ENVOY RELOCATION SERVICES

Décisions


ENVOY RELOCATION SERVICES
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2004-054R

Décision et motifs rendus
le mercredi 26 avril 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Envoy Relocation Services aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une recommandation du Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes de l’article 30.15 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur,

ET À LA SUITE D’une décision de la Cour d’appel fédérale, qui a renvoyé l’affaire au Tribunal canadien du commerce extérieur aux fins de réexamen de la mesure corrective recommandée.

ENTRE

 

ENVOY RELOCATION SERVICES

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à Envoy Relocation Services une indemnisation égale à la moitié des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de ses propositions en réponse à l’invitation à soumissionner en question. Dans les 30 jours de la date de la présente décision, Envoy Relocation Services devra déposer auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur un exposé sur le montant en dollars de l’indemnisation qui s’impose. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception de cet exposé pour déposer un exposé en réponse. Envoy Relocation Services disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé en réponse pour déposer des observations supplémentaires. Les conseillers doivent simultanément déposer leurs observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur et en effectuer la signification à l’autre partie.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Envoy Relocation Services 500 $ pour les frais qu’elle a engagés dans le cadre du renvoi de la recommandation originale du Tribunal canadien du commerce extérieur, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Directeur de la recherche :

Marie-France Dagenais

   

Agent de la recherche :

Michael W. Morden

   

Conseiller pour le Tribunal :

Nick Covelli

   

Partie plaignante :

Envoy Relocation Services

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Ronald D. Lunau

 

Catherine Beaudoin

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Derek Rasmussen

 

Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 18 février 2005, Envoy Relocation Services (Envoy) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché (invitation no 24062-030147/C) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (pour le gouvernement du Canada [GC]), la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les Forces canadiennes (FC), au sujet de services de réinstallation d’employés. L’invitation, qui demandait de présenter une proposition distincte pour chacune des trois entités gouvernementales susmentionnées, a donné lieu à l’adjudication de deux contrats aux Services de relogement Royal LePage Limitée (Royal LePage) — un contrat conjoint pour les besoins du GC et de la GRC et un contrat distinct pour le besoin des FC.

2. Envoy a allégué que TPSGC avait évalué incorrectement ses propositions. Plus précisément, elle a allégué que TPSGC avait comparé incorrectement ses propositions les unes avec les autres, ce qui a eu pour effet de produire une cotation moins bonne pour ce qui est des exigences techniques. Elle a soutenu avoir, par voie de conséquence, été privée d’au moins un contrat (celui des FC), qui aurait dû, à son avis, lui être adjugé.

3. Le 28 février 2005, le Tribunal a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 16 mai 2005, le Tribunal a rendu sa décision, dans laquelle il concluait que la plainte était fondée et recommandait, à titre de mesure corrective, ce qui suit :

[...]

[...] que [TPSGC] réévalue, dans les 15 jours ouvrables suivant la publication de la présente décision, les réponses à la section 2.2.4.2 de l’annexe D de la demande de propositions eu égard à tous les soumissionnaires, en ayant recours à une nouvelle équipe d’évaluation qui évaluera individuellement et séparément chaque proposition présentée par chacun d’eux. Si un nouveau soumissionnaire était déclaré gagnant dans le cas de l’un ou de l’autre des contrats, ou des deux, à la suite de ce processus de réévaluation, le contrat existant devrait être annulé et adjugé audit soumissionnaire.

[...]

5. Le Tribunal avait aussi accordé à Envoy le remboursement des frais raisonnables qu’elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Le 22 juin 2005, le Tribunal a rendu une ordonnance accordant à Envoy le montant de 2 400 $, à être payé par TPSGC, car il avait conclu que le degré de complexité de l’affaire était le degré 2, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public.

6. Également en juin 2005, TPSGC a déposé auprès de la Cour d’appel fédérale (la Cour) une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. La Cour a entendu l’affaire3 le 11 janvier 2006, et le juge Marc Noël a prononcé le jugement suivant à l’audience :

[1] Nous n’avons pas été convaincus que l’interprétation retenue par le Tribunal des termes pertinents de la demande de propositions (DP) est manifestement déraisonnable. La conclusion du Tribunal selon laquelle une erreur a entaché l’évaluation des soumissions présentées par Envoy doit donc être confirmée.

[2] Toutefois, nous sommes convaincus que la mesure corrective accordée par le Tribunal ne peut être confirmée. Le Tribunal n’avait pas le pouvoir d’ordonner la réévaluation de toutes les soumissions en ce qui concerne la section 2.2.4.2 de l’annexe « D » de la DP étant donné que la plainte ne faisait état que d’une erreur présumée dans l’évaluation des soumissions d’Envoy et que rien ne porte à conclure ou à croire que la même erreur s’est produite ou pourrait s’être produite relativement aux autres soumissions. L’affaire doit donc être renvoyée au Tribunal aux fins de réexamen de la mesure corrective.

