PANAVIDÉO INC.

Décisions


PANAVIDÉO INC.
Dossier no PR-2002-059


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 13 mai 2003

Dossier no PR-2002-059

EU ÉGARD À une plainte déposée par Panavidéo inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

Date de la décision et des motifs :

Le 13 mai 2003

   

Membre du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

   

Agent principal d'enquête :

Daniel Chamaillard

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Partie plaignante :

Panavidéo inc.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

Bernard Letarte

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 7 février 2003, Panavidéo inc. (Panavidéo) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal). La plainte concerne le marché public (invitation no W0130-02450L/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour la fourniture et l'installation d'un système de caméras en circuit fermé sur différentes bases militaires situées au Québec.

Panavidéo a allégué, d'une part, que sa soumission avait été rejetée par TPSGC pour cause mineure, puisqu'elle n'avait pas transmis à TPSGC la liste des prix unitaires des équipements proposés en même temps que sa soumission. D'autre part, Panavidéo a mis en cause l'intégrité du processus d'analyse du dossier suite à l'adjudication par TPSGC d'un contrat à un fournisseur qui avait offert des produits différents de ceux exigés dans le cahier de charges et qui ne rencontraient pas les exigences techniques.

À titre de mesure corrective, Panavidéo a demandé une indemnité pour perte de profits.

Le 12 février 2003, le Tribunal a demandé à Panavidéo de fournir les faits à l'appui de l'affirmation que TPSGC avait accepté un contrat « pour des produits différents que ceux exigés dans le cahier des charges ». Panavidéo a répondu à la demande le même jour.

Le 18 février 2003, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 et du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , le Tribunal a avisé les parties de sa décision d'enquêter sur la plainte de Panavidéo relativement à l'adjudication du contrat par TPSGC à un fournisseur qui avait offert des produits différents de ceux exigés dans le cahier des charges de la demande de proposition (DP)3 .

Le 12 mars 2003, le Tribunal a accordé aux Services de Sécurité ADT Canada Inc. (ADT), suite à sa demande du 6 mars 2003, le statut d'intervenant dans cette affaire.

Le 17 mars 2003, TPSGC a déposé une demande de prorogation d'une journée pour produire le rapport de l'institution fédérale (RIF), à laquelle le Tribunal a consenti.

Le 18 mars 2003, TPSGC a déposé le RIF auprès du Tribunal en vertu de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 25 mars 2003, en vertu de l'article 104 des Règles, Panavidéo a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal et ADT, en tant qu'intervenant, a déposé les siennes le 27 mars 2003.

Le 3 avril 2003, TPSGC a déposé auprès du Tribunal des commentaires additionnels relativement aux observations de Panavidéo déposées le 25 mars 2003. Panavidéo a répondu le 7 avril 2003.

L'information au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 14 novembre 2002, TPSGC a publié par l'entremise du MERX un avis de projet de marché (APM) ainsi qu'une DP qui visait la fourniture et l'installation d'un système de caméras en circuit fermé sur différentes bases militaires situées au Québec. La DP prévoyait que les soumissionnaires avaient jusqu'au 28 novembre 2002 pour déposer leurs soumissions.

L'APM prévoyait, entre autres, que le marché était assujetti à l'Accord sur le commerce intérieur 5 . La DP prévoyait, sous la section « Méthode de sélection », que pour être jugée recevable une soumission devait satisfaire à toutes les exigences obligatoires et que la soumission recevable la plus basse serait recommandée aux fins de l'adjudication du contrat ou de l'établissement d'une offre à commandes, selon le cas.

Certaines dispositions de l'APM et de la DP sont pertinentes en l'espèce. Dans le cadre de l'APM, il est stipulé, en partie, ce qui suit :

OBJET: La présente demande vise l'établissement d'un contrat avec un entrepreneur spécialisé dans la fourniture et l'installation de systèmes de caméras et des composantes (X21) connexes, dans le but de fournir et d'installer le matériel décrit dans les cahiers des charges, les croquis et les tableaux ci-annexés.

