MARCOMM INC.

Décisions


MARCOMM INC.
Dossier no PR-2003-051


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 11 février 2004

Dossier no PR-2003-051

EU ÉGARD À une plainte déposée par Marcomm Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux prenne les dispositions nécessaires pour offrir à Marcomm Inc. la moitié du travail, en valeur, qui devait être accompli aux termes de l'invitation no W4181-020001/01/A. À titre de solution de rechange, si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux décide que cela n'est pas possible, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que Marcomm Inc. soit indemnisée d'un montant égal à la moitié des profits qu'elle aurait raisonnablement gagnés si elle avait été le seul titulaire d'une offre à commandes dans le cadre de l'invitation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Michel P.Granger
Michel P.Granger
Secrétaire

Date de la décision et des motifs :

Le 11 février 2004

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Agent d'enquête :

Michael W. Morden

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Partie plaignante :

Marcomm Inc.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Gerry H. Stobo

 

Jennifer Radford

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

David Holmes

 

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 

Stephen Conway

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 29 septembre 2003, Marcomm Inc. (Marcomm) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché public (invitation no W4181-020001/01/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) pour la fourniture et l'installation de câblage pour la transmission de la voix et des données devant servir à l'intérieur de bâtiments occupés par le ministère de la Défense nationale (MDN), dans la région de la capitale nationale.

Marcomm a allégué que le soumissionnaire retenu, Bell Canada (Bell), n'était pas conforme aux exigences obligatoires de la demande d'offre à commandes (DOC) et de l'énoncé de travail (ÉT). Plus particulièrement, Marcomm a allégué que Bell était non conforme parce que le personnel d'installation et de conception que cette dernière avait proposé n'avait pas l'expérience requise des produits de câblage VolitionMD, contrairement à ce qu'exigeait la DOC.

Marcomm a demandé, à titre de mesure corrective, que l'offre à commandes attribuée à Bell soit annulée et qu'elle soit plutôt attribuée à Marcomm, qui est, à son avis, le seul soumissionnaire conforme aux exigences obligatoires de la DOC. À titre de solution de rechange, elle a demandé que lui soit versé une indemnité en reconnaissance des profits ou de l'occasion qu'elle a perdus en se voyant refuser l'occasion d'exécuter le contrat. Marcomm a également demandé le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation de sa réponse à l'appel d'offres et pour le traitement de la plainte.

Le 10 novembre 2003, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal. Marcomm a déposé ses observations sur le RIF le 24 novembre 2003. Le 4 décembre 2003, le Tribunal a demandé à TPSGC des renseignements complémentaires sur l'évaluation de la proposition de Bell, et en particulier :

Comment TPSGC a-t-il évalué la conformité de la proposition de Bell (en ce qui concerne les installateurs et les concepteurs proposés) avec le critère obligatoire énoncé à l'annexe A, 3.2 a, i. et iii. et à l'annexe A, 3.2 b ii. (tout particulièrement en ce qui concerne le tableau des matériaux révisé)? Veuillez faire état de tous les renseignements que TPSGC a utilisés pour faire cette évaluation et expliquer le raisonnement qui a amené TPSGC à conclure que la proposition de Bell était conforme. Dans votre exposé, veuillez inclure tous les documents à l'appui, tels que les notes faites au moment de l'évaluation.

[Traduction]

Le même jour, TPSGC a demandé que le Tribunal accueille d'autres observations sur les observations qu'avait faites Marcomm sur le RIF. Le Tribunal a accueilli ces observations supplémentaires et les a envoyées à Marcomm pour obtenir ses observations, en même temps que la réponse de TPSGC à la demande de renseignements que lui avait faite le Tribunal le 4 décembre 2003. Marcomm a demandé une prorogation du délai pour déposer ses observations sur la réponse de TPSGC à la demande de renseignements du Tribunal. La prorogation a été accordée, et Marcomm a fourni ses observations finales au Tribunal le 17 décembre 2003.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 7 juillet 2003, le TPSGC a diffusé un DOC, au nom du MDN, la date de clôture étant fixée au 22 juillet 2003. Le marché public est régi par l'Accord sur le commerce intérieur 2 .