[3] À cet égard, il ressort du dossier qu’une simple réévaluation des soumissions d’Envoy en ce qui concerne la section 2.2.4.2 ne peut en aucune façon avoir une incidence sur le résultat du processus d’appel d’offres. La portée de la mesure corrective doit donc se limiter à la réparation pécuniaire demandée par Envoy dans sa plainte.

[Traduction]

7. Dans sa plainte, Envoy avait présenté les demandes de réparation suivantes :

a) Le Tribunal devrait recommander le versement à Envoy d’une indemnisation pour perte de profit d’un montant à déterminer par application de toute méthode ordonnée par le Tribunal. D’après Envoy, il s’agit-là de la mesure corrective la mieux indiquée dans les circonstances.

b) De plus, Envoy devrait recevoir le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa réponse à la DP, et pour le traitement de la plainte, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE. Ces frais devraient inclure les dépenses liées aux conseillers juridiques et aux experts-conseils. Envoy demande aussi que, compte tenu de la complexité de la plainte et de l’importance des questions en litige, le calcul de ces frais par le Tribunal soit fondé sur un taux supérieur aux taux normalement prévu.

[Traduction]

8. Le 25 janvier 2006, le Tribunal a demandé à Envoy et TPSGC de déposer leurs observations sur l’affaire renvoyée, ce qu’ils ont fait le 8 février 2006. Le 15 février 2006, les deux parties ont déposé leur réponse aux observations de l’autre partie.

POSITION DES PARTIES

Position de TPSGC

9. TPSGC a soutenu que le Tribunal ne peut pas, compte tenu du jugement de la Cour, rouvrir son enquête sur la plainte et doit limiter la portée de la mesure corrective à la réparation pécuniaire demandée par Envoy dans sa plainte, c.-à-d. en reconnaissance du profit qu’elle a perdu, des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa réponse à la DP et des frais qu’elle a engagés pour le traitement de la plainte.

10. TPSGC a soutenu que ni Envoy ni aucune autre partie intéressée n’avait subi un préjudice causé par l’erreur constatée par le Tribunal; en outre, il a fait observer que le Tribunal n’avait pas conclu que la preuve dénotait l’absence de bonne foi de la part de TPSGC4 .

11. En ce qui a trait à la perte de profit, TPSGC a soutenu que le Tribunal avait décidé antérieurement que le fardeau de la preuve incombe à la partie plaignante qui doit établir, avec preuve à l’appui, les profits qu’elle aurait pu réaliser et à l’égard desquels elle demande une indemnisation5 . TPSGC a prétendu qu’Envoy ne peut assumer ce fardeau de la preuve, étant donné que la Cour a déclaré que la réévaluation de la soumission d’Envoy en ce qui concerne la section 2.2.4.2 ne pouvait en aucune façon avoir une incidence sur le résultat du processus d’appel d’offres, à savoir l’adjudication des deux contrats à Royal LePage. Il a soutenu que, puisqu’elle n’aurait pu remporter aucun des contrats, Envoy n’avait pas perdu de profit. TPSGC a de plus souligné que le Tribunal avait déjà décidé, dans une affaire précédente, qu’il n’était pas indiqué d’accorder un remboursement pour perte de profit puisque la partie plaignante n’avait pas subi de préjudice6 .

12. En ce qui a trait à la réclamation d’Envoy concernant une perte d’occasion, TPSGC a soutenu que, n’ayant pas demandé d’indemnisation pour perte d’occasion dans sa plainte, Envoy ne peut pas maintenant en réclamer une. Il a ajouté que, même si le Tribunal devait l’accueillir, Envoy n’avait pas produit d’information à l’appui de sa réclamation et celle-ci doit donc être rejetée.

13. En ce qui a trait aux frais liés à la préparation de la soumission d’Envoy, TPSGC a soutenu qu’il convient de traiter cette réclamation de la même manière que celle visant la perte de profit, et de la rejeter. Il a précisé que, puisque Envoy n’aurait pu remporter l’un ou l’autre des contrats, aucun préjudice n’a été causé à quelque partie que ce soit et, étant donné que le Tribunal n’a pas conclu à l’absence de bonne foi de la part de TPSGC, Envoy aurait engagé les frais liés à la préparation de sa soumission dans le cours normal de ses activités commerciales. TPSGC a ajouté qu’une mention des frais liés à une participation d’Envoy à un appel d’offres précédent n’est pas pertinente, et il est de même pour tout autre facteur qui n’entre pas dans la portée du marché public présentement en question.

