IHS SOLUTIONS LIMITED

Décisions


IHS SOLUTIONS LIMITED
Dossier no PR-2003-067


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 8 mars 2004

Dossier no PR-2003-067

EU ÉGARD À une plainte déposée par IHS Solutions Limited aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, le versement à IHS Solutions Limited d'une indemnité de 1 830 $, ce qui correspond au montant estimatif du douzième des profits qu'IHS Solutions Limited aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

Date de la décision et des motifs :

Le 8 mars 2004

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Agent principal d'enquête :

Cathy Turner

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Partie plaignante :

IHS Solutions Limited

   

Institution fédérale :

Bureau du surintendant des institutions financières

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 8 décembre 2003, IHS Solutions Limited (IHS) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (invitation no OSFI-BSIF 2003/001) passé par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) pour la prestation de services de remaniement du site Web et de gestion du contenu Internet.

IHS a allégué que le BSIF a incorrectement déclaré sa proposition non conforme à un critère obligatoire se rapportant aux projets menés à bien. IHS a soutenu que plusieurs de ses descriptions de projet contenaient, en guise de date de fin des travaux, l'expression « jusqu'à ce jour ». D'après IHS, le BSIF a conclu que, dans les cas où la date de fin des travaux était « jusqu'à ce jour », le projet n'était pas complété et qu'IHS ne satisfaisait donc pas au critère obligatoire. À titre de mesure corrective, IHS a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF procède à une nouvelle évaluation des soumissions. À titre de solution de rechange, IHS a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF lui verse une indemnité pour perte d'occasion.

Le 10 décembre 2003, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 11 décembre 2003, le BSIF a avisé le Tribunal qu'un contrat avait été adjugé à i4design inc. Le 30 décembre 2003, le BSIF a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . IHS a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal le 13 janvier 2004.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

D'après le BSIF, une demande de propositions (DP) pour la prestation de systèmes de gestion du contenu Internet a été diffusée le 7 octobre 2003. La date de clôture pour la présentation des propositions a été fixée au 17 novembre 2003.

La DP prévoit en partie ce qui suit :

PARTIE III - MÉTHODE ET CRITÈRES D'ÉVALUATION

1.0 CRITÈRES D'ÉVALUATION

1.1 Critères obligatoires [modifiés]

O4 Le soumissionnaire doit décrire sa capacité et son expérience dans le domaine visé et fournir une liste de jusqu'à cinq (5) projets menés à bien, dont la taille, la portée et la nature sont semblables, dans le cadre desquels le soumissionnaire a fourni des services. La similitude susmentionnée se définit comme il suit :

· Prestation de services de développement et de mise en oeuvre de systèmes de gestion du contenu Internet et de conception de sites Web et des services afférents à des clients présentant des besoins semblables à ceux décrits à la partie II - Énoncé des travaux.

[Traduction]

D'après le BSIF, 12 propositions ont été reçues. Les propositions ont été évaluées du 18 au 28 novembre 2003. Le BSIF a déterminé que la proposition d'IHS était non conforme au critère obligatoire O4 de la section 1.1.1.1 de la DP (O4).

Le 3 décembre 2003, le BSIF a avisé tous les soumissionnaires, y compris IHS, des résultats de l'évaluation et du procédé d'invitation. Selon le BSIF, les soumissionnaires dont les propositions ne satisfaisaient pas aux critères obligatoires avaient aussi été avisés que leur soumission, une fois déclarée non conforme, ne ferait pas l'objet d'une évaluation ultérieure.

