences principales du travail de radoub comprendront d'importants travaux en cale sèche; examens/réparations des systèmes mécaniques de propulsion et de direction; peinture et conservation de la partie immergée de la coque (oeuvres vives), des réservoirs, des cales, des cofferdams et des espaces vides. Maintenance et réparations complètes des divers systèmes du navire, y compris le système de conditionnement de l'air; systèmes de canalisation; systèmes et équipement électriques; équipement de pont. Programme de peinture et de conservation pour la coque, la superstructure, les ponts extérieurs, les locaux habités et les compartiments machines. Modifications/installations des divers systèmes de commande et de transmission. Amélioration du système des eaux-vannes.

[Traduction]

Le critère no 1, « Antécédents/expérience antérieure », à l'annexe « A » de la LI indique à titre d'exigence obligatoire que « [l]a société doit avoir, dans les cinq dernières années, mené à terme un important projet de radoub ou de construction équivalent au radoub proposé du NCSM ALGONQUIN ». Le critère no 2, « Capacité financière » [traduction], indique à titre d'exigence obligatoire que « [l]es possibilités financières courantes de la compagnie seront évaluées par l'intermédiaire d'une analyse des relevés des compte[s] financier[s] certifiés de la compagnie pour déterminer si la compagnie est financièrement capable d'accomplir ce projet. Les compagnies soumettront des relevés des compte[s] financier[s] correctement certifiés pendant les deux dernières années en réponse à la lettre [d'intérêt de la Couronne]. Les relevés des compte[s] financier[s] incluront, comme minimum, l'approbation du comptable, le rapport des revenus de résultats, le bilan et les notes. »

Le 8 mai 2002, TPSGC n'avait pas reçu de réponse de Nanaimo relativement à la LI et il a communiqué avec cette dernière pour lui demander si elle avait l'intention d'y répondre. Le 9 mai 2002, Nanaimo a répondu à TPSGC, l'informant qu'elle préparait une réponse et lui demandant de proroger le délai de réponse jusqu'au 21 mai 2002. TPSGC a accepté de reporter la date limite et, le 21 mai 2002, Nanaimo a répondu à la LI.

Le 5 juin 2002, Nanaimo a été avisée que sa réponse à la LI ne satisfaisait pas aux critères no 1 et no 2 de l'annexe « A » de la LI. Elle a aussi été avisée qu'elle n'avait pas obtenu le nombre minimum de points nécessaires à la section cotée traitant des installations et de la capacité. De ce fait, Nanaimo a été avisée qu'elle ne serait pas invitée à présenter une soumission.

Il y a eu des communications, des réunions et des échanges entre Nanaimo et TPSGC et le MDN du 11 juin au 5 septembre 2002. Nanaimo a eu au moins deux autres occasions de soumettre ou de présenter des documents complémentaires en réponse à la LI au sujet des points de préoccupation. Durant ce temps, les questions liées aux exigences obligatoires portant sur l'évaluation financière et sur la section cotée portant sur les installations et la capacité ont été réglées. Cependant, TPSGC et le MDN étaient toujours d'avis que Nanaimo n'avait pas satisfait à l'exigence obligatoire portant sur les antécédents/l'expérience antérieure. Le 13 septembre 2002, TPSGC a confirmé, par écrit, la décision à Nanaimo.

Le 18 septembre 2002, Nanaimo a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

TPSGC a soutenu que la plainte soulevait deux questions, à savoir l'inclusion des antécédents/de l'expérience antérieure à titre d'exigence obligatoire dans la LI et la détermination que l'information soumise par Nanaimo ne satisfaisait pas à l'exigence.

En ce qui a trait à l'inclusion des antécédents/de l'expérience antérieure à titre d'exigence obligatoire dans la LI, TPSGC a soutenu que, au moment où la plainte a été déposée auprès du Tribunal, le délai de dépôt d'une plainte à ce motif était expiré depuis longtemps. Il a soutenu que Nanaimo avait découvert l'existence de cette exigence et son caractère obligatoire le 11 avril 2002. Selon TPSGC, Nanaimo n'a pas soulevé de questions pertinentes à cette exigence avant sa réponse à la LI le 21 mai 2002 et n'a pas présenté quelque opposition que ce soit au sujet de la nature de cette exigence avant le 17 juillet 2002, après que sa réponse à la LI a été refusée. De ce fait, TPSGC a soutenu que toute plainte déposée à ce motif n'était pas conforme au paragraphe 6 du Règlement. Il a présenté d'autres opinions subsidiaires sur le moment auquel Nanaimo aurait pu découvrir ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de sa plainte et, dans chaque cas, il a soutenu que la plainte n'aurait toujours pas alors été déposée dans les délais prescrits.