14. En ce qui a trait à la réclamation d’Envoy visant les frais de la plainte liés au renvoi de l’affaire au Tribunal, TPSGC a soutenu qu’Envoy ne devrait avoir droit à aucun remboursement de frais en sus des frais déjà accordés par le Tribunal. Il a soutenu que tous les frais engagés découlaient de la demande, visant la présentation d’observations sur le jugement de la Cour, présentée au Tribunal par Envoy elle-même7 plutôt que de démarches quelconques qu’elle avait été tenue d’entreprendre.

15. En résumé, TPSGC a soutenu qu’une réparation pécuniaire limitée devrait être accordée à Envoy, notamment le remboursement des frais qu’elle avait engagés relativement à la plainte déposée auprès du Tribunal, aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE. Il a soutenu que ces frais devraient être fixés en conformité avec la ligne directrice pertinente du Tribunal. TPSGC a soutenu que cette réparation serait conforme au jugement de la Cour, en ce sens qu’elle représente une des formes de réparation pécuniaires demandées par Envoy dans sa plainte et reflète la conclusion de la Cour selon laquelle « il ressort du dossier qu’une simple réévaluation des soumissions d’Envoy en ce qui concerne la section 2.2.4.2 ne peut en aucune façon avoir une incidence sur le résultat du processus d’appel d’offres » [traduction]. Il a aussi soutenu que cette adjudication serait conforme à l’ensemble de la jurisprudence imposante du Tribunal8 concernant des circonstances semblables, où il a été conclu à une contravention aux accords commerciaux mais aussi à l’absence d’effet de la contravention sur l’adjudication du marché.

Position d’Envoy

16. Envoy a soutenu qu’elle devrait être indemnisée des frais qu’elle avait engagés pour la préparation de sa soumission, de l’occasion qu’elle avait perdue de tirer un profit des deux contrats en question et des frais qu’elle avait engagés en conséquence du renvoi de l’affaire au Tribunal. Elle a soutenu que, dans sa décision, la Cour a ordonné que « la portée de la mesure corrective doit donc se limiter à la réparation pécuniaire demandée par Envoy dans sa plainte ». Étant donné les circonstances de l’affaire, selon Envoy, la Cour a ordonné au Tribunal de réexaminer la question et lui a laissé la responsabilité de décider de la mesure corrective qui s’imposait.

17. En ce qui a trait aux frais qu’elle avait engagés pour la préparation de sa soumission, Envoy a dit avoir investi considérablement de temps et d’argent dans la préparation de deux soumissions en deux ans et avoir droit, en contrepartie, à un traitement juste et équitable de la part de TPSGC et des ministères clients. Elle a dit ne pas souscrire à l’argument de TPSGC selon lequel les frais liés à la préparation de la soumission d’Envoy sont uniquement assimilables au « cours normal de ses activités commerciales »9 [traduction]. Elle a ajouté qu’il était inacceptable que TPSGC avance sérieusement que les frais engagés par Envoy parce qu’elle a été entraînée dans un processus à ce point vicié sont simplement des frais engagés dans le « cours normal de ses activités commerciales ». Envoy a soutenu qu’il n’entre pas dans le « cours normal des activités commerciales » d’une société de gaspiller de l’argent et du temps de gestion pour participer à un processus mal administré ou discriminatoire.

18. En ce qui a trait à l’occasion qu’elle avait perdue de réaliser un profit en remportant les contrats en question, Envoy a soutenu que TPSGC s’était battu pendant plus d’un an pour éviter la réévaluation même qu’il qualifie maintenant de sans conséquence. Puisqu’une partie ne se lance pas dans un litige coûteux et prolongé, pour l’essentiel, sans objet, Envoy a soutenu avoir déduit des mesures prises par TPSGC que ce dernier craignait un changement si toutes les soumissions faisaient l’objet d’une réévaluation par une nouvelle équipe d’évaluation. Toutefois, d’après Envoy, TPSGC ayant contrecarré la possibilité pour elle d’obtenir une évaluation équitable, et étant donné qu’elle n’obtiendra jamais l’évaluation à laquelle elle avait droit, personne ne connaîtra jamais le résultat qu’aurait pu donner une évaluation correcte. Elle a donc dit ne pas souscrire à l’affirmation de TPSGC selon laquelle le processus ne lui avait causé aucun tort. Envoy a soutenu que TPSGC ne peut pas maintenant s’appuyer sur les résultats d’une évaluation incorrecte pour soutenir qu’Envoy ne peut établir qu’elle aurait remporté l’un ou l’autre des contrats en question.