En ce qui concerne les renseignements que les soumissionnaires devaient fournir avec leurs propositions, la DOC comprenait les dispositions suivantes :

56) [...]

En plus des exigences de l'Annexe B, les soumissionnaires doivent, dans leur offre technique, présenter le profil de leur entreprise et de l'information sur la capacité de leurs effectifs.

[...]

2) Capacité de leurs effectifs

[...]

INSTALLATEURS

Afin de respecter le niveau d'effort minimum exigé, le soumissionnaire doit démontrer qu'il a à son service au moins de vingt-six (26) installateurs, qui doivent tous respecter les critères minimums de compétence précisés dans la DOC, ainsi que dans l'EDT et dans la LVERS et que des employés sont disponibles moyennant un bref préavis (d'au plus cinq jours ouvrables). Les soumissionnaires doivent fournir des détails sur au moins vingt-six (26) installateurs; ils doivent présenter les renseignements suivants pour chaque installateur proposé afin de démontrer qu'ils possèdent la capacité nécessaire pour assurer le niveau d'effort prévu.

Information - INSTALLATEURS

Details requis

Nom de la personne

 

Niveau de la cote de sécurité du personnel

 

Employeur

 

Études

Indiquer quand et où chaque installateur a suivi le cours d'installateur BICSI [Building Industry Consulting Services International] ou l'équivalent (EDT, Annexe A, 3.2, a, iv).

Expérience professionnelle

Exposer brièvement l'expérience professionnelle des installateurs au cours des deux dernières années, pour démontrer que les exigences des alinéas i, ii et iii de la section 3.2 a., i., ii., [et] iii de l'Annexe A, EDT sont respectées. [Pour] l'expérience professionnelle, il faut préciser
- la date de commence[,]
- la durée,
- les travaux effectués [et]
- [les] responsabilités assumées.

CONCEPTEUR

Afin de respecter le niveau d'effort minimum exigé, le soumissionnaire doit démontrer qu'il a à son service au moins deux (2) concepteurs, dont l'un est un concepteur enregistré de distribution des communications (DEDC) du BICSI, tous les deux devant respecter les critères minimums de compétence précisés dans la DOC, ainsi que dans l'EDT. [...] Les soumissionnaires doivent fournir des détails sur au moins deux (2) concepteurs; ils doivent présenter les renseignements suivants pour chaque concepteur proposé afin de démontrer qu'il possède la capacité nécessaire pour assurer le niveau d'effort prévu.

Information - CONCEPTEUR

Details requis

Nom de la personne

 

Niveau de la cote de sécurité du personnel

 

Employeur

 

Études

Indiquer s'ils possèdent le titre de concepteur enregistré de distribution des communications (DEDC) du BICSI (EDT, Annexe A, 3.2, c.).

Expérience professionnelle

Exposer brièvement l'expérience professionnelle des concepteurs au cours des deux dernières années, pour démontrer que les exigences des alinéas 3.2 b., i, ii et 3.2 c. de la section 3.2 de l'Annexe A, EDT sont respectées. Pour l'expérience professionnelle, il faut préciser
- la date de commence,
- la durée,
- les travaux effectués et
- les responsabilités assumées.

Dans la section portant sur la procédure d'évaluation, la DOC prévoit également ce qui suit :

57) [...]

a) Seules seront évaluées les offres qui répondent à toutes les exigences OBLIGATOIRES précisées dans les présentes.

b) Évaluation cotée par points

[...]

(i) Critères obligatoires :

Les offres qui ne respectent pas l'ENSEMBLE des exigences obligatoires seront rejetées d'emblée.

