FELLFAB Limited

Décisions


FELLFAB Limited
Dossier no  PR-2002-063


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 13 juin 2003

Dossier no  PR-2002-063

EU ÉGARD À une plainte déposée par FELLFAB Limited aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET SUITE À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'alinéa 10b) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette, par la présente, la plainte.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

Date de la décision et des motifs :

Le 13 juin 2003

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

Agent principal d'enquête :

Cathy Turner

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

Partie plaignante :

FELLFAB Limited

Conseiller pour la partie plaignante :

John V. Kranjc

Institution fédérale :

VIA Rail Canada Inc.

Conseiller pour l'institution fédérale :

John A. Campion

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 14 février 2003, FELLFAB Limited (FELLFAB) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard d'un marché public (invitation no 200301002) passé par VIA Rail Canada Inc. (VIA) pour la remise à neuf de sièges coach.

FELLFAB a allégué que, contrairement aux dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 , VIA n'avait pas rendu public le prix de la soumission retenue. Elle a également allégué que VIA avait établi le marché de façon à attribuer le contrat de façon irrégulière à un fournisseur exclusif.

FELLFAB a soutenu qu'elle avait appris, par l'intermédiaire des employés de VIA responsables des marchés publics, qu'il y avait au moins trois sociétés de mousse ayant les qualifications nécessaires pour fournir un produit adapté à l'application visée dans la soumission. Elle a ajouté que, pendant qu'elle préparait sa soumission, deux des sociétés l'avaient informée qu'elles n'étaient pas en mesure de fournir les produits approuvés et que l'autre société n'avait pas répondu à ses appels téléphoniques et courriels. FELLFAB a soutenu que, par conséquent, son seul recours était de faire une soumission comprenant un fournisseur de mousse qui n'avait pas encore été approuvé pour l'application de VIA.

FELLFAB a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal recommande que lui soit versée une indemnité pour perte d'occasion de faire des profits.

Le 21 février 2003, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le 13 mars 2003, VIA a demandé une prorogation pour le dépôt du rapport de l'institution fédérale (le RIF). Le 17 mars 2003, le Tribunal a acquiescé à la demande et a reporté la date du dépôt du RIF au 4 avril 2003, date à laquelle VIA a déposé le RIF auprès du Tribunal, en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Dans le RIF, VIA a informé le Tribunal qu'un contrat avait été adjugé à Mirabel Aéro-Service, Inc., une filiale d'Avianor Group. Le 16 avril 2003, FELLFAB a demandé une prorogation au 2 mai 2003 pour le dépôt de ses observations sur le RIF. Le 17 avril 2003, le Tribunal a accordé cette prorogation. FELLFAB a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal le 2 mai 2003.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 9 janvier 2003, un préavis d'appel d'offres portant sur la remise à neuf de paires de sièges coach a été publié par VIA dans La Presse et dans The Globe and Mail. Le 17 janvier 2003, une rencontre informelle a eu lieu entre le personnel de VIA et les représentants des parties intéressées et des soumissionnaires éventuels. Selon VIA, 11 parties ont fait part de leur intérêt, et des dossiers d'appel d'offres leur ont été distribués.

L'appel d'offres a expiré à midi, heure de Halifax, le 30 janvier 2003. Selon VIA, quatre soumissions conformes ont été reçues. Le 3 février 2003, VIA a annoncé que Mirabel Aéro-Service, Inc., une filiale d'Avianor Group, avait remporté le contrat. Le 12 février 2003, FELLFAB a présenté une opposition à VIA, invoquant la présence irrégulière d'un fournisseur exclusif dans la procédure de passation du marché public; VIA lui a verbalement refusé réparation. Le 14 février 2003, FELLFAB a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de FELLFAB

En ce qui a trait à la question de la compétence du Tribunal soulevée dans le RIF, FELLFAB a soutenu que toute clause qui aurait pour effet de rendre inapplicables les dispositions de l'ALÉNA relatives aux marchés publics et d'aller à l'encontre de l'esprit des accords doit être interprétée au sens étroit. Elle a ajouté que l'expression « [s]ervices afférents aux équipements de transport » doit donc être interprétée au sens étroit, en gardant à l'esprit l'objet général de l'ALÉNA et toute raison potentielle de justifier une exception à la norme de la concurrence et à la compétence du Tribunal en la matière. Elle a fait valoir que le contrat prévoit la remise à neuf des sièges des wagons de passagers et que les sièges doivent être livrés sur les lieux de l'entreprise qui assure la remise à neuf sur une base régulière. FELLFAB a prétendu que la remise à neuf des sièges de wagon ne constitue pas un service d'une importance telle qu'elle doive être soustraite aux exigences habituelles d'équité, d'efficacité et de transparence dans la procédure de passation du marché public. Elle a fait valoir qu'il n'y a aucune raison qui pourrait justifier une exclusion, par exemple la nécessité que la remise à neuf soit faite immédiatement ou localement. Elle a fait également valoir qu'il ne s'agit ni d'une question de sécurité nationale ni d'une situation où une locomotive a besoin de réparations immédiates pour achever son trajet, exigeant que le travail soit fait sans délai, sans devoir s'astreindre aux obligations découlant de la procédure de passation du marché public; il ne s'agit pas non plus d'une situation où la sécurité du réseau ferroviaire national est mise en cause.

