APPDEPOT WEB SERVICES INC.

Décisions


APPDEPOT WEB SERVICES INC.
Dossier no PR-2003-069


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 8 mars 2004

Dossier no PR-2003-069

EU ÉGARD À une plainte déposée par AppDepot Web Services Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, le versement à AppDepot Web Services Inc. d'une indemnité d'un montant de 1 830 $, ce qui correspond au montant estimatif du douzième des profits qu'AppDepot Web Services Inc. aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé.

Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à AppDepot Web Services Inc. le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le Bureau du surintendant des institutions financières.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

Date de la décision et des motifs :

Le 8 mars 2004

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Agent principal d'enquête :

Cathy Turner

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Partie plaignante :

AppDepot Web Services Inc.

   

Institution fédérale :

Bureau du surintendant des institutions financières

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 23 décembre 2003, AppDepot Web Services Inc. (AppDepot) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (invitation no OSFI-BSIF 2003/001) passé par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) pour la prestation de services de remaniement du site Web et de gestion du contenu Internet.

AppDepot a allégué que le BSIF a incorrectement évalué sa proposition relativement au critère obligatoire O4 de la section 1.1.1.1 de la DP (O4) et aux critères cotés assortis aux titres et qualités en gestion de projet. À titre de mesure corrective, AppDepot a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF procède à une nouvelle évaluation des soumissions. À titre de solution de rechange, AppDepot a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF lui verse une indemnité pour perte d'occasion. De plus, AppDepot a demandé le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Le 30 décembre 2003, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 5 janvier 2004, le BSIF a avisé le Tribunal qu'un contrat avait été adjugé à i4design inc. Le 23 janvier 2004, le BSIF a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . AppDepot a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal le 4 février 2004.

La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

D'après le BSIF, une demande de propositions (DP) pour la prestation de systèmes de gestion du contenu Internet a été diffusée le 7 octobre 2003. La date de clôture pour la présentation des propositions a été fixée au 17 novembre 2003.

La DP prévoit en partie ce qui suit :

Partie III - MÉTHODE ET CRITÈRES D'ÉVALUATION

1.0 CRITÈRES D'ÉVALUATION

Le soumissionnaire doit fournir suffisamment de renseignements pour refléter ses titres et qualités relativement à chacun des critères. Ces renseignements sur les titres et qualités peuvent être présentés sous l'une ou l'autre des deux formes suivantes :

· Réponse point par point suivant l'ordre de la présente section (de préférence);

· Matrice renvoyant l'évaluateur à la section de la réponse (renvoi à la page et au paragraphe pertinents) où les renseignements sur les titres et qualités se trouvent.

1.1 Critères obligatoires [modifiés]

O4 Le soumissionnaire doit décrire sa capacité et son expérience dans le domaine visé et fournir une liste de jusqu'à cinq (5) projets menés à bien, dont la taille, la portée et la nature sont semblables, dans le cadre desquels le soumissionnaire a fourni des services. La similitude susmentionnée se définit comme il suit :

· Prestation de services de développement et de mise en oeuvre de systèmes de gestion du contenu Internet et de conception de sites Web et des services afférents à des clients présentant des besoins semblables à ceux décrits à la partie II - Énoncé des travaux.

1.2 Critères cotés

Pour chacun des critères obligatoires énumérés à la section 1.1 de la présente partie ci-dessus (O1 - O17), un critère coté correspondant (C1 - C17) figure dans la présente section.

1.2.2 Critères pour la proposition technique

1.2.2.2 Titres et qualités en gestion de projet [modifiés]

C4 Ces titres et qualités seront évalués en fonction de l'étendue et de la portée de l'expérience du soumissionnaire en prestation de services semblables relativement à des besoins semblables et de la pertinence de cette expérience relativement aux besoins du BSIF, comme ils sont définis à la section 2.0 - Portée des travaux de la partie III - Énoncé des travaux.