L'article 3.2 de l'ÉT, qui figure à l'annexe A de la DOC, prévoit en partie ce qui suit :

L'entrepreneur doit fournir du personnel ayant des compétences particulières concernant l'installation et la conception de la technologie de câblage.

a. Chaque installateur fourni par l'entrepreneur doit avoir les quatre (4) compétences suivantes :

i. chaque installateur doit connaître l'installation de tous les produits de câblage énumérés à la pièce jointe 1, tableau 5-1 de l'ÉT;

ii. chaque installateur doit connaître l'installation, au raccordement, à la jonction et à la vérification des câbles en fibres optiques devant servir à l'intérieur des bâtiments;

iii. chaque installateur doit avoir un minimum de 1 an d'expérience, acquise au cours des deux dernières années, de l'installation de produits de câblage énumérés à la pièce jointe 1, tableau 5-1;

iv. chaque installateur doit avoir suivi le cours d'installateur de câblage BICSI ou l'équivalent.

b. Chaque concepteur fourni par l'entrepreneur doit avoir les compétences suivantes :

i. chaque concepteur doit avoir un minimum de 1 an d'expérience, acquise au cours des deux dernières années, de la conception de projets de câblage;

ii. chaque concepteur doit avoir un minimum de 1 an d'expérience, acquise au cours des deux dernières années, de la conception de projets de câblage utilisant les produits de câblage énumérés à la pièce jointe 1, tableau 5-1.

c. L'entrepreneur doit avoir à son service au moins un (1) concepteur enregistré de distribution des communications (DEDC) du BICSI. Ce représentant qualifié DEDC doit signer et estampiller les plans réalisés dans le cadre du présent contrat, lorsque le MDN en fait la demande.

L'annexe A, pièce jointe 1, REV 1, de juin 2003 (tableau 5-1), énumère 305 produits qui ont été réunis dans les catégories suivantes. « CATÉGORIE 3 Câble » [traduction]; « CATÉGORIE 5 Câble » [traduction]; « CATÉGORIE 5E Câble » [traduction]; « CATÉGORIE 6 Câble » [traduction]; « FIBRE OPTIQUE » [traduction] et « AUTRES MATÉRIAUX » [traduction]. Les produits qui font l'objet de la présente plainte portent les numéros 182 à 187, sont compris dans la catégorie « FIBRE OPTIQUE » et se lisent ainsi :

182

Panneaux de câblage montés sur châssis Volition, 24 ports

183

Panneaux de câblage montés sur châssis Volition, 48 ports

184

Fibre optique, fiche de connexion Volition, 62,5/125 um, VF-45 à VF-45, 2,0 m (rouge)

185

Fibre optique, fiche de connexion Volition, 62,5/125 um, VF-45 à VF-45, 2,0 m (jaune)

186

Fibre optique, connecteur à clé Volition de petit format (rouge)

187

Fibre optique, connecteur à clé Volition de petit format (jaune)

[Traduction]

Trois soumissions ont été reçues, dont celles de Marcomm et de Bell. La troisième soumission a été déclarée non conforme eu égard à un critère obligatoire en matière de sécurité.

TPSGC a établi que Bell avait présenté la soumission recevable la plus basse et, le 8 août 2003, il a attribué l'offre à commandes à Bell et a avisé les autres fournisseurs potentiels en conséquence.

Le 19 août 2003, Marcomm a assisté à une réunion d'information où on lui a dit que l'éducation de tous les soumissionnaires avaient été évaluée de façon cohérente. On lui a également dit que les soumissionnaires devaient indiquer leur conformité avec cette exigence obligatoire dans une matrice de conformité et signer la première page de l'invitation attestant qu'ils étaient conformes à toutes les exigences obligatoires de l'invitation.

Le 21 août 2003, Marcomm a soumis son avis d'opposition à TPSGC, alléguant que le personnel proposé par Bell ne satisfaisait pas aux critères obligatoires portant sur l'éducation3 et l'expérience acquise quant à l'installation et à la conception, tout particulièrement en ce qui concerne les produits de câblage VolitionMD. Le 15 septembre 2003, TPSGC a répondu à l'opposition de Marcomm et a refusé d'accéder à la demande de cette dernière que la DOC soit annulée. Marcomm a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 29 septembre 2003.