19. D’après Envoy, les problèmes liés à la procédure de passation du marché public en question sont, à tout le moins, assez importants pour fonder la conclusion qu’elle a été privée de l’occasion de tirer un profit des contrats en question. Elle a soutenu qu’elle était convaincue d’avoir remporté le contrat pour les FC des points de vue du mérite et du prix et que TPSGC avait dû trouver une façon de déduire suffisamment de points pour tirer parti de la formule de notation discriminatoire.

20. Envoy a fait valoir que les frais qu’elle avait engagés relativement à la plainte lui avaient déjà été accordés et que l’espèce était simplement le prolongement de la plainte; elle a soutenu qu’elle devrait donc être indemnisée des frais qu’elle avait engagés relativement à la présente procédure devant le Tribunal.

21. En réponse aux arguments de TPSGC concernant la jurisprudence du Tribunal, Envoy a fait valoir que les circonstances des affaires invoquées par TPSGC ne sont pas comparables aux circonstances de l’espèce et que le Tribunal doit examiner chaque affaire à la lumière des faits qui lui sont propres. Plus précisément, elle a soutenu qu’aucune des affaires invoquées par TPSGC ne traitait d’irrégularités et de préjudice de la gravité apparente en l’espèce.

22. En résumé, Envoy a dit qu’elle devrait être indemnisée comme il suit :

• de tous les frais qu’elle avait engagés pour la préparation et pour le dépôt de ses soumissions, en reconnaissance du fait qu’elle n’avait pas reçu les avantages du processus d’évaluation qu’elle avait prévus au moment d’engager des frais de préparation de ses propositions;

• de la perte d’occasion afférente à ces deux contrats, au motif que la méthodologie incorrecte appliquée par TPSGC avait eu une incidence sur l’adjudication des contrats, soit en raison de négligence soit de propos délibéré. Envoy a fait observer que deux soumissionnaires avaient présenté une proposition pour le contrat des FC et que trois soumissions conformes avaient été reçues relativement au contrat pour la GRC et le GC; elle a ajouté que le montant du remboursement versé en reconnaissance de sa perte d’occasion devrait être établi à la moitié et au tiers, respectivement, du profit qu’elle aurait réalisé si elle avait remporté les deux contrats;

• des frais qu’elle avait engagés relativement à la plainte du fait du renvoi de l’affaire au Tribunal, au motif que la poursuite de la procédure devrait elle aussi être incluse dans le calcul des frais de la plainte.

ANALYSE DU TRIBUNAL

23. Le Tribunal est sommé de déterminer à nouveau la mesure corrective en conformité avec la décision de la Cour.

24. Dans sa décision initiale10 , le Tribunal a conclu qu’il y avait eu une infraction grave des méthodes d’évaluation laquelle avait porté préjudice à l’intégrité de la procédure de passation de marchés publics dans son ensemble. Il estime que la mesure corrective devrait refléter la gravité des conséquences de l’infraction de TPSGC.

25. Étant donné les directives de la Cour, le Tribunal ne peut, en l’espèce, recommander la réévaluation de toutes les soumissions. Il ne peut donc recommander une mesure corrective qui procure à Envoy l’avantage du processus d’évaluation auquel elle s’attendait au moment de préparer ses trois propositions pour répondre aux besoins du GC, des FC et de la GRC.

26. Le Tribunal appliquera donc l’autre possibilité de démarche pour placer Envoy dans la position où elle se serait trouvée si elle avait su de quelle manière TPSGC évaluerait la section 2.2.4.2 de l’annexe « D » de la DP. Ce faisant, il a tenu compte des changements qu’Envoy aurait vraisemblablement apportés à sa soumission si elle avait été au courant du processus d’évaluation entrepris par TPSGC. Par définition, il s’agit ici de tenir compte d’une situation hypothétique et le Tribunal ne peut donc arriver qu’à un résultat approximatif, puisqu’il doit s’appuyer sur une prévision des mesures qui auraient logiquement été prises et des conséquences financières vraisemblables de telles mesures.

27. Le Tribunal constate que le mécanisme d’évaluation attribuait 75 p. 100 des points à la partie technique des soumissions et 25 p. 100 à la partie financière. Le Tribunal est d’avis que, étant donné le poids attribué à la partie technique et le fait que la section 2.2.4.2 était un critère technique, il est raisonnable de croire qu’Envoy aurait considéré avec beaucoup de sérieux ses propositions à la section 2.2.4.2. Il estime également que, au moment de préparer ses propositions en vue de leur soumission, Envoy n’aurait d’aucune façon pu savoir si l’évaluation de la section 2.2.4.2 aurait fait la différence entre remporter ou perdre un des deux contrats, ou les deux.

