BOSIK VEHICLE BARRIERS LTD.

Décisions


BOSIK VEHICLE BARRIERS LTD.
Dossier no PR-2003-076


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 29 mars 2004

Dossier no PR-2003-076

EU ÉGARD À une plainte déposée par Bosik Vehicle Barriers Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à Bosik Vehicle Barriers Ltd. une indemnisation d'un montant qui correspond à un tiers des profits qu'elle aurait raisonnablement réalisés si sa proposition avait été retenue. Le point de départ du calcul des profits perdus devrait être la valeur globale du contrat adjugé au soumissionnaire retenu dans le cadre de l'invitation no W0103-031TAY/A. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que les parties élaborent une proposition conjointe d'indemnisation afin de la lui présenter dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision.

Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Bosik Vehicle Barriers Ltd. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L'indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte pour le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et le montant provisoire de l'indemnisation est de 1 500 $. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait à l'indication provisoire du degré de complexité ou du montant provisoire de l'indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve le droit de fixer le montant final de l'indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Date de la décision :

Le 29 mars 2004

Date des motifs :

Le 7 avril 2004

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Michael W. Morden

   

Conseiller pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Partie plaignante :

Bosik Vehicle Barriers Ltd.

   

Conseiller pour la partie plaignante :

Paul W. Donovan

   

Intervenante :

SPX Canada

   

Conseillers pour l'intervenante :

Mark N. Sills

 

Jennifer L. Egsgard

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

David M. Attwater

 

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

Ottawa, le mercredi 7 avril 2004

Dossier no PR-2003-076

EU ÉGARD À une plainte déposée par Bosik Vehicle Barriers Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 12 février 2004, Bosik Vehicle Barriers Ltd. (Bosik) a déposé1 une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 2 . La plainte portait sur le marché (invitation no W0103-031TAY/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN), pour la fourniture, l'installation, la mise à l'essai et le bon fonctionnement de barrières de route élévatrices à la Base des Forces canadiennes (BFC) Esquimalt.

Bosik a allégué que TPSGC ne lui avait pas accordé un délai suffisant pour préparer sa soumission. Plus précisément, Bosik a soutenu que TPSGC avait diffusé des renseignements critiques seulement deux jours avant la date de clôture de l'invitation et seulement un jour avant la date où elle devait mettre au point sa proposition. Bosik a soutenu ne pas avoir eu un délai suffisant pour peaufiner sa conception et préciser les frais connexes avant de devoir présenter sa soumission.

À titre de mesure corrective, Bosik demande que TPSGC résilie le contrat et que ce dernier lui soit adjugé. À titre de mesure corrective de rechange, Bosik a demandé à recevoir une indemnisation en reconnaissance de la perte de profits ou d'occasion qu'elle a subie parce qu'elle a été privée de l'occasion d'exécuter le contrat. Elle a aussi demandé que le Tribunal lui accorde le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation de sa soumission et des frais liés à sa plainte. Enfin, elle a demandé que le Tribunal applique à la présente plainte la procédure expéditive prévue à l'article 107 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

Le 16 février 2004, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 4 . Le Tribunal a aussi avisé les parties que, conformément au paragraphe 107(4) des Règles, le Tribunal appliquerait la procédure expéditive en l'espèce. Le 26 février 2004, SPX Canada (SPX), l'adjudicataire du contrat, a demandé l'autorisation d'intervenir dans l'affaire dont le Tribunal était saisi, et celui-ci la lui a accordée. Le même jour, TPSGC a déposé son rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal. Bosik et SPX ont déposé leurs observations sur le RIF le 5 mars 2004. Le 11 mars 2004, TPSGC a contesté les observations sur le RIF présentées par Bosik et, le 12 mars 2004, Bosik et SPX ont répliqué à cette opposition.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Selon le RIF, le 22 décembre 2003, TPSGC a publié une demande de propositions (DP) au nom du MDN qui indiquait que la date de clôture pour la réception des soumissions était le 16 janvier 2004.

La page 2 de la partie 2 de la DP comprenait la disposition suivante au sujet de la présentation de la proposition :

NON-ACCEPTATION DES PROPOSITIONS ÉLECTRONIQUES « MISE EN GARDE » : Étant donné la nature de la présente invitation, une proposition technique complète avec renseignements à l'appui est nécessaire à la tenue d'une évaluation convenable. La transmission électronique, au Module de réception des soumissions de Travaux publics et Services gouvernementaux, de tels documents par des moyens comme la télécopie est réputée insatisfaisante du point de vue pratique et ne sera donc pas acceptée.

[Traduction]

La page 3 de la partie 2 de la DP comprenait les dispositions suivantes au sujet des communications durant la période d'invitation :

1. Pour préserver l'intégrité du mécanisme d'adjudication, les demandes de renseignements et les autres communications au sujet de l'invitation à soumissionner, de la date de publication de l'invitation jusqu'à la date de clôture, doivent être adressées SEULEMENT à la personne nommée à la page un (1) de l'invitation à soumissionner.

2. Les demandes de renseignements doivent être soumises PAR ÉCRIT.

3. Les demandes de renseignements doivent être reçues au plus tard trois jours civils avant la date de clôture des soumissions pour permettre un délai de réponse suffisant. Il pourrait être impossible de répondre avant la date de clôture des soumissions aux demandes reçues plus tard.