POSITION DES PARTIES

Position de Marcomm

La plainte de Marcomm comprenait deux allégations principales :

· La DOC exigeait qu'au moins 26 des installateurs proposés connaissent l'installation de tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1 de la DOC et aient acquis au moins un an d'expérience de l'installation de ces produits au cours des deux dernières années.

· La DOC exigeait que les 2 concepteurs proposés connaissent tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1 de la DOC et qu'ils aient acquis au moins une année d'expérience de la conception de ces produits de câblage au cours des deux dernières années.

Marcomm a allégué qu'elle était seule à être conforme à tous les aspects des exigences obligatoires ci-dessus, au motif que seuls ses employés avaient suivi les cours de formation VolitionMD exigés par le fabricant des produits, c.-à-d. 3M Corporation (3M). Marcomm a soutenu que 3M exige cette formation avant d'accorder à une organisation la désignation de « revendeur de produits à valeur ajoutée » ou avant d'accorder sa garantie à un projet exécuté par cette organisation. Marcomm a soutenu que, dans le cadre de la présente invitation, elle est le seul soumissionnaire à détenir une telle accréditation de la part de 3M. Elle a soutenu que, si d'autres soumissionnaires estimaient que les produits VolitionMD n'auraient pas dû être inclus dans le tableau 5-1, ils auraient pu s'y opposer avant la clôture des soumissions.

En ce qui concerne l'affirmation de TPSGC selon laquelle la DOC et l'ÉT ne peuvent pas être interprétés comme signifiant que les installateurs devaient avoir une expérience de l'installation de tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1, Marcomm a allégué que cette interprétation était fondée sur une comparaison entre les exigences d'« expérience » de l'article 3.2 a.iii de l'ÉT et les exigences de « connaissance » de l'article 3.2 a.i. En fait, selon Marcomm, TPSGC a indiqué que l'article 3.2 a.iii devrait être interprété comme signifiant que les installateurs devaient avoir une expérience de l'installation de certains produits de câblage énumérés au tableau 5-1, mais pas de tous. Selon Marcomm, cela irait manifestement à l'encontre de la signification claire de ces exigences ainsi que de l'intention et des objectifs généraux de la DOC.

Marcomm est d'avis que, même si l'article 3.2 a.iii de l'ÉT était interprété comme signifiant que les installateurs ne devaient avoir une expérience de l'installation que de certains des produits de câblage énumérés au tableau 5-1, ce que Marcomm nie expressément, Bell ne serait tout de même pas conforme aux exigences obligatoires, étant donné que ses installateurs ne connaissaient pas l'installation de tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1, comme l'exige l'article 3.2 a.i. Marcomm a soutenu que, selon les éléments de preuve non réfutés, les installateurs de Bell n'avaient pas travaillé avec les produits de câblage VolitionMD avant la clôture des soumissions4 . Par conséquent, selon Marcomm, si le personnel de Bell n'avait pas travaillé avec les produits VolitionMD avant la clôture des soumissions, elle ne pouvait pas soutenir dans sa soumission que son personnel connaissait leur installation.

En ce qui concerne les concepteurs, Marcomm a soutenu que l'article 3.2 b.ii de l'ÉT exigeait qu'ils aient acquis une année d'expérience, au cours des deux dernières années, de la conception de projets de câblage utilisant les produits de câblage énumérés au tableau 5-1, qui comprennent les produits de câblage VolitionMD. À propos de l'affirmation de TPSGC selon laquelle cette exigence ne doit pas être interprétée comme signifiant que les concepteurs devaient avoir de l'expérience de tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1, Marcomm a soutenu que, pour pouvoir accepter une telle interprétation, il faudrait interpréter l'article 3.2 b.ii comme signifiant que les concepteurs auraient acquis un minimum d'une année d'expérience, au cours des deux dernières années, de la conception de projets de câblage utilisant certains des produits de câblage énumérés au tableau 5-1. Marcomm a également soutenu qu'il est illogique de prétendre que, parce que cet article n'indique pas tous les produits de câblage, l'article signifie moins que tous (c.-à-d. certains) produits de câblage.

