CAE INC.

Décisions


CAE INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2004-008

Décision rendue
le mardi 7 septembre 2004

Motifs rendus
le vendredi 10 septembre 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par CAE Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

CAE INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux renégocie, de concert avec CAE Inc. et AMS Limited, l'offre du constructeur de matériel avec Lockheed Martin Corporation afin de remplacer ou de confirmer l'offre en place du 5 mars 2004, à être utilisée par toutes les parties. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande également que tous les soumissionnaires originaux qui ont présenté une soumission avant la date de clôture des soumissions (c.-à-d. CAE Inc., AMS Limited et Lockheed Martin Corporation) soient autorisés à présenter à nouveau leurs propositions, au plus tard le 29 septembre 2004, afin d'y inclure l'offre du constructeur de matériel renégociée et toute modification qui en découle.

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre présidant

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié à une date ultérieure.

Membres du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Agent d'enquête :

Michael W. Morden

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Partie plaignante :

CAE Inc.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Peter Clark

 

Gordon LaFortune

   

Intervenante :

AMS Limited

   

Conseillers pour AMS Limited :

Jon R. Johnson

 

Cyndee Todgham Cherniak

   

Intervenante :

Lockheed Martin Corporation

   

Conseillers pour Lockheed Martin Corporation :

Richard A. Wagner

 

Jason P. T. McKenzie

   

Intervenante :

Thales Systems Canada

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 23 avril 2004, CAE Inc. (CAE) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché public (invitation no W8472-03CQ01/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) concernant un simulateur pour l'équipe de commandement de sous-marin (SÉCS-M) et les services de soutien connexes.

2. CAE a allégué que la demande de propositions (DP) ne donnait pas un accès égal au marché public, que TPSGC n'avait pas appliqué les dispositions de la DP et qu'il ne lui avait pas accordé un délai raisonnable pour soumettre sa proposition. Plus précisément, CAE a allégué qu'un soumissionnaire qui était un constructeur de matériel (CM) relativement à une partie du matériel à intégrer dans le SÉCS-M (soumissionnaire CM) détenait un avantage concurrentiel dans la DP par rapport à un soumissionnaire qui n'était pas un CM (soumissionnaire non CM), comme CAE. Elle a aussi allégué que, même si la DP exigeait que tous les soumissionnaires négocient des ententes avec certains CM désignés, dans le cas du système de conduite de tir des sous-marins (SCTS-M), TPSGC a négocié avec le CM du SCTS-M, à savoir Lockheed Martin Corporation (Lockheed), ce qui a placé CAE dans une position désavantageuse parce qu'elle n'a pas pu négocier à son propre avantage. Enfin, CAE a allégué que, puisque certains CM désignés par le gouvernement ne lui avaient pas donné en temps opportun l'information dont elle avait besoin pour compléter sa proposition, elle n'a pas disposé d'un délai raisonnable pour soumettre sa proposition.

3. À titre de mesure corrective, CAE a demandé que la DP et la procédure de passation du marché public soient modifiées pour accorder un traitement égal à tous les soumissionnaires potentiels et qu'un délai raisonnable lui soit accordé pour réviser et soumettre sa proposition à nouveau. Elle a aussi demandé le remboursement des frais qu'elle avait engagés pour la préparation et la présentation de sa soumission ainsi que pour le dépôt de sa plainte.

4. Entre le 26 mai et le 10 juin 2004, Lockheed, Thales Systems Canada (Thales) et AMS Limited (AMS) ont demandé à être autorisées à intervenir dans l'affaire et le Tribunal leur a accordé le statut d'intervenant. Le 9 juin 2004, TPSGC a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal. Entre le 18 et le 21 juin 2004, CAE, Thales et AMS ont déposé leurs observations respectives sur le RIF. Les observations déposées par CAE comprenaient des renseignements qu'elle avait désignés confidentiels. Les conseillers de Lockheed ont demandé l'autorisation de communiquer ces renseignements à leur client, puisque Lockheed pensait qu'il existait de nouveaux renseignements sur lesquels elle devrait présenter ses observations. Après avoir demandé les observations de toutes les parties intéressées, le Tribunal a décidé, le 7 juillet 2004, qu'une partie de l'information désignée ne semblait pas, à première vue, présenter un caractère confidentiel et a demandé à CAE de réviser la désignation. Le 13 juillet 2004, CAE a retiré une partie des renseignements confidentiels et a transmis au Tribunal de nouvelles pages de ses observations sur le RIF dans lesquelles l'information pertinente avait été supprimée. TPSGC et Lockheed ont présenté leurs observations sur les observations de CAE sur le RIF. Le 16 juillet 2004, CAE a présenté sa dernière réplique à la réponse de TPSGC aux observations sur le RIF, ainsi que ses observations sur les observations d'AMS et de Thales sur le RIF. Le 3 août 2004, CAE a déposé sa dernière réplique aux observations de Lockheed sur ses observations sur le RIF. Le 10 août 2004, le Tribunal a demandé à CAE de lui fournir des renseignements additionnels sur le moment où elle avait découvert que Lockheed pouvait être un entrepreneur principal possible, et plus précisément ce qui suit :

À quel moment CAE a-t-elle découvert que les constructeurs de matériel participeraient à la soumission pour le simulateur pour l'équipe de commandement de sous-marin (SÉCS-M), p. ex. CAE a-t-elle reçu une liste de fournisseurs qualifiés et, le cas échéant, quand l'a-t-elle reçue? Plus précisément, quand et comment CAE a-t-elle découvert que Lockheed Martin allait peut-être présenter une offre concurrentielle en tant qu'entrepreneur principal du contrat de SÉCS-M?