Position de VIA

VIA a prétendu que le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur la plainte car a) le contrat en cause n'est pas un « contrat spécifique » au sens de l'ALÉNA et b) il n'est aucunement question de traitement national ni dans la procédure d'appel d'offres, ni dans l'adjudication du contrat.

En ce qui concerne la définition de « contrat spécifique », VIA a prétendu que le contrat en question tombe dans la catégorie des services exclus énumérés dans l'annexe 1001.1b-2, Section B - Services exclus, de l'ALÉNA, et plus particulièrement dans la catégorie J, « Entretien, réparation, modification, reconstruction et installation d'équipements », se rapportant aux « [s]ervices afférents aux équipements de transport ». Elle a soutenu que le mot « transport » doit être interprété au sens large et qu'il fait référence au déplacement de personnes ou d'objets d'un endroit à un autre, ce qui, a-t-elle ajouté, est précisément la fonction des wagons qui ont besoin de remise à neuf, d'entretien et de réparations, et dont il est question dans le contrat. Selon VIA, le Tribunal n'a donc pas compétence pour enquêter sur la plainte et la plainte doit être rejetée.

DÉCISION DU TRIBUNAL

VIA a soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour connaître de la plainte parce que le contrat en question n'est pas un « contrat spécifique » aux termes de l'ALÉNA 5 .

Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE prévoit ce qui suit :

Tout fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure de passation des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte.

L'article 30.1 de la Loi sur le TCCE définit l'expression « contrat spécifique » comme il suit :

« contrat spécifique » Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale - ou pourrait l'être -, et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d'une catégorie réglementaire.

Le paragraphe 3(1) du Règlement dispose en partie que, « [p]our l'application de la définition de "contrat spécifique" à l'article 30.1 de la Loi, est un contrat spécifique tout contrat ou catégorie de contrats relatif au marché passé par une institution fédérale pour des produits ou des services, ou pour toute combinaison de ceux-ci, visé à l'article 1001 de l'ALÉNA [. . .] ».

Ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, le marché en question porte sur la remise à neuf de sièges coach. Le marché comprend la fourniture de main-d'_uvre et de biens matériels (c.-à-d. à la fois des biens et des services). Cependant, le Tribunal estime que la nature même du marché est de fournir des services et que la fourniture des biens nécessaires à celle des services, tels que la mousse pour les sièges, n'est qu'accessoire. Par conséquent, le Tribunal estime qu'il s'agit d'un marché de services. Le Tribunal fait observer qu'aucune des deux parties n'a soutenu le contraire.

L'alinéa 1001(1)b) de l'ALÉNA prévoit que les marchés de services dont il est question dans le chapitre 10 (Marchés publics) sont des marchés pour l'achat de « services en conformité avec l'annexe 1001.1b-2 ». Les parties pertinentes de l'annexe 1001.1b-2 se lisent ainsi :

Annexe 1001.1b-2

Services

Section B - Services exclus

Liste du Canada

Services exclus
par catégorie principale de services

Les marchés de services suivants sont exclus :

[. . .]

J. Entretien, réparation, modification, reconstruction et installation d'équipements

[. . .]

Services afférents aux équipements de transport

De l'avis du Tribunal, il est clair que les trains constituent des « équipements de transport », au sens ordinaire de cette expression. Il est également clair que les sièges coach sont une partie intégrante des wagons de train utilisés pour le transport des passagers. Par conséquent, le Tribunal estime que la remise à neuf des sièges coach tombe clairement dans la catégorie des « [s]ervices afférents aux équipements de transport » et est exclue du champ d'application de l'ALÉNA.

FELLFAB a prétendu que cette exemption ne devrait pas s'appliquer parce qu'elle devrait être interprétée au sens étroit. Il est vrai que, dans des affaires précédentes où il n'était pas évident si une exemption devait s'appliquer, le Tribunal a choisi une interprétation étroite comme étant l'interprétation qui se rapprochait le plus de l'objet des accords commerciaux6 . Cependant, adopter une telle interprétation serait inapproprié en l'espèce étant donné qu'il est clair d'après les faits de l'espèce que l'exemption devrait s'appliquer.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte ne porte pas sur un contrat spécifique aux termes de l'ALÉNA. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il n'a pas compétence pour poursuivre l'enquête en l'espèce, et la plainte est rejetée.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'alinéa 10b) du Règlement, le Tribunal rejette, par la présente, la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

3 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . VIA n'est pas assujettie à l'Accord sur le commerce intérieur-référence paragraphe 502(3) et annexe 502.2B. VIA n'est pas assujettie à l'Accord sur les marchés publics-référence annexe 3.

6 . Re plainte déposée par McNally Construction Inc. (6 décembre 2001), PR-2001-026 (TCCE) à la p. 7.