Marcomm a souligné que tous les soumissionnaires devaient indiquer dans la matrice de conformité s'ils étaient conformes aux exigences obligatoires. Marcomm a soutenu que, par conséquent, la soumission de Bell devait indiquer sa conformité avec toutes les exigences, y compris la section 56 de la DOC (Offre technique). Marcomm a allégué que, bien que ses installateurs n'aient pas d'expérience des produits VolitionMD, Bell a soutenu de façon incorrecte qu'elle était conforme à cette exigence.

Marcomm a également allégué que TPSGC ne niait pas les affirmations de Marcomm selon lesquelles les installateurs et les concepteurs de Bell ne connaissaient pas les produits VolitionMD énumérés au tableau 5-1 et n'avaient aucune expérience de ces produits. Selon Marcomm, ce n'est que quelque temps après que l'offre à commandes a été attribuée que les concepteurs et les installateurs de Bell ont reçu la formation relative aux produits VolitionMD5 .

En conclusion, Marcomm a indiqué que la conformité avec articles 3.2 a.i, 3.2 a.ii et 3.2 b de l'ÉT est obligatoire. Il ne s'agit pas d'exigences cotées, et il n'y a aucune échelle mobile pour reconnaître les soumissionnaires dont le personnel a de l'expérience de plus de produits de câblage que d'autres soumissionnaires; un soumissionnaire est soit conforme ou non conforme à toutes les exigences obligatoires.

Position de TPSGC

TPSGC a soutenu que la DOC ne comprenait aucune exigence obligatoire portant sur les études ou l'expérience relative aux produits VolitionMD.

En ce qui concerne l'exigence d'expérience, TPSGC a soutenu que la DOC exigeait que les installateurs des soumissionnaires aient une formation en installation et une connaissance générale de tous les types de produits de câblage énumérés au tableau 5-1, mais non une expérience concrète de l'installation de tous les produits de câblage énumérés. Selon TPSGC, les panneaux de câblage montés sur châssis VolitionMD, les fiches de connexion en fibre optique et les connecteurs à clé en fibre optique de petit format (articles 182 à 187 dans le tableau 5-1) ne représentent qu'un faible pourcentage des quantités énumérées. TPSGC a soutenu que, quand l'« annexe A, 3.2 a.i et a.iii sont considérées comme un ensemble, l'exigence est interprétée correctement comme signifiant que les installateurs doivent « connaître » l'installation de tous les produits énumérés au tableau 5-1 mais n'ont pas besoin d'avoir une expérience de l'installation de tous les produits »6 [traduction]. En ce qui concerne l'exigence portant sur l'expérience des concepteurs, TPSGC a soutenu que « le libellé non ambigu de l'annexe A, 3.2 b.i et ii. ne signifie pas que chaque concepteur doit avoir une année d'expérience de la conception de projets de câblage utilisant tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1. La raison en est que l'exigence de l'annexe A, 3.2, b.ii. ne précise pas qu'il faut une année d'expérience de tous les produits du tableau 5-1 et elle ne précise certainement pas que l'expérience doit comprendre la conception de projets de câblage utilisant les produits de câblage en fibre optique VolitionMD »7 [traduction]. TPSGC a soutenu qu'il était de son intention et de celle du MDN que les concepteurs et les installateurs proposés aient de l'expérience de la conception de projets de câblage et de l'installation de câblage, respectivement, y compris de l'expérience du câblage de fibre optique.

