CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.

Décisions


CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2006-010

Décision et motifs rendus
le lundi 14 août 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

CGI INFORMATION SYSTEMS AND MANAGEMENT CONSULTANTS INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par CGI Information Systems and Management Consultants Inc. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Membres du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Michael W. Morden

   

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Partie plaignante :

CGI Information Systems and Management Consultants Inc.

   

Conseiller pour la partie plaignante :

Gordon Cameron

   

Partie intervenante :

IBM Canada limitée

   

Conseillers pour la partie intervenante :

Ronald D. Lunau

 

Phuong T. V. Ngo

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 15 mai 2006, CGI Information Systems and Management Consultants Inc. (CGI) a déposé une plainte auprès du le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché (invitation no W8484-05AA03/B) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour la prestation de services de gestion d’ordinateurs de bureau (SGOB).

2. CGI a allégué que la procédure de passation de marché public avait été tenue d’une manière qui a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité car une société participant à la préparation de la demande de propositions (DP) et à l’évaluation des propositions, ASC Group Ltd. (ASC), semblait avoir une affiliation d’affaire étroite avec le soumissionnaire retenu, IBM Canada limitée (IBM).

3. Le 19 mai 2006, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 5 juin 2006, IBM a demandé l’autorisation d’intervenir dans l’affaire. Le 6 juin 2006, le Tribunal a accueilli la demande d’IBM. Le 13 juin 2006, TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 22 juin 2006, IBM a déposé ses observations sur le RIF. Le 23 juin 2006, CGI a déposé ses observations sur le RIF.

4. Étant donné qu’il y avait suffisamment de renseignements au dossier pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

5. La DP qui fait l’objet de la plainte porte sur des SGOB comprenant les services suivants : la gestion et le soutien d’un environnement de poste de travail à l’échelle du MDN; des services de transition, de formation et de gestion des contrats; des services professionnels connexes en technologie de l’information, selon la demande. Le contrat doit être en vigueur pendant une période de trois ans, le gouvernement pouvant prolonger la durée du contrat de deux périodes additionnelles d’un an.

6. D’après TPSGC, le MDN et TPSGC ont, en décembre 2004, engagé des discussions sur la présente invitation et ont décidé d’appliquer l’outil logiciel Tabular Format© (TF!). TPSGC a ajouté que TF! est un progiciel exclusif à ASC, utilisé dans la procédure de passation de marché public et d’appel d’offres pour aider l’entité acheteuse à utiliser et à analyser les données fournies par les soumissionnaires, qui serait nécessaire à la transmission de renseignements de soumission au moyen de TF!. Une lettre d’intérêt (LI) a été diffusée par l’intermédiaire du MERX3 le 15 avril 2005. D’après TPSGC, 62 trousses de LI ont été demandées par des fournisseurs potentiels, dont 11 ont fourni une rétroaction à TPSGC au sujet de l’invitation. La DP a été diffusée par l’intermédiaire du MERX le 22 juin 2005, la date limite pour la réception des soumissions étant fixée au 2 août 2005. Il y a eu 11 modifications de la DP et la date de clôture a été reportée au 1er septembre 2005. TPSGC a fait savoir que 5 propositions avaient été reçues, dont 2 ne satisfaisaient pas à certains critères techniques obligatoires minimaux et ont été rejetés. D’après TPSGC, le processus d’évaluation s’est terminé le 28 octobre 2005, mais le contrat n’a été adjugé que le 9 mai 2006, en raison des élections fédérales de janvier 2006 et de l’obtention tardive de l’approbation du contrat par le Conseil du Trésor. À cette date, le contrat a été adjugé à IBM. TPSGC a dit avoir avisé CGI le 11 mai 2006 que sa soumission n’avait pas été retenue.

7. D’après TPSGC, CGI a communiqué avec lui les 13 et 18 avril 2006 pour lui faire part de ses préoccupations au sujet d’un présumé lien entre ASC et IBM et de l’existence possible d’un conflit d’intérêts dans le cadre de l’invitation.

8. CGI a tenté d’obtenir la confirmation que, si IBM avait présenté une proposition, cette proposition aurait été rejetée en application de la clause A.15 de la DP, qui prévoit ce qui suit :

Conflit d’intérêts

a) Le Canada a retenu les services d’entrepreneurs du secteur privé pour l’aider à préparer la présente invitation à soumissionner. Les réponses à la présente invitation en provenance d’un quelconque de ces entrepreneurs, ou à la préparation desquelles tout entrepreneur en question (ou tout sous-traitant, employé, agent ou représentant de cet entrepreneur qui aurait participé à la préparation de la présente invitation) aurait directement ou indirectement participé, seront jugées irrecevables et l’entrepreneur sera considéré en conflit d’intérêts (réel ou apparent). Le soumissionnaire qui présente une soumission soutient, par le fait même, ne pas être en conflit d’intérêts, tel qu’il est mentionné plus haut.

