CAE INC.

Décisions


CAE INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2004-007

Décision rendue
le mardi 7 septembre 2004

Motifs rendus
le mercredi 22 septembre 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par CAE Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

CAE INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.

Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu'il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par CAE Inc. L'indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte pour le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 3, et l'indication provisoire du montant de l'indemnisation est de 4 100 $. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait à l'indication provisoire du degré de complexité ou à l'indication du montant de l'indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l'indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié à une date ultérieure.

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Agent principal d'enquête :

Cathy Turner

   

Conseillers pour le Tribunal :

John Dodsworth

 

Dominique Laporte

   

Partie plaignante :

CAE Inc.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Gordon LaFortune

 

Peter Clark

   

Intervenantes :

Bombardier Aéronautique, Formation à l'aviation militaire, une division de Bombardier Inc.
L-3 Communications, Link Simulation & Training

   

Conseillers pour les intervenantes :

Richard A. Wagner et Paul D. Conlin, pour Bombardier Aéronautique, Formation à l'aviation militaire, une division de Bombardier Inc.
Gregory O. Somers, pour L-3 Communications, Link Simulation & Training

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

David M. Attwater

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 22 avril 2004, CAE Inc. (CAE) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard d'un marché public (invitation no W8475-02BJ06/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour la fourniture d'un système avancé d'entraînement au combat réparti du CF-18.

2. CAE a allégué que TPSGC et le MDN n'avaient pas fait en sorte que la procédure de passation du marché public donne un accès égal au marché public et soit appliquée d'une façon non discriminatoire, en violation des accords commerciaux applicables. Le Tribunal a accepté d'enquêter sur ce motif de plainte uniquement dans la mesure où il n'était pas lié à la partialité alléguée des documents d'appel d'offres. À titre de mesure corrective, CAE a demandé que le Tribunal recommande à TPSGC de résilier le contrat passé avec Bombardier Inc. (Bombardier) et de l'adjuger à CAE. À titre de mesure corrective de rechange, CAE a demandé que le Tribunal recommande qu'il soit mis fin à la procédure de passation du marché public et qu'une nouvelle procédure de passation du marché public, ouverte, équitable, transparente et pleinement conforme aux accords commerciaux, soit lancée. À titre d'autre mesure corrective de rechange, CAE a demandé que le Tribunal recommande à TPSGC de l'indemniser en reconnaissance des frais qu'elle avait engagés pour la préparation de sa soumission et du profit qu'elle avait perdu. De plus, CAE a demandé le remboursement de frais raisonnables qu'elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

3. Le 3 mai 2004, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 4 mai 2004, CAE a déposé une requête pour obtenir que le Tribunal ordonne à TPSGC et au MDN de produire d'autres documents et de répondre à certaines questions. Le 6 mai 2004, TPSGC a avisé le Tribunal qu'un contrat avait été adjugé à Bombardier. Le 7 mai 2004, le Tribunal a autorisé Bombardier Aéronautique, Formation à l'aviation militaire, une division de Bombardier Inc., à intervenir dans l'affaire. Le 11 mai 2004, TPSGC a déposé une requête auprès du Tribunal pour obtenir des détails sur le motif de plainte faisant l'objet de l'enquête du Tribunal. Le 13 mai 2004, le Tribunal a rejeté la requête de TPSGC, puisqu'il était convaincu que ses lettres aux parties du 3 mai 2004 étaient suffisamment claires sur quels motifs de la plainte allaient faire l'objet de l'enquête. En outre, le 13 mai 2004, le Tribunal a autorisé L-3 Communications, Link Simulation & Training, à intervenir dans l'affaire. Le 17 mai 2004, TPSGC a déposé ses observations sur la requête du 4 mai 2004 de CAE. Le 19 mai 2004, CAE a déposé ses observations sur les observations de TPSGC. Le 31 mai 2004, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Le 11 juin 2004, le Tribunal a accueilli en partie la requête de CAE et a demandé à TPSGC de déposer certains documents auprès du Tribunal. Le 16 juin 2004, TPSGC a déposé les documents demandés. Le 23 juin 2004, CAE a déposé ses observations sur le RIF. Le 13 juillet 2004, TPSGC a déposé ses observations en réponse aux observations de CAE sur le RIF et, le 16 juillet 2004, CAE a répliqué aux observations de TPSGC.