Le 4 décembre 2003, IHS a communiqué avec le BSIF pour lui demander pourquoi sa soumission avait été déclarée non conforme, puisqu'elle avait fourni cinq références-clients. Le BSIF a répondu qu'une seule des cinq feuilles de références indiquait aussi que le projet avait été mené à bien, puisque la durée des autres projets était indiquée comme suit : « Durée - jusqu'à ce jour » [traduction]. Le 8 décembre 2003, IHS a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position d'IHS

IHS a soutenu que tous les projets énumérés dans sa proposition ont été menés à bien et que beaucoup ont été complétés par étape sur plusieurs années. Elle a soutenu que les projets avaient été désignés « jusqu'à ce jour » parce qu'IHS maintient une relation continue avec les clients aux fins des services d'entretien et de soutien. IHS a ajouté que les termes retenus dans les références-clients étaient destinés à être clairs et non équivoques et que les descriptions sont exprimées en des termes et avec des temps de verbe qui signifient que les travaux non seulement ont été menés à bien, mais ont également été adoptés par les organismes pour lesquels ils ont été exécutés.

À titre d'exemple, IHS a soutenu que, relativement à sa référence se rapportant à la Banque de Montréal, le projet comprenait plusieurs étapes et que sa soumission prévoit ce qui suit : « Ce développement sur mesure a donné lieu à un système efficient sur le plan des coûts et convivial relativement aux publications techniques de la Banque de Montréal. La productivité a augmenté - le nombre total de documents s'est accru, passant de 800 à 2 800 au cours des trois dernières années » [traduction]; elle précise de plus : « Cette application est tellement populaire et facile à utiliser que d'autres groupes de la Banque envisagent maintenant la possibilité d'ajouter leurs documents à ce système de gestion du contenu »4 [traduction]. IHS a soutenu que ces références indiquent clairement que le projet a été mené à bien, puisqu'il a été adopté et a triplé la productivité.

Un autre exemple soumis par IHS se rapporte à sa référence au sujet d'Anixter Inc. (Anixter), dont le texte se termine par la phrase suivante : « Finalement, IHS a aidé Anixter à effectuer la migration à l'Internet de cette solution évoluée de gestion du contenu afin que ses clients y aient accès en janvier 2000 »5 [traduction]. IHS a fait valoir qu'il est clairement indiqué que le travail a été réalisé, complété et mis en oeuvre. Elle a fait valoir que le texte de la référence indique de plus les avantages pour l'organisme, comme l'élimination de l'arriéré dans l'entretien courant, la réduction à quelques secondes du temps de réponse pour le client et l'offre de moyens de recherche. IHS a soutenu que, manifestement, de tels types d'avantages sont difficiles à réaliser dans un système qui n'a pas été complété.

IHS a soutenu que, dans l'ensemble de ses références, les mots comme « a », « développé », « permet » et d'autre mots semblables font plus que laisser entendre que les travaux ont été menés à bien. Elle a soutenu que, si le libellé avait été « sera » ou « aura », « développe présentement » et « permettra », il aurait pu laisser entendre que les travaux n'avaient pas été menés à bien et, à tout le moins, aurait pu pousser l'autorité contractante à demander des éclaircissements. IHS a ajouté qu'il est inacceptable que les références, qui se rapportent à de très grands organismes nord-américains, aient été sommairement rejetés à cause de la relation qu'entretient IHS avec ses clients.

En réponse aux observations du BSIF dans le RIF selon lesquelles les feuilles employées pour présenter les références-clients dans sa soumission n'étaient pas convenables, IHS a soutenu que la DP prévoyait l'emploi de telles feuilles et qu'IHS a employé une feuille distincte pour chacun des projets qu'elle a énumérés. Quant aux observations du BSIF selon lesquelles les projets soumis par IHS n'étaient pas de taille, de portée et de nature semblables aux travaux faisant l'objet du marché public, IHS a soutenu que la DP ne définissait pas bien le terme « semblable » et qu'aucun critère n'y était énoncé pour permettre à un fournisseur de choisir efficacement les projets inclus en guise de références. IHS a soutenu que la définition de « semblable », donnée par le BSIF dans le RIF, est nouvelle et ne se trouvait pas dans la DP. Elle a soutenu que l'inclusion par le BSIF du critère de l'uniformité de la présentation et de l'exploitation pour le gouvernement du Canada pour qu'un projet puisse être réputé semblable est un critère injuste pour les fournisseurs qui n'ont pas soumis, au titre des références, de projet dont la source serait le gouvernement du Canada. Relativement à l'observation du BSIF selon laquelle certaines des références soumises par IHS ne satisfaisaient pas au critère de la similitude du projet parce que les projets n'avaient pas débouché sur l'autonomie du client, IHS a soutenu que l'expression « autonomie » n'a jamais fait partie de la définition du terme « semblable » donnée soit dans le libellé du critère O4 ou ailleurs dans la DP.