[Traduction]

9. TPSGC a soutenu qu’il avait communiqué avec ASC et IBM à la suite de ces allégations et que chacune l’avait informé qu’elles n’entretenaient pas de relation d’affaire. Le 8 mai 2006, il a avisé CGI qu’il avait examiné les préoccupations de cette dernière et qu’il était convaincu que le marché public avait été passé en conformité avec ses obligations aux termes des accords commerciaux. Il a aussi informé CGI qu’il estimait que la question était close.

10. Le 15 mai 2006, CGI a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de CGI

11. CGI a soutenu que le RIF contenait un seul paragraphe portant sur le fondement de sa plainte — la crainte de partialité — et que le reste du RIF ciblait surtout la clause portant sur les conflits d’intérêts figurant dans la DP. Elle a soutenu que sa plainte ne portait pas sur une violation de la clause A.15 de la DP, puisqu’elle reconnaissait que, conformément à ladite clause prise dans son sens strict, ASC n’avait ni soumissionné ni participé à la soumission d’IBM.

12. CGI a fait valoir que, sur son site Web, ASC énumérait IBM au titre de société affiliée4 . Plus précisément, elle a fait observer que, dans une partie du site Web d’ASC intitulée « Sociétés affiliées » [traduction], on pouvait lire la déclaration suivante :

IBM Consulting Canada et ASC participent depuis 1997 à des projets TF! et SeeSOR. IBM Consulting et ASC ont participé à un grand nombre de projets TF! et SeeSOR du ministère de la Défense nationale.

[Traduction]

13. CGI a dit ne pas savoir quel type de relation d’affaire les deux sociétés entretenaient véritablement. Elle a interprété ces déclarations comme signifiant qu’ASC et IBM entretenaient depuis longtemps une relation étroite, que cette relation était fondée sur TF! et que les deux sociétés avaient participé à de nombreux contrats du MDN en utilisant ce logiciel.

14. CGI a affirmé que l’interprétation du site Web d’ASC avancée par TPSGC, à savoir que « du personnel d’IBM avait été formé et autorisé pour aider et donner un service de soutien relativement aux produits et outils produits par ASC Group5  » [traduction], est une interprétation indéfendable, car simplement former du personnel pour utiliser les produits d’ASC n’équivaut pas à une relation « d’affiliation ». Elle a fait observer que d’autres éléments de preuve fournis dans le RIF indiquaient que les deux sociétés travaillaient ensemble et que cette relation dépassait la simple relation de formateur/apprenti.

15. D’après CGI, ASC a confirmé ce qui suit dans la pièce 11 du RIF :

ASC a expliqué qu’ASC Group et IBM n’avaient pas directement effectué de travail ensemble depuis environ un an et demi, parce que le travail qu’IBM effectuait pour ASC Group au Canada avait été pris en charge par une nouvelle personne.

La dernière fois où IBM a fourni des services pour ASC Group dans le cadre d’un projet du MDN était durant la période se terminant le 30 novembre 2004. Une fois ce projet terminé, ASC Group n’a plus recouru au soutien d’IBM ou de son personnel dans le cadre d’autres projets futurs.

[Traduction]

16. CGI a aussi présenté des observations sur la chronologie de certains événements décrits par ASC. Elle a soutenu que, d’après les éléments de preuve, IBM et ASC avaient travaillé ensemble jusqu’à immédiatement avant le moment où le MDN avait retenu les services d’ASC pour l’aider dans le cadre de la DP en question. D’après CGI, apparemment en novembre ou en décembre 2004, IBM a tout simplement passé de la qualité de sous-traitant d’ASC pour des projets du MDN utilisant TF! à la qualité de soumissionnaire en réponse à une invitation pour laquelle ASC travaillait pour le MDN sur TF!.

17. CGI a aussi fait observer que les questions que TPSGC avait posées à IBM le 4 mai 2006, au sujet des allégations de conflit d’intérêts soulevées par CGI, étaient toutes formulées au présent, p. ex. : « IBM Canada Limitée est-elle un sous-traitant »6 [traduction]. D’après CGI, le libellé est tel qu’IBM et ASC auraient pu être des sociétés sœurs jusqu’au 3 mai 2006, et quand même avoir pu répondre aux questions de TPSGC par la négative.

18. CGI a soutenu ce qui suit :

• ASC avait joué un rôle dans la préparation de la DP et l’évaluation des soumissions pour le projet de SGOB.

• Selon le site Web d’ASC, une relation d’affaire étroite existait entre ASC et IBM.