[Traduction]

La modification no 002, diffusée le 12 janvier 2004, précisait entre autres le renseignement suivant :

1. Masse du véhicule : 15 000 lb.

[Traduction]

La modification no 003, diffusée le 14 janvier 2004, ajoutait les spécifications suivantes :

Homologué par : Département d'État des É.-U.

Niveau de l'homologation : K4/L1

Masse brute du véhicule : 15 000 livres/66,7 kN

Vitesse de collision : 30 mph/48 kph

ou un substitut équivalent.

Toutes les autres modalités demeurent inchangées.

[Traduction]

L'expression « Niveau de l'homologation » renvoie à la norme SD-STD-02.01 du département d'État des États-Unis où « K4 » représente une vitesse de 30 mph et « L1 » représente une pénétration de 20-50 pi.

D'après TPSGC, trois propositions ont été reçues, y compris une proposition de Bosik et une autre de SPX. La troisième proposition a été déclarée non recevable pour des raisons techniques non précisées. TPSGC a déterminé que SPX avait présenté la proposition recevable la moins disante et, le 30 janvier 2004, il a adjugé le contrat à cette dernière et a informé les autres fournisseurs potentiels en conséquence.

Le 23 janvier 2004, avant l'adjudication du contrat, Bosik a présenté une opposition, par téléphone, à TPSGC. Le 2 février 2004, TPSGC a avisé Bosik, par téléphone, que l'opposition avait fait l'objet d'examen et avait été rejetée. Bosik a envoyé une lettre à TPSGC, le 3 février 2004, présentant une opposition par écrit. Le Tribunal a reçu la plainte de Bosik le 6 février 2004. Le 11 février 2004, le Tribunal a demandé à Bosik de déposer la réponse de TPSGC à sa lettre du 3 février 2004. Le 12 février 2004, Bosik a déposé les renseignements supplémentaires. Le 12 février 2004, le Tribunal a décidé d'enquêter sur la plainte.

POSITION DES PARTIES

Position de Bosik

Dans sa plainte, Bosik a soutenu que les spécifications avaient été modifiées tellement tard pour ajouter une exigence portant sur la pénétration périmétrique admissible qu'il lui avait été impossible de modifier convenablement sa proposition en vue de tenir compte de ce changement important.

Selon Bosik, parce que la DP était vague, la spécification doit avoir été irrégulièrement fondée sur un produit déterminé d'un fabricant déterminé, à savoir, l'adjudicataire éventuel du marché - SPX.

Bosik a soutenu qu'il doit être tenu compte de trois variables clés dans la spécification, la conception et la fabrication d'un système de barrière de véhicule homologué pour la collision, comme celui demandé dans la DP en cause. Les fabricants/fournisseurs de services doivent connaître : 1) la vitesse du véhicule en rapprochement; 2) le poids du véhicule en rapprochement; 3) la pénétration périmétrique admissible (c.-à-d. la distance que pourra parcourir un véhicule tentant de franchir la barrière avant d'être arrêté par cette dernière). Bosik a observé que, à la publication initiale de la DP, seulement la vitesse (30 mph) avait été précisée. Elle a fait remarquer que le poids du véhicule (15 000 lb) n'avait pas été précisé avant la modification no 2, diffusée le 12 janvier 2004, et que la pénétration périmétrique (n'excédant pas 50 pi) n'avait pas été précisée avant la modification no 3, diffusée le 14 janvier 2004. Bosik a ajouté qu'une autre modification avait été diffusée le 15 janvier 2004. Elle a soutenu que la diffusion tardive de la modification no 3 n'avait pas laissé aux soumissionnaires un délai suffisant pour modifier leurs propositions, compte tenu de cette modification importante. Elle a ajouté que l'interdiction énoncée dans la DP relativement à l'envoi par télécopieur ou à la transmission électronique des propositions signifiait qu'elle devait avoir achevé sa proposition et été prête à l'envoyer par messagerie au plus tard le 15 janvier 2004, seulement un jour après avoir reçu la modification no 3.

Bosik a soutenu que, avant de recevoir la modification no 3, elle avait préparé sa soumission en se fondant sur une valeur de pénétration périmétrique de 10 pi, une valeur qu'elle a dit avoir fondée sur son expérience auprès d'autres installations protégées. D'après Bosik, lorsqu'il a visité la BFC Esquimalt le 9 janvier 2004, son représentant a mentionné ce fait aux représentants gouvernementaux alors présents, et on ne lui a aucunement laissé entendre que l'exigence à cet égard dans le cas de la BFC Esquimalt serait de 50 pi. Bosik a soutenu qu'un changement aussi important que celui apporté par la modification no 3 signifiait qu'il lui aurait fallu réviser la taille des boîtes de ballast, la quantité de béton dans ces boîtes, la taille des pièces de fixation, l'expédition des boîtes et la quantité de travail nécessaire à l'installation.

Bosik a soutenu que, même si elle a effectivement présenté une proposition techniquement recevable, le changement à une valeur de pénétration périmétrique de 50 pi a été apporté trop tard dans la procédure de passation du marché public pour qu'il soit possible d'agir en conséquence en fonction de la réponse technique et des frais connexes.