L'échelle de cotation ci-après, fondée sur le nombre d'occurrences d'offres de services semblables et leur pertinence aux besoins visés s'appliquera :

20 points

Le soumissionnaire a, en cinq (5) occasions, fourni avec succès des services semblables relativement à des besoins pertinents semblables, y compris au moins deux projets pour un ministère ou une agence du gouvernement fédéral.

15 points

Le soumissionnaire a, en cinq (5) occasions, fourni avec succès des services semblables relativement à des besoins pertinents semblables.

15 points

Le soumissionnaire a, en cinq (5) occasions, fourni avec succès des services semblables relativement à des besoins pertinents semblables, y compris au moins un projet pour un ministère ou une agence du gouvernement fédéral.

15 points

Le soumissionnaire a, en quatre (4) occasions, fourni avec succès des services semblables relativement à des besoins pertinents semblables, y compris au moins deux projets pour un ministère ou une agence du gouvernement fédéral.

10 points

Le soumissionnaire a, en quatre (4) occasions, fourni avec succès des services semblables relativement à des besoins pertinents semblables, y compris au moins un projet pour un ministère ou une agence du gouvernement fédéral.

10 points

Le soumissionnaire a, en quatre (4) occasions, fourni avec succès des services semblables relativement à des besoins pertinents semblables.

Nombre maximum de points possibles : 20

[Traduction]

La rubrique Question et réponse no 4 dit ce qui suit :

Question :

Nous sommes une société canadienne établie au Québec. Nous sommes une société de génie logiciel qui développe des logiciels de gestion du contenu Internet. En ce qui concerne vos besoins, notre produit est un logiciel standard piloté par paramètres. À notre avis, notre produit satisfait à tous vos critères obligatoires et représente une excellente solution à vos besoins.

Toutefois, à la page 27 de la section O4, il est indiqué que les cinq projets doivent comprendre au moins deux projets pour un ministère ou une agence du gouvernement du Canada. Nous pouvons effectivement soumettre cinq sources (clients) en référence, mais la présente est notre première tentative d'offrir des produits et services à un ministère ou une agence quelconque du gouvernement canadien.

Notre soumission sera-t-elle automatiquement rejetée s'il nous est impossible de fournir les deux références du gouvernement canadien susmentionnées?

Réponse :

Initialement OUI. Toutefois, la présente Question et réponse no 4 sert aussi de MODIFICATIF qui SUPPRIME l'exigence selon laquelle « au moins deux des cinq projets doivent avoir [été] des projets pour un ministère ou une agence du gouvernement fédéral ».

[Traduction]

D'après le BSIF, 12 propositions ont été reçues. Les propositions ont été évaluées du 18 au 28 novembre 2003. Le 3 décembre 2003, le BSIF a avisé tous les soumissionnaires, y compris AppDepot, des résultats de l'évaluation du procédé d'invitation. Le BSIF a indiqué qu'AppDepot n'était pas conforme au critère O4. Selon le BSIF, les soumissionnaires dont les propositions ne satisfaisaient pas aux critères obligatoires ont aussi été avisés que leur soumission, une fois déclarée non conforme, ne ferait pas l'objet d'une évaluation ultérieure.

Le 3 décembre 2003, AppDepot a communiqué avec le BSIF pour exprimer ses préoccupations au sujet des résultats de l'évaluation et a demandé une explication détaillée du procédé. Le 4 décembre 2003, le BSIF a informé AppDepot que sa proposition n'établissait pas clairement qu'elle avait mené à bien tous les cinq projets soumis relativement au critère O4, car elle n'avait pas décrit le projet ou les services afférents dans le cas d'un de ses projets. Le même jour, AppDepot a envoyé une lettre à l'honorable Ralph Goodale, lui exposant ses préoccupations au sujet des résultats de l'évaluation de sa soumission. Le 12 décembre 2003, en réponse à la lettre d'AppDepot à M. Goodale, le BSIF a informé AppDepot que l'équipe d'évaluation s'était réunie de nouveau et avait évalué la proposition d'AppDepot en fonction des critères cotés de la DP et que sa soumission n'avait pas obtenu le nombre minimum de points requis à la section 1.2.2.2 (Titres et qualités en gestion d'un projet) pour que sa soumission soit déclarée conforme. Plus tard ce même jour, AppDepot a exprimé ses réserves quant à la manière dont sa proposition avait été cotée et a demandé au BSIF de remédier à cette situation. Le 16 décembre 2003, le BSIF a avisé AppDepot qu'il n'était pas disposé à prendre les mesures correctives demandées par AppDepot. Le 18 décembre 2003, AppDepot a soumis sa plainte au Tribunal qui, après avoir reçu des renseignements supplémentaires le 23 décembre 2003, a déclaré que le dossier de la plainte était complet.