Position du BSIF

Le BSIF a soutenu qu'IHS n'avait pas satisfait à tous les critères obligatoires de l'invitation. Plus particulièrement, il a soutenu que, pour être déclarés conformes relativement au critère O4, les soumissionnaires devaient donner une liste et une description de jusqu'à cinq « projets menés à bien » dont les besoins étaient semblables au besoin énoncé dans l'invitation. Le BSIF a soutenu qu'IHS n'a ni énuméré ni décrit des « projets » « menés à bien » « semblables »; elle a plutôt fourni des « feuilles de références-clients » qui décrivaient les services qui avaient été fournis. Toutefois, dans le cas de quatre des cinq projets soumis, il n'a pas été établi clairement que les « projets » avaient été « menés à bien » ou étaient effectivement des « projets » de taille, de portée et de nature « semblables » au besoin décrit dans l'invitation. Le BSIF a soutenu que la DP énonçait très clairement qu'il incombait au soumissionnaire de soumettre une réponse qui établissait clairement qu'il avait été satisfait au besoin.

D'après le BSIF, tous les travaux visés dans le projet qui fait l'objet dudit marché public doivent être terminés à la fin de mars 2004, et il était donc impératif que l'entrepreneur possède une expérience importante en ce qui a trait à mener à bien des projets, en fonction du budget et des délais établis. On a demandé aux soumissionnaires de décrire leur capacité et leur expérience en décrivant « jusqu'à cinq (5) projets menés à bien, dont la taille, la portée et la nature sont semblables, dans le cadre desquels le soumissionnaire a fourni des services ». Le BSIF a soutenu que l'équipe d'évaluation avait jugé que les « besoins semblables » étaient des « projets qui comportaient le remaniement d'un site Web, un système de gestion du contenu Internet, l'uniformité de la présentation et de l'exploitation (GDC)/consortium 3WC, et le bilinguisme. En plus de projets qui devaient mené le client à l'autonomie, plutôt que ceux où le client avait besoin d'un soutien continu constant » [traduction].

Pour confirmer qu'un projet avait été « mené à bien » du point de vue du client, y compris la capacité du soumissionnaire de satisfaire aux contraintes de budget et de temps, le BSIF a soutenu que les soumissionnaires devaient présenter des feuilles de références-clients. Les feuilles dûment remplies devaient comprendre une description de ce qui suit : « Comment le soumissionnaire a satisfait à cette condition » [traduction] y compris le « niveau de réussite de la mise en oeuvre du projet sur le plan du respect des contraintes de temps et de budget » [traduction]. Le BSIF a soutenu que les feuilles de références-clients, soumises par IHS, n'avaient pas abordé ces questions. Le BSIF a soutenu que les rubriques « Portée et description du besoin du client » [traduction] et « Solutions » [traduction] dans le cas de deux des références-clients soumises par IHS décrivaient des solutions de gestion de documents et non pas des systèmes/solutions de gestion du contenu Internet. Selon le BSIF, ces « projets » n'ont donc pas été considérés comme des besoins semblables. En outre, d'après le BSIF, parce que la relation entre IHS et chacun des clients nommés comme références se poursuit, les deux solutions ne semblent pas avoir mené le client à l'autonomie, ce qui, toujours d'après le BSIF, ne satisfait pas au critère énoncé dans l'invitation au sujet de la similitude des projets.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l'espèce, sont l'Accord sur le commerce intérieur 6 et l'Accord de libre-échange nord-américain 7 .