Liste des produits primaires des produits requis (Il peut y avoir certains produits additionnels):

- Une caméra dôme extérieure «COULEURS» (WVCS854A) Panasonic ou équivalent

- Un Dôme clair extérieur mural 7" (POD7CW) Panasonic ou équivalent

La DP prévoit à la page 6, sous la section « Ordre de priorité des documents », ce qui suit:

Les documents énumérés ci-après font partie intégrante du contrat. En cas d'incompatibilité entre les textes énumérés dans la liste, c'est le libellé du document qui apparaît en premier sur la liste qui devra l'emporter sur celui de tout autre document qui figure par la suite sur ladite liste.

- le présent document

- les clauses et instructions incorporées par référence à ce document

- les Conditions générales DSS-MAS 9601

- les devis joints [aux] documents

- l'offre de l'entrepreneur.

À la page 15 de la DP, sous le section « Critères d'évaluation - Biens », il est indiqué, en partie, ce qui suit :

1. Les facteurs énumérés ci-après seront pris en considération au moment de l'évaluation de chaque soumission :

a) Conformité technique

b) Documentation descriptive (au besoin)

L'Annexe A de la DP prévoit, en partie, sous la rubrique « FIXATION DE PRIX », ce qui suit :

Votre prix sera le plus détaillé possible. Vous devez joindre, SUR UN DOCUMENT DISTINCT, avec votre proposition une liste des produits offerts ainsi que le prix pour chacun.

Selon TPSGC, parmi les six soumissions recevables, cinq proposaient des équipements équivalents, la sixième ayant proposé des produits de marque Panasonic. Suite à son évaluation des six soumissions recevables, TPSGC a soumis que le fournisseur offrant le prix le plus bas était ADT. En conséquence, le contrat fut octroyé à ADT le 28 janvier 2003. Ce même jour, Panavidéo fut informé par TPSGC, durant une conversation téléphonique, que le contrat avait été adjugé à une autre firme et que la soumission de Panavidéo avait été déclarée non-conforme puisque cette dernière n'avait pas déposé, avec sa soumission, une liste détaillée des prix unitaires.

Le 12 février 2003, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, Panavidéo a déposé une plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

Selon TPSGC, Panavidéo a soutenu que le contrat a été accordé à une compagnie qui avait offert des produits différents de ceux qui, selon elle, étaient exigés dans la DP, soit des produits de marque Panasonic, et que l'adjudicataire avait offert des produits de marque Pelco. TPSGC a soumis que la DP n'exigeait pas que les soumissionnaires offrent des produits de marque Panasonic. TPSGC a indiqué que, bien que la DP faisait référence à des numéros de produits de marque Panasonic, il ressortait clairement de celle-ci et de l'APM que des produits équivalents pouvaient être offerts. En effet, selon TPSGC, bien que les cahiers des charges annexés à la DP identifiaient, dans la Partie 1 intitulée « Généralités », certains produits vidéo par un numéro de modèle Panasonic, ces cahiers, dans la Partie 2 intitulée « Produits », indiquaient très clairement, pour chacun des équipements vidéo demandés, une description technique précise qui permettait à un soumissionnaire d'offrir tout produit qui respectait les exigences techniques minimales, qu'il soit de marque Panasonic ou d'une autre marque. TPSGC a indiqué que, pour les produits (sections 1.1.2.8 à 1.1.2.14 pour le bâtiment LP-22), il n'avait pas inscrit de descriptions techniques à la Partie 2 des cahiers des charges car la description technique qui était déjà inscrite pour chacun de ceux-ci à la section 1.1.2 de ces cahiers était suffisante pour décrire toutes les spécifications et permettait aux soumissionnaires d'offrir des produits en fonction d'une norme technique. De plus, bien que les numéros de modèles Panasonic aient été inscrits entre parenthèses eu égard à certains produits, ils l'étaient à titre illustratif et la description technique qui les précédait indiquait qu'un produit qui respectait cette description serait accepté.

TPSGC a soutenu, en plus, qu'il aurait été tout à fait inutile d'inclure, pour chaque produit, une description technique aussi détaillée à la Partie 2 s'il avait exigé uniquement des produits de marque Panasonic. Selon TPSGC, si tel avait été le cas, il n'aurait eu qu'à indiquer les modèles Panasonic exigés, sans plus.