[Traduction]

5. CAE a répondu à cette demande le 11 août 2004. Lockheed et TPSGC ont déposé leurs observations sur la réponse de CAE. Le 26 août 2004, le Tribunal a retourné la pièce de correspondance de TPSGC. Le Tribunal a transmis les observations de Lockheed à CAE le 25 août 2004, uniquement à titre de renseignements. CAE a soumis sa réponse à ces observations le 31 août 2004. Le Tribunal a retourné cette dernière pièce de correspondance à CAE le 2 septembre 2004.

6. La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. La procédure de passation du marché public pour un SÉCS-M a été répartie en trois phases distinctes :

· L'étude d'analyse des options (AO) s'est poursuivie de juillet 2000 à novembre 2000. Elle a été menée par le Canadian Submarine Group (CSG) composé de CAE et de Computing Devices Canada (une division de General Dynamics Canada Ltd.). L'étude consistait en un examen et un rapport concernant les diverses options de conception et de développement du SÉCS-M.

· Une demande d'expression d'intérêt et de qualification (DEIQ) a été affichée d'avril à mai 2002. Elle établissait la procédure de passation du marché public pour le SÉCS-M et servait à qualifier les soumissionnaires pour désigner les sociétés capables d'entreprendre le travail et établir une liste des fournisseurs. Quatre sociétés/consortiums ont été qualifiés, y compris le consortium dirigé par CAE.

· La DP a été diffusée le 16 janvier 2004 et fixait la date de clôture pour la réception des soumissions au 13 avril 2004. Le contrat afférent permettra la conception, la fabrication, la mise à l'essai, la livraison, l'installation et le soutien logistique intégré du SÉCS-M. Simplement dit, le SÉCS-M se compose du simulateur de conduite de tir (SCT), qui comprend le SCTS-M, d'autres équipements opérationnels connexes et des systèmes de simulation intégrés. Ensemble, ces éléments serviront à l'instruction des sous-mariniers pour le fonctionnement du sous-marin de classe Victoria.

La troisième phase fait l'objet de la présente plainte.

8. Relativement à la troisième phase, il n'y a pas eu d'avis diffusé par l'intermédiaire du MERX2 , puisque la DEIQ avait servi à établir une liste des fournisseurs. La DP a été envoyée directement aux quatre sociétés/consortiums qualifiés, sous pli d'une lettre de TPSGC, le 16 janvier 2004. La DP donnait avis que les propositions devaient être présentées à TPSGC au plus tard à 14 h, le 6 avril 2004. Le 22 mars 2004, CAE a demandé une prolongation de deux semaines du délai de soumission. Le 29 mars 2004, TPSGC a accordé une prolongation d'une semaine, et trois propositions, à savoir celles de CAE, de Lockheed et d'AMS, ont été présentées dans le délai révisé pour la réception des soumissions, le 13 avril 2004.

9. La DP prévoit en partie ce qui suit :

3.2 Marchés de sous-traitance

Il incombe au soumissionnaire de négocier avec le constructeur de matériel (CM) qui a fabriqué le système de conduite de tir des sous-marins (SCTS-M) et d'inclure avec sa proposition une copie de la proposition négociée en provenance du CM et une lettre du CM confirmant sa soumission et sa volonté de conclure un marché de sous-traitance à l'adjudication du contrat et de fournir les données de conception nécessaires au développement du SÉCS-M. Les propositions du soumissionnaire désigneront clairement, à l'annexe A du contrat type, la partie concernant le simulateur du SCTS-M à titre de poste distinct.

Il incombe aux soumissionnaires de négocier au besoin avec les autres constructeurs de matériel (CM) qui sont les fabricants des systèmes d'armement et de communication et de nommer dans leur proposition les CM avec qui ils ont communiqué et négocié et d'inclure une lettre de chaque CM, indiquant leur volonté de conclure un marché de sous-traitance à l'adjudication du contrat et de fournir les données de conception nécessaires au développement du SÉCS-M.

[Traduction]

10. Le 5 mars 2004, Lockheed a envoyé, à tous les soumissionnaires entrepreneurs principaux du SÉCS-M, une copie de l'offre pour le SCT (offre du CM), qu'elle avait négociée avec TPSGC. L'offre prévoit en partie ce qui suit :

Reconnaissant que tous les entrepreneurs principaux potentiels doivent inclure un élément de SCTS-M dans leur offre pour le SÉCS-M, que TPSGC et le MDN ne souhaitent pas que le SCTS-M soit fourni au titre de bien fourni par le gouvernement, que tous les concurrents (y compris Lockheed) doivent être sur un pied d'égalité pour ce qui concerne les exigences liées au SCTS-M, et qu'un lien d'entrepreneur principal/entrepreneur en sous-traitance sera établi si Lockheed n'est pas retenue comme entrepreneur principal, TPSGC et Lockheed ont donc établi l'offre suivante accessible à tous les entrepreneurs principaux potentiels qualifiés [. . .] Lockheed fabriquera et livrera le SCT [. . .] au prix ferme de 3 024 350 $ (US). Ce prix est offert à tous les soumissionnaires principaux. Le prix a été négocié avec TPSGC et ne fera pas l'objet de réouverture.