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit que, « [d]ans l'évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l'article 504. Les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. »

L'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA prévoit que « l'adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l'appel d'offres ».

Dans sa lettre à IHS du 3 décembre 2003, le BSIF n'a pas précisément dit pourquoi la soumission d'IHS avait été déclarée non conforme au critère O4. Toutefois, dans le RIF, le BSIF donne deux raisons qui ont justifié le rejet de la soumission d'IHS. Premièrement, le BSIF a soutenu qu'une seule des cinq feuilles de références-clients, soit la feuille se rapportant à Dy 4 Systems Inc. (Dy 4), indiquait que le projet avait été mené à bien, puisque la durée dans le cas des quatre autres projets était décrite comme il suit : « Durée - jusqu'à ce jour ». Deuxièmement, le BSIF a soutenu que les projets se rapportant à Anixter et au ministère de la Défense nationale (MDN) n'étaient pas des projets « semblables » parce que les rubriques « décrivaient, dans les deux cas, des solutions de gestion de documents et non pas des systèmes/solutions de gestion du contenu Internet » et « puisque la relation entre IHS et chacun des clients nommés comme références se poursuit présentement, les deux solutions ne semblent pas avoir mené le client à l'autonomie »8 [traduction].

Les observations du BSIF semblent donc indiquer que, d'après ce dernier, un seul des cinq projets de clients soumis comme références inclus dans la soumission d'IHS, soit Dy 4, était conforme au critère O4. Le BSIF aurait rejeté la soumission d'IHS parce qu'il était d'avis que le critère O4 obligeait les soumissionnaires à soumettre cinq projets satisfaisant aux conditions du critère O4 (c.-à-d. qu'un soumissionnaire ne pouvait être conforme au critère O4 s'il soumettait quatre projets ou moins satisfaisant aux conditions du critère O4). Le Tribunal est d'avis qu'une telle interprétation est erronée au vu de la signification claire du critère O4. Le critère O4 prévoit que les soumissionnaires doivent énumérer « jusqu'à cinq » projets qui satisfont aux conditions du critère O4. D'après les termes clairs et simples de la DP, un soumissionnaire satisferait donc au critère O4 s'il incluait une liste comprenant de un à cinq projets qui satisfont aux conditions du critère O4. Par conséquent, même si le BSIF avait à raison considéré qu'un seul des cinq projets soumis satisfaisait aux conditions du critère O4, il a à tort rejeté la soumission d'IHS relativement au critère O4.

À l'étude des observations du BSIF selon lesquelles quatre des projets d'IHS n'avaient pas été « menés à bien », le Tribunal a tenu compte des principes énoncés dans Polaris 9  :

Dans sa plainte, Polaris a soutenu, entre autres choses, qu'on ne lui avait pas attribué suffisamment de points relativement à plusieurs aspects de sa proposition. Après avoir passé en revue les éléments de preuve au dossier, le Tribunal ne voit pas pourquoi il conclurait que la proposition de Polaris n'a pas été évaluée conformément à la méthode et aux critères énoncés dans les documents d'appel d'offres ou que les évaluateurs n'ont pas correctement porté attention à ces articles au moment de l'évaluation. En l'absence d'éléments de preuve que l'évaluation n'a pas été effectuée d'une manière équitable du point de vue de la procédure, le Tribunal s'en remet normalement au jugement de l'équipe d'évaluation pour l'attribution des points au regard des exigences techniques cotées.10

Même s'il est d'avis que la soumission d'IHS aurait pu être présentée en termes plus clairs, le Tribunal estime que le BSIF a négligé ou oublié de tenir compte de certains renseignements importants compris dans la proposition d'IHS, dans au moins deux cas, lorsqu'il a interprété les feuilles de références-clients comme signifiant que les projets soumis n'avaient pas été menés à bien. De ce fait, le Tribunal n'est pas d'avis qu'il convient de s'en remettre au jugement des évaluateurs en l'espèce.