POSITION DES PARTIES

Position d'AppDepot

AppDepot a soutenu que le critère O4 retient l'expression « jusqu'à cinq (5) », et non « un minimum de cinq (5) », ni « au moins cinq (5) », ni simplement « cinq (5) ». D'après AppDepot, le critère coté C4 indique clairement qu'un soumissionnaire qui présente cinq occasions réussies de prestation de services semblables recevra 20 points lors de la cotation, tandis qu'un soumissionnaire qui en présente quatre recevra 15 points. Étant donné une telle matrice de cotation, AppDepot a soutenu qu'il faut supposer que la soumission de quatre projets menés à bien est aussi acceptable et non un motif de rejet de la proposition d'un soumissionnaire. AppDepot a ajouté, même si elle soutient toujours avoir fourni cinq références de projets pertinents dans sa proposition, que le BSIF a déclaré ce qui suit dans sa pièce de correspondance du 4 décembre 2003 : « Votre proposition a clairement établi l'existence de quatre projets semblables » [traduction]. D'après AppDepot, ceci indique qu'elle a satisfait au critère coté C4.

En ce qui a trait à l'affirmation du BSIF selon laquelle la présentation, par AppDepot, de son projet pour Saskatchewan Industry and Resources n'a pas clairement établi qu'elle avait mené à bien un projet de taille, de portée et de nature semblable au projet visé dans le marché public, AppDepot a soutenu avoir signalé que le projet comportant la livraison d'un remaniement du site Web de Saskatchewan Industry and Resources était inclus dans le sommaire de sa proposition, que l'introduction à la section 2.7 (Projets pertinents) de sa proposition faisait directement et indirectement état qu'elle a livré chacun des projets décrits dans les cinq études de cas et que le projet pour Saskatchewan Industry and Resources était inscrit dans le curriculum vitae du gestionnaire de projet proposé, inclus dans sa proposition.

AppDepot a soutenu que, après avoir examiné la cotation détaillée de sa proposition, elle a constaté une divergence entre les directives énoncées dans la DP et les critères cotés particuliers appliqués par l'équipe d'évaluation. Elle a soutenu avoir, en conformité avec les termes de la DP, fourni des renseignements concis dans l'ensemble de sa proposition, ce qui, à son avis, lui aurait porté préjudice aux fins de l'évaluation de sa proposition. AppDepot a aussi soutenu que sa proposition n'avait récolté aucun point, ou alors très peu, relativement à plusieurs critères dont sa proposition avait pourtant traité.

Dans sa réponse au RIF, AppDepot a dit avoir réduit à cinq le nombre de projets inclus dans sa liste parce qu'elle avait compris qu'elle devait soumettre « jusqu'à cinq » et non « plus de cinq » références de projet. AppDepot a donc soutenu que la réduction à cinq du nombre de projets compris dans sa liste ne signifie pas qu'elle avait interprété l'expression susmentionnée comme signifiant « exactement cinq ». AppDepot a affirmé que l'expression « jusqu'à cinq » incluse dans le critère O4 signifiait que les soumissionnaires devaient présenter un nombre de références de projet pouvant être aussi élevé que cinq, ce qui, autrement dit, veut dire un nombre « inférieur ou égal à ».