[Traduction]

11. Le 18 mars 2004, dans un courriel envoyé à tous les soumissionnaires, TPSGC a confirmé que Lockheed se servirait aussi de ce même prix dans sa propre proposition.

12. Les 15 et 25 mars 2004, CAE a écrit à TPSGC pour faire opposition à la procédure de passation du marché public, soulignant que les soumissionnaires CM jouissaient d'un avantage concurrentiel injuste, étant donné qu'ils soumissionnaient aussi dans le cadre de la DP. Les lettres présentaient aussi des solutions possibles que TPSGC pouvait appliquer pour supprimer cette disparité alléguée. Le sous-ministre adjoint de la direction générale des Approvisionnements de TPSGC a répondu aux lettres le 8 avril 2004, déclarant que la DP avait été structurée de manière à acquérir un SÉCS-M complet d'une manière juste, ouverte et transparente conformément à l'article 501 de l'Accord sur le commerce intérieur 3 .

13. CAE a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 23 avril 2004.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

14. TPSGC a soutenu que l'allégation concernant tout avantage que détiendrait un soumissionnaire CM par rapport à un soumissionnaire non CM n'a pas été présentée dans les délais prescrits et est sans fondement. Il a soutenu que CAE conteste des circonstances inévitables liées à la propriété intellectuelle (PI) et à des considérations de sécurité internationale (International Traffic in Arms Regulation [ITAR]) afférentes au SCTS-M, une partie intégrante du SÉCS-M. Il a soutenu que CAE connaît l'importance du SCTS-M depuis 2000, année au cours de laquelle elle a mené l'étude AO alors qu'elle faisait partie du CSG. TPSGC a soutenu que la DEIQ avait aussi donné avis aux soumissionnaires potentiels de la nécessité de la participation des CM4 et avait aussi clairement indiqué que les soumissionnaires non CM ne seraient pas autorisés à avoir accès aux éléments du SCTS-M comportant des renseignements visés par la PI et par l'ITAR à moins que des ententes de travail aient été établies avec le CM du SCTS-M5 . TPSGC a soutenu que, dans sa réponse à la DEIQ, CAE avait reconnu et pleinement accepté la disposition obligeant à demander les licences du CM et les approbations d'entente d'aide technique connexes au droit d'utilisation de PI particulière.

15. TPSGC a affirmé que la spécification technique du SÉCS-M jointe en appendice B à l'Énoncé des travaux (ÉT)6 de la DP, qui a été envoyée à CAE le 16 janvier 2004, décrit le SCTS-M, le SCT et les contraintes auxquelles les soumissionnaires non CM sont assujettis relativement à l'accès aux renseignements exclusifs. Il a soutenu que toute opposition liée à cet aspect d'une différence quelconque perçue entre les soumissionnaires CM et les soumissionnaires non CM aurait dû lui être communiquée dans les 10 jours ouvrables suivant la diffusion de la DP. TPSGC a soutenu que CAE a présenté sa première opposition le 15 mars 2004, deux mois après avoir reçu la DP.

16. Eu égard à l'allégation selon laquelle la négociation de l'offre du CM contrevenait aux dispositions de la DP, TPSGC a soutenu que l'argument de CAE est contradictoire, au vu de la position de CAE selon laquelle les soumissionnaires CM disposaient d'un avantage dans la procédure de passation du marché public. TPSGC a soutenu que CAE ne peut, d'une part, prétendre être défavorisée du fait de l'incertitude des termes de son lien de sous-traitance avec Lockheed et, d'autre part, faire opposition à la démarche de TPSGC destinée à accorder un traitement juste et équitable pour tous les soumissionnaires par le CM du SCTS-M. TPSGC a ajouté que la clause 3.2 de la DP impose aux soumissionnaires une « responsabilité » de négocier avec les CM et que l'offre du CM les dégageait de cette responsabilité et faisait en sorte que tous les soumissionnaires obtiendraient le même prix établi par contrat.

17. TPSGC a soutenu que l'affirmation de CAE selon laquelle elle peut mieux négocier que TPSGC se fonde sur des circonstances non liées et ne prouve pas la capacité de CAE de négocier une meilleure offre du CM. TPSGC a soutenu que les modalités que CAE avait effectivement négociées à une autre occasion étaient fondées sur les mêmes taux négociés par le gouvernement pour le « client le plus favorisé » qui fondent l'offre du CM.