4. La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

5. D'après TPSGC, une demande de propositions (DP) pour la fourniture d'un système avancé d'entraînement au combat réparti du CF-18 a été diffusée le 27 mars 2003. La date de clôture pour la présentation des propositions était fixée au 20 juin 2003.

6. La DP stipule en partie ce qui suit :

ÉVALUATION

L. DÉMONSTRATIONS

Il a été déterminé au préalable que le soumissionnaire « Bombardier » procédera à ses démonstrations pendant la semaine no 3 suivant la date de clôture des soumissions et que le soumissionnaire « CAE » procédera à ses démonstrations pendant la semaine no 4 suivant la date de clôture des soumissions. Les soumissionnaires pourront procéder à toutes les démonstrations qu'ils veulent durant cette période de démonstration de deux jours, y compris en reprenant des démonstrations passées s'ils le souhaitent. Aucune autre démonstration ne sera prévue en sus de celles prévues pour la période de démonstration de deux jours.

Les soumissionnaires pourront renvoyer, dans leurs propositions écrites, aux démonstrations officielles faites avant la Phase II de la procédure de passation du marché public. L'équipe d'évaluation ne se servira des résultats des démonstrations préalables à la Phase II de la procédure de passation que pour valider le contenu de la proposition écrite.

La confirmation par le Canada de la tenue d'une démonstration devant témoins avant la Phase II de la procédure de passation ne doit pas être interprétée comme une décision sur la qualité soit de la démonstration soit de la capacité démontrée ou comme l'acceptation de toute solution proposée par le soumissionnaire dans sa proposition subséquente. Avant tout, elle ne signifie en aucune manière qu'un soumissionnaire obtiendra le maximum possible des points, ou un nombre quelconque de points, pour sa proposition afférente à cet article requis.

Une démonstration devant témoins ne sera utile à un soumissionnaire aux fins de la notation d'une soumission que si la démonstration, telle qu'elle aura été faite devant témoins, appuie et valide directement la proposition écrite.

Rien de ce qui pourrait être lié à la reconnaissance de la tenue de démonstrations devant témoins ne soustrait de quelque manière que ce soit le soumissionnaire à sa responsabilité de présenter une proposition écrite pleinement élaborée et accompagnée des pièces à l'appui pertinentes.

[Traduction]

7. Deux sociétés ont été présélectionnées en vue d'une soumission en réponse à la DP, à savoir Bombardier et CAE, et toutes deux ont présenté une soumission en réponse à la DP. Bombardier a procédé aux démonstrations prévues à l'article L, « Démonstrations », de la DP les 23 et 24 juillet 2003, et CAE a procédé aux siennes les 29 et 31 juillet 2003. D'après TPSGC, les soumissions ont été évaluées entre le 14 août et le 30 septembre 2003. Le 19 mars 2004, un contrat a été adjugé à Bombardier. Le 31 mars 2004, TPSGC a tenu une brève réunion d'information avec CAE et a transmis une copie du Rapport du surveillant de l'équité à CAE. Le 1er avril 2004, CAE a présenté un certain nombre de questions à TPSGC à l'égard de la procédure de passation du marché public et de la procédure d'évaluation retenues par TPSGC aux fins du marché public. Le 6 avril 2004, TPSGC a répondu à certaines des questions de CAE et a refusé de répondre à certaines autres. Le 15 avril 2004, CAE a envoyé une lettre pour présenter une nouvelle opposition à TPSGC et, le 22 avril 2004, elle a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de CAE