Position du BSIF

Le BSIF a soutenu qu'AppDepot n'avait pas satisfait à tous les critères obligatoires de l'invitation. Plus particulièrement, il a soutenu que, pour être déclarés conformes relativement au critère O4, les soumissionnaires devaient donner une liste et une description d'exactement cinq « projets menés à bien » dont les besoins étaient semblables au besoin énoncé dans l'invitation. Le BSIF a soutenu qu'AppDepot avait retenu la présentation de réponse « point par point » aux fins de sa proposition et présenté cinq projets; toutefois, dans le cas de la référence relative au projet pour Saskatchewan Industry and Resources, le BSIF a prétendu que la description ne comprenait pas de renseignements sur la nature des travaux exécutés par AppDepot et que la proposition n'établissait donc pas clairement que cinq projets avaient été menés à bien. Le BSIF a soutenu qu'AppDepot avait donc uniquement présenté la description de quatre projets menés à bien.

Le BSIF a soutenu avoir procédé à une « nouvelle évaluation » de la soumission d'AppDepot, à savoir l'évaluation de la totalité de la proposition de cette dernière, afin de pouvoir lui donner des renseignements complets sur les résultats de l'ensemble de sa proposition et que cette « nouvelle évaluation » n'a pas été la raison du rejet de la soumission d'AppDepot.

Eu égard à l'allégation d'AppDepot selon laquelle il y avait divergence entre les directives énoncées dans la DP et les critères d'évaluation appliqués par l'équipe d'évaluation, le BSIF a soutenu que la DP énonçait clairement que les propositions devaient être concises, mais devaient fournir suffisamment de renseignements pour établir la manière dont tous les titres et qualités avaient été satisfaits. Le BSIF a soutenu que la proposition d'AppDepot n'avait pas présenté suffisamment de renseignements pour établir qu'il était satisfait à tous les critères obligatoires.

En ce qui concerne les observations d'AppDepot au sujet de l'expression « jusqu'à cinq (5) », le BSIF a soutenu que l'affirmation d'AppDepot, selon laquelle « [m]ême s'il nous était possible de présenter plus de cinq (5) références de projets réalisés auprès des clients, dans le but de garder notre proposition concise et de nous conformer avec le critère "jusqu'à cinq", énoncé dans la DP, nous avons réduit notre liste de références à cinq projets » [traduction], montre qu'AppDepot avait bien interprété ce critère.

Finalement, le BSIF a demandé le remboursement des frais qu'elle a engagés relativement à la plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l'espèce, sont l'Accord sur le commerce intérieur 4 et l'Accord de libre-échange nord-américain 5 .

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit que, « [d]ans l'évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l'article 504. Les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. »

L'alinéa 1015(4)d) de l'ALÉNA prévoit que « l'adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l'appel d'offres ».

Le premier motif de plainte d'AppDepot est que le BSIF a à tort rejeté sa soumission du projet pour Saskatchewan Industry and Resources aux termes du critère O4. Le BSIF a jugé que le projet ne satisfaisait pas aux conditions du critère O4 parce qu'AppDepot n'avait pas clairement établi qu'elle avait mené ledit projet à bien parce qu'il manquait une description du projet ou des services fournis.

À l'étude de ce motif de plainte, le Tribunal a tenu compte des principes énoncés dans Polaris 6  :

Dans sa plainte, Polaris a soutenu, entre autres choses, qu'on ne lui avait pas attribué suffisamment de points relativement à plusieurs aspects de sa proposition. Après avoir passé en revue les éléments de preuve au dossier, le Tribunal ne voit pas pourquoi il conclurait que la proposition de Polaris n'a pas été évaluée conformément à la méthode et aux critères énoncés dans les documents d'appel d'offres ou que les évaluateurs n'ont pas correctement porté attention à ces articles au moment de l'évaluation. En l'absence d'éléments de preuve que l'évaluation n'a pas été effectuée d'une manière équitable du point de vue de la procédure, le Tribunal s'en remet normalement au jugement de l'équipe d'évaluation pour l'attribution des points au regard des exigences techniques cotées7 .