18. TPSGC a soutenu que l'allégation selon laquelle CAE n'avait pas eu un délai raisonnable pour présenter une soumission n'avait pas, elle non plus, été présentée dans les délais prescrits. Il a soutenu que CAE avait demandé, le 15 mars 2004, une prolongation de deux semaines de la période de soumission. TPSGC a soutenu avoir accordé une prolongation d'une semaine le 29 mars 2004. Il a ajouté que, à cette date, CAE avait découvert, ou aurait dû avoir découvert, qu'elle n'obtenait pas la prolongation de deux semaines qu'elle avait demandée et aurait donc dû présenter son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant le 29 mars 2004. Puisque la plainte n'avait été déposée auprès du Tribunal que le 23 avril 2004, TPSGC a fait valoir que la plainte à ce motif n'a pas été déposée dans les délais prescrits et doit être rejetée.

19. À titre subsidiaire, TPSGC a soutenu que les éléments de preuve inclus dans la plainte établissaient que CAE n'avait aucunement tenté de communiquer avec les CM pertinents, Thales Underwater Systems Ltd. (TUS) et Lockheed, avant que ne se soient écoulés des délais de cinq et de sept semaines respectivement, suivant la diffusion de la DP. Il a aussi soutenu que CAE n'avait pas demandé la prolongation avant que ne se soit écoulée une période de 10 semaines après avoir reçu la DP. TPSGC a souligné qu'aucun autre soumissionnaire n'avait demandé de prolongation et que CAE était en mesure de présenter sa proposition avant la date de clôture révisée des soumissions.

20. De plus, TPSGC a soutenu que la responsabilité première de la détermination des dispositions de l'invitation incombait au MDN et à TPSGC et qu'il n'est pas indiqué que CAE tente d'influer sur les exigences opérationnelles de l'invitation en proposant d'autres démarches d'acquisition (p. ex. la fourniture du SCT au titre d'équipement fourni par le gouvernement7 , l'acquisition du type à fournisseur unique du SCT auprès de Lockheed et l'acquisition du reste des besoins par l'intermédiaire d'un appel d'offres ouvert8 , le refus d'autoriser Lockheed à soumissionner pour le projet9 , l'annulation de l'entente passée avec le CM et l'autorisation pour CAE de négocier directement avec Lockheed10 , l'acquisition des droits sur les données pour que d'autres soumissionnaires puissent fournir une meilleure solution11 ) ou par l'intermédiaire d'options de capacité opérationnelle (p. ex. l'acceptation d'autres solutions de SCTS-M, à des simulations plutôt qu'au matériel véritable12 ).

21. TPSGC a soutenu que la plainte doit être rejetée et a demandé à recevoir le remboursement des frais qu'elle avait engagés relativement à la présente affaire.

Position de CAE

22. CAE a soutenu que TPSGC et le MDN avaient violé les dispositions de l'ACI et de l'Accord de libre-échange nord-américain 13 lorsqu'ils ont autorisé deux classes distinctes de soumissionnaires - les soumissionnaires CM et les soumissionnaires non CM - à présenter une soumission pour le contrat de SÉCS-M. Elle a soutenu que l'ACI et l'ALÉNA établissent le devoir d'agir équitablement qui oblige à donner à tous les soumissionnaires un accès égal aux marchés publics et que les dispositions de la DP, et plus précisément la clause 3.2 qui oblige les soumissionnaires à négocier avec les CM qui fabriquent le SCTS-M et les autres systèmes d'armement et de communication, contrevenaient à ce devoir. Elle a soutenu que les CM qui avaient aussi l'intention de présenter une soumission pour le contrat de SÉCS-M s'en étaient servis à leur avantage et au net désavantage de CAE. Elle a soutenu que l'offre du CM négociée entre TPSGC et Lockheed, ainsi que l'offre ferme de Lockheed pour les exigences en option (Option 2) de la DP, aggravaient davantage cette situation.

23. CAE a soutenu que l'offre du CM et l'Option 2 exerçaient une discrimination contre CAE parce qu'elles donnaient à Lockheed l'occasion de se servir des profits et des majorations liés à ces offres pour interfinancer d'autres aspects de sa soumission. Elle a soutenu que ces frais additionnels seront supportés par les soumissionnaires non CM. De plus, elle a soutenu que l'offre du CM était incomplète et que CAE serait contrainte de négocier, aux termes d'une date limite artificielle imposée par l'offre, des modalités liées à la garantie, au soutien et à l'accès au SCT. CAE a soutenu que Lockheed ne serait pas confrontée à une telle incertitude.

24. CAE a soutenu que l'offre du CM garantit aussi que seul le soumissionnaire retenu aura accès au SCT. Elle a soutenu que Lockheed s'est engagée à fournir la trousse complète de documents à l'entrepreneur principal, et non pas aux autres soumissionnaires. Elle a aussi soutenu que Lockheed a fourni des documents « épurés » pour la DP, car cette dernière soutient que les documents complets présentent un caractère exclusif. Elle a soutenu que Lockheed a accès au SCT et aux données liées au SCT et peut être certaine que sa solution est pleinement intégrée. CAE a soutenu que Lockheed, en lui refusant l'accès à ces renseignements, l'a privée de la possibilité de préparer une proposition en toute confiance, ce qui l'a obligatoirement assujettie à une certaine mesure de risque concernant la possibilité de difficultés liées à l'intégration du SCT au SÉCS-M.