Position de TPSGC

Pour répondre à la prétention de Bosik selon laquelle un délai suffisant ne lui aurait pas été accordé pour se conformer à la modification no 3, TPSGC a soutenu que la modification no 3 avait peu changé les spécifications et que son incidence sur la proposition de Bosik avait été minime. TPSGC a souligné que la soumission de Bosik était techniquement recevable et contenait au moins deux renvois à la norme K4/L1. Il a aussi souligné que Bosik avait documenté diverses hypothèses dans sa proposition, mais n'en avait pourtant inclus aucune au sujet de la pénétration périmétrique. Il a prétendu que, si la pénétration périmétrique était aussi importante que l'avait allégué Bosik, à la fois sur le plan technique et sur le plan financier, la proposition aurait dû contenir des hypothèses à cet égard. TPSGC a aussi souligné que, à la section 1.1 de sa proposition, Bosik a reconnu que la proposition était présentée en réponse à la DP et aux modifications nos 1, 2 et 3 et que, par conséquent, Bosik avait eu suffisamment de temps pour établir sa conformité et, donc, pour modifier sa proposition financière au besoin.

TPSGC a ajouté que, si la pénétration périmétrique admissible était un paramètre clé, le fait qu'aucun des soumissionnaires, que ce soit Bosik ou l'un des autres soumissionnaires potentiels, n'ait demandé des renseignements sur ce paramètre était inexplicable. TPSGC a soutenu qu'un autre paramètre censément clé, le poids du véhicule, n'était pas connu à la diffusion de l'invitation et a fait l'objet d'une demande d'éclaircissement. TPSGC a affirmé que, si la pénétration périmétrique était aussi importante que le poids du véhicule, Bosik aurait dû demander des renseignements à cet égard avant la clôture des soumissions.

En ce qui a trait aux communications durant la période d'invitation, TPSGC a fait observer que les dispositions de la DP précisaient qu'il fallait trois jours civils pour garantir que TPSGC soit en mesure de répondre aux demandes de renseignements; Bosik était toutefois libre de soumettre des questions, conformément à ces dispositions, jusqu'à la date de clôture. TPSGC a soutenu que la dernière modification, datée du 15 janvier 2004, avait été diffusée par suite de questions reçues le 14 janvier 2004.

TPSGC a soutenu que la soumission de Bosik était techniquement recevable, comme l'était celle de SPX et que le délai entre le moment de la diffusion de la modification no 3 et la clôture des soumissions était donc suffisant.

TPSGC a demandé le rejet de la plainte et le remboursement de ses frais.

Position de SPX

SPX était généralement d'accord sur les positions énoncées par TPSGC dans le RIF. Toutefois, SPX contestait l'affirmation de TPSGC selon laquelle la modification no 3 n'avait pas apporté un changement important à la DP. SPX a soutenu ce qui suit : 1) Bosik aurait pu en tout temps demander un complément d'information au sujet de la DP, y compris de la pénétration périmétrique, et ce, jusqu'à la clôture des soumissions; 2) Bosik a eu suffisamment de temps pour se conformer à la DP; 3) la prétention de Bosik selon laquelle la DP était fondée sur un des produits de SPX était sans valeur. SPX a ajouté que Bosik aurait pu demander le report de la date de clôture des soumissions si cette date lui posait un problème. SPX a souligné que ni TPSGC ni Bosik n'avait présenté d'éléments de preuve permettant de croire que Bosik avait agi de cette façon.

SPX a soutenu avoir reçu la modification no 3 au même moment que Bosik et avoir été contrainte de procéder à une révision importante de sa soumission en conséquence des renseignements donnés dans cette modification. SPX a affirmé que, puisqu'elle a pu apporter les changements nécessaires, Bosik aurait raisonnablement pu faire de même.

SPX a déposé plusieurs affidavits qui affirment que, dans le secteur des produits de sécurité des personnes, il est courant d'apporter des modifications à une DP dans les quelques jours qui précèdent la date de clôture. Elle a soutenu que le Tribunal avait dit être d'avis, dans une affaire précédente5 , que « les "normes de l'industrie" sont un indicateur qui permet de juger du caractère raisonnable du délai appliqué par le Ministère ». SPX a aussi fait valoir qu'elle avait dû remplacer ses fournisseurs et ses produits par suite de la modification no 3, répondant ainsi à l'argument de Bosik selon lequel la DP était fondée sur un produit fourni par SPX.

Enfin, SPX a souligné que son siège social est situé en Ontario, tout comme celui de Bosik; à son avis, les accords commerciaux ne s'appliquent donc pas à la présente plainte, puisque rien n'indique l'existence d'une distinction fondée sur le lieu d'origine du soumissionnaire ou des marchandises.

SPX a demandé une « indemnisation » des coûts qu'elle a engagés et, si le Tribunal devait recommander le lancement d'un nouvel appel d'offres relativement au marché, le remboursement de la totalité des frais qu'elle a engagés pour la préparation de sa soumission, pour l'exécution du contrat et pour sa défense dans le cadre du présent recours.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui sont, en l'espèce, l'Accord sur le commerce intérieur 6 , l'Accord de libre-échange nord-américain 7 et l'Accord sur les marchés publics 8 .