Dans la feuille de références se rapportant à la Banque de Montréal, IHS a soutenu avoir « travaillé étroitement avec l'équipe de la Banque de Montréal en deux étapes, faisant passer leurs publications techniques depuis l'ordinateur central vers un environnement de serveur client, puis vers une application Intranet fondée sur Internet. Ensuite, IHS a élaboré de nouvelles applications [. . .] Quatre bases de données ont été créées [. . .] IHS a ensuite développé une interface de logiciel [. . .] Ce développement sur mesure a donné lieu à un système efficient sur le plan des coûts et convivial [. . .] Cette application est tellement populaire et facile à utiliser que d'autres groupes de la Banque envisagent maintenant la possibilité d'ajouter leurs documents à ce système de gestion du contenu » [traduction]. Dans la feuille de références se rapportant au MDN, IHS a soutenu avoir « développé un nouveau système de gestion du contenu [. . .] Cette solution permet une fonctionnalité à la fine pointe de la technologie [. . .] Des emplacements situés partout au Canada utilisent le système [. . .] Le personnel de formation du MDN est capable d'éditer et de créer de nouveaux manuels de formation [. . .] Cette solution évoluée, intégrée, permet l'édition et l'utilisation du contenu par le personnel du MDN partout au Canada » [traduction].

Manifestement, la proposition a indiqué que ces deux projets avaient été menés à bien, même si la relation avec le client peut se poursuivre. Le Tribunal est donc d'avis que le BSIF a à tort rejeté ces deux projets au motif qu'ils n'avaient pas été « menés à bien ».

En ce qui a trait à l'affirmation du BSIF selon laquelle les projets pour Anixter et le MDN n'étaient pas « semblables » aux projets visés dans le présent marché public, le Tribunal a examiné la question de savoir si le BSIF avait appliqué des critères convenables pour évaluer la similitude. Le BSIF a soutenu que l'équipe d'évaluation avait considéré que les « besoins semblables » étaient des « projets qui comportaient le remaniement d'un site Web, un système de gestion du contenu Internet, l'uniformité de la présentation et de l'exploitation (GDC)/consortium 3WC, et le bilinguisme. En plus, les projets devaient avoir mené le client à l'autonomie, plutôt que sur une situation où le client aurait besoin d'un soutien continu constant ». Il n'y a pas d'élément de preuves au dossier qui établisse que ces critères ont été communiqués au soumissionnaire avant la clôture des soumissions.

Par application de ces critères, le BSIF a décidé que les projets pour Anixter et le MDN n'avaient pas établi l'existence d'un « système de gestion du contenu Internet » ou l'autonomie du client, sans soutien continu constant, et que ces projets ne satisfaisaient donc pas aux conditions du critère O4. Le Tribunal doit examiner la question de savoir si l'application de ces critères à l'évaluation de la « similitude » des projets est autorisée par la DP.

Le « système de gestion du contenu Internet » est clairement envisagé en tant qu'élément de la similitude dans le libellé du critère O4. Par conséquent, le Tribunal n'est pas d'avis que le BSIF a erré lorsqu'il a appliqué ce critère.

Toutefois, la DP ne précise pas que l'autonomie du client doit faire partie de la détermination de la question de savoir si les projets sont « semblables » ou pas. Reste à savoir s'il est indiqué d'interpréter la DP comme imposant une telle condition. Le paragraphe 506(6) de l'ACI et l'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA prévoient que les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions. En outre, le Tribunal constate que le critère O4 prévoit que les projets de clients soumis comme références doivent être de taille, de portée et de nature « semblables » par rapport au projet visé par le marché public et non pas qu'ils satisfassent à la norme plus stricte d'être « identiques ». À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que le manque de clarté de la condition portant sur la « similitude » doit être traité d'une manière qui accorde aux soumissionnaires le bénéfice du doute. Le Tribunal estime donc que l'emploi, par le BSIF, du critère d'autonomie du client en tant que critère d'évaluation de la « similitude » n'était pas autorisé par la DP et que le BSIF a à tort rejeté les projets pour Anixter et le MDN en se fondant sur ce critère.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