8. CAE a soutenu que le Rapport du surveillant de l'équité4 établit clairement que les démonstrations préalables à la DP ont servi à élaborer les critères d'évaluation de la DP et les « descriptions imagées » [traduction] connexes à beaucoup de critères d'évaluation. Elle a soutenu que les membres de l'équipe d'évaluation qui avaient assisté aux démonstrations préalables à la DP5 se trouvaient placés dans une position d'influence parce qu'ils pouvaient préparer et distribuer des résumés écrits de ces démonstrations. CAE affirme que les sous-traitants du MDN ont influencé la procédure d'évaluation en faveur de la proposition de Bombardier et au désavantage de la proposition de CAE.

9. En ce qui a trait au rapport d'évaluation des risques de la proposition préparée par The HFE Group (HFE)6 , CAE a soutenu que, alors que le rapport ciblait les risques liés au calendrier de livraison hâtive proposé, il ne comportait pas d'analyse semblable relativement aux autres parties des propositions. Elle a soutenu que les évaluateurs avaient été autorisés à s'appuyer sur le rapport lorsqu'ils le jugeaient utile, ce qui signifiait qu'ils avaient été autorisés à justifier leur avis dans des domaines où le rapport de HFE n'avait aucune pertinence. D'après CAE, la décision de TPSGC et du MDN de permettre aux évaluateurs de s'appuyer sur le rapport de HFE d'une telle manière établit le fait que l'évaluation n'avait pas été tenue d'une manière régulière. CAE a aussi soutenu que le rapport de HFE pouvait être partial pour les motifs précisés dans sa plaidoirie confidentielle.

10. CAE a soutenu que deux des sous-traitants du MDN, qui faisaient partie de l'équipe d'évaluation, avaient fait plusieurs commentaires dans les notes des évaluateurs concernant la proposition de CAE, ce qui est la preuve d'une partialité favorisant Bombardier et que, plus particulièrement, une de ces personnes avait présenté des commentaires outrageants, qui attaquaient les motifs pour lesquels CAE avait présenté sa proposition, et avait fait montre de partialité. CAE a soutenu que la relation entre l'un des sous-traitants du MDN et Bombardier est un motif plus que suffisant pour susciter une crainte raisonnable de partialité. CAE a affirmé qu'il n'était pas suffisant que le sous-traitant mette fin à sa relation contractuelle avec Bombardier avant la diffusion de la DP par suite de préoccupations associées à un conflit d'intérêt. D'après CAE, cette personne aurait dû plutôt être retirée de l'équipe d'évaluation.

11. CAE a soutenu que, par application du critère établi dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) 7 , une personne bien renseignée, qui étudierait tous les faits de façon réaliste et pratique, conclurait nécessairement que, selon toute vraisemblance, la DP a été conçue de manière à ne pas pouvoir s'appliquer équitablement et les évaluateurs chargés d'examiner les soumissions présentées en réponse à la DP ne les évalueraient pas, consciemment ou non, d'une manière juste.

Position de TPSGC

12. TPSGC a soutenu que les spécifications incluses dans la DP sont entièrement fondées sur la performance et ne font montre d'aucune préférence en faveur d'un soumissionnaire quelconque ou d'une solution technique quelconque. Il a ajouté que l'énoncé des exigences techniques et des critères d'évaluation afférents a été affiché sur le site Web du projet le 1er novembre 2001 et que l'énoncé des travaux et des critères d'évaluation afférents a été affiché sur le site Web du projet le 11 janvier 2002, et que, de plus, ils ont été préparés collectivement par l'équipe du projet, y compris les sous-traitants du MDN, compte tenu de l'apport de tous les membres de l'équipe du projet.