Procédure expéditive

Dans sa plainte, Bosik a demandé au Tribunal d'appliquer la procédure expéditive, prévue à l'article 107 des Règles :

107. (1) Si le plaignant, l'institution fédérale ou tout intervenant demande le règlement rapide de la plainte, le Tribunal examine la possibilité d'appliquer la procédure expéditive visée au paragraphe (5).

(2) Le Tribunal peut appliquer la procédure expéditive aux plaintes qui peuvent être réglées dans un délai de 45 jours.

(3) La demande d'application de la procédure expéditive est présentée par écrit au secrétaire dans les trois jours suivant la date de notification de la décision du Tribunal au titre du paragraphe 30.12(3) de la Loi.

(4) Le Tribunal décide d'appliquer ou non la procédure expéditive dans les deux jours suivant la date de réception de la demande et avise de sa décision le plaignant, l'institution fédérale et les intervenants.

(5) Les délais prévus par la présente partie pour le dépôt de documents ne s'appliquent pas à la procédure expéditive, qui est la suivante :

a) l'institution fédérale dépose auprès du Tribunal un rapport sur la plainte comprenant les documents visés au paragraphe 103(2) dans les 10 jours suivant la date où elle est avisée de la décision d'appliquer la procédure expéditive;

b) à la réception du rapport, le secrétaire envoie sans délai au plaignant une copie des documents visés à l'alinéa 103(3)a) et en met une copie à la disposition de tous les intervenants;

c) dans les cinq jours suivant la date de l'envoi par le secrétaire de la déclaration visée à l'alinéa 103(2)d), le plaignant ou tout intervenant déposent auprès du Tribunal leurs observations concernant cette déclaration ou lui demandent de régler la plainte en fonction du dossier existant;

d) à la réception des observations visées à l'alinéa c), le secrétaire sans délai en envoie une copie à l'institution fédérale et aux intervenants;

e) le Tribunal rend une décision dans les 45 jours suivant la décision d'appliquer la procédure expéditive.

Par conséquent, dans les affaires où la procédure expéditive est appliquée, le Tribunal doit faire sa recommandation dans un délai de 45 jours suivant le dépôt de la plainte, plutôt que dans le délai de 90 jours normalement prévu, et les parties doivent déposer leurs observations dans des délais plus brefs que les délais normaux. Par exemple, TPSGC doit déposer son RIF dans les 10 jours, soit dans un délai plus bref que le délai de 25 jours normalement prévu, mais semblable au délai de 10 jours ouvrables accordé à un fournisseur potentiel pour le dépôt de sa plainte.

Comme le prévoit l'article 107 des Règles, le Tribunal peut appliquer la procédure expéditive lorsque les plaintes « peuvent être réglées dans un délai de 45 jours ». Le Tribunal doit décider d'accueillir ou non la demande d'application de la procédure expéditive dans les 2 jours suivant la date de réception d'une telle demande et ensuite aviser les parties de sa décision. L'article 107 ne prévoit pas la présentation d'observations avant la décision du Tribunal, et le dépôt de telles observations à l'intérieur du délai de 2 jours ne serait pas pratique.

Toutefois, si le Tribunal décide d'accueillir une demande d'application de la procédure expéditive, rien n'empêche les parties de présenter par la suite des observations pour demander au Tribunal de réexaminer sa décision. Étant donné les délais serrés dans lesquels le Tribunal doit rendre ses conclusions concernant la plainte dans le cadre de la procédure expéditive, toutes les observations de ce type devraient être présentées immédiatement après la décision du Tribunal d'appliquer la procédure expéditive. En l'espèce, même si le RIF semble indiquer le mécontentement de TPSGC quant à l'application de la procédure expéditive, ni TPSGC ni l'intervenante n'ont demandé au Tribunal de réexaminer sa décision à cet égard. En outre, même si TPSGC avait présenté une telle demande dans le RIF, il se serait agi d'une demande en grande partie théorique à ce moment-là, puisque l'article 107 des Règles a pour principal effet, en ce qui touche l'institution fédérale, de raccourcir le délai de dépôt du RIF.

Pour arriver à la conclusion que la présente plainte était de la sorte qui pouvait être réglée dans un délai de 45 jours, le Tribunal a tenu compte du fait qu'elle soulevait une seule question directe : la question de savoir si la publication d'une modification aux spécifications à un moment donné de la procédure de passation du marché public contrevenait aux exigences de « délai suffisant » prévues par les accords commerciaux. De plus, le marché public en l'espèce portait sur des marchandises d'une définition relativement simple. Le Tribunal a aussi constaté la brièveté du délai de livraison prévu en vertu du contrat, la livraison étant demandée avant le 31 mars 2004. Les éléments de preuve déposés par SPX confirment qu'une exécution rapide du contrat était prévue, puisque TPSGC a demandé à SPX de commander le matériel nécessaire avant même la signature du contrat, dans le but de garantir la livraison au plus tard à la date susmentionnée9 .

Pour décider d'appliquer la procédure expéditive, le Tribunal a tenu compte de son devoir de statuer sur les contestations en matière de marché public en temps opportun. À cet égard, par exemple, l'article 35 de la Loi sur le TCCE prévoit ce qui suit : « Les séances du Tribunal sont conduites de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances ». Le Tribunal estime que ses enquêtes portant sur des marchés publics sont des « séances » au sens de l'article 35.