En réponse à la demande de renseignements faite par le Tribunal le 4 décembre 2003, TPSGC a soutenu que « les évaluateurs ont conclu que la proposition de Bell était conforme en ce qui concerne son niveau d'effort minimum parce qu'il apparaissait clairement dans la soumission de Bell que cette dernière avait la capacité voulue ou le nombre de personnes ayant les compétences nécessaires pour exécuter le travail demandé »8 [traduction]. Selon TPSGC, « les renseignements fournis sur chaque installateur ont été vérifiés par les évaluateurs pour assurer que chaque installateur proposé avait acquis un minimum d'un (1) an d'expérience au cours des deux (2) dernières années »9 [traduction]. TPSGC a soutenu que « les installateurs de Bell satisfaisaient facilement à cette exigence » [traduction] et qu'« il n'avait jamais été question que chacun des installateurs doive faire état de son expérience de chacun des produits énumérés au tableau 5-1 de l'ÉT, et ni Bell ni aucun soumissionnaire parmi les autres n'ont été évalués à cette fin »10 [traduction].

TPSGC a soutenu que toutes les soumissions ont été évaluées de façon équitable et en conformité avec la DOC, l'ÉT et les règles de l'ACI régissant la passation d'un marché public. Il a également soutenu que l'offre à commandes avait été diffusée de façon convenable, que la plainte devait être rejetée et que la Couronne devait être indemnisée pour les frais qu'elle avait engagés.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L'article 11 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 11 établit également que le Tribunal est tenu de déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, soit, en l'espèce, l'ACI.

Le Tribunal observe que les parties ne s'entendent pas sur la question de savoir si l'ALÉNA et l'AMP sont applicables en l'espèce. Marcomm a soutenu que le marché public aurait dû faire partie du groupe 59 de la classification fédérale des approvisionnements (CFA) au lieu du groupe 58 de la CFA, comme il est indiqué dans les documents du marché public, et que par conséquent l'ACI, l'Accord de libre-échange nord-américain 12 et l'Accord sur les marchés publics 13 devraient tous être applicables. TPSGC a fait observer que le Tribunal avait traité de cette question dans une plainte antérieure portant sur le même marché public et avait déterminé que seul l'ACI était applicable14 . Marcomm a soutenu que la plainte antérieure n'avait pas été acceptée pour enquête pour la raison, entre autres, que les biens et services faisaient partie du groupe 58 de la CFA.

Le Tribunal constate que le présent marché public est mené au nom du MDN, dont il est expressément question dans la section B de l'annexe 1001.1b-1 de l'ALÉNA et dans l'annexe 1, Canada, appendice I de l'AMP. L'annexe 1001.1b-1 de l'ALÉNA prévoit en partie que tous les services, qui se rapportent aux produits achetés par le MDN, qui ne sont pas désignés comme étant visés par le Chapitre 10, seront soustraits aux règles de ce chapitre. L'annexe 1, Canada, appendice I de l'AMP prévoit en partie que l'offre du Canada ne comprend pas les éléments suivants : tous les services, qui se rapportent aux produits qui sont achetés par le MDN, pour lesquels il n'est pas indiqué qu'ils sont visés par l'AMP. Dans les deux accords, ni le groupe 58 de la CFA ni le groupe 59 de la CFA ne figure sur la liste des produits visés pour le MDN. Par conséquent, le Tribunal conclut que l'ACI est le seul accord commercial qui s'applique au présent marché public.

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit en partie que « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. »

La plainte porte sur le libellé et l'interprétation des éléments suivants de l'article 3.2 de l'ÉT qui figure à l'annexe A de la DOC et qui prévoit en partie ce qui suit :

L'entrepreneur doit fournir du personnel ayant des compétences particulières concernant l'installation et la conception de la technologie de câblage.

a. Chaque installateur fourni par l'entrepreneur doit avoir les quatre (4) compétences suivantes :

i. chaque installateur doit connaître l'installation de tous les produits de câblage énumérés à la pièce jointe 1, tableau 5-1 de l'ÉT;

iii. chaque installateur doit avoir un minimum de 1 an d'expérience, acquise au cours des deux dernières années, de l'installation de produits de câblage énumérés à la pièce jointe 1, tableau 5-1;

b. Chaque concepteur fourni par l'entrepreneur doit avoir les compétences suivantes :

ii. chaque concepteur doit avoir un minimum de 1 an d'expérience, acquise au cours des deux dernières années, de la conception de projets de câblage utilisant les produits de câblage énumérés à la pièce jointe 1, tableau 5-1.