25. CAE a soutenu que TUS, un fournisseur de sonars et sous-traitant de Lockheed dans le cadre de ladite soumission, a refusé de lui proposer un prix ferme relativement à une licence d'utilisation de ses données jusqu'à l'adjudication du contrat de SÉCS-M. CAE s'est donc trouvée dans une situation désavantageuse car TUS a pu communiquer ses véritables données sur les coûts à Lockheed, sa partenaire. CAE a soutenu que, du fait du refus de TUS de dûment lui fixer un prix, la proposition de CAE a dû être établie à partir de données estimatives, tandis que celle de Lockheed a pu être préparée à partir des chiffres véritables, ce qui a donc conféré un important avantage à Lockheed.

26. D'après CAE, à cause de la clause 3.2 de la DP, les soumissionnaires CM deviennent parties à la procédure de passation du marché public dont la responsabilité incombe à TPSGC. CAE a ajouté que les soumissionnaires CM connaissaient tous les frais liés à l'utilisation de leur matériel et ont eu accès à l'équipement et aux données connexes. L'absence de tous ces renseignements cruciaux, dont les soumissionnaires non CM ont été privés, a obligé ces derniers à s'appuyer sur des données estimatives, qui ont porté préjudice à la soumission de CAE. Elle a soutenu que TPSGC doit répondre des actions de TUS et de Lockheed et ne leur a pas imposé la discipline indiquée relativement à leurs actions, comme il a déjà été souligné.

27. CAE a soutenu que la clause 3.2 de la DP l'oblige à négocier avec les CM et que l'offre du CM lui a enlevé cette responsabilité et cette possibilité. Elle a soutenu qu'on aurait dû lui donner l'occasion de négocier de meilleures modalités que celles obtenues par TPSGC. Elle a soutenu que l'offre du CM négociée entre TPSGC et Lockheed n'est pas complète et ne traite pas de diverses modalités clés, et qu'aucun entrepreneur n'accepterait de conclure un tel type d'entente.

28. CAE a soutenu que la capacité de négocier directement avec les CM, comme l'énonce la clause 3.2 de la DP, représente pour elle une valeur importante et que la décision de TPSGC d'imposer l'offre du CM a, d'une manière irrégulière, privé CAE du droit de négocier directement avec les CM, et plus précisément avec Lockheed. CAE a soutenu avoir, par le passé, fait la preuve qu'elle était en mesure de négocier une meilleure entente que TPSGC. Elle a déposé en preuve un contrat dont les parties étaient Lockheed, TPSGC et CAE et à l'occasion duquel elle aurait prétendument réussi a réduire sensiblement le coût du contrat après un cycle initial de négociation par TPSGC.

29. CAE a soutenu que, par suite des décisions des soumissionnaires CM de s'appuyer sur leur position privilégiée pour lui refuser l'accès à des renseignements requis, le temps nécessaire pour répondre à la DP a été déraisonnablement court. Elle a aussi soutenu que la prolongation d'une semaine accordée par TPSGC, plutôt que la prolongation de deux semaines qu'elle avait demandée, n'était pas suffisante et ne respectait pas les dispositions des accords commerciaux qui prévoient d'accorder aux soumissionnaires un délai raisonnable pour la présentation des soumissions. CAE a soutenu que, en accordant cette prolongation d'une semaine, TPSGC avait reconnu l'insuffisance du délai de soumission initial.

30. D'après CAE, TPSGC a incorporé certains CM dans la procédure de passation du marché public en raison de la clause 3.2 de la DP. CAE a soutenu que TPSGC est responsable des actions de ces CM et donc responsable du fait que TUS, un sous-traitant de Lockheed, a causé un retard et apporté un refus relativement à la fourniture à CAE d'une proposition nécessaire de prix qu'elle avait demandée. Même si TPSGC a soutenu que CAE était la cause de son propre malheur parce qu'elle avait attendu trop longtemps avant de communiquer avec TUS et Lockheed, CAE a soutenu avoir agi d'une manière responsable et avoir communiqué avec les deux CM suffisamment tôt dans la procédure de passation du marché public.

31. CAE a soutenu que les faits qu'aucun autre soumissionnaire n'avait demandé de prolongation et qu'elle-même avait pu présenter sa soumission avant la date de clôture des soumissions ne sont pas un élément de preuve que le délai de soumission était raisonnable.

Position d'AMS

32. AMS a soutenu qu'elle aussi était un soumissionnaire non CM et que le marché public a été tenu d'une manière juste et équitable. Elle a aussi soutenu que les trois mois de la procédure d'appel d'offres avaient suffi pour compiler les renseignements requis des CM qui lui permettraient de présenter une proposition recevable.

33. Si le Tribunal devait accueillir la demande de CAE quant au remboursement des frais de préparation et de présentation de sa proposition, AMS demande que le Tribunal lui accorde la même mesure corrective. Elle a aussi demandé que, si le Tribunal accorde à CAE un délai additionnel pour réviser sa proposition et la présenter à nouveau, il lui accorde le même délai pour réviser et présenter à nouveau sa propre réponse à la DP.