La section 1.0 de la partie III de la DP prévoit ce qui suit :

Le soumissionnaire doit fournir suffisamment de renseignements pour refléter ses titres et qualités relativement à chacun des critères. Ces renseignements sur les titres et qualités peuvent être présentés sous l'une ou l'autre des deux formes suivantes :

· Réponse point par point suivant l'ordre de la présente section (de préférence);

· Matrice renvoyant l'évaluateur à la section de la réponse (renvoi à la page et au paragraphe pertinent) où les renseignements pertinents sur les titres et qualités se trouvent.

La structure de la soumission d'AppDepot indique qu'elle a retenu la présentation point par point, ce qu'a également souligné le BSIF dans le RIF.

Le critère O4 prévoit ce qui suit :

Le soumissionnaire doit décrire sa capacité et son expérience dans le domaine visé et fournir une liste de jusqu'à cinq (5) projets menés à bien, dont la taille, la portée et la nature sont semblables, dans le cadre desquels le soumissionnaire a fourni des services. La similitude susmentionnée se définit comme il suit :

· Prestation de services de développement et de mise en oeuvre de systèmes de gestion du contenu Internet et de conception de sites Web et des services afférents à des clients présentant des besoins semblables à ceux décrits à la partie II - Énoncé des travaux.

Les cinq projets soumis par AppDepot en réponse au critère O4 sont décrits l'un à la suite de l'autre à la section 2.7 de sa soumission. À l'étude du texte se rapportant au projet pour Saskatchewan Industry and Resources, il semblerait que des renseignements très fondamentaux fassent défaut, relativement à la nature du projet réalisé par le soumissionnaire, par opposition aux quatre projets décrits immédiatement auparavant. Les renseignements ne renvoient pas les évaluateurs à d'autres parties de la soumission, aux fins de plus amples renseignements. Par conséquent, il n'était pas déraisonnable pour le BSIF de conclure que les renseignements sur le projet n'établissaient pas qu'il avait été mené à bien. Par conséquent, le Tribunal conclut que les éléments de preuve au dossier n'indiquent pas que le BSIF a agi d'une manière irrégulière lorsqu'il a rejeté le projet pour Saskatchewan Industry and Resources inclus dans la soumission d'AppDepot pour le critère O4, et conclut donc que ce motif de plainte est dénué de fondement.

Le deuxième motif de plainte d'AppDepot est que le BSIF a rejeté sa soumission d'une manière irrégulière parce qu'elle a soumis quatre, plutôt que cinq, projets satisfaisant aux conditions du critère O4.

Le Tribunal fait observer que le BSIF a reconnu qu'AppDepot avait effectivement soumis quatre projets menés à bien. La question que doit trancher le Tribunal est celle de savoir si le BSIF a eu raison de conclure que cinq projets menés à bien étaient nécessaires pour qu'une soumission soit conforme au critère O4.

Le critère O4 exige que les soumissionnaires soumettent « jusqu'à cinq (5) projets menés à bien ». AppDepot soutient que l'expression « jusqu'à cinq » signifie que les soumissionnaires devaient présenter un nombre de références de projet pouvant atteindre cinq, c.-à-d. cinq références de projet ou moins. AppDepot soutient aussi que son interprétation de l'expression susmentionnée est corroborée par le libellé du critère coté C4, ainsi qu'il a déjà été indiqué. Le BSIF a soutenu que la Question et réponse no 4, du 16 octobre 2003, indique une compréhension claire que la condition exigeait la présentation de cinq projets. Il a aussi soutenu que l'affirmation suivante d'AppDepot, dans sa lettre à M. Goodale, « [m]ême s'il nous était possible de présenter plus de cinq (5) références de projets réalisés auprès des clients, dans le but de garder notre proposition concise et de nous conformer avec le critère "jusqu'à cinq", énoncé dans la DP, nous avons réduit notre liste de références à cinq projets », établit qu'AppDepot avait clairement compris que cinq références de projet étaient requises.

