TRUST BUSINESS SYSTEMS

Décisions


TRUST BUSINESS SYSTEMS
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossiers nos PR-2004-058 et PR-2004-059

Décision rendue
le vendredi 13 mai 2005

Motifs rendus
le mercredi 18 mai 2005


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À deux plaintes déposées par Trust Business Systems aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D'une décision d'enquêter sur les plaintes aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur en conformité avec les articles 6.1 et 107 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499;

ET À LA SUITE D'une ordonnance aux termes de l'article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

TRUST BUSINESS SYSTEMS

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que les plaintes sont fondées.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à Trust Business Systems une indemnisation d'un montant égal au profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé si elle avait été le soumissionnaire reçu eu égard aux invitations nos F7047-040176/A et T8211-040003/A. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande de plus que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à Trust Business Systems une indemnisation d'un montant approprié qui tient compte de l'ampleur du préjudice porté à l'intégrité et à l'efficacité du processus d'achat concurrentiel, de l'ampleur du préjudice porté à Trust Business Systems et à toutes autres parties intéressées et de l'ampleur de la bonne foi des parties. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que les parties élaborent une proposition conjointe d'indemnisation afin de la lui présenter dans les 30 jours suivant la publication de l'énoncé des motifs. Si les parties étaient incapables de s'entendre sur le montant de l'indemnité, elles devront séparément faire rapport au Tribunal canadien du commerce extérieur dans le même délai de 30 jours, après quoi le Tribunal canadien du commerce extérieur rendra sa recommandation à cet égard.

Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Trust Business Systems le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement des plaintes, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L'indication provisoire du degré de complexité des présentes plaintes donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 2, et l'indication provisoire du montant de l'indemnisation est de 2 400 $. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait à l'indication provisoire du degré de complexité ou à l'indication du montant de l'indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l'indemnisation.

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié à une date ultérieure.

Membre du Tribunal :

Meriel V. M. Bradford, membre présidant

   

Directeur de la recherche :

Marie-France Dagenais

   

Agent d'enquête principal :

Cathy Turner

   

Conseiller pour le Tribunal :

Nick Covelli

   

Partie plaignante :

Trust Business Systems

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Ian McLeod

 

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTES

1. Le 22 mars 2005, Trust Business Systems (Trust) a déposé deux plaintes auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 concernant des marchés publics (invitations nos F7047-040176/A et T8211-040003/A) passés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère des Pêches et des Océans (MPO) pour la fourniture de postes de travail.

2. Trust a allégué que TPSGC avait contrevenu à l'Accord de libre-échange nord-américain 2 et à l'Accord sur le commerce intérieur 3 en limitant les marchés publics à des produits de marque et en n'autorisant pas de produits équivalents. Elle a également allégué que TPSGC avait contrevenu à l'ALÉNA en ne lui fournissant pas les renseignements qu'elle avait demandés en vue de faire une soumission. De plus, Trust a allégué que TPSGC avait contrevenu aux accords commerciaux parce qu'il n'avait pas respecté sa propre procédure relative au traitement des demandes de renseignements pendant l'étape de l'invitation en ne publiant pas ses questions à titre de modification aux invitations.

3. Trust a demandé, à titre de mesure corrective, que le Tribunal recommande l'annulation des invitations par TPSGC et que de nouvelles invitations soient lancées conformément aux accords commerciaux. Dans le cas où un contrat lié aux invitations aurait déjà été adjugé, elle a demandé que le Tribunal recommande l'annulation du contrat de façon à établir un processus concurrentiel approprié. Subsidiairement, elle a demandé que le Tribunal recommande que TPSGC l'indemnise en reconnaissance de la perte de la possibilité de participer à l'appel d'offres et d'en tirer un profit et que, si une telle indemnisation est recommandée, que le montant de l'indemnisation soit établi conjointement par les parties. Dans le cas où il ne serait pas possible d'en arriver à une proposition conjointe, Trust a demandé que le Tribunal décide du montant de l'indemnisation. En outre, elle a demandé le remboursement des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement des plaintes.

4. Trust a demandé que le Tribunal dispose des présentes plaintes en vertu de la procédure expéditive établie dans l'article 107 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 .

5. Le 1er avril 2005, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur les deux plaintes, puisqu'elles satisfaisaient aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 5 . Il a aussi avisé les parties que, conformément au paragraphe 107(4) des Règles, le Tribunal appliquerait la procédure expéditive en l'espèce. De plus, le Tribunal a avisé les parties que, conformément à l'article 6.1 des Règles, il avait décidé de joindre les deux enquêtes en une seule procédure.

6. Le 4 avril 2005, TPSGC a informé le Tribunal qu'un contrat avait été adjugé à Compugen Inc. le 9 mars 2005 et un autre le 15 mars 2005. Le 8 avril 2005, TPSGC a déposé une requête demandant au Tribunal de rejeter par ordonnance les plaintes en se fondant sur le fait que Trust n'est pas un « fournisseur potentiel » et de reporter l'échéance du dépôt du rapport de l'institution fédérale (RIF) jusqu'à ce que le Tribunal ait pris sa décision à cet égard. Le 11 avril 2005, le Tribunal a rejeté la demande de report de l'échéance visant le dépôt du RIF. Il a fait parvenir la requête à Trust, l'informant que tout commentaire qu'elle voulait faire sur la requête devait être inclus avec ses commentaires sur le RIF.

7. Le 11 avril 2005, TPSGC a déposé un RIF auprès du Tribunal conformément à l'alinéa 107(5)a) des Règles. Le 19 avril 2005, Trust a déposé ses commentaires sur la requête ainsi que sur le RIF. Le 22 avril 2005, TPSGC a déposé sa réponse aux commentaires de Trust portant sur la requête. Le 25 avril 2005, le Tribunal a rejeté la requête étant donné qu'il était convaincu que, selon les éléments de preuve fournis, Trust était un « fournisseur potentiel », au sens de l'article 30.1 de la Loi sur le TCCE, relativement aux marchés publics en cause et a indiqué qu'il justifierait sa décision dans les motifs de la décision sur les plaintes.