Position de Lockheed

34. Lockheed a soutenu que TPSGC a tout tenté pour procéder à un appel d'offres en régime concurrentiel dans des circonstances où l'acquisition auprès d'un fournisseur exclusif, Lockheed, aurait pu être justifiée. Elle a soutenu que les droits de PI et les questions de l'ITAR sont extrêmement pertinents dans ledit marché public. Elle a fait valoir que Lockheed a conçu, développé, fabriqué et mis à jour le SCTS-M et que la PI est détenue exclusivement par Lockheed. En ce qui a trait à la question de l'ITAR, Lockheed a soutenu que des éléments du SCTS-M sont très étroitement contrôlés et strictement restreints. Elle a dit être disposée à aider tout soumissionnaire à obtenir la licence requise pour l'aider à obtenir des renseignements et à avoir accès aux documents complets, mais que CAE a choisi de ne pas demander la licence requise.

35. Lockheed a soutenu que les éléments de preuve déposés par CAE au sujet de la capacité de CAE de négocier un meilleur arrangement que TPSGC à l'occasion d'un autre projet mettant en présence Lockheed, TPSGC et CAE n'étaient pas complets. Elle a soutenu que CAE avait obtenu un prix moindre à la suite d'une vérification effectuée par TPSGC et d'une réduction de la portée des travaux et non pas à cause des aptitudes en négociation ou de la puissance de CAE.

Position de Thales

36. Thales a soutenu que la tentative de CAE visant à faire croire qu'elle avait délibérément refusé sa collaboration ou, à dessein, mal interprété les besoins de CAE de façon à défavoriser cette dernière est totalement non-fondée. Thales a soutenu que CAE ne lui a jamais communiqué suffisamment de renseignements pour lui permettre de comprendre ce que cette dernière voulait en termes de données. Thales a soutenu que CAE n'a jamais renvoyé à la clause 3.2 de la DP ou indiqué qu'elle attendait une réponse de Thales.

37. Thales a soutenu que, entre la conclusion de la DEIQ et la diffusion de la DP, toutes les parties avaient la possibilité de communiquer avec elle au titre de sous-traitant, mais que seule Lockheed avait amorcé des discussions officielles avec elle et qu'elle avait pu lui proposer un prix sur une telle base. Elle a aussi déclaré qu'un autre soumissionnaire avait aussi demandé la confirmation qu'elle lui fournirait un soutien si le contrat du SÉCS-M lui était accordé. Thales a dit avoir répondu à l'autre soumissionnaire de la même façon qu'à CAE, ce qui avait satisfait ce soumissionnaire.

38. Thales a soutenu que les prétentions contre elle ne sont pas corroborées par les faits et devraient être rejetées en conformité avec les observations présentées par TPSGC dans le RIF.

DÉCISION DU TRIBUNAL

39. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L'article 11 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 14 prévoit en outre que le Tribunal doit déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, selon CAE, sont l'ACI et l'ALÉNA en l'espèce.

40. À titre de question préliminaire, le Tribunal prend note que, dans le RIF15 , TPSGC a contesté l'argument de CAE selon lequel l'ALÉNA s'appliquait à la présente invitation à soumissionner. TPSGC a soutenu que l'acquisition entrait dans la portée de la « Federal Stock Classification [. . .] N10 Weapons Systems », un groupe exclu du champ d'application de l'ALÉNA en vertu du paragraphe 2 de la section A, Dispositions générales, de l'annexe 1001.1b-1. Le Tribunal remarque que, bien que certains éléments de l'invitation puissent entrer dans la portée du groupe 10 de la Federal Supply Classification (FSC), le besoin de SÉCS-M dans son ensemble doit être pris en considération aux termes de la FSC 69, « Équipements et appareils d'instruction et d'entraînement » qui entre dans la portée d'application de l'ALÉNA pour ce qui est des produits achetés au nom du MDN. Le Tribunal conclut donc que tant l'ACI que l'ALÉNA s'appliquent à l'espèce.

41. Dans sa plainte, CAE a affirmé que TPSGC et le MDN n'avaient pas dûment appliqué l'article 501 et les paragraphes 504(2) et 506(6) de l'ACI ainsi que les alinéas 1008(1)a) et 1013(1)h) de l'ALÉNA.

42. L'article 501 de l'ACI stipule que le chapitre cinq vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics. Le Tribunal a interprété le paragraphe 504(2) de l'ACI comme signifiant que les mesures afférentes aux marchés publics du gouvernement fédéral qui exercent de la discrimination entre les produits, les services ou les fournisseurs sont interdites, que ces mesures soient, ou pas, neutres au niveau des provinces ou des régions. D'une façon similaire, l'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA prévoit que les procédures de passation des marchés publics doivent être appliquées de façon non discriminatoire. Le Tribunal est d'avis que les trois dispositions susmentionnées sont pertinentes au premier motif de plainte de CAE, c.-à-d. l'omission d'assurer un accès égal au marché public, et seront également pertinentes au deuxième motif de plainte, comme il en sera traité ci-après. En ce qui a trait au paragraphe 506(6) de l'ACI et à l'alinéa 1013(1)h) de l'ALÉNA, le Tribunal est d'avis que ces dispositions ne sont pas pertinentes au premier motif de plainte car elles ne traitent pas de la discrimination.