De plus, TPSGC a soutenu que la Couronne a le droit d'établir ses propres exigences raisonnables dans une invitation à soumissionner et qu'elle n'est pas tenue de mettre en péril ses propres besoins opérationnels légitimes pour s'adapter aux circonstances particulières de l'entreprise d'un fournisseur donné. En l'espèce, il a soutenu que l'exigence énoncée était nécessaire pour établir qu'un fournisseur potentiel était pleinement qualifié pour réaliser un projet de radoub de cette ampleur; l'exigence représentait donc un besoin opérationnel légitime de la Couronne et TPSGC avait le droit de l'inclure dans la LI. TPSGC a donc soutenu que la plainte déposée portant sur cette exigence n'avait pas été déposée dans les délais prescrits, qu'elle était dénuée de fondement et qu'elle devait être rejetée.

TPSGC a soutenu avoir correctement évalué l'information soumise par Nanaimo comme ne satisfaisant pas à l'exigence obligatoire portant sur les antécédents/l'expérience antérieure énoncée dans la LI. Il a soutenu que l'obligation d'avoir « mené à terme un important projet de radoub ou de construction » ne limitait pas l'expérience admissible au travail maritime antérieur ni même aux marchés publics antérieurs et que le fait avait été expliqué dans un courriel envoyé à Nanaimo le 26 juin 2002. TPSGC a soutenu que le projet de radoub ou de construction devait avoir été « important » et « équivalent au radoub proposé du NCSM ALGONQUIN ». Il a affirmé que les évaluateurs de TPSGC et du MDN avaient évalué toute l'information technique soumise par Nanaimo et avaient conclu qu'aucun des contrats cités par Nanaimo ne satisfaisait à l'exigence obligatoire portant sur les antécédents/l'expérience antérieure. TPSGC a soutenu que, en bout de ligne, Nanaimo avait concédé ne pas avoir participé à un important projet de radoub équivalent au cours des cinq dernières années.

Enfin, TPSGC a réservé le droit de présenter d'autres exposés sur les frais dans la présente affaire.

Position de Nanaimo

En ce qui a trait à l'exposé de TPSGC selon lequel l'allégation portant sur l'inclusion des antécédents/de l'expérience antérieure à titre d'exigence obligatoire dans la LI n'avait pas été présentée dans les délais prescrits, Nanaimo a soutenu que le caractère restrictif dudit marché public avait fait l'objet de discussion dès le départ, mais qu'on lui avait dit que l'exigence ne serait pas modifiée. Elle a dit avoir entrepris de soumettre les renseignements de manière à satisfaire le mieux possible au critère et ne pas avoir su si elle serait admissible ou non avant les réunions tenues à Victoria (Colombie-Britannique), les 4 et 5 septembre 2002.

Nanaimo a fait valoir que TPSGC avait tenu une procédure similaire dans le cadre d'un projet antérieur, sauf que le critère portant sur l'expérience prévoyait l'expérience acquise dans les 10 dernières années. Selon Nanaimo, un seul soumissionnaire s'était qualifié pour le projet. Par conséquent, TPSGC savait que limiter l'expérience aux cinq dernières années allait restreindre le marché public encore davantage.

En ce qui a trait au fait que sa proposition ne satisfaisait pas à l'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure, Nanaimo a dit croire que TPSGC avait appliqué cinq critères supplémentaires aux fins de l'évaluation des antécédents. Elle a dit ne jamais avoir été informée de la nature de ces critères. Nanaimo a soutenu que TPSGC avait demandé un complément d'information relativement à son expérience et même le nom de personnes avec qui communiquer chez ses clients, mais que personne n'était entré en communication avec ces clients.

Nanaimo a soutenu que la question liée au fait que TPSGC avait déclaré que Nanaimo ne satisfaisait pas à l'exigence et la question liée au fait que l'exigence était indûment restrictive s'entremêlent et doivent être examinées conjointement.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. À la conclusion de l'enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément à l'ACI.