8. La quantité de renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé des plaintes, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et, conformément à l'alinéa 25c) des Règles, a statué sur les plaintes sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

9. Selon TPSGC, l'invitation no F7047-040176/A visant la fourniture de « serveurs » a été publiée le 15 février 2005 et comportait une date de clôture initiale du 3 mars 2005, qui a par la suite été reportée au 8 mars 2005, et l'invitation no T8211-040003/A visant la fourniture de « postes de travail » a été publiée le 17 février 2005 et comportait une date de clôture du 7 mars 2005. Dans les deux cas, les invitations ont été faites au nom du MPO pour des composantes de remplacement à être installées dans le Système intégré d'information sur la navigation maritime (INNAV) exploité par la garde côtière canadienne (GCC).

10. La demande de propositions (DP) pour l'invitation no F7047-040176/A prévoit en partie ce qui suit :

Énoncé des travaux

26 serveurs Proliant, 34 postes de travail HP xw6200, d'autres composantes, moniteurs NEC et équipement Cisco.

AUCUN produit substitut ne sera considéré pour des raisons de compatibilité. Ceci constitue un rehaussement. L'équipement actuel joue un rôle crucial en ce qui a trait à la surveillance des navires lors de leur déplacement sur le fleuve St-Laurent. L'utilisation d'un produit substitut pourrait placer la Garde côtière canadienne en très mauvaise position.

Vous devez fournir vos prix individuels par article sur le document à l'annexe « A ». La somme totale doit inclure la livraison, la garantie, le chargement et le déchargement à la destination.

[Traduction]

11. La DP pour l'invitation no T8211-040003/A prévoit en partie ce qui suit :

Énoncé des travaux

3 serveurs Proliant, 2 postes de travail HP xw6200, d'autres composantes, moniteurs NEC et équipement Cisco.

AUCUN produit substitut ne sera considéré pour des raisons de compatibilité. Ceci constitue un rehaussement. L'équipement actuel joue un rôle crucial en ce qui a trait à la surveillance des navires lors de leur déplacement sur le fleuve St-Laurent. L'utilisation d'un produit substitut pourrait placer la Garde côtière canadienne en très mauvaise position.

Vous devez fournir vos prix individuels par article sur le document à l'annexe « A ». La somme totale doit inclure la livraison, la garantie, le chargement et le déchargement à la destination.

12. Les deux DP comportent les dispositions suivantes :

Communications - période d'invitation

3. Les demandes de renseignements doivent être reçues au moins 4 jours civils avant la date de clôture des soumissions afin qu'il soit possible d'y répondre en temps opportun. Pour ce qui est des demandes de renseignements reçues après cette période, il est possible qu'on ne puisse y répondre avant la date de clôture des soumissions.

4. Afin que tous les soumissionnaires reçoivent la même information et que celle-ci soit de qualité égale, les demandes de renseignements importantes reçues, ainsi que les réponses à ces demandes, seront fournies simultanément à tous les soumissionnaires invités à soumissionner, sans toutefois mentionner le nom de l'auteur des demandes.

[Traduction]

13. Selon les plaintes, Trust a téléchargé une copie de la DP pour l'invitation no F7047-040176/A le 27 février 2005 et une copie de la DP pour l'invitation no T8211-040003/A le 28 février 2005. Le 28 février 2005, Trust a fait parvenir plusieurs courriels au sujet de chacune des invitations à TPSGC, dans lesquels elle contestait le fait que les DP comportaient des articles limitant la fourniture aux moniteurs NEC et à l'équipement Cisco, ne permettant pas de produits équivalents. Plus précisément, elle a demandé si l'exigence « aucun produit substitut » pouvait être supprimée pour les articles suivants :

F7047-040176/A, annexe A et annexe A révisée :

Les serveurs C 13, les moniteurs D1, les commutateurs LAN ainsi que les routeurs E2, E3, E4 et E13

T8211-040003/A, annexe A :

Le moniteur D1, les commutateurs LAN ainsi que les routeurs E1, E13, E16, E17 et E18.

14. De plus, Trust a demandé un diagramme de réseau montrant les appareils branchés sur les dispositifs E2, E3 et E13, a posé plusieurs questions à TPSGC et a aussi indiqué qu'elle était disposée à faire une démonstration de ses produits équivalents. Le 28 février et le 1er mars 2005, TPSGC a répondu aux courriels de Trust de la façon suivante : « Votre courriel ci-après a été transmis à notre conseiller juridique principal à des fins de réponse » [traduction]. Le 7 mars 2005, Trust a déposé une contestation officielle auprès de TPSGC.

15. Selon les plaintes, le 8 mars 2005, Trust a reçu une lettre de TPSGC qui disait en partie :

TPSGC est d'avis que Trust Business Systems n'est pas un « fournisseur potentiel » relativement au marché public du gouvernement fédéral et qu'elle n'a pas d'intérêt légitime dans le présent marché public. Par conséquent, les responsables de TPSGC ne répondront pas à vos demandes de renseignements ou à vos contestations relativement au processus de passation des présents marchés publics de TPSGC.

[Traduction]

Selon TPSGC, les dates de clôture des soumissions étaient les 7 et 8 mars 2005. Deux soumissions conformes ont été reçues pour chacune des invitations, et des contrats ont été adjugés les 9 et 15 mars 2005. Trust a déposé ses plaintes auprès du Tribunal le 22 mars 2005.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Requête de TPSGC

16. TPSGC a demandé que le Tribunal rejette par ordonnance les plaintes en se fondant sur le fait que Trust n'est pas un « fournisseur potentiel » en ce qui concerne les invitations en question. Il a fait valoir que seul l'ACI s'applique aux marchés publics en question. Il soutient que Trust n'est pas un « fournisseur potentiel » au sens de l'article 30.1 de la Loi sur le TCCE, parce qu'elle ne satisfait pas à la définition de « fournisseur » de l'ACI.