TPSGC a soutenu qu'il ressortait clairement de la DP que les soumissionnaires pouvaient offrir des produits autres que les produits de marque Panasonic pourvu qu'ils respectaient les exigences techniques décrites à la Partie 2 des cahiers des charges.

Selon TPSGC, cinq soumissions parmi les six qui ont été jugées recevables ont proposé des produits autres que les produits de marque Panasonic. Par conséquent, TPSGC a soutenu que cela démontre que tout soumissionnaire raisonnable pouvait conclure que la DP permettait d'offrir des produits autres que des produits de marque Panasonic, pourvu que ces produits respectent les exigences techniques minimales prévues à la Partie 2 des cahiers des charges. De plus, selon TPSGC, l'APM indiquait, sans l'ombre d'un doute, que les produits de marque Panasonic ou « équivalents » seraient acceptés.

TPSGC a soumis que l'interprétation de la DP avancée par Panavidéo n'est pas supportée par le contenu des cahiers des charges et de l'APM, car cette interprétation aurait eu pour effet de rendre la DP non conforme à l'alinéa 504(3)b) de l'ACI, vu que cela aurait favorisé les fournisseurs de produits de marque Panasonic au détriment des fournisseurs d'autres produits équivalents.

Dans l'hypothèse où la plainte aurait été fondée, TPSGC a soutenu que Panavidéo ne devrait pas obtenir l'indemnité monétaire demandée, compte tenu du fait que le Tribunal a conclu que sa soumission n'était pas conforme aux exigences de la DP. TPSGC a aussi soutenu qu'aucune autre mesure corrective ne devrait être recommandée puisque Panavidéo n'en avait pas fait la demande et que le contrat avait déjà été exécuté dans presque toute sa totalité. TPSGC a soulevé deux exemples où le Tribunal a pris une position semblable par rapport à une plainte qui était fondée mais où, par ailleurs, la soumission de la partie plaignante était non conforme6 . Dans ces deux cas, le Tribunal n'a pas recommandé de mesures correctives au bénéfice de la partie plaignante. Or, selon TPSGC, même si le Tribunal décidait que la plainte est fondée, aucune mesure corrective prévue au paragraphe 30.15(2) de la Loi sur le TCCE ne devrait être recommandée. Dans le cas présent, comme le Tribunal a décidé que la soumission de Panavidéo était non conforme aux exigences de la DP, ce principe devrait être appliqué et aucune indemnité monétaire ni aucune autre mesure corrective ne devrait être recommandée. TPSGC se demande pourquoi le Tribunal a décidé de tenir une enquête alors que, avant même d'enquêter, le Tribunal avait conclu que la soumission de Panavidéo était non conforme.

TPSGC, en concluant, a soumis que le contrat avait été accordé à une compagnie qui avait fourni des produits conformes aux exigences de la DP et que, en conséquence, la plainte déposée par Panavidéo était mal fondée et devait être rejetée, avec dépens.

Position de ADT

Le 27 mars 2003, ADT a soumis qu'elle supportait les commentaires soulevés par TPSGC dans le RIF. ADT a de plus soutenu que l'APM et la DP indiquaient clairement que des produits autres que ceux de marque Panasonic pouvaient être offerts, pourvu que ceux-ci respectent les exigences techniques requises aux cahiers des charges. ADT estime que la plainte est sans fondement et qu'elle devrait être rejetée.

Position de Panavidéo

Selon Panavidéo, il y a trois principaux groupes de composantes décrites dans le cahier des charges, dont les équipements vidéo. Dans le cas de ces équipements, toute composante importante du système de sécurité vidéo comporte un numéro de modèle de produit. À titre d'exemple, les documents du bâtiment LP-22 à la section 1.1.2, donnent la nomenclature des produits et le numéro de modèle. Panavidéo soutient que cette section est très importante car elle décrit spécifiquement le coeur du système de vidéo-surveillance et que les équipements des autres bâtiments y seront raccordés.