Il serait possible de soutenir que cet article ne s'applique pas aux enquêtes portant sur des marchés publics, au motif que, normalement, ces enquêtes procèdent par échange d'observations écrites et ne comportent pas d'audience (séance), même si l'article 105 des Règles prévoit expressément qu'une audience peut être tenue dans ce contexte. Toutefois, une audience formelle, où des témoins sont entendus et des éléments de preuve produits, n'est pas nécessaire aux fins d'un vaste éventail de décisions administratives. Comme l'a déclaré le professeur Mullan, relativement à de telles audiences, « beaucoup de procédures administratives s'en tiennent très étroitement à ce modèle traditionnel de règlement [...] Toutefois, l'éventail des procédures qui peuvent satisfaire aux exigences d'une audience en common law est beaucoup plus vaste »10 [traduction]. Dans les affaires concernant les marchés publics, le Tribunal a généralement jugé que les observations écrites donnaient suffisamment de renseignements pour déterminer le bien-fondé d'une plainte sans qu'il soit nécessaire d'engager des frais supplémentaires liés à une audience. En l'absence de préjudice à une ou plusieurs parties, par exemple l'occasion insuffisante de traiter de points nouveaux ou complexes, la procédure la plus rapide, mais équitable, pour de telles audiences qui sont tenues sur la foi des dossiers est la procédure expéditive prévue à l'article 107.

En outre, les accords commerciaux font ressortir qu'il est important que les organismes chargés d'examiner les contestations des offres, comme le Tribunal, statuent sur les différends en temps opportun.

Le paragraphe 514(2) de l'ACI prescrit, relativement au gouvernement fédéral, que ce dernier « adopte et maintient, à l'égard des marchés publics visés par le présent chapitre, des procédures de contestation des offres [...] c) assurant que ses entités examinent de façon équitable et en temps utile toute plainte relative à un marché public visé par le présent chapitre » (soulignement ajouté).

Le paragraphe 1017(1) de l'ALÉNA prévoit en partie ce qui suit : « Afin de favoriser des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics, chacune des Parties adoptera et maintiendra des procédures de contestation des offres pour les marchés visés par le présent chapitre, en conformité avec les points suivants : [...] c) chaque Partie fera en sorte que ses entités examinent de façon impartiale et en temps opportun toute plainte relative à un marché visé par le présent chapitre » (soulignement ajouté).

Le paragraphe XX(2) de l'AMP prévoit ce qui suit : « Chaque Partie établira des procédures non discriminatoires, rapides, transparentes et efficaces permettant aux fournisseurs de contester de prétendues violations de l'Accord dans le cadre de la passation de marchés dans lesquels ils ont, ou ont eu, un intérêt. » L'article XX(8) prévoit ce qui suit : « En vue de la protection des intérêts commerciaux et autres concernés, la procédure de contestation sera normalement achevée sans tarder » (soulignement ajouté).

Bien-fondé

Le paragraphe 506(5) de l'ACI prévoit ce qui suit :

Chaque Partie accorde aux fournisseurs un délai suffisant pour présenter une soumission, compte tenu du temps nécessaire pour diffuser l'information et de la complexité du marché public.

Le paragraphe 1010(7) de l'ALÉNA prévoit ce qui suit :

Toute entité qui [...] estime qu'il est nécessaire de modifier l'avis ou la documentation [relative à l'appel d'offres] [...] [t]out élément d'information significatif communiqué à un fournisseur relativement à un projet d'achat sera communiqué [...] à tous les autres fournisseurs intéressés, suffisamment à l'avance pour leur permettre d'en tenir compte et d'agir en conséquence.

Le paragraphe IX(10) de l'AMP prévoit en partie ce qui suit :

Tout élément d'information significatif communiqué à un fournisseur au sujet d'un marché envisagé particulier sera communiqué simultanément à tous les autres fournisseurs concernés, en temps utile pour leur permettre d'en tenir compte et d'agir en conséquence.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, Bosik a déposé une plainte selon laquelle la modification no 3, qui précisait une pénétration périmétrique admissible de 50 pi, a été diffusée trop tard pour lui permettre d'agir en conséquence aux fins de sa soumission.

D'après les observations, la modification no 3 a été diffusée le 14 janvier 2004, et Bosik l'a reçue peu avant 16 h, heure normale de l'Est (13 h, heure normale du Pacifique). Les soumissions devaient être présentées au plus tard à 14 h, heure normale du Pacifique, le 16 janvier 2004, et comme il a déjà été indiqué, la DP prévoyait que les soumissions ne pouvaient être présentées par des moyens électroniques, par exemple par télécopieur. Par conséquent, il aurait fallu que Bosik l'envoie par messagerie, depuis son bureau d'Ottawa à TPSGC à Victoria (Colombie-Britannique), pour que sa soumission soit présentée au plus tard à la date de clôture des soumissions. Bosik a soutenu que, de ce fait, elle disposait de moins d'un jour ouvrable pour apporter à sa soumission les changements nécessaires pour agir en conséquence de la modification no 3. LeTribunal conclut que le délai pour agir en conséquence de la modification no 3 dont disposait Bosik était d'environ un jour ouvrable. La question à déterminer est celle de savoir si ce délai contrevient à l'exigence prévue dans les accords commerciaux d'accorder un « délai suffisant pour présenter une soumission » ou de communiquer tout élément d'information « suffisamment à l'avance » pour permettre d'en tenir compte et d'agir en conséquence.