[Traduction]

Le Tribunal conclut que le libellé de l'article 3.2 a.i de l'ÉT est clair : les installateurs doivent connaître l'installation de tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1. Le Tribunal constate que TPSGC accepte cette interprétation15 .

Le Tribunal est d'avis que le libellé de l'article 3.2 a.iii de l'ÉT n'est pas clair; cependant, le Tribunal considère que la meilleure interprétation de cet article est que l'expérience de l'installation de tous les produits de câblage du tableau 5-1 n'est pas exigée, à la lumière du contraste avec le libellé de l'article 3.2 a.i, où se trouve le mot « tous ». En d'autres termes, l'article tel qu'il est rédigé exige de l'expérience de l'installation de certains des produits de câblage énumérés au tableau 5-1, mais pas de chacun des produits.

De même, le Tribunal est convaincu que le libellé de l'article 3.2 b.ii de l'ÉT concernant l'expérience de chaque concepteur de « la conception de projets de câblage utilisant les produits de câblage énumérés » [traduction] au tableau 5-1 n'oblige pas le concepteur à avoir de l'expérience de tous les produits de câblage énumérés au tableau 5-1, à cause de l'absence du mot « tous ».

En réponse à la demande de renseignements du Tribunal portant sur la conformité de la soumission de Bell avec le acritère en question, TPSGC a écrit en partie :

Il n'a jamais été question que chacun des installateurs doive faire état de son expérience de chacun des produits énumérés au tableau 5-1 de l'ÉT, et ni Bell ni les autres soumissionnaires n'ont été évalués à cette fin. C'est pourquoi les évaluateurs techniques ont déterminé que la soumission de Bell était conforme16 .

[Traduction]

TPSGC n'a pas établi clairement si le renvoi à l'« expérience » signifiait « expérience professionnelle » comme le mentionne la DOC17 , qui inclut à la fois la connaissance de l'installation (article 3.2 a.i de l'ÉT) et l'expérience de l'installation (article 3.2 a.iii) ou si l'intention était seulement d'inclure l'expérience de l'installation (article 3.2 a.iii) et de ne pas se prononcer sur l'article 3.2 a.i. De toute façon, TPSGC n'allègue pas qu'il a évalué la connaissance de l'installation de chacun des produits de câblage énumérés au tableau 5-1. En effet, les feuilles de travail des évaluateurs qui ont été fournies par TPSGC comprennent une seule entrée, « Oui » ou « Non » pouvant être encerclé eu égard à l'évaluation de la « capacité de leurs effectifs » des installateurs, qui comprend les critères de l'article 3.2 a.i et de l'article 3.2 a.iii. Ceci contraste avec l'examen des critères « Profil de l'entreprise » et « Évaluation de l'offre technique » qui comportent tous deux une liste de contrôle dans laquelle un nombre de points sont précisés et désignés comme étant conformes.

De plus, le Tribunal observe que les parties de la soumission de Bell fournies par TPSGC n'indiquaient la conformité avec l'article 3.2 a.i de l'ÉT qu'en termes généraux et ne traitaient pas de la conformité en termes des produits de câblage particuliers énumérés au tableau 5-1.

Par conséquent, le Tribunal conclut que, malgré le libellé non ambigu de l'article 3.2 a.i de l'ÉT, TPSGC n'a pas évalué la conformité avec cet article d'une façon cohérente avec les exigences de la DOC. Il en a résulté que TPSGC a considéré Bell comme un soumissionnaire conforme, bien qu'il n'ait pas déterminé que Bell satisfaisait au critère établi à l'article 3.2 a.i.

Par le passé, le Tribunal s'est dit d'avis que, à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d'un soumissionnaire, qu'ils n'aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu'ils aient donné une interprétation erronée de la portée d'une exigence, qu'ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l'évaluation n'ait pas été effectuée d'une manière équitable du point de vue de la procédure, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs18 . Dans la présente affaire, le Tribunal est d'avis que TPSGC ne s'est pas appliqué à évaluer l'article 3.2 a.i de l'ÉT d'une façon qui lui aurait permis de déterminer si oui ou non la soumission satisfaisait à cette exigence obligatoire, ce qui était clairement un vice de procédure.

Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte est fondée en ce qui concerne cette allégation, parce que le critère effectivement utilisé dans l'évaluation des soumissions eu égard à l'article 3.2 a.i de l'ÉT n'était pas clairement désigné dans les documents d'appel d'offres.

En ce qui concerne les exigences des articles 3.2 a.iii et 3.2 b.ii de l'ÉT, les éléments de preuve n'indiquent aucune raison pour que le Tribunal infirme le jugement des évaluateurs. Par conséquent, la plainte n'est pas fondée en ce qui concerne ces allégations.

Pour recommander une mesure corrective appropriée, le Tribunal a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes au présent marché public, y compris celles qui sont énoncées au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Le Tribunal n'a pas conclu que les éléments de preuve indiquaient qu'il y avait eu de la mauvaise foi de la part des évaluateurs. Cependant, le Tribunal estime que le fait d'ignorer le libellé clair du critère de la DOC est une erreur grave dans la procédure de passation du marché public, une erreur qui met en question l'intégrité générale de la procédure de passation du marché public en régime de concurrence.

Une offre à commandes a été attribuée à Bell en août 2003 pour une période de trois ans et il est donc probable qu'une grande partie du travail n'ait pas encore été exécutée. Cependant, le marché public qui fait l'objet de la présente plainte constitue la troisième tentative de TPSGC d'établir une offre à commandes pour l'exécution de ce travail. Étant donné l'histoire longue et difficile du présent marché public, le Tribunal n'est pas d'avis qu'il serait utile à cette étape de recommander soit une réévaluation de l'article 3.2 a.i de l'ÉT soit un nouvel appel d'offres.

Les résultats de l'évaluation de TPSGC, quoique viciés par rapport aux exigences de la DOC, indiquent que, de l'avis de TPSGC, les soumissions de Bell et de Marcomm étaient toutes deux acceptables d'un point de vue technique19 . Par conséquent, le Tribunal recommande que Marcomm soit indemnisée en reconnaissance de l'occasion qu'elle a perdue, ainsi qu'il est indiqué ci-dessous.

La plainte n'étant fondée qu'en partie, le Tribunal est d'avis que chaque partie doit assumer ses propres frais dans la présente affaire.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que TPSGC prenne les dispositions nécessaires pour offrir à Marcomm la moitié du travail, en valeur, qui devait être accompli aux termes de l'invitation no W4181-020001/01/A. À titre de solution de rechange, si TPSGC décide que cela n'est pas possible, le Tribunal recommande que Marcomm soit indemnisée d'un montant égal à la moitié des profits qu'elle aurait raisonnablement gagnés si elle avait été le seul titulaire d'une offre à commandes dans le cadre de l'invitation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

3 . Bien que cet avis d'opposition ait été inclus dans la plainte soumise au Tribunal, Marcomm a indiqué dans ses commentaires sur le RIF qu'elle ne donnerait pas suite à cette allégation dans la plainte.

4 . RIF, pièce 14 à la p. 2.

5 . Voir RIF, pièce 14.

6 . RIF, para. 19.

7 . RIF, para. 24.

8 . Réponse du TPSGC du 8 décembre 2003, para. 7.

9 . Ibid., para. 8.

10 . Ibid., para. 9.

11 . D.O.R.S./93-602.

12 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

13 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

14 . Voir la lettre du secrétaire du 13 août 2003 dans le dossier no PR-2003-038.

15 . RIF, para. 19.

16 . Lettre du 8 décembre 2003, para. 9.

17 . Partie 2 à la p. 34.

18 . Voir Re plainte déposée par ACMG Management Inc. (5 juin 2002), PR-2001-056 (TCCE); Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).

19 . Une troisième soumission avait été reçue et évaluée comme étant non conforme à un critère obligatoire en matière de sécurité.