43. En ce qui concerne le premier motif de plainte selon lequel TPSGC et MDN n'ont pas accordé un accès égal dans le cadre du marché public, le Tribunal ne croit pas qu'une procédure d'appel d'offres est nécessairement discriminatoire de façon inhérente lorsque les soumissionnaires ne sont pas sur un même pied d'égalité au moment de s'engager dans la procédure de soumission. Comme l'a affirmé CAE dans sa lettre du 15 mars 2004 à TPSGC16  : « Il ne fait aucun doute que certains soumissionnaires disposent de certains avantages concurrentiels dans certaines offres. Un tel état des choses fait simplement partie du mouvement commercial ordinaire de flux et de reflux » [traduction]. Le Tribunal fait observer que de tels avantages concurrentiels peuvent découler du fait qu'une société est titulaire d'un contrat, de la PI, de l'ITAR ou de divers autres facteurs commerciaux. Le Tribunal accepte cette déclaration de CAE et est d'avis que, si un soumissionnaire se trouve dans une situation désavantageuse, il ne s'ensuit pas nécessairement que la procédure d'appel d'offres appliquée par TPSGC présente un caractère discriminatoire.

44. Le Tribunal est d'avis que, en l'espèce, les procédures d'appel d'offres précisées dans la DP, avant l'offre du CM du 5 mars 2004, ne présentaient pas un caractère discriminatoire inhérent et n'accentuaient pas les avantages concurrentiels détenus par les CM, Lockheed et Thales, par rapport aux soumissionnaires non CM. Malgré les contraintes liées à l'ITAR et à la PI pour la partie de la DP se rapportant au SCT, le Tribunal est d'avis que TPSGC s'est conformé à l'esprit de l'article 501 de l'ACI et aux exigences du paragraphe 504(2) de l'ACI et de l'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA. Le Tribunal conclut donc que ce premier motif de plainte est sans fondement jusqu'à l'offre du CM, du 5 mars 2004.

45. De plus, relativement au premier motif de plainte de CAE, le Tribunal a demandé à CAE, le 10 août 2004, de lui communiquer des renseignements supplémentaires à savoir à quel moment elle avait découvert que Lockheed était aussi un entrepreneur principal pour le SÉCS-M. Étant donné les conclusions du Tribunal concernant le premier motif de plainte énoncées ci-dessus, l'information communiquée par CAE et les observations subséquentes de Lockheed sur cette réponse ont, au bout du compte, perdu leur pertinence aux fins de la décision du Tribunal.

46. En ce qui a trait au deuxième motif de plainte, CAE allègue premièrement que TPSGC et MDN n'ont pas appliqué les dispositions de la DP, en violation du paragraphe 506(6) de l'ACI et de l'alinéa 1013(1)h) de l'ALÉNA. Le Tribunal fait observer que ces dispositions prévoient que les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public afin que les fournisseurs puissent présenter des soumissions valables.

47. Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit en partie ce qui suit :

Les documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public.

48. L'article 1013 de l'ALÉNA prévoit en partie ce qui suit :

La documentation relative à l'appel d'offres qu'une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables.

49. Le Tribunal est d'avis que les accords commerciaux autorisent les entités acheteuses à apporter des changements ou des modifications au cours du déroulement d'une procédure d'appel d'offres, à condition qu'il s'agisse de modifications claires, que leur diffusion soit la même que celle des documents d'appel d'offres originaux et qu'elles n'imposent pas de problèmes supplémentaires, comme celui de créer une contrainte de temps non assortie d'une prolongation de délai. L'ajout ou la modification d'exigences techniques, le report de la date de clôture des soumissions et la suppression ou l'ajout de modalités pour le marché sont des exemples de révisions qu'il est possible d'apporter dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public.

50. En l'espèce, toutefois, le Tribunal conclut que l'offre du CM et la manière dont elle a été présentée ont eu une importante incidence sur la procédure de passation du marché public. Même si TPSGC a reconnu l'incidence que l'offre du CM avait eu sur la procédure de passation du marché public par l'intermédiaire des questions et réponses diffusées à tous les soumissionnaires le 18 mars 200417 , il l'a fait un bon 13 jours après que les soumissionnaires ont appris l'existence de cette offre du CM. Le Tribunal est d'avis que l'offre du CM a, en fait, modifié la clause 3.2 de la DP. Le Tribunal s'attendrait normalement que les modifications de la DP soient publiées par TPSGC et qu'on leur donne la même diffusion que les documents d'appel d'offres originaux. Le Tribunal note que l'offre du CM a, plutôt, été communiquée aux soumissionnaires sous forme de pièce jointe à une lettre de Lockheed18 . TPSGC a simplement déclaré, presque deux semaines après le fait, avoir retiré aux parties la responsabilité de négocier avec Lockheed le prix de base du SCT. À cet égard, le Tribunal conclut que la manière dont l'offre du CM a été présentée aux soumissionnaires avait eu pour effet de modifier la clause 3.2 d'une manière obscure, ce qui n'est pas compatible avec la procédure prescrite par les accords commerciaux applicables.