TPSGC a soutenu que la modification en ce qui concerne la pénétration périmétrique admissible n'était pas un changement important relativement à la proposition technique ou à la position financière de Bosik. Le Tribunal n'est pas d'accord.

La pénétration périmétrique admissible est une exigence de performance importante, étant donné que les barrières de véhicule visées dans le marché public ont pour but d'empêcher l'entrée des véhicules qui pourraient menacer la sécurité d'une base militaire.

De plus, Bosik et SPX, l'adjudicataire, ont exprimé leur désaccord sur la position de TPSGC selon laquelle cette modification ne constituait pas un changement important. Bosik a soutenu que, pour changer sa soumission afin de répondre à la norme de pénétration périmétrique révisée, moins rigoureuse, il lui fallait apporter des changements techniques et financiers en ce qui avait trait aux pièces, à l'expédition et à la main-d'oeuvre, ce qui exigeait, notamment, un apport des installateurs locaux. SPX a soutenu que, « compte tenu de la modification no 3 à la DP, SPX a été contrainte de complètement réviser son projet de soumission en ce qui avait trait aux barricades de route »11 [traduction]. Un affidavit du directeur des opérations de SPX pour l'Île de Vancouver décrivait l'effort considérable que cette révision a exigé12 .

À l'étude de la question de savoir si un délai d'environ un jour ouvrable était « un délai suffisant pour présenter une soumission » ou si l'information pertinente était communiquée « suffisamment à l'avance » pour en tenir compte et agir en conséquence, le Tribunal a pris note des délais globaux de soumission envisagés dans les accords commerciaux. L'article 1012 de l'ALÉNA et l'article XI de l'AMP prévoient tous deux que le délai de réception des soumissions ne sera pas inférieur à 40 jours pour permettre aux soumissionnaires de préparer leurs soumissions en réponse à une invitation à soumissionner. Dans ce contexte, ne permettre environ qu'un jour ouvrable pour agir en conséquence d'un changement aussi important de la spécification technique est manifestement ne pas accorder « suffisamment de temps » pour tenir compte de l'information pertinente et agir en conséquence, contrairement à ce que prévoient le paragraphe 1010(7) de l'ALÉNA et l'article IX de l'AMP et le délai total pour la présentation d'une soumission n'est pas un délai suffisant, au sens du paragraphe 506(5) de l'ACI.

TPSGC a soutenu que la conduite de Bosik prouve que cette dernière n'a pas véritablement considéré comme un élément significatif la pénétration périmétrique admissible, parce qu'elle n'a pas demandé de renseignements sur ce paramètre. La question à savoir si Bosik a effectivement demandé de tels renseignements n'est pas claire, puisque Bosik et TPSGC ont présenté des observations contradictoires à cet égard, et que ni l'une ni l'autre des parties n'a produit d'éléments de preuve à l'appui de ses observations. Toutefois, le Tribunal accueille l'affirmation de Bosik selon laquelle, en l'absence d'information contraire, elle avait supposé que le marché public était fondé sur une norme de pénétration de 10 pi, puisque, d'après son expérience, cette norme était celle qui s'appliquait à ces types de produits destinés à des installations similaires. Le Tribunal est d'avis que cette façon d'aborder un paramètre important n'était pas déraisonnable dans les circonstances.

TPSGC a aussi soutenu que, si elle estimait que le paramètre de pénétration périmétrique admissible était véritablement important, Bosik aurait fait état de ses hypothèses relativement à ce paramètre dans sa proposition. Selon le Tribunal, la réponse de Bosik à la modification no 3 ayant dû être préparée dans un délai exceptionnellement bref, il serait erroné de tirer une telle conclusion du simple fait que, dans certaines parties de sa proposition, Bosik a décidé d'inclure, en plus, ses hypothèses par écrit.

SPX a soutenu que le délai d'avis pour la modification no 3 était suffisant étant donné la pratique qui a cours dans le secteur des produits de sécurité des personnes et qui consiste souvent à accepter des modifications un ou deux jours avant la clôture de l'invitation. Le Tribunal n'est pas d'accord. La procédure d'appel d'offres doit respecter les règles établies par les accords commerciaux qui, en l'espèce, comme il en a déjà été fait mention, interdisent le délai insuffisant accordé pour agir en conséquence de la modification no 3. Même s'il est peut-être utile de tenir compte des normes de l'industrie dans certaines circonstances, lesdites normes ne peuvent être invoquées dans le but de les substituer aux dispositions des accords commerciaux. Le Tribunal observe que Global Upholstery, l'affaire invoquée par SPX à l'appui de son argument, traitait des normes de l'industrie dans le contexte des exigences possibles des gouvernements relativement aux délais de livraison. À l'encontre des délais de réponse à des modifications d'une DP, il ne s'agit pas là d'un domaine régi par des dispositions expresses des accords commerciaux.