17. TPSGC a fait valoir que, au moment de sa contestation, Trust ne proposait aucun produit équivalent qu'il aurait pu prendre en considération. Selon TPSGC, Trust a constamment refusé de lui fournir toute information concernant les produits équivalents proposés que TPSGC et le MPO auraient pu prendre en considération. Selon TPSGC, Trust a affirmé qu'elle ferait une « démonstration » des produits équivalents seulement après une modification des DP par TPSGC qui permettrait la proposition de produits équivalents. TPSGC a fait valoir que Trust n'avait de toute évidence aucune intention de fournir l'information concernant les produits équivalents qu'elle comptait proposer, ce qui aurait permis à TPSGC et au MPO de juger le bien-fondé de sa contestation. Par conséquent, TPSGC était d'avis que Trust n'avait aucun intérêt légitime dans le processus de passation des présents marchés publics.

18. TPSGC a soutenu qu'on lui demandait de modifier les exigences des DP sans que Trust ne fournisse de renseignements relativement à tout produit équivalent proposé. Il a fait valoir que cette approche est contraire aux pratiques courantes appliquées par la Couronne et les fournisseurs potentiels légitimes et que, en temps normal, les fournisseurs sont désireux de fournir des renseignements sur leurs produits lorsqu'ils présentent une requête en vue de la modification des exigences d'un marché public. TPSGC a fait valoir qu'il n'était pas raisonnable d'annuler et de modifier une exigence sur la foi d'une contestation d'une partie plaignante qui n'a aucun intérêt légitime apparent dans le marché public, un intérêt qui pourrait être mis en évidence au moyen d'une description d'usage des produits équivalents qu'elle propose. TPSGC a soutenu que le refus de fournir des renseignements sur ses produits constitue une façon singulière pour un fournisseur de faire des affaires et soulèverait des préoccupations chez tout acheteur.

19. En ce qui concerne les lettres d'autorisation des fabricants déposées par Trust6 , TPSGC a soutenu qu'elles n'appuient aucunement la thèse selon laquelle, au moment de la contestation, TPSGC aurait dû considérer Trust comme un « fournisseur potentiel ». Il a soutenu que la date des lettres est ultérieure à la date des contestations de Trust et des processus de passation des marchés publics en question. TPSGC a soutenu de plus que, en raison du caractère confidentiel que Trust a attribué aux lettres, les responsables de TPSGC et du MPO ne sont pas autorisés à connaître les noms des fabricants auprès desquels Trust prétend obtenir les produits. TPSGC soutient qu'il est absurde de suggérer qu'il puisse accepter les revendications de Trust en matière d'« équivalence » et modifier les exigences des DP en conséquence sans connaître les fabricants ou les produits proposés.

Réponse de Trust à la requête

20. En réponse à la prétention de TPSGC selon laquelle elle n'avait proposé aucun produit équivalent à l'appui de sa demande de modification des exigences des DP, Trust a soutenu que les soumissionnaires ne divulguent pas les produits qu'ils comptent proposer pendant le processus lié aux demandes puisque ces renseignements peuvent être communiqués à tous les soumissionnaires. Elle a ajouté que le processus approprié est de proposer les produits à la date de clôture des soumissions.

21. En ce qui concerne la prestation d'une démonstration de ses produits équivalents, Trust a soutenu qu'elle avait un intérêt légitime dans les présents marchés publics et qu'elle était disposée à fournir les produits à des fins d'essai; cependant, TPSGC n'a pas tenu compte de cette offre. Elle a de plus soutenu que les produits qu'elle comptait proposer auraient satisfait aux exigences opérationnelles légitimes du MPO et celles liées à la sécurité publique. Elle a également soutenu qu'elle compte un nombre considérable de partisans et de coentrepreneurs qui lui permettrait d'accepter des marchés publics beaucoup plus importants que ceux dont il est question ici.

Décision du Tribunal portant sur la requête

22. Aux termes de l'article 11 du Règlement, le Tribunal doit déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, en l'instance l'ACI. Le marché n'est pas assujetti à l'ALÉNA ou à l'Accord sur les marchés publics 7 , étant donné que l'exigence pour le MPO relativement au groupe 70 de la Classification fédérale des approvisionnements (équipements pour le traitement automatique de l'information, à usage général, logiciels, fournitures et équipement de support) est exempté en vertu de l'annexe 1001.2b, Notes générales, alinéa 1e), et de l'annexe 1 respectivement.

23. L'article 518 de l'ACI définit « fournisseur » ainsi :« Personne qui, après évaluation de ses capacités financières, techniques et commerciales, est jugée en mesure d'exécuter un marché public donné. Sont également visées par la présente définition les personnes qui soumettent une offre en vue d'obtenir un marché public de construction. »

24. En déclarant que Trust n'était pas un fournisseur potentiel pour les deux marchés publics en question, TPSGC n'a pas montré qu'il avait évalué la capacité financière, technique et commerciale de Trust de satisfaire aux exigences des marchés publics. Il s'est plutôt fié aux hypothèses tirées d'un processus de passation du marché public précédent et de l'enquête correspondante qui n'a jamais été menée à terme et qui n'aurait pas dû être utilisée pour déterminer si Trust était un fournisseur potentiel dans les plaintes dont le Tribunal est actuellement saisi.