13. TPSGC a soutenu que la DP faisait état du recours aux démonstrations préalables à la DP aux fins d'évaluation. En ce qui a trait à l'allégation de CAE selon laquelle les évaluateurs présents aux démonstrations préalables à la DP avaient eu une plus grande influence aux réunions de l'équipe d'évaluation et que leurs avis avaient prépondérance, TPSGC a fait valoir que certains ou tous les membres de l'équipe du projet avaient assisté aux réunions préalables à la DP et que les démonstrations de CAE à l'occasion de la DP avaient été faites devant six évaluateurs principaux, deux experts du domaine et le représentant de TPSGC. TPSGC a soutenu que, à la suite des démonstrations à l'occasion de la DP, les personnes qui y avaient assisté avaient collaboré à la préparation par écrit d'un résumé énumérant tous les articles visés dans les démonstrations préalables à la DP et à l'occasion de la DP faites par CAE. TPSGC a soutenu que l'échange de correspondance entre lui et CAE entre le 7 mars et le 30 avril 2003 avait bien appris à CAE ce qu'il en était des « observations écrites au sujet des démonstrations préalables à la DP » [traduction] et de l'usage qui allait en être fait dans l'évaluation des propositions. TPSGC a soutenu que CAE n'avait déposé aucun élément de preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle les démonstrations préalables à la DP avaient servi à préparer les critères d'évaluation et les directives sur la notation.

14. En ce qui concerne le rapport de HFE, TPSGC a soutenu que les évaluateurs étaient entièrement autorisés à s'appuyer sur le rapport dans la mesure qu'ils le jugeaient utile et pertinent. Il a soutenu que la DP prévoyait le recours à des consultants tiers pour aider à l'évaluation des propositions. TPSGC a affirmé qu'il ressort clairement de la DP que les propositions devaient être évaluées en fonction des trois facteurs d'évaluation suivants : la capacité, la conformité et les risques. En outre, il a soutenu que les risques associés à une livraison hâtive peuvent être pertinents dans l'évaluation des risques associés à d'autres aspects de la proposition d'un soumissionnaire.

15. En ce qui a trait aux évaluateurs qui étaient des sous-traitants du MDN, TPSGC a soutenu que, dès février 2002, CAE était au courant de l'existence d'une entente contractuelle entre un entrepreneur indépendant et Bombardier. TPSGC a soutenu que l'entrepreneur indépendant n'était pas un employé de Bombardier. Il a affirmé que CAE avait découvert ou aurait dû découvrir, au plus tard en février 2002, l'existence de la partialité ou du conflit d'intérêt allégués, réels ou apparents, liés à des sous-traitants du MDN, et à leur rôle dans la préparation des spécifications fondées sur la performance comprises dans la DP. Dans une lettre datée du 7 juillet 2003, CAE a avisé TPSGC du lieu où elle procéderait à ses démonstrations et a demandé le nom des personnes qui y assisteraient. Le 10 juillet 2003, TPSGC a communiqué ces noms à CAE. TPSGC a soutenu que CAE avait découvert ou aurait dû découvrir, au plus tard le 31 juillet 2003, l'existence de la partialité ou du conflit d'intérêt allégués, réels ou apparents, liés à des sous-traitants du MDN présents aux démonstrations et que, par conséquent, la plainte de CAE concernant le rôle des sous-traitants du MDN dans la procédure de passation du marché public n'avait pas été déposée dans les délais prescrits par le Règlement. Il a soutenu que, dans Cougar, la Cour d'appel fédérale avait déclaré que les accusations de partialité doivent être soulevées le plus tôt possible8 .