Le Tribunal est d'avis que la plainte peut être séparée en deux parties. La première partie se rapporte à la nature de la spécification énoncée dans la LI et la deuxième partie se rapporte à l'évaluation de la réponse de Nanaimo à la LI.

En ce qui a trait à la nature de la spécification, Nanaimo a soutenu que l'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure était indûment restrictive et favorisait un fournisseur précis. TPSGC a soutenu que la plainte à ce motif n'avait pas été déposée dans les délais prescrits par le Règlement et que cette exigence était nécessaire et reflétait les besoins opérationnels essentiels du MDN.

Le Tribunal est d'avis que l'élément susmentionné de la plainte n'a pas été déposé dans les délais prescrits par le paragraphe 6 du Règlement. Il conclut que Nanaimo a pris connaissance de la spécification le ou vers le 11 avril 2002. Le paragraphe 6(1) prescrit qu'une partie plaignante peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où elle a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte. Le paragraphe 6(2) permet à une partie plaignante de déposer une plainte après le délai prévu au paragraphe 6(1) si elle a présenté une opposition à l'institution fédérale concernée. Toutefois, l'opposition doit avoir été présentée dans les 10 jours ouvrables suivant la date où la partie plaignante a découvert ou aurait dû raisonnablement découvrir les faits à l'origine de sa plainte. Nanaimo n'a pas déposé sa plainte auprès du Tribunal avant le 18 septembre 2002 et, d'après les éléments de preuve au dossier, n'a pas présenté d'opposition à TPSGC avant le 19 juin 2002, au moment où elle a répondu au résumé de l'évaluation que TPSGC lui avait fait parvenir. De ce fait, ni la plainte ni l'opposition concernant la nature de la spécification n'ont été déposées dans les délais prescrits par le Règlement.

En ce qui a trait à l'évaluation de la soumission de Nanaimo et à la décision de TPSGC selon laquelle Nanaimo ne satisfaisait pas à l'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure, le Tribunal conclut que cet élément de la plainte n'est pas fondé.

L'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure prévoyait ce qui suit : « [l]a société doit avoir, dans les cinq dernières années, mené à terme un important projet de radoub ou de construction équivalent au radoub proposé du NCSM ALGONQUIN » [traduction]. Le Tribunal est d'avis que cette exigence aurait pu être énoncée plus clairement. Il exhorte TPSGC à faire en sorte que les exigences futures contiennent une description précise et non équivoque de la façon dont l'équivalence à une exigence sera mesurée. Toutefois, en l'espèce, le Tribunal conclut que TPSGC avait le droit de rejeter la proposition de Nanaimo parce qu'elle ne satisfaisait pas à l'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure. Les évaluateurs de TPSGC et du MDN n'ont pu repérer, dans la réponse de Nanaimo à la LI et dans l'information subséquemment présentée, de projet mené à terme par Nanaimo qui pouvait satisfaire à cette exigence. À la lumière des renseignements au dossier, le Tribunal conclut que TPSGC et le MDN n'ont pas commis d'erreur lorsqu'ils sont arrivés à ladite conclusion. Le Tribunal fait observer que, dans son exposé, présenté d'abord à TPSGC et ensuite au Tribunal, Nanaimo n'a pas soutenu qu'un projet quelconque qu'elle avait mené à terme satisfaisait à l'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure. Au contraire, Nanaimo, dans sa correspondance avec TPSGC, a affirmé à plus d'une reprise que le seul projet de radoub de cette valeur sur la côte ouest au cours des cinq dernières années avait été celui du NCSM Protecteur, qu'un concurrent avait mené à terme. À la lumière des éléments mis à sa disposition, le Tribunal est donc d'avis que TPSGC n'a pas enfreint l'ACI lorsqu'il a tiré la conclusion que la réponse de Nanaimo à la LI ne satisfaisait pas à l'exigence portant sur les antécédents/l'expérience antérieure.

Par conséquent, le Tribunal détermine que la plainte n'est pas fondée.

En ce qui a trait aux frais liés à la présente procédure, le Tribunal détermine qu'il n'y aura pas de frais accordés à l'une ou à l'autre des parties à la plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte n'est pas fondée.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ci-après ACI].

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499.