25. TPSGC n'a pas donné à Trust la chance de montrer sa capacité qui, compte tenu des éléments de preuve soumis dans les présentes plaintes, aurait facilement répondu à la définition relativement peu sévère de « fournisseur potentiel » de l'ACI. Dans Alcatel 8 , la partie plaignante a fait preuve de cette capacité en montrant qu'elle disposait des alliances industrielles, des sous-entrepreneurs ainsi que des possibilités de fabrication à l'interne et en sous-traitance nécessaires pour satisfaire aux exigences de l'invitation en question et en affirmant qu'elle avait les moyens financiers et commerciaux pour entreprendre le projet à titre d'entrepreneur principal. Dans cette affaire, le Tribunal avait jugé la soumission de la partie plaignante crédible et convaincante. Il était d'avis que la partie plaignante avait montré qu'elle avait la capacité financière, technique et commerciale nécessaire pour satisfaire aux exigences du marché public en question.

26. Dans les renseignements versés au dossier, Trust fait référence à deux alliances industrielles, à une possibilité d'une sous-traitance et à un personnel qui comprend plusieurs ingénieurs-systèmes. Bien que les lettres d'autorisation des fabricants aient été envoyées peu de temps après la contestation, le Tribunal est convaincu que les lettres avaient pour but de prouver que Trust avait la capacité requise. Trust a aussi affirmé qu'elle avait les moyens de prendre en charge des marchés publics beaucoup plus importants que ceux dont il est question ici. De plus, elle a désigné des produits qu'elle considère comme équivalents et a montré qu'elle connaissait ces produits ainsi que la façon dont ils pourraient satisfaire aux exigences des marchés publics en question. Le Tribunal est donc d'avis que, selon les renseignements au dossier, Trust avait la capacité financière, technique et commerciale nécessaire pour satisfaire aux exigences des marchés publics en question et a déterminé, le 25 avril 2005, aux fins de la présente enquête, que Trust est un fournisseur potentiel. Par conséquent, le Tribunal a rejeté la requête. Il ne voyait pas la nécessité de reporter l'échéance visant le dépôt du RIF, compte tenu de tous les renseignements déjà soumis par TPSGC dans la requête.

POSITION DES PARTIES

Position de Trust

27. Trust a soutenu qu'elle est orientée sur la prestation de produits et services qui auraient pu satisfaire aux exigences des DP et qu'elle aurait pu se voir adjuger les contrats si des produits équivalant à ceux de Hewlett-Packard, Cisco et NEC avaient été autorisés. Elle a également soutenu qu'elle reconnaît et respecte l'importance du système INNAV du MPO et des questions concernant la sécurité publique. Toutefois, TPSGC n'a fourni aucun motif technique légitime, en fait aucune explication, pour exiger uniquement les produits de certains fabricants et n'a pas expliqué pourquoi des produits équivalents ne pouvaient satisfaire aux exigences fonctionnelles. Selon Trust, les articles en question sont des produits pour lesquels des équivalents pourraient stratégiquement être proposés de façon à fournir à la Couronne des solutions de rechange à meilleur coût; de plus, des produits supérieurs, notamment des moniteurs offrant des temps de réponse plus rapides, pourraient même améliorer l'environnement du MPO. Trust a soutenu qu'elle était disposée à faire une démonstration des produits équivalents afin de prouver à TPSGC qu'elle pouvait satisfaire aux exigences.

28. Trust a soutenu que le fait de préciser des marques et de ne pas accepter de produit substitut avait l'effet d'empêcher les fournisseurs comme elle-même d'offrir des solutions de rechange concurrentielles. Elle a fait valoir que TPSGC aurait dû fournir les détails des exigences sans préciser le nom de fabricants particuliers et les codes des produits. À l'appui de sa position, Trust a fait référence à la décision du Tribunal dans Foundry Networks 9 .

29. Trust a soutenu qu'elle avait agi de bonne foi en respectant le processus lié aux DP de TPSGC. Elle a posé des questions légitimes pendant la période d'invitation; elle a fait valoir que ces questions auraient dû trouver réponse conformément aux procédures liées aux DP et qu'elles auraient dû être affichées à titre de modification aux DP avec les réponses correspondantes pour le bénéfice de tous les soumissionnaires. Trust a soutenu que TPSGC n'avait pas agi de bonne foi en ne respectant pas le processus lié aux demandes de renseignements et en refusant de répondre à ses questions.

30. En outre, Trust a soutenu que TPSGC avait contrevenu à l'ALÉNA, puisque sa demande visant un diagramme de réseau n'avait pas été acceptée. Elle a soutenu que TPSGC avait refusé de lui transmettre des renseignements pertinents et nécessaires liés aux appareils actuels utilisés par le MPO dans le réseau.

Position de TPSGC

31. TPSGC a soutenu que les invitations visaient l'achat de certaines composantes de remplacement à des fins d'installation dans le système INNAV au nom du MPO. Il a soutenu que le système INNAV est exploité par la GCC, qui fait partie du MPO. Le système INNAV, un peu comme le contrôle aérien, surveille et contrôle la navigation maritime dans toutes les eaux canadiennes, à l'exception de celles de la côte Ouest. C'est un système de réseaux qui connectent 15 centres de la GCC avec le centre d'INNAV à Québec (Québec). Le système INNAV est utilisé dans un certain nombre de fonctions opérationnelles. En surveillant et en fournissant des renseignements sur la circulation à la communauté maritime, le système INNAV permet aux navires d'éviter des collisions et des accidents et, par conséquent, de naviguer en toute sécurité dans les eaux canadiennes.

32. TPSGC a fait valoir que le système INNAV doit fonctionner à un degré élevé de préparation opérationnelle en temps réel, 7 jours par semaine, 24 heures par jour, et que les défectuosités et les pannes doivent être réduites au minimum. Il a soutenu que ces exigences techniques rigoureuses demandent un niveau de confiance élevé eu égard à toutes les pièces de rechange, qui doivent être disponibles en tout temps et fonctionner sans interruption dans le système existant. TPSGC a fait valoir que le MPO et la GCC sont d'avis que l'utilisation de toutes pièces de rechange autres que celles qui ont déjà été intégrées et testées dans tout le système INNAV créeraient des risques inacceptables.