16. En ce qui a trait aux notes des évaluateurs, TPSGC a soutenu que les propositions techniques avaient été évaluées par application des résultats obtenus par consensus de six à huit évaluateurs. Il a ajouté que le chef de l'équipe d'évaluation avait examiné les résultats et les notes de chaque évaluateur afin de déterminer en partie s'il y avait lieu de procéder à des discussions ciblant un consensus. TPSGC a fait observer que CAE avait renvoyé à des extraits de seulement 4 des 298 notes préparées par un des sous-traitants du MDN et à un seul commentaire fait par un autre sous-traitant. TPSGC a soutenu qu'individuellement, et collectivement, lesdits extraits ne permettent pas de conclure à l'existence d'un profil d'hostilité personnel à l'encontre de CAE ou de la proposition de cette dernière, susceptible d'avoir indûment influencé leurs décisions. Ces extraits représentent plutôt des réactions particulières à des aspects particuliers de la proposition de CAE.

17. TPSGC a soutenu que le fait de désigner des lacunes et d'exprimer des critiques relativement à des aspects particuliers de la proposition de CAE ne constitue pas une preuve de la partialité d'un évaluateur. Il a ajouté que le texte intégral des notes des évaluateurs montre un examen équilibré et complet de la proposition de CAE et que les évaluateurs avaient énuméré tant les forces que les lacunes de la proposition et avaient accordé la note indiquée sur cette base. En ce qui a trait au critère établi dans Cougar, TPSGC a prétendu qu'une personne bien renseignée, qui tiendrait compte de l'ensemble des circonstances, conclurait que la proposition de CAE avait été évaluée d'une manière juste.

18. Enfin, TPSGC a demandé le remboursement des frais qu'elle avait engagés pour répondre à la plainte.

DÉCISION DU TRIBUNAL

19. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l'espèce, sont l'Accord sur le commerce intérieur 9 , l'Accord de libre-échange nord-américain 10 et l'Accord sur les marchés publics 11 .

20. L'article 501 de l'ACI prévoit en partie que « le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics ».

21. L'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA prévoit en partie que « [c]hacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités : a) soient appliquées de façon non discriminatoire ».

22. Le paragraphe VII(1) de l'AMP prévoit que « [c]haque Partie fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités soient appliquées de façon non discriminatoire et soient conformes aux dispositions des articles VII à XVI. »

Relation entre un évaluateur et Bombardier

23. CAE a allégué l'existence d'une crainte raisonnable de partialité par suite de la relation entre un des évaluateurs et Bombardier.

24. D'après TPSGC, d'avril 2000 au 18 janvier 2002 approximativement, il y avait une relation contractuelle entre un des évaluateurs et Bombardier en vertu de laquelle l'évaluateur fournissait ses services au MDN à titre de sous-traitant de Bombardier. Cette personne facturait Bombardier et était payée par Bombardier. Le MDN à son tour payait Bombardier. En pratique, cette personne recevait des directives du MDN plutôt que de Bombardier. À l'été 2001, elle a pris connaissance du fait que Bombardier pourrait soumissionner le projet en question et a attiré l'attention du MDN sur cette situation dans le but d'éviter toute perception possible de conflit d'intérêt. Il a subséquemment été mis fin à la relation entre cette personne et Bombardier, à la fermeture des bureaux le 1er février 2002; cependant, cette personne a continué à assumer son rôle auprès du MDN à titre de sous-traitant pour Valcom Ltd.

25. Le MDN a nommé cette personne comme un des membres de l'équipe d'évaluation, composée de six membres principaux, sept experts du domaine et un représentant de TPSGC.

26. Un membre de l'équipe de projet de CAE a indiqué que cette personne avait visité CAE au nom du MDN au moins six fois entre janvier 2000 et juin 2002 et qu'ils avaient tenu une réunion le ou vers le 20 février 2002 pour discuter de certaines des exigences du MDN relativement au projet en question. Il ressort des éléments de preuve au dossier12 que le membre de l'équipe de projet de CAE savait en février 2002 que cette personne travaillait pour Bombardier.