En réponse au RIF, Panavidéo soumet que, contrairement à la prétention de TPSGC, il n'y avait pas de description technique précise pour chacun des équipements vidéo à la Partie 2 des cahiers des charges de la DP. Elle a soumis que dans le cahier des charges relativement au bâtiment LP-22, à la Partie 1, il y avait 14 produits énumérés à la section 1.1.2 sous « Système AVCF - Portée générale » dont 10 étaient représentés par un numéro de modèle Panasonic; on n'y voit aucune mention « ou équivalent ». Par ailleurs, en examinant la Partie 2 du même cahier des charges, de la section 2.1. à la section 2.5., il y 5 descriptions techniques. En analysant les données techniques des deux parties, Panavidéo soumet qu'il y a 14 produits énumérés à la Partie 1, dont 12 seulement sont à fournir, 10 sont identifiés par des numéros de modèle Panasonic et 3 seulement ont une description technique précise à la Partie 2.

Panavidéo a de plus allégué que la liste des produits demandés dans le cahier des charges pour le bâtiment LP-22 contient le coeur du système vidéo (WJAD550) - de marque Panasonic - et ses accessoires, sur lequel les caméras seront raccordées. Pour fins de compatibilité, selon Panavidéo, aucun autre modèle de caméra ne fonctionnerait adéquatement avec cette unité. Panavidéo a soumis qu'aucune donnée technique ne figure à la DP pour l'élément principal du système, ce qui laisse croire que le modèle recherché était celui énoncé dans la Partie 1, le modèle WJAD550 de marque Panasonic.

Panavidéo ne croit pas qu'il était clair que les produits équivalents pouvaient être offerts, contrairement à ce qu'a soutenu TPSGC. Selon Panavidéo, même si l'APM indiquait que des équipements équivalents pouvaient être offerts, l'APM est le seul endroit où l'expression « ou équivalent » était inscrite et ce en rapport avec les produits qui y sont désignés. Panavidéo a soumis que, dans la DP, rien ne laisse entrevoir la possibilité d'offrir des produits équivalents et que la DP n'aurait jamais dû être publiée sous sa forme actuelle avec de telles ambiguïtés et exigences particulières.

Panavidéo a de plus soutenu que la description technique de la Partie 1 (bâtiment LP-22) n'était pas suffisante pour décrire toutes les spécifications requises et ne laissait pas entendre ou sous-entendre aux soumissionnaires d'offrir des produits en fonction d'une norme technique. Ce cahier des charges n'a pas été écrit dans l'esprit d'un devis de performance, car les descriptions techniques sont incomplètes et prennent toutes leurs valeurs du numéro de produit inscrit. Panavidéo a cité comme exemple la description technique pour l'équipement vidéo et l'appareil d'enregistrement numérique à la section 1.1.2.14 de la Partie 1. Selon Panavidéo, cet appareil est unique et a des fonctions qui lui sont propres et que d'autres fabricants ne peuvent reproduire. De plus, le coût de cet appareil se situe entre 3 000 $ et 25 000 $. Pour ces raisons, Panavidéo était d'avis que l'appel d'offres ne permettait pas des produits équivalents.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, il doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le marché en question. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, en l'espèce, l'ACI.

Panavidéo prétend que le contrat a été accordé à une compagnie qui avait des produits différents de ceux qui étaient exigés dans la DP. Le Tribunal doit donc décider si la DP n'exigeait que des produits de marque spécifique, telle la marque Panasonic, ou si elle permettait d'offrir des produits équivalents. Plus précisément, la question est de savoir s'il était raisonnable de la part d'un soumissionnaire de penser que la DP exigeait certains produits de marque spécifique plutôt que des produits équivalents, malgré l'indication dans l'APM que les produits de marque Panasonic ou « équivalents » seraient acceptés par TPSGC.

L'alinéa 504(3)b) et le paragraphe 506(6) de l'ACI sont pertinents en l'espèce. L'alinéa 504(3)b) prévoit que la rédaction des spécifications techniques de façon soit à favoriser ou à défavoriser des produits donnés, soit à favoriser ou à défavoriser des fournisseurs de tels produits, en vue de se soustraire aux obligations de l'ACI, est une mesure incompatible avec le chapitre cinq de l'ACI. Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit notamment que les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public et les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions.