33. TPSGC a soutenu que, compte tenu des intérêts en jeu, le système INNAV doit fournir à ses contrôleurs de la circulation des fonctions et des outils dont l'interface est uniforme pour que ces contrôleurs soient en mesure, en tout temps, de visualiser l'image complète de la navigation dans leur zone de responsabilité. Le système INNAV doit également faire en sorte qu'aucun élément fonctionnel ou visuel du système ne nuise à la capacité d'un contrôleur de faire le suivi de la circulation selon les normes les plus élevées. TPSGC a soutenu que, à titre d'entité acheteuse, la Couronne a le droit d'établir ses propres exigences opérationnelles raisonnables dans un processus de passation de marché. Il a soutenu que les alinéas 506(11)e) et 506(12)a) de l'ACI reconnaissent la légitimité de certaines responsabilités opérationnelles qui incombent aux entités acheteuses et que, particulièrement dans le cas d'INNAV, l'exigence « aucun produit substitut » est fondée sur la responsabilité du MPO à maintenir la sécurité dans les eaux canadiennes et à assurer la compatibilité avec les produits existants.

34. TPSGC a fait référence à plusieurs décisions précédentes du Tribunal à l'appui de ses arguments10 . Il a fait valoir que, en ce qui concerne les marchés publics en question, il a établi les exigences légitimes et raisonnables de la GCC et que la GCC ne devrait pas avoir à modifier ces exigences pour satisfaire aux circonstances générales ou commerciales particulières d'un fournisseur quelconque. Il a soutenu que les exigences des DP n'avaient de toute évidence pas été établies « dans le but d'éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d'exercer de la discrimination contre les fournisseurs des autres Parties », mais plutôt pour des motifs opérationnels légitimes, comme il est établi dans les DP.

35. Enfin, TPSGC a demandé le remboursement des coûts qu'il a engagés pour répondre aux plaintes.

ANALYSE DU TRIBUNAL

36. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, le Tribunal doit, à la conclusion de l'enquête, déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, en l'occurrence, l'ACI.

37. L'article 501 de l'ACI stipule en partie que « le présent chapitre [Marchés publics] vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d'achat et à favoriser l'établissement d'une économie rigoureuse, dans un contexte de transparence et d'efficience. »

38. À cette fin, les paragraphes 504(1) et 504(2) de l'ACI interdisent habituellement la discrimination entre produits et entre fournisseurs. Le paragraphe 504(3) stipule en partie que, sauf disposition contraire de ce chapitre, les mesures qui sont incompatibles avec les paragraphes 504(1) et 504(2) comprennent, mais sans s'y limiter :

b) la rédaction des spécifications techniques de façon soit à favoriser ou à défavoriser des produits ou services donnés [. . .] soit à favoriser ou à défavoriser des fournisseurs de tels produits ou services, en vue de se soustraire aux obligations prévues par le présent chapitre;

c) l'établissement du calendrier du processus d'appel d'offres de façon à empêcher les fournisseurs de présenter des soumissions;

g) l'exclusion injustifiable d'un fournisseur du processus d'appel d'offres.

39. Cette règle générale visant la discrimination est assujettie à l'article 404 de l'ACI, « Objectifs légitimes », qui permet de se soustraire à la norme concurrentielle si les conditions suivantes sont réunies :

a) la mesure a pour objet la réalisation d'un objectif légitime;

b) la mesure n'a pas pour effet d'entraver indûment l'accès des personnes, des produits, des services [...] qui ne nuisent pas à la poursuite de cet objectif légitime;

c) la mesure ne restreint pas le commerce plus qu'il n'est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;

d) la mesure ne crée pas une restriction déguisée du commerce.

40. L'expression « objectif légitime » est définie dans l'article 200 de l'ACI en partie ainsi :

a) la sécurité du public;

c) la protection de la vie ou de la santé des humains, des animaux ou des végétaux;

d) la protection de l'environnement.

Par conséquent, toute invitation qui favorise ou défavorise des produits ou des fournisseurs particuliers ne peut être permise que si l'entité acheteuse satisfait à toutes les conditions de l'article 404.

41. De plus, certaines parties de l'article 506 de l'ACI, qui établissent des procédures ouvertes de passation des marchés publics devant être habituellement respectées afin d'assurer un accès égal aux marchés publics pour les fournisseurs canadiens, renvoient à l'article 504. Plus précisément, le paragraphe 506(7) stipule que le processus visant à limiter les offres aux produits ou fournisseurs qualifiés avant la clôture de l'appel d'offres doit lui-même être compatible avec l'article 504, c'est-à-dire qu'il ne doit pas favoriser ou défavoriser des produits particuliers. De même, le paragraphe 506(9) stipule que, pour certains marchés publics qui font l'objet d'un appel d'offres public dans un quotidien ou au moyen d'un système électronique d'appel d'offres, « l'avis d'appel d'offres doit indiquer les restrictions applicables et souligner les pratiques non conformes [. . .] à l'article 504 ». En d'autres mots, si un marché public favorise des produits particuliers ou défavorise des fournisseurs particuliers, mais qu'il est quand même exempté en vertu des paragraphes 506(11) ou 506(12), ce fait doit être indiqué dans l'appel d'offres.

42. L'alinéa 506(11)e) permet l'utilisation de procédures de passation des marchés publics différentes de celles décrites dans les paragraphes 506(1) à 506(10), lorsque le respect des dispositions « réduirait la capacité d'une Partie à maintenir la sécurité ou l'ordre public, ou encore à protéger la vie ou la santé des humains, des animaux ou des végétaux ». Toutefois, ces procédures ne peuvent être utilisées pour éviter la concurrence entre fournisseurs ou pour défavoriser des fournisseurs.

43. De même, l'alinéa 506(12)a) stipule qu'une entité acheteuse peut utiliser des procédures de passation des marchés publics différentes de celles décrites aux paragraphes 506(1) à 506(10) - dans les cas où seul un fournisseur satisfait aux exigences d'un marché public - « pour assurer la compatibilité avec des produits existants ».

44. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal constate que seuls certains articles particuliers font l'objet des présentes plaintes, notamment, pour l'invitation no F7047-040176/A, les articles C13, D1 à E4 et E13, et, pour l'invitation no T8211-040003/A, les articles D1, E1, E13, E16, E17 et E18.

45. Le Tribunal examinera d'abord l'allégation de Trust selon laquelle TPSGC n'a pas respecté sa propre procédure visant le traitement des demandes de renseignements pendant l'étape de l'invitation en ne publiant pas les questions de Trust à titre de modification aux invitations.

46. Les deux DP contenaient une disposition intitulée « Communications - période d'invitation », qui fournissaient aux soumissionnaires des instructions sur le processus lié aux demandes de renseignements concernant les invitations à soumissionner. Les soumissionnaires qui présentaient une demande de renseignements à TPSGC plus de quatre jours civils avant la date de clôture des soumissions pouvaient s'attendre raisonnablement à recevoir une réponse de TPSGC. Toutefois, les soumissionnaires qui faisaient parvenir une demande de renseignements moins de quatre jours civils avant la date de clôture des soumissions pouvaient ne pas recevoir de réponse de TPSGC avant la date de clôture des soumissions.

47. En ce qui concerne l'invitation no F7047-040176/A, la date de clôture des soumissions initiale était fixée au 3 mars 2005. Trust a soumis des questions à TPSGC le 28 février 2005, soit moins de quatre jours civils avant la date de clôture des soumissions. Le Tribunal est d'avis que TPSGC n'était pas obligé de répondre aux questions de Trust, puisque ces questions n'avaient pas été soumises dans les délais impartis.

48. En ce qui concerne l'invitation no T8211-040003/A, la date de clôture des soumissions était le 7 mars 2005. Trust a soumis des questions à TPSGC le 28 février 2005, soit plus de quatre jours civils avant la date de clôture des soumissions. Le Tribunal est d'avis que Trust a soumis ses questions à TPSGC de façon appropriée et en temps opportun, demandant au gouvernement d'autoriser des produits équivalents pour certains des articles précisés et de fournir un diagramme de réseau en vue de montrer comment certains produits étaient connectés à l'ensemble du système INNAV. Au lieu de fournir une réponse aux questions, TPSGC a transmis ces questions à son conseiller juridique, qui a envoyé une lettre à Trust le 8 mars 2005, soit après la date de clôture des soumissions. Le Tribunal remarque que la lettre ne répondait pas aux questions de Trust.

49. La raison donnée par TPSGC pour ne pas fournir de réponse était que Trust ne constituait pas un « fournisseur potentiel » et qu'elle n'avait pas un intérêt légitime dans les marchés publics. Les faits et l'analyse sur lesquels TPSGC a fondé sa décision n'ont pas été mis à la disposition de Trust. TPSGC fait référence à un autre marché public qui a donné lieu à une autre plainte de Trust, laquelle a été retirée par la suite et n'a pas été versée au dossier de la présente affaire. Pour pouvoir traiter les plaintes actuelles au mérite, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de faire référence à cette plainte précédente. Selon les éléments de preuve présentés, le Tribunal est d'avis que Trust a agi de manière responsable en demandant à ce que l'exigence « aucun produit substitut » soit supprimée pour certains articles et qu'un diagramme de réseau soit mis à la disposition de tous les fournisseurs.

50. Par conséquent, le Tribunal conclut que, en ce qui concerne l'invitation no T8211-040003/A, TPSGC a contrevenu à l'alinéa 504(3)c) de l'ACI en ne fournissant pas des renseignements en temps opportun à Trust, empêchant ainsi cette dernière de présenter une soumission. En outre, compte tenu du fait que TPSGC ne s'est pas justifié relativement à l'article 404, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas montré que cette contravention est acceptable en vertu des dispositions de l'ACI.

51. Le Tribunal se tourne maintenant vers l'allégation de Trust selon laquelle TPSGC a agi de façon inappropriée en ne lui fournissant pas les renseignements dont elle avait besoin pour présenter une soumission, plus particulièrement un diagramme de réseau. Bien que Trust ait fait cette allégation en vertu du paragraphe 1008(2) de l'ALÉNA et que le Tribunal ait mentionné précédemment que l'accord commercial qui s'appliquait en l'espèce était l'ACI, le Tribunal est d'avis que ce motif de plainte est liée à l'allégation de Trust selon laquelle TPSGC n'aurait pas répondu de façon appropriée à ses demandes de renseignements. Un diagramme de réseau, pour autant qu'il est lié à la demande de Trust concernant la possibilité d'offrir des produits équivalents, pourrait avoir été utile à Trust et aux autres fournisseurs potentiels et leur aurait permis de concurrencer les fournisseurs en place sur un pied d'égalité. Le refus de répondre à la demande d'un diagramme de réseau et de fournir de tels renseignements à tous les soumissionnaires sans explication donne l'impression de favoriser les fournisseurs en place qui connaissaient déjà bien le système INNAV.

52. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a contrevenu à l'alinéa 504(3)c) de l'ACI en ne fournissant pas à Trust, et à tous les fournisseurs potentiels, des renseignements que Trust jugeait nécessaires pour présenter une soumission. En outre, compte tenu du fait que TPSGC ne s'est pas justifié relativement à l'article 404, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas montré que cette contravention est acceptable.

53. Enfin, le Tribunal examine maintenant l'allégation de Trust selon laquelle TPSGC a limité de façon incorrecte les marchés publics à certaines marques en n'autorisant pas des produits équivalents.