Le Tribunal remarque que, puisque le critère O4 a été modifié pour supprimer la condition selon laquelle deux projets devaient se rapporter à des services fournis à « une agence ou un ministère du gouvernement du Canada », l'application de l'uniformité de présentation et d'exploitation (un élément qui aurait uniquement pu faire partie des projets du gouvernement du Canada) en tant qu'élément servant à l'évaluation de la « similitude » n'est pas justifiée par les termes de la DP. Toutefois, cette condition n'a pas été soulevée dans l'évaluation des projets de clients soumis par IHS comme références. Le Tribunal remarque aussi que le BSIF a soutenu qu'IHS était techniquement non conforme parce que la réponse de cette dernière au critère O4 « n'a pas été présentée en conformité avec les instructions au soumissionnaire à l'article 2.2 Exigences techniques de la partie 1 de la DP » [traduction]. Cette disposition de la DP renferme des directives sur la présentation à retenir pour présenter les soumissions plutôt que des directives sur leur contenu. Même si le BSIF était d'avis que la soumission d'IHS ne respectait pas la présentation requise, il n'a pas rejeté la soumission à ce motif. Par conséquent, il n'était pas nécessaire que le Tribunal se penche sur la question de savoir si le BSIF avait raison de croire que les conditions énoncées à l'article 2.2 n'avaient pas été respectées.

Dans sa recommandation d'une mesure corrective, le Tribunal a tenu compte de tous les facteurs qui sont intervenus dans le présent marché, y compris les facteurs énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. À titre de mesure corrective, IHS a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF procède à une nouvelle évaluation des soumissions. À titre de solution de rechange, IHS a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF lui verse une indemnité pour perte d'occasion.

Il est fondamental, pour la présente procédure de passation du marché public et pour l'intégrité du mécanisme d'achat en régime de concurrence, que l'institution fédérale respecte les critères d'évaluation établis dans la DP. Le BSIF ne l'a pas fait. De ce fait, un préjudice a peut-être été causé non seulement à IHS, mais peut-être à tous les 12 soumissionnaires. Le Tribunal constate qu'il a aussi conclu qu'une plainte déposée par un deuxième soumissionnaire11 était fondée et que le BSIF n'avait pas appliqué les critères énoncés dans la DP. Toutefois, les éléments de preuve n'indiquent pas que le BSIF a agi de mauvaise foi.

Le Tribunal constate que le contrat a été attribué et que le BSIF a fait savoir que les travaux devraient être complétés à la fin de mars 2004. Une partie importante des travaux doit donc être déjà complétée. Il ne serait donc pas indiqué de recommander une nouvelle évaluation des soumissions ou le lancement d'un nouvel appel d'offres pour ledit marché.

Il est impossible de deviner quels auraient été les résultats du marché public si les soumissions avaient été évaluées en conformité avec les conditions permises dans la DP. Le fait est particulièrement vrai étant donné l'ambiguïté de la condition de « similitude » afférente au critère O4 et le grand nombre de soumissionnaires.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande que soit versée à IHS une indemnité de 1 830 $12 , ce qui correspond au montant estimatif du douzième des profits qu'IHS aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, le versement à IHS d'une indemnité de 1 830 $, ce qui correspond au montant estimatif du douzième des profits qu'IHS aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S../91-499.

4 . Plainte à la p. 7.

5 . Ibid.

6 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm>[ACI].

7 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

8 . RIF, para. 29.

9 . Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd.(23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).

10 . Ibid. à la p. 7.

11 . Re plainte déposée par AppDepot Web Services Inc. (8 mars 2004), PR-2003-069 (TCCE).

12 . À cette fin, une marge bénéficiaire estimative de 15 p. 100 de la valeur du marché (excluant la TPS) a été retenue.