27. En juillet 2003, la personne en cause avait assisté à deux démonstrations aux installations de CAE, une à St. Louis (Missouri) et l'autre à Montréal (Québec), dans le cadre de la procédure d'évaluation. En tout, 10 représentants du gouvernement avaient assisté aux démonstrations, dont 8 évaluateurs. Avant les démonstrations, TPSGC a transmis une liste des participants à CAE et, dans le cadre de l'échange, CAE a déclaré : « Je vous saurais gré de me communiquer une liste qui précise "qui fait quoi" au sein de l'équipe d'évaluation »13 [traduction]. Il n'y a pas d'élément de preuve au dossier concernant une réponse de TPSGC. Toutefois, la déclaration de CAE montre que cette dernière estimait que les visiteurs composaient l'équipe d'évaluation. Le Tribunal est donc d'avis, même si le fait n'a pas été officiellement confirmé par TPSGC avant le dépôt de la plainte de CAE, que cette dernière aurait vraisemblablement dû avoir découvert que la personne en cause était un évaluateur au moment des démonstrations de juillet 2003. CAE affirme que les démonstrations lui ont effectivement donné lieu de le croire14 .

28. Aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement, CAE devait déposer sa plainte auprès du Tribunal dans 10 jours ouvrables suivant le jour où elle a découvert ou aurait vraisemblablement dû découvrir les faits à l'origine de sa plainte. Étant donné que CAE n'a pas déposé sa plainte à ce motif dans les délais prescrits par le Règlement, le Tribunal conclut qu'il est maintenant trop tard pour qu'elle dépose une plainte concernant la partialité ou une crainte raisonnable de partialité du fait de la relation entre la personne et Bombardier. Par conséquent, le Tribunal n'a pas compétence pour enquêter sur ce motif de plainte. Le Tribunal fait observer à cet égard que, conformément au critère énoncé dans Cougar, la question de la crainte raisonnable de partialité doit être soulevée « le plus tôt possible ».

29. Le Tribunal fait également observer que le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité, comme l'a établi la Cour suprême du Canada, est le suivant15 :

[À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?16

30. En l'espèce, la personne en question était unie à Bombardier depuis plus d'un an et demi par une relation contractuelle récente et continue en vertu de laquelle Bombardier la payait pour le travail qu'elle exécutait pour le MDN. Une telle relation aurait été un facteur important si le Tribunal avait dû appliquer le critère énoncé dans Cougar.

Visites préalables à la DP 17

31. CAE a allégué que deux des évaluateurs avaient développé une préférence à l'endroit du produit de Bombardier par suite de leurs visites préalables à la DP auprès des soumissionnaires, ce qui avait entaché la procédure d'évaluation de partialité.

32. Les renseignements concernant les démonstrations préalables à la DP ont été consignés dans des tableaux et des rapports de visites fournis par TPSGC. Le Tribunal conclut que ni les documents susmentionnés ni une autre preuve quelconque au dossier ne donnent lieu de croire à une partialité quelconque favorisant Bombardier à la suite des visites préalables à la DP. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n'est pas fondé.

33. CAE a aussi allégué l'existence de partialité dans la procédure d'évaluation du fait que ces deux évaluateurs avaient une plus grande influence, en ce qui a trait aux démonstrations préalables à la DP, que celle des autres évaluateurs qui n'avaient pas assisté à ces démonstrations. CAE a affirmé que les deux évaluateurs avaient fait au moins six visites chez CAE entre janvier 2000 et juin 2002.

34. Le 7 mars 2003, TPSGC a avisé CAE qu'une liste des démonstrations préalables à la DP que le Canada estimait avoir été faites devant témoins serait remise aux soumissionnaires potentiels et a décrit la façon dont les démonstrations serviraient dans le processus d'évaluation18 . Pour fournir à CAE une liste des articles dont elle avait fait la démonstration durant les démonstrations préalables à la DP, il a d'abord été demandé à CAE de désigner les articles qui, à son avis, avaient fait l'objet d'une démonstration. L'équipe de projet a ensuite examiné la liste de CAE, et a confirmé pour quels articles elle jugeait avoir été « témoin » [traduction]. Le 30 avril 2003, TPSGC a transmis à CAE sa liste de démonstrations en question. La DP énonçait des règles claires sur la façon dont les démonstrations serviraient dans le cadre de l'évaluation des propositions19 , et ces règles sont conformes à la procédure décrite dans l'avis communiqué à CAE le 7 mars 2003.