54. Conformément à sa décision dans Foundry Networks, le Tribunal est d'avis que les exigences des marchés publics devraient le plus possible être fondées sur le rendement, de façon à ce que les soumissionnaires puissent proposer des solutions pouvant être évaluées en fonction des exigences de la Couronne. Dans le cas où l'entité acheteuse exige des essais pour vérifier l'interopérabilité des systèmes ou l'équivalence avec ces systèmes, cette exigence devrait être stipulée dans les documents d'appel d'offres, et le soumissionnaire retenu pourrait être requis de démontrer l'interopérabilité ou l'équivalence du produit qu'il propose avant de se voir adjuger le contrat.

55. En l'espèce, il semble y avoir eu une décision de favoriser le matériel en place pour des motifs qui n'ont pas été justifiés de façon adéquate dans les documents d'appel d'offres. Il est possible d'imaginer que des produits équivalents, s'ils avaient été pris en compte dans la soumission, pourraient avoir satisfait aux exigences opérationnelles du ministère, ou même dépasser ces exigences, en offrant un niveau amélioré d'opération à un coût moindre pour la Couronne. Si l'on n'offre pas la possibilité aux fournisseurs de proposer de telles solutions et de les faire évaluer en fonction des autres soumissions, ces fournisseurs sont en fait éliminés du processus concurrentiel. Il n'appartient pas au Tribunal de juger l'équivalence ou la valeur relative des produits, puisque c'est le rôle de TPSGC et du ministère qui acquièrent le matériel. Toutefois, le Tribunal est d'avis que les documents d'appel d'offres auraient pu être rédigés de façon à permettre les propositions de produits équivalents, afin que l'entité acheteuse évalue leur caractère adéquat en fonction des normes de rendement requises par le système INNAV. Par conséquent, il conclut que TPSGC a contrevenu à l'alinéa 504(3)b) de l'ACI.

56. TPSGC a tenté d'exempter les marchés publics en vertu des alinéas 506(11)e) et 506(12)a) de l'ACI. Toutefois, le Tribunal constate que ces exemptions ne feraient qu'excuser des procédures d'appel d'offres discriminatoires plutôt que des spécifications techniques discriminatoires. Bien que ces dispositions chevauchent en partie l'article 404, le Tribunal ne dispose pas de suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que l'objet réel de l'exigence « aucun produit substitut » visait à maintenir la sécurité publique, ou encore à protéger la vie humaine, animale ou végétale ainsi que l'environnement plutôt qu'à éviter les obligations découlant de l'ACI. En outre, TPSGC n'a pas réussi à convaincre le Tribunal que la discrimination à l'égard des produits équivalents ne bloque pas indûment l'accès des personnes ou des produits et services qui parviendraient au même objectif légitime. Au contraire, il semble, pour le Tribunal, que la restriction soit indûment et inutilement restrictive. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC n'a pas été en mesure de montrer que la contravention de l'alinéa 504(3)b) est acceptable; il doit également conclure que Trust a été exclue de l'appel d'offres de façon injustifiable, en contravention avec l'alinéa 504(3)g).

57. En outre, compte tenu du fait que les invitations étaient censément exemptées en vertu des alinéas 506(11)e) et 506(12)a) de l'ACI, TPSGC devait, aux termes du paragraphe 506(9), l'indiquer dans l'appel d'offres public. Les DP ne faisaient que mentionner qu'aucun produit substitut ne serait pris en considération à des fins de compatibilité, et qu'un produit substitut pourrait placer la GCC en très mauvaise position. Le Tribunal est d'avis que les DP ne renvoient pas de façon claire et adéquate aux alinéas 506(11)e) et 506(12)a) et ne justifient pas la non-observation de l'article 504. Par conséquent, il conclut que TPSGC a contrevenu au paragraphe 506(9).

58. De plus, compte tenu du fait que les marchés publics ne sont pas conformes à l'article 506 de l'ACI et qu'il n'a pas été prouvé que cette contravention à l'ACI est acceptable, le processus de qualification des produits est remis en question. Dans Lexmark 11 , comme en l'espèce, l'entité acheteuse a limité le marché public à une marque de produit particulière. Le Tribunal a conclu que cette position était contraire au paragraphe 506(7), parce que cela équivalait en fait à un processus de qualification qui contrevenait lui-même à l'article 504. Plus particulièrement, en précisant une marque de produit et en n'autorisant « aucun produit substitut », l'entité acheteuse a faussé les spécifications techniques en faveur de ce produit, en contravention de l'alinéa 504(3)b). De même, en l'espèce, en défavorisant sans justification les produits équivalents, l'entité acheteuse a exclu Trust de l'appel d'offres de façon injustifiable, en contravention de l'alinéa 504(3)g). Le Tribunal est d'avis que, en l'espèce, TPSGC a en fait limité le marché public à certaines marques de produits, qu'il a qualifiées avant la clôture de l'appel d'offres. Ainsi, le processus de qualification allait lui-même à l'encontre de l'article 504, ce qui constitue donc une contravention au paragraphe 506(7).

59. En ce qui concerne cette contravention à l'article 506 de l'ACI, le Tribunal a examiné le bien-fondé des revendications de TPSGC relativement à l'alinéa 506(11)e). Il prend note du chapeau du paragraphe 506(11) qui accorde à une entité acheteuse le droit d'utiliser des procédures de marché public qui diffèrent, entre autres, des paragraphes 506(7) et 506(9), « à la condition que ce ne soit pas dans le but d'éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d'exercer de la discrimination contre les fournisseurs ». Si cette condition est remplie, l'entité acheteuse doit alors montrer, conformément à l'alinéa 506(11)e), que l'observation des dispositions concernant le caractère ouvert des appels d'offres réduirait la capacité à maintenir la sécurité, ou encore à protéger la vie des humains, des animaux ou des végétaux, ou l'environnement. Le Tribunal est d'avis que le raisonnement de TPSGC ne s'applique à aucune de ces conditions. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'établissement d'un processus de qualification qui favorise certaines marques aux dépens de produits équivalents ne visait pas à défavoriser les produits équivalents ou leurs fournisseurs. Comme il a été mentionné, les produits équivalents auraient pu, semble-t-il, satisfaire aux exigences de rendement du MPO, peut-être même à un meilleur prix. En fait, le Tribunal est d'avis que TPSGC n'était pas en mesure de montrer qu'un processus de qualification ouvert aurait un effet négatif sur la capacité du MPO à maintenir la sécurité, ou encore à protéger la vie des humains, des animaux ou des végétaux, ou l'environnement.