De plus, le Tribunal ne voit pas clairement dans quelle mesure les normes de l'industrie invoquées par SPX sont pertinentes aux produits visés dans le présent marché public. Le Tribunal observe qu'un des affidavits produits par SPX à l'appui de sa position se rapporte à des produits liés au risque d'incendie, des produits qui n'exigent pas nécessairement les mêmes pratiques d'acquisition que les barricades de route élévatrices13 . Il n'est pas clairement établi non plus dans quelle mesure les autres affidavits produits par SPX s'appliquent aux barricades de route élévatrices par opposition à d'autres produits de l'industrie des produits de la sécurité des personnes, qui peuvent bien représenter une vaste gamme de produits.

TPSGC a soutenu que Bosik aurait dû demander une prorogation du délai de présentation de sa soumission, si elle avait eu besoin de plus de temps pour agir en conséquence de la modification no 3. Le Tribunal est d'avis, étant donné le délai extrêmement bref et les pressions connexes exercées sur les soumissionnaires relativement à leur obligation d'agir en conséquence de la modification no 3, qu'il convient de faire preuve de circonspection avant de tirer toute conclusion défavorable de l'omission par tout soumissionnaire de prendre des mesures proactives de cette nature. L'absence de demande de prorogation du délai pourrait être le simple reflet du fait que Bosik consacrait toutes ses énergies pour répondre au nouveau paramètre.

SPX a soutenu que le délai pour agir en conséquence de la modification no 3 était suffisant, puisque SPX et Bosik ont pu soumissionner avant la clôture annoncée. Toutefois, le Tribunal est d'avis que le fait que toutes deux aient réussi à traiter de la modification no 3 avant la fin du délai réglementaire ne signifie pas nécessairement qu'elles ont toutes deux bénéficié d'un délai suffisant pour agir en conséquence de ladite modification de la manière la plus avantageuse qui soit pour leur proposition respective.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que TPSGC a enfreint le paragraphe 506(5) de l'ACI, le paragraphe 1010(7) de l'ALÉNA et le paragraphe IX(10) de l'AMP et que la plainte est donc fondée.

Comme il a déjà été indiqué, d'après Bosik, étant donné que la DP était vague, elle a irrégulièrement été fondée sur un produit déterminé d'un fabricant déterminé. Bosik n'a pas dit si elle désirait qu'il soit tenu compte de cette allégation à titre de motif distinct de plainte. Toutefois, le contexte de cette allégation, de l'avis du Tribunal, indique que telle n'était pas l'intention de Bosik et que l'allégation était un simple argument de plus à l'appui de sa plainte selon laquelle TPSGC « a diffusé de l'information pertinente beaucoup trop près de la clôture des soumissions »14 [traduction]. Quoi qu'il en soit, même si le Tribunal devait tenir compte de cette allégation au titre d'un autre motif de la plainte, ce motif de plainte n'aurait pas été déposé dans les 10 jours ouvrables prévus à l'article 6 du Règlement. D'après les observations de TPSGC, Bosik a téléchargé la DP le ou vers le 6 janvier 2004, et le conseiller de Bosik a soulevé cette question, pour la première fois, dans une lettre adressée à TPSGC le 3 février 2004, soit plus de 10 jours ouvrables après la date à laquelle Bosik aurait vraisemblablement dû découvrir les faits.

En matière de procédure, le Tribunal constate que TPSGC et SPX ont tous les deux déposé des observations selon lesquelles Bosik se servait de ses observations sur le RIF d'une manière irrégulière, à savoir comme moyen de modifier ses allégations et de compléter sa plainte en y ajoutant de nouveaux motifs. TPSGC a aussi soutenu que, si les observations de Bosik n'étaient pas supprimées du dossier, la décision du Tribunal contreviendrait à la Loi sur le TCCE et aux droits procéduraux de TPSGC. Le Tribunal rejette ces observations.

L'alinéa 107(5)c) des Règles autorise expressément le plaignant à déposer ses observations sur le RIF dans les cas où la procédure expéditive est appliquée15 . Ce droit d'avoir le dernier mot reflète la pratique largement établie en vertu des règles de justice naturelle en common law et qui consistent à accorder à la partie à qui incombe le fardeau de la preuve dans une procédure quasi judiciaire le droit de présenter ses arguments en dernier. Il ne peut être dit que les autres parties subissent un préjudice à cause de l'exercice d'un tel droit lorsque les dispositions législatives ont établi ledit droit en vue de son exercice dans ce contexte même.

Le Tribunal a examiné attentivement le fond des observations de Bosik sur le RIF et n'est pas d'avis qu'elles ajoutent de nouveaux motifs de plainte. Elles constituent simplement une réplique à la teneur du RIF en ce qui a trait au motif existant de la plainte, conformément aux dispositions de l'alinéa 107(5)c) des Règles. Par exemple, Bosik a soutenu que le RIF a à tort interprété la plainte comme affirmant que le ballast était le seul élément qu'il fallait modifier en conséquence de la spécification L1 et en alléguant que la modification no 3 n'était pas une modification importante. Aux termes de l'alinéa 107(5)c), le droit de Bosik de présenter des observations sur le RIF ne doit pas être interprété de façon étroite au point de l'empêcher d'ajouter des documents qui ne sont pas déjà inclus dans la plainte, puisque cette règle perdrait alors pratiquement toute utilité. Au contraire, le Tribunal est tenu d'interpréter les Règles « de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de [leur] objet »16 .