35. La DP indiquait aussi clairement que certaines exigences techniques seraient cotées en fonction de « descriptions imagées », renvoyant à la mesure dans laquelle les démonstrations avaient validé les renseignements contenus dans les propositions des soumissionnaires. Par exemple, à l'article CRT-171, la directive sur la notation se lit en partie ainsi :

3 - À la lumière des renseignements contenus dans la proposition écrite, et appuyés par la présentation de vive voix (le cas échéant) et la démonstration (le cas échéant), le soumissionnaire affirme être capable d'accomplir la solution conforme proposée et il présente une méthode crédible. Toutefois, les éléments de preuve directs de sa capacité sont limités. Le soumissionnaire est peut-être capable d'accomplir la solution proposée.

6 - À la lumière des renseignements contenus dans la proposition écrite, et appuyés par la présentation de vive voix (le cas échéant) et la démonstration (le cas échéant), le soumissionnaire affirme être capable d'accomplir la solution conforme proposée et il présente une méthode crédible. Il existe aussi des éléments de preuve raisonnables de son affirmation comme le corroborent des communications provenant de clients précédents. Le soumissionnaire est probablement capable d'accomplir la solution proposée.

[Traduction]

36. Il est vrai qu'il était vraisemblablement à prévoir que l'influence des évaluateurs présents aux démonstrations préalables à la DP soit plus grande que celle des autres évaluateurs en ce qui a trait aux aspects de l'évaluation pour lesquels les démonstrations préalables à la DP étaient pertinentes. Cependant, CAE savait qui avait assisté aux démonstrations préalables à la DP à ses installations, était au fait des indications contenues dans le résumé des démonstrations devant témoins et avait pris connaissance dans la DP de la façon dont les démonstrations seraient utilisées. Par conséquent, le Tribunal conclut que CAE aurait vraisemblablement dû avoir découvert au moment de la diffusion de la DP qu'il était à prévoir que l'influence des évaluateurs présents aux démonstrations préalables à la DP soit plus grande dans ce contexte. Par conséquent, cette allégation n'a pas été présentée dans les délais prescrits par le Règlement, et le Tribunal n'a pas compétence pour enquêter sur ce motif de plainte.

Notation

37. CAE a soutenu que divers commentaires de deux évaluateurs dans les notes des évaluateurs établissaient l'existence d'une partialité réelle dans la notation des soumissions. Le Tribunal a examiné avec soin les exemples soumis par CAE et, même si d'une façon générale ils peuvent être qualifiés de gratuits ou de sarcastiques, il n'est pas d'avis qu'ils indiquent nécessairement la partialité des deux évaluateurs. Le Tribunal fait observer que ces exemples représentent un petit échantillon par rapport au grand nombre de notes consignées par les deux évaluateurs. De ce fait, le Tribunal est d'avis que ce motif de plainte n'est pas fondé.

Rapport de HFE

38. CAE a allégué que le rapport de HFE pourrait être partial pour les motifs énoncés dans sa plaidoirie confidentielle20 . Très peu d'éléments de preuve ou d'arguments ont été déposés à l'appui de cette allégation. Le Tribunal estime que les éléments de preuve n'indiquent pas l'existence d'une partialité réelle et que les circonstances décrites dans cette allégation reflètent simplement un comportement commercial normal qui en soi ne donne pas nécessairement naissance à une crainte raisonnable de partialité. Le Tribunal est donc d'avis que ce motif de plainte n'est pas fondé.