60. En ce qui a trait aux arguments de TPSGC liés à l'alinéa 506(12)a) de l'ACI, le Tribunal constate que le chapeau du paragraphe 506(12) indique que l'exemption s'applique « [l]orsqu'un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public ». Étant donné que deux soumissions ont été présentées pour chacune des invitations, ce n'est de toute évidence pas le cas ici, et l'argument n'est pas valide.

61. Par conséquent, le Tribunal conclut que la contravention au paragraphe 506(7) n'est pas conforme à l'ACI et n'est donc pas acceptable.

62. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les plaintes de Trust sont fondées.

63. Dans sa recommandation d'une mesure corrective, le Tribunal a pris en considération toutes les circonstances pertinentes aux présents marchés publics, y compris celles mentionnées dans le paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Le Tribunal considère ces cas comme des contraventions sérieuses aux règles visant les marchés publics. Un fournisseur s'est vu refuser des renseignements sur lesquels il aurait fondé une soumission qui aurait pu avantager la Couronne. En outre, TPSGC n'a pas fourni à Trust le motif de son refus de prendre en considération des questions légitimes de cette dernière et d'y répondre, donnant ainsi l'impression que TPSGC n'était pas de bonne foi. De plus, en insistant sur une solution propre à un produit pour les présents marchés publics sans expliquer de façon adéquate les motifs du rejet des spécifications fondées sur le rendement, TPSGC a compromis les conditions concurrentielles qui doivent être la norme.

64. Le Tribunal remarque que les contrats ont été adjugés et que la livraison était prévue avant le 31 mars 2005. Par conséquent, il n'y aurait pas lieu de recommander l'annulation des contrats et le lancement de nouveaux appels d'offres. Le Tribunal recommande donc que, dans les 30 jours suivant la publication de l'exposé des motifs, les parties lui présentent une proposition conjointe d'indemnisation pour Trust d'un montant égal au profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé si elle avait été le soumissionnaire reçu eu égard aux deux marchés publics, ainsi qu'une indemnisation d'un montant approprié qui tient compte de l'ampleur du préjudice porté à l'intégrité et l'efficacité du processus d'achat concurrentiel, de l'ampleur du préjudice porté à Trust ainsi qu'à toutes les autres parties intéressées et de l'ampleur de la bonne foi des parties.

65. Le Tribunal accorde à Trust le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement des plaintes. Pour la détermination du montant de l'indemnisation eu égard aux présentes plaintes, il a examiné sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui tient compte du classement du degré de complexité des cas fondé sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. À première vue, le Tribunal est d'avis que les présentes plaintes se classent au deuxième degré de complexité dont fait mention l'annexe A de la Ligne directrice (degré 2). Les marchés publics portaient sur la fourniture de nombreux articles de série, et les plaintes contenaient des allégations de restriction des spécifications. Les plaintes associées aux deux invitations comportaient de nombreux parallèles et ont donc été traitées ensemble par le Tribunal. Les procédures étaient modérément complexes, étant donné qu'il y avait une requête, et le processus s'est déroulé dans le cadre d'un règlement expéditif, soit 45 jours. Par conséquent, conformément à la Ligne directrice, l'indication provisoire du montant de l'indemnisation donnée par le Tribunal est de 2 400 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

66. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que les plaintes sont fondées.

67. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que TPSGC verse à Trust une indemnisation d'un montant égal au profit qu'elle aurait raisonnablement réalisé si elle avait été le soumissionnaire reçu eu égard aux invitations nos F7047-040176/A et T8211-040003/A. Le Tribunal recommande de plus que TPSGC verse à Trust une indemnisation d'un montant approprié qui tient compte de l'ampleur du préjudice porté à l'intégrité et à l'efficacité du processus d'achat concurrentiel, de l'ampleur du préjudice porté à Trust et à toutes autres parties intéressées et de l'ampleur de la bonne foi des parties. Le Tribunal recommande que les parties élaborent une proposition conjointe d'indemnisation afin de la lui présenter dans les 30 jours suivant la publication de l'énoncé des motifs. Si les parties étaient incapables de s'entendre sur le montant de l'indemnité, elles devront séparément faire rapport au Tribunal dans le même délai de 30 jours, après quoi le Tribunal rendra sa recommandation à cet égard.

68. Aux termes de l'article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Trust le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation et le traitement des plaintes, ces frais devant être payés par TPSGC. L'indication provisoire du degré de complexité des présentes plaintes donnée par le Tribunal est le degré 2, et l'indication provisoire du montant de l'indemnisation est de 2 400 $. Si l'une ou l'autre des parties n'est pas d'accord en ce qui a trait à l'indication provisoire du degré de complexité ou à l'indication du montant de l'indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l'indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

3 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/fre/it.htm> [ACI].

4 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

5 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

6 . Version confidentielle de la plainte.

7 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

8 . Re plainte déposée par Alcatel Canada Wire, A Division of Alcatel Canada Inc. (7 décembre 1999), PR-99-024 (TCCE).

9 . Re plainte déposée par Foundry Networks (23 mai 2001), PR-2000-060 (TCCE).

10 . Re plainte déposée par Computer Talk Technology, Inc. (26 février 2001), PR-2000-037 (TCCE); Re plainte déposée par Eurodata Support Services Inc. (30 juillet 2001), PR-2000-078 (TCCE); Re plainte déposée par Aviva Solutions Inc. (29 avril 2002), PR-2001-049 (TCCE).

11 . Re plainte déposée par Lexmark Canada Inc. (23 mars 2001), PR-2000-070 (TCCE).