28. Le Tribunal estime que, si elle avait su que les évaluateurs, contrairement aux dispositions de la DP, compareraient la section 2.2.4.2 de ses soumissions, Envoy aurait pu choisir de procéder de l’une ou l’autre des manières suivantes :

a) ne pas soumissionner du tout — ce qui aurait éliminé tous les frais liés à la préparation de soumissions;

b) structurer la section 2.2.4.2 de ses soumissions d’une manière différente pour éviter toute incohérence visible, c.-à-d. en soumissionnant une équipe complètement différente pour chacun des deux contrats — ce qui aurait bien pu entraîner l’accroissement des montants soumissionnés par Envoy;

c) soumissionner seulement soit pour le contrat des FC soit pour le contrat du GC et de la GRC, si elle ne pouvait pas réunir deux équipes distinctes ou ne voulait pas le faire pour des considérations de coûts ou autres — ce qui aurait éliminé une partie des frais liés à la préparation de soumissions.

29. Le Tribunal prend note du fait qu’Envoy, dans ses observations, n’a pas précisé ce qu’elle aurait fait si elle avait su de quelle manière ses soumissions seraient évaluées. Toutefois, il constate qu’Envoy a constamment manifesté un vif intérêt à l’endroit du marché, p. ex. dans ses pièces de correspondance avec TPSGC au sujet de la teneur de la DP et dans sa décision de soumissionner dans le cadre de la deuxième invitation à soumissionner après l’annulation de la première. Le Tribunal estime donc qu’Envoy n’aurait pas décidé de ne pas soumissionner du tout.

30. En ce qui a trait aux choix b) et c) décrits ci-dessus, le Tribunal n’a pas d’avis net sur le choix qu’Envoy aurait vraisemblablement retenu. Toutefois, compte tenu de la gravité de l’infraction des méthodes d’évaluation, qui justifie une indemnisation importante, le Tribunal est d’avis qu’un montant égal à 50 p. 100 des frais engagés par Envoy pour la préparation de sa soumission est le montant d’indemnisation qui s’impose.

FRAIS LIÉS AU RENVOI

31. Le Tribunal accorde à Envoy un montant de 500 $ pour les frais qu’elle a engagés pour présenter ses observations au Tribunal après le renvoi de l’affaire par la Cour. Il fait observer que, même si Envoy a déposé beaucoup d’observations, une bonne partie d’entre elles traitaient de questions non liées à la mesure corrective à recommander.

DÉCISION DU TRIBUNAL

32. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC verse à Envoy une indemnisation égale à la moitié des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de ses propositions en réponse à l’invitation à soumissionner en question. Dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, Envoy devra déposer auprès du Tribunal un exposé sur le montant en dollars de l’indemnisation qui s’impose. TPSGC disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception de cet exposé pour déposer un exposé en réponse. Envoy disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé en réponse pour déposer des observations supplémentaires. Les conseillers doivent simultanément déposer leurs observations auprès du Tribunal et en effectuer la signification à l’autre partie.

33. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Envoy 500 $ pour les frais qu’elle a engagés dans le cadre du renvoi de la recommandation originale du Tribunal, ces frais devant être payés par TPSGC.


1 L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 D.O.R.S./93-602.

3 Procureur général du Canada c. Envoy Relocation Services (11 janvier 2006), A-286-05 (CFA).

4 Re plainte déposée par Envoy Relocation Services (16 mai 2005), PR-2004-054 (TCCE).

5 Re plainte déposée par Conair Aviation, a division of Conair Aviation Ltd. (8 août 1996), PR-95-039 (TCCE).

6 Re plainte déposée par Beals, Lalonde & Associates (27 juillet 2004), PR-2004-009 (TCCE) [Beals].

7 Lettre d’Envoy datée du 20 janvier 2006.

8 Beals; Re plainte déposée par TireeRankinJV (27 janvier 2005), PR-2004-038 (TCCE); Re plainte déposée par Siemens Westinghouse Inc. (19 mars 2001), PR-2000-039 (TCCE); Re plainte déposée par Navatar Ltd. (30 mai 2000), PR-99-043 et PR-99-044 (TCCE); Re plainte déposée par Radiant Point Inc. (11 septembre 2000), PR-2000-005 (TCCE).

9 Observations de TPSGC datées du 8 février 2006, para. 35.

10 Re plainte déposée par Envoy Relocation Services (16 mai 2005), PR-2004-054 (TCCE) au para. 34.