51. Le Tribunal est également d'avis qu'il importe de prendre en considération l'incidence de l'offre du CM à la lumière du paragraphe 504(2) de l'ACI et de l'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA, qui prévoient que les dispositions des appels d'offres doivent être appliquées d'une manière non discriminatoire.

52. À cet égard, le Tribunal accepte la déclaration de CAE selon laquelle les modalités négociées entre TPSGC et Lockheed laissaient toujours une incertitude considérable pour les autres soumissionnaires et ne leur accordaient aucune souplesse pour l'établissement des prix. Le Tribunal est d'avis que, en négociant l'offre du CM sans la participation active des autres soumissionnaires, TPSGC a supprimé la possibilité d'autres avantages que les soumissionnaires auraient pu obtenir de Lockheed en menant leurs propres négociations. Le Tribunal prend note que les soumissionnaires n'ont pas eu l'occasion de déterminer quelles conditions (p. ex. frais de garantie) il était le plus important de négocier avec Lockheed. Par conséquent, même si le prix de base de l'offre du CM apportait un certain degré de prévisibilité supplémentaire, le Tribunal est d'accord avec CAE sur le fait que l'offre du CM négociée par TPSGC a accru l'avantage concurrentiel de Lockheed dans la procédure d'appel d'offres.

53. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a contrevenu au paragraphe 506(6) de l'ACI et à l'alinéa 1013(1)h) de l'ALÉNA, pour ce qui concerne l'application indiquée des dispositions de la DP, ainsi qu'au paragraphe 504(2) de l'ACI et à l'alinéa 1008(1)a) de l'ALÉNA, pour ce qui concerne l'avantage concurrentiel de Lockheed. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que ce deuxième motif de plainte est fondé.

54. Eu égard au troisième motif de plainte de CAE, à savoir que TPSGC et le MDN ne lui ont pas accordé un délai raisonnable pour la présentation de sa soumission, le Tribunal fait observer que CAE a demandé, le 22 mars 2004, une prolongation de deux semaines et que TPSGC lui a accordé une prolongation d'une semaine le 29 mars 2004. Dans sa plainte, CAE a soutenu19 que cette prolongation, plus brève, n'a pas donné aux soumissionnaires qui n'étaient pas CM suffisamment de temps pour répondre à la DP. Le Tribunal conclut que CAE savait, le 29 mars 2004, qu'un délai plus long n'avait pas été accordé. En conformité avec l'article 6 du Règlement, CAE disposait d'un délai de 10 jours ouvrables à partir de cette date pour présenter une opposition à TPSGC ou déposer une plainte auprès du Tribunal.

55. Le Tribunal ne peut trouver aucun élément de preuve au dossier indiquant que, avant la présentation de sa plainte au Tribunal le 23 avril 2004, CAE a présenté une opposition à TPSGC. Étant donné qu'il y a plus de 10 jours ouvrables entre le 29 mars 2004 et le 23 avril 2004, le Tribunal détermine que la plainte à ce motif n'a pas été déposée dans les délais prescrits à l'article 6 du Règlement.

56. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal recommande à titre de mesure corrective que TPSGC renégocie, de concert avec CAE et AMS, l'offre du CM avec Lockheed afin de remplacer ou de confirmer l'offre en place du 5 mars 2004, et que ladite nouvelle offre soit utilisée par toutes les parties. Le Tribunal recommande que tous les soumissionnaires, y compris Lockheed, soient autorisés à présenter à nouveau leurs propositions, au plus tard le 29 septembre 2004, relativement à la partie des travaux qu'il faudra changer, par suite des négociations avec le CM.

57. Puisque la plainte est fondée en partie, chaque partie assumera ses propres frais dans la présente affaire.

DÉCISION DU TRIBUNAL

58. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

59. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC renégocie, de concert avec CAE et AMS, l'offre du CM avec Lockheed afin de remplacer ou de confirmer l'offre en place du 5 mars 2004, à être utilisée par toutes les parties. Le Tribunal recommande également que tous les soumissionnaires originaux qui ont présenté une soumission avant la date de clôture des soumissions (c.-à-d. CAE, AMS et Lockheed) soient autorisés à présenter à nouveau leurs propositions au plus tard le 29 septembre 2004, afin d'y inclure l'offre du CM renégociée et toute modification qui en découle.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Service électronique d'appel d'offres du Canada.

3 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

4 . RIF, pièce 2 à la p. 3.

5 . RIF, pièce 2 aux pp. 7, 8, 9.

6 . RIF, pièce 6 aux pp. 19, 20.

7 . Plainte, para. 149.

8 . Ibid.

9 . Ibid.

10 . Observations sur le RIF, para. 105.

11 . Ibid.

12 . Ibid.

13 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

14 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

15 . Section III à la p. 8, para. 4.

16 . Plainte, pièce 12 à la p. 4.

17 . RIF, pièce 12, Question et réponse D-1.

18 . Plainte, pièce 5.

19 . Para. 148.