Selon le Tribunal, la DP et l'APM sont deux documents distincts. Le Tribunal fait observer que l'APM ne figure pas sur la liste de documents énumérés à la section de la DP intitulée « Ordre de priorité des documents » et il signale que l'APM n'énumère pas tous les produits exigés dans la DP. En cas d'incompatibilité entre la DP et les autres documents énumérés dans la liste, c'est la DP qui doit primer. Par ailleurs, selon le Tribunal, l'APM peut servir à interpréter le texte de la DP pourvu, bien entendu, que cette dernière ne contredise pas expressément l'APM.

Selon le Tribunal, le fait que cinq soumissions parmi les six jugées conformes aux exigences techniques de la DP ont proposé des produits autres que des produits de marque Panasonic, comme le souligne TPSGC, n'indique pas de façon concluante qu'il était permis d'offrir des produits autres que des produits de marque Panasonic. Cependant, le fait que ces soumissionnaires aient interprété la DP comme permettant la soumission non seulement de produits de marque Panasonic mais également de produits équivalents est un indice qui appuie le caractère raisonnable de cette interprétation.

Il est allégué, selon TPSGC, que le fait de ne pas accepter des produits équivalents aurait placé TPSGC dans une situation de contravention à l'ACI. Bien que le Tribunal soit d'accord avec cette prétention, il n'en demeure pas moins que TPSGC aurait pu néanmoins contrevenir à l'ACI à cet égard.

TPSGC prétend que la description technique des produits énumérés aux sections 1.1.2.1 à 1.1.2.7 de la Partie 1 du cahier des charges pour le bâtiment LP-22, et plus amplement décrits à la Partie 2 de ce cahier, était suffisante pour que les soumissionnaires puissent offrir des produits autres que les produits identifiés par un numéro. TPSGC prétend aussi que la description des produits aux sections 1.1.2.8 à 1.1.2.14 du cahier des charges était suffisante à cet égard et qu'elle permettait aux soumissionnaires d'offrir des produits en fonction d'une norme technique.

Pour sa part, Panavidéo prétend que le cahier des charges pour le bâtiment LP-22 n'avait pas été écrit dans l'esprit d'un devis de performance, car les descriptions techniques étaient incomplètes et prenaient toutes leurs valeurs grâce au numéro de produits inscrit. Panavidéo indique aussi dans ses commentaires que la DP n'aurait jamais dû être publiée sous sa forme actuelle vu qu'elle était pleine d'ambiguïtés.

À la lecture du texte de la DP et de l'APM, le Tribunal est d'avis qu'il y avait suffisamment d'indications ou d'ambiguïtés pour susciter de la part des fournisseurs de produits équivalents certaines questions quant aux produits exigés. Par contre, il est maintenant trop tard pour s'en plaindre ou s'y opposer vu les délais imposés dans le cadre du dépôt d'une plainte ou de la présentation d'une opposition. Cependant, on doit alors se demander s'il était raisonnable de penser que là où il y avait des descriptions techniques accompagnées d'un numéro, on pouvait interpréter la DP à l'effet qu'elle permettait que des produits équivalents soient offerts. Selon le Tribunal, on peut raisonnablement arriver à cette conclusion en lisant ensemble les textes de la DP et de l'APM. Il n'y avait pas raison de croire que TPSGC avait changé d'opinion d'un texte à l'autre, surtout qu'ils étaient tous deux de la même date. Il n'y avait pas raison de croire non plus que les produits énumérés dans la DP et qui ne l'étaient pas dans l'APM pouvaient faire l'objet d'un traitement différent vu qu'ils étaient généralement identifiés de la même façon.