Le Tribunal est d'avis que la signification du critère O4, pour ce qui a trait au nombre de projets requis, est claire : « jusqu'à cinq » signifie cinq projets ou moins, d'après le sens clair et simple de cette expression. Le Tribunal n'accueille pas les observations du BSIF selon lesquelles, à la lumière des éléments de preuve, il fallait pourtant interpréter l'expression « jusqu'à cinq » comme signifiant exactement cinq.

Le BSIF a renvoyé à la Question et réponse no 4 à l'appui de sa position. Le Tribunal est d'avis que le libellé de la Question et réponse no 4 indique que le soumissionnaire posant la question a l'intention de soumettre cinq projets en réponse au critère O4; cependant, rien n'y indique que la raison est qu'il pensait que cinq projets étaient nécessaires pour satisfaire au critère O4. Cette raison pouvait également être que le soumissionnaire croyait que présenter cinq projets améliorerait les résultats à l'évaluation de sa soumission, puisque le critère O4 servait de fondement au critère coté C4.

Le BSIF a aussi invoqué une phrase de la lettre d'AppDepot du 4 décembre 2003, adressée à M. Goodale, qui précise ce qui suit : « Même s'il nous était possible de présenter plus de cinq (5) références de projets réalisés auprès des clients, dans le but de garder notre proposition concise et de nous conformer avec le critère "jusqu'à cinq", énoncé dans la DP, nous avons réduit notre liste de références à cinq projets. » Le Tribunal est d'avis que cette phrase exprime simplement l'intention d'AppDepot de présenter cinq projets. Elle n'indique pas qu'AppDepot pensait qu'exactement cinq projets étaient requis aux termes du critère O4. De plus, le Tribunal fait observer que la phrase suivante de cette même lettre affirme que « la section O4 de la DP emploie l'expression "jusqu'à cinq (5) ", et non pas "un minimum de cinq (5) ", "au moins cinq (5) ", ni simplement "cinq (5) " ».

Par conséquent, le Tribunal conclut que le BSIF a incorrectement déclaré la soumission d'AppDepot non conforme au critère O4 au motif qu'elle avait présenté seulement quatre projets qui satisfaisaient aux conditions du critère O4. Par conséquent, la plainte à ce motif est fondée.

Le Tribunal remarque que l'interprétation susmentionnée du critère O4 se trouve corroborée au vu du critère coté C4, puisque ce dernier envisage la possibilité que certains soumissionnaires présentent moins de cinq projets relativement au critère O4. Plus précisément, le critère coté C4 attribue 10 points à un soumissionnaire qui soumet quatre occasions réussies de restation de services semblables répondant à des besoins pertinents semblables.

Le troisième motif de plainte d'AppDepot est que le BSIF a rejeté sa soumission d'une manière inappropriée en appliquant un processus d'évaluation irrégulier lorsqu'il a évalué la partie « Titres et qualités en gestion de projet » de la soumission d'AppDepot après l'envoi de la lettre de cette dernière à M. Goodale.

Selon ses dires, le BSIF a procédé à cette « nouvelle évaluation » uniquement pour donner des renseignements supplémentaires à AppDepot. Il a dit avoir rejeté la soumission d'AppDepot parce qu'elle n'était pas conforme au critère O4 et non en raison de la « nouvelle évaluation ». Le Tribunal ne traitera donc pas de ce motif de plainte.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte d'AppDepot est fondée en partie.

Dans sa recommandation d'une mesure corrective, le Tribunal a tenu compte de tous les facteurs qui sont intervenus dans le présent marché, y compris les facteurs énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. À titre de mesure corrective, AppDepot a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF procède à une nouvelle évaluation des soumissions. À titre de solution de rechange, AppDepot a demandé que le Tribunal recommande que le BSIF lui verse une indemnité pour perte d'occasion. De plus, AppDepot a demandé le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

Il est fondamental, pour la présente procédure de passation du marché public et pour l'intégrité du mécanisme d'achat en régime de concurrence, que l'institution fédérale respecte les critères d'évaluation établis dans la DP. Le BSIF ne l'a pas fait, même si le libellé du critère O4 sur le nombre de projets était clair. De ce fait, un préjudice a peut-être été causé non seulement à AppDepot, mais peut-être à tous les 12 soumissionnaires. Le Tribunal constate qu'il a aussi conclu qu'une plainte déposée par un deuxième soumissionnaire8 était fondée et que le BSIF n'avait pas appliqué les critères énoncés dans la DP. Toutefois, les éléments de preuve n'indiquent pas que le BSIF a agi de mauvaise foi.