• Le contrat de SGOB avait été accordé à IBM en dépit des faits ci-dessus.

19. En ce qui a trait à la crainte de partialité, CGI a fait observer que le RIF affirmait seulement qu’ASC fournissait « certains services » qui incluaient ce qui était décrit comme un soutien technique dans la préparation de la DP et l’évaluation des soumissions — et n’ajoutait rien de plus pour donner une description complète du rôle d’ASC. CGI a soutenu que le rôle central d’ASC dans la préparation de l’invitation et dans l’évaluation des propositions paraissait pouvoir influencer le résultat du marché public. Elle a prétendu que travailler à la création de l’énoncé de travail (ÉT) et des critères d’évaluation peut influencer considérablement le résultat d’un marché public et parfois le déterminer.

20. CGI a soutenu que, en plus d’aider à la préparation de la LI et de la DP, un consultant d’ASC était membre de l’équipe d’évaluation technique et, comme le définissait la directive sur l’évaluation des SGOB à la phase 27 , participait à l’élaboration de questions d’éclaircissement pour les soumissionnaires, à l’évaluation à la période des soumissions partielles provisoires et à l’évaluation à la période des soumissions finales et de l’évaluation. D’après CGI, puisque ASC était responsable de la suppression de l’information financière des propositions des fournisseurs avant que ces dernières aient été transmises à l’équipe d’évaluation technique, elle assumait un rôle de fiduciaire qui aurait dû être assumé par une entité qui n’était en aucune façon associée à l’un quelconque des soumissionnaires.

21. CGI a prétendu qu’accorder un contrat à IBM en se fondant sur une procédure de passation de marché public tenue avec l’aide d’un partenaire d’affaire ou d’une société affiliée d’IBM, où le partenaire d’affaire ou la société affiliée d’IBM évaluait la soumission d’IBM, porterait atteinte à l’intégrité de la procédure de passation de marché public. Elle a donc demandé que le contrat adjugé à IBM soit résilié et lui soit adjugé à elle, puisqu’elle s’était classée au deuxième rang des soumissionnaires.

Position de TPSGC

22. TPSGC a soutenu que le rôle d’ASC était limité à la prestation d’un soutien technique se rapportant à l’utilisation de TF! aux agents des approvisionnements de TPSGC et du MDN. Il a soutenu que les services d’ASC avaient été retenus le 1er avril 2005 et que le personnel de cette dernière avait aidé à la préparation de la LI et de la DP pour veiller à ce que ces documents soient correctement libellés, formatés et organisés en vue de leur utilisation selon les exigences techniques de TF!. TPSGC a également soutenu que, durant le processus d’évaluation, le personnel d’ASC avait fourni un soutien technique aux évaluateurs pour l’utilisation de TF! et supprimé l’information financière des soumissions avant qu’elles n’aient été transmises à l’équipe d’évaluation technique. TPSGC a ajouté que le personnel d’ASC n’avait aucunement participé à la formulation des termes des exigences de la DP ou à l’évaluation comme telle des propositions. Il a soutenu que le rôle d’ASC était limité à veiller à ce que le libellé, le formatage et l’organisation de la DP soient conformes aux exigences techniques de TF!.

23. D’après TPSGC, le rôle d’ASC a été clairement divulgué à tous les participants potentiels et les soumissionnaires ont été informés, à la fois dans la LI et dans la DP, que TF! serait utilisé et qu’ASC dispenserait une formation et des services d’information sur TF! aux fournisseurs potentiels. Il a fait valoir que la LI prévoyait ce qui suit8  :

Le Canada a retenu les services d’un entrepreneur du secteur privé, ASC Group Inc., pour préparer la présente invitation à soumissionner. Le logiciel Tabular Format© (TF!) utilisé dans la procédure d’appel d’offres contient de l’information exclusive à ASC Group Inc.

[Traduction]

24. TPSGC a de plus fait valoir que la DP, à la clause A.15b), en plus de réitérer qu’il avait retenu les services d’un entrepreneur du secteur privé pour préparer l’invitation à soumissionner, prévoyait ce qui suit :

Aux fins du présent article, le fait qu’un soumissionnaire reçoive une formation d’ASC Group Inc. pour l’utilisation du logiciel Tabular Format© dans le but de lui permettre de présenter une proposition ne constitue pas un conflit d’intérêts.

[Traduction]

25. TPSGC a soutenu que, en réponse à des questions présentées durant la période d’appel d’offres au sujet de la protection de l’information confidentielle des soumissionnaires, ces derniers avaient été avisés, dans les réponses 236 et 238 de la modification no 11 diffusée le 22 août 2005, de ce qui suit :

Sur réception de la soumission partielle initiale du soumissionnaire à la clôture des soumissions et jusqu’à l’adjudication