39. En ce qui a trait à l'allégation de CAE selon laquelle les évaluateurs ont utilisé le rapport de HFE d'une manière irrégulière, le Tribunal fait observer que la DP laissait une grande latitude aux évaluateurs quant au recours pertinent à ce rapport. La DP prévoit ce qui suit : « Durant la période d'évaluation, des tierces parties seront consultées et auront accès aux propositions du soumissionnaire à la discrétion de la Couronne » [traduction]. Il ne ressort pas des éléments de preuve que TPSGC et le MDN se sont servis du rapport de HFE d'une manière contraire à la DP. Le Tribunal est donc d'avis que ce motif de plainte n'est pas fondé.

40. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte de CAE n'est pas fondée.

Frais

41. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu'il a engagés pour répondre à la plainte. Pour décider du montant de l'indemnisation en l'espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (Ligne directrice), qui fonde l'évaluation du degré de complexité d'une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L'avis provisoire du Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au troisième degré de complexité prévu à l'annexe A de la Ligne directrice (degré 3). La complexité du marché public était très grande, en ce sens qu'il concernait la fourniture d'un système avancé d'entraînement au combat réparti du CF-18 comprenant un grand nombre de composants et de spécifications techniques, et les soumissionnaires devaient présenter leur soumission en respectant des présentations très complexes. La complexité de la plainte en soi était très grande, en ce sens qu'elle comprenait de multiples allégations concernant la partialité dans l'évaluation des propositions. Enfin, la complexité de la procédure était très grande. Il y a eu deux intervenantes et plusieurs requêtes, et la procédure a exigé le recours au délai de 135 jours. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l'indication provisoire du montant de l'indemnisation est de 4 100 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

42. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n'est pas fondée.

43. Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu'il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par CAE. L'indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte pour le Tribunal est le degré 3, et l'indication provisoire du montant de l'indemnisation est de 4 100 $. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait à l'indication provisoire du degré de complexité ou à l'indication provisoire du montant de l'indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l'indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Version confidentielle de la plainte, pièce 16.

5 . Les démonstrations préalables à la DP s'entendent des démonstrations formelles faites par les soumissionnaires avant la « Phase II de la procédure de passation du marché public » dont il est fait mention à l'article L de la DP.

6 . Version confidentielle du RIF, pièce 15. Le rapport de HFE a fourni une évaluation des risques traditionnelle, selon laquelle les risques étaient repérés et classés d'après la probabilité de leur occurrence et les conséquences pour le projet s'ils devaient se concrétiser.

7 . (28 novembre 2000), A-421-99 (C.A.F.) [Cougar].

8 . Ibid. à la p. 43. La Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit : « Il convient finalement de souligner que, depuis le début, Cougar était au courant de l'identité des membres du comité d'évaluation et qu'elle savait que deux d'entre eux avaient déjà travaillé avec des fonctionnaires de PAL. Les accusations de partialité doivent normalement être soulevées le plus tôt possible, à défaut de quoi on considérera qu'il y a eu renonciation à toute objection. Un candidat non retenu ne peut s'en servir pour contester la validité de la décision après avoir laissé le processus administratif suive son cours sans soulever d'objection. »

9 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm [ACI].

10 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

11 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

12 . Version confidentielle de la plainte, pièce 12.

13 . Version confidentielle du RIF, pièce 13.

14 . Version confidentielle de la plainte, para. 60.

15 . De Grandpré, J. dans son opinion dissidente dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, confirmée par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, Bell Canada, 2003 RCS 36.

16 . [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394.

17 . Lorsqu'il emploie l'expression « visites préalables à la DP », le Tribunal renvoie aux démonstrations préalables à la DP et à toute autre visite préalable à la DP qui pourrait avoir été faite auprès des soumissionnaires.

18 . Version confidentielle du RIF, pièce 9.

19 . Voir l'article L de la DP.

20 . Version confidentielle de la plainte, para. 75.