Le Tribunal constate que le contrat a été attribué et que le BSIF a fait savoir que les travaux devraient être complétés à la fin de mars 2004. Une partie importante des travaux doit donc être déjà complétée. Il ne serait donc pas indiqué de recommander une nouvelle évaluation des soumissions ou le lancement d'un nouvel appel d'offres pour ledit marché.

Il est impossible de deviner quels auraient été les résultats du marché public si les soumissions avaient été évaluées en conformité avec les conditions permises dans la DP, étant donné le grand nombre de soumissionnaires et l'ambiguïté afférente au critère O4, soulignée dans la plainte de IHS.

Même s'il n'a pas eu besoin d'enquêter sur le fond de l'allégation d'AppDepot concernant l'évaluation, par le BSIF, de la partie « Titres et qualités en gestion de projet » de sa soumission, le Tribunal remarque qu'une personne raisonnable pourrait interpréter la pièce de correspondance envoyée par le BSIF à AppDepot comme signifiant, en fait, que l'évaluation a été une raison du rejet de la soumission. La pièce de correspondance du BSIF du 12 décembre 2003 prévoit ce qui suit :

En raison des préoccupations soulevées dans votre lettre adressée à M. Ralph Goodale le 4 décembre 2004, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a réuni à nouveau l'équipe d'évaluation des soumissions afin d'évaluer la proposition d'AppDepot en fonction des critères cotés énoncés dans la demande de propositions (DP).

J'ai le regret de vous informer que la soumission d'AppDepot n'a pas obtenu le nombre minimum de points requis à la section 1.2.2.2 (Titres et qualités en gestion de projet) pour être déclarée conforme. Vous trouverez ci-joint, à titre de renseignement, la partie de l'évaluation portant sur la section Titres et qualités en gestion de projet.

Il nous fera plaisir de tenir avec vous une réunion d'information complète relativement à votre proposition.

[Traduction]

Le Tribunal est d'avis que l'intention du BSIF en ce qui concerne la « nouvelle évaluation » n'est pas devenue claire avant le dépôt du RIF. Par conséquent, c'est le comportement du BSIF qui a poussé AppDepot à soulever ce motif de plainte.

De plus, le Tribunal remarque qu'il existe une nette possibilité que la « nouvelle évaluation », par le BSIF, de cette partie de la soumission d'AppDepot ait présenté de lacunes. Le Tribunal remarque, par exemple, relativement au critère coté C9, que le BSIF n'a pas attribué de point à AppDepot pour la gestion du changement et n'en n'a pas attribué non plus pour la solution de problèmes, même si la soumission d'AppDepot comprenait des textes qui traitaient clairement de ces deux conditions.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande que soit versée à AppDepot une indemnité d'un montant de 1 830 $9 , ce qui correspond au montant estimatif du douzième des profits qu'AppDepot aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé.

Enfin, le Tribunal accorde à AppDepot le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de sa plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, le versement à AppDepot d'une indemnité d'un montant de 1 830 $, ce qui correspond au montant estimatif du douzième des profits qu'AppDepot aurait raisonnablement réalisés si le marché lui avait été adjugé.

Aux termes de l'article 30.16 of la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à AppDepot le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le BSIF.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

5 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

6 . Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).

7 . Ibid. à la p. 7.

8 . Re plainte déposée par IHS Solutions Limited, (9 mars 2004), PR-2003-067 (TCCE).

9 . À cette fin, une marge bénéficiaire estimative de 15 p. 100 de la valeur du marché (excluant la TPS) a été retenue.