Le Tribunal n'est pas, non plus, convaincu par l'exemple fourni par Panavidéo concernant la description de l'équipement vidéo et l'appareil d'enregistrement numérique à la section 1.1.2.14 de la Partie 1 du cahier des charges pour le bâtiment LP-22. Le Tribunal est d'avis que le cahier des charges fournissait une description technique suffisamment détaillée des produits de sorte que les soumissionnaires pouvaient entendre que des produits équivalents seraient retenus. Si seul un produit tel que Panasonic avait été exigé, le numéro du produit aurait suffi. Il aurait été alors inutile d'y ajouter une description technique. Au surplus, il aurait été superflu pour le soumissionnaire de fournir, au besoin, de la documentation descriptive selon le facteur 1(b) sous la section « Critères d'évaluation - Biens » de la DP. En tout état de cause, même en admettant que, dans certains cas tel que l'exemple cité ci-haut, la DP pouvait exiger un produit de marque spécifique, le Tribunal n'est pas convaincu selon la preuve que la soumission de l'adjudicataire aurait été non conforme aux exigences de la DP. Le Tribunal fait observer que Panavidéo rapporte même que les enregistreurs numériques étaient de la marque et des modèles demandés.

Le Tribunal n'est donc pas convaincu que ledit marché public a été octroyé en contravention des exigences de la DP. Conséquemment, selon le Tribunal, il n'a pas été passé en contravention des dispositions de l'ACI.

Le Tribunal est donc d'avis que la plainte n'est pas fondée.

Le Tribunal fait observer que si la plainte de Panavidéo avait été jugée valide, cela aurait eu pour effet de placer TPSGC en contravention de l'alinéa 504(3)b) de l'ACI. L'ironie du sort aurait alors fait en sorte que, sur le fonds, Panavidéo aurait eu gain de cause malgré la non-conformité de la DP à cette disposition de l'ACI.

Le Tribunal prend note du commentaire de TPSGC selon lequel Panavidéo n'avait aucun intérêt en l'espèce vu que le Tribunal avait, au départ, rejeté son premier motif de plainte à l'effet que TPSGC avait injustement écarté sa soumission pour manque de conformité à une exigence obligatoire. De plus, TPSGC prétend que Panavidéo n'est pas lésée. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que, si la DP avait contrevenu aux obligations de l'ACI et n'eût été du fait que le contrat était maintenant à toutes fins pratiques complété, ledit marché public aurait pu faire l'objet d'un nouvel appel d'offres auquel aurait pu participer Panavidéo. Elle aurait pu satisfaire aux exigences de la DP n'eût été de son oubli de joindre une liste détaillant les prix unitaires des produits qu'elle proposait dans sa soumission. L'interprétation que veut donner TPSGC aux affaires Preston Phipps et CVDS empêcherait tout soumissionnaire non conforme, qu'il soit la partie plaignante ou pas, de participer à un nouvel appel d'offres, le cas échéant. De l'avis du Tribunal, il ne faut pas donner à ces deux décisions un sens qu'elles n'ont pas. Par exemple, dans Preston Phipps, le Tribunal était d'avis que la partie plaignante ne pouvait aucunement satisfaire le besoin. Quoi qu'il en soit, chaque décision est fondée sur des éléments de preuve qui lui sont propres.

Le Tribunal s'est penché sur la demande par TPSGC du remboursement des frais relatifs à l'enquête. Compte tenu des circonstances propres à cette affaire, le Tribunal a décidé de ne pas accorder à TPSGC ses frais relatifs à l'enquête, en vertu du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le TCCE. À cet égard, le Tribunal est d'avis que si les critères concernant les produits exigés avaient été plus clairs dans le texte de la DP, il est probable que Panavidéo n'aurait pas déposé sa plainte en l'espèce. Donc, chacune des parties assumera ses frais relatifs à cette enquête.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n'est pas fondée.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Le Tribunal n'a pas accepté d'enquêter sur le motif concernant le rejet de la soumission de Panavidéo parce qu'elle n'avait pas transmis à TPSGC la liste des prix unitaires des équipements proposés. Selon le Tribunal, cette exigence dans la DP était claire et sans équivoque.

4 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

5 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

6 . Voir Re plainte déposée par Preston Phipps (23 janvier 2002) PR-2001-035 (TCCE) [Preston Phipps]; voir aussi Re plainte déposée par CVDS (22 janvier 2003) PR-2002-035 (TCCE) [CVDS].