Mesure corrective et frais

Dans sa décision concernant la mesure corrective indiquée, le Tribunal a tenu compte de tous les facteurs qui sont intervenus dans le présent marché public, y compris les facteurs prévus au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Le Tribunal n'a pas constaté d'éléments de preuve de mauvaise foi de l'une ou de l'autre des parties à la présente procédure. Toutefois, le Tribunal est d'avis qu'accorder un délai de réponse insuffisant aux soumissionnaires pour qu'ils agissent en conséquence d'une modification importante de la DP, comme cela a été fait en l'espèce, constitue une irrégularité grave de la procédure de passation du marché public, une irrégularité pouvant avoir une incidence générale sur l'intégrité du mécanisme d'adjudication.

Le contrat concernant la première phase a été attribué à SPX le 30 janvier 2004, la date finale de livraison et de l'installation ayant été fixée au 31 mars 2004. Il est donc vraisemblable qu'une partie importante du travail ait déjà été exécutée et le Tribunal est d'avis qu'il ne serait pas utile à ce moment de recommander le lancement d'un nouvel appel d'offres pour ce besoin.

Toutefois, un préjudice a potentiellement été causé à Bosik et peut-être au troisième soumissionnaire. Si un délai suffisant avait été accordé pour agir en conséquence de la modification no 3, l'un ou l'autre des soumissionnaires aurait peut-être pu présenter une soumission à plus bas prix, techniquement recevable, et ainsi remporter le contrat. Par conséquent, le Tribunal recommande que Bosik soit indemnisée pour la perte de cette occasion, comme il est décrit ci-après.

Pour décider du montant des frais à adjuger en l'espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice). L'avis provisoire du Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au plus bas degré de complexité prévu à l'annexe A de la Ligne directrice (Degré 1). La Ligne directrice fonde l'évaluation du degré de complexité d'une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public est passablement faible, en ce sens que les marchandises y étaient définies simplement. Toutefois, le marché public comprenait l'installation des marchandises et la prise en considération de paramètres d'ingénierie de base. La complexité de la plainte est faible, en ce sens qu'elle consistait à résoudre une seule question, simple (permettant aux soumissionnaires un délai suffisant pour agir en conséquence d'une exigence modifiée du marché public), et un aspect unique des accords commerciaux applicables. Enfin, la complexité de la procédure est passablement faible, étant donné qu'il n'y a eu qu'un seul intervenant, qu'il n'y a pas eu de requête, qu'il n'y a pas eu d'audience publique et que la plainte a été réglée dans le délai de 45 jours prévu par la « procédure expéditive ». Toutefois, les questions soulevées par TPSGC concernant les observations de Bosik sur le RIF ont quelque peu accru la complexité de la procédure. De ce fait, comme le prévoit la Ligne directrice, le montant provisoire en ce qui a trait à l'indemnisation est de 1 500 $.

Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord sur le degré de complexité ou sur le montant des frais adjugés, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date de publication de la présente décision, en conformité avec la procédure prévue dans la Ligne directrice.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que TPSGC verse à Bosik une indemnisation d'un montant qui correspond à un tiers des profits qu'elle aurait raisonnablement réalisés si sa proposition avait été retenue. Le point de départ du calcul des profits perdus devrait être la valeur globale du contrat adjugé au soumissionnaire retenu dans le cadre de l'invitation no W0103-031TAY/A. Le Tribunal recommande que les parties élaborent une proposition conjointe d'indemnisation afin de la lui présenter dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision.

Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Bosik le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L'indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte pour le Tribunal est le degré 1, et le montant provisoire de l'indemnisation est de 1 500 $. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait à l'indication provisoire du degré de complexité ou du montant provisoire de l'indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve le droit de fixer le montant final de l'indemnisation.


1 . Le Tribunal a initialement reçu la plainte le 6 février 2004. cependant, il a demandé des renseignements supplémentaires, que Bosik a déposés par la suite, soit le 12 février 2004.

2 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

3 . D.O.R.S. /91-499 [Règles].

4 . D.O.R.S. /93-602 [Règlement].

5 . Re plainte déposée par Global Upholstery Co. Inc. (1er novembre 2000), PR-2000-028 (TCCE) [Global Upholstery].

6 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

7 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

8 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

9 . Affidavit de M. Kevin Hincks, para. 20.

10 . David Mullan, Administrative Law, Toronto, Irwin Law, 2000 à la p. 244, cité dans Potter v. Halifax Regional School Board (2002), 215 D.L.R. (4e) 441 (C.A. N.-É.), para. 86.

11 . Observations de SPX sur le RIF, datées du 5 mars 2004, para. 19.

12 . Affidavit de M. Kevin Hincks, para. 16-19.

13 . Affidavit de M. George Lafrenière.

14 . Plainte, para. (i).

15 . Bosik a déposé ses observations sur le RIF dans le délai réglementaire prévu à l'alinéa 107(5)c) des Règles, même si TPSGC a prétendu, à tort, le contraire.

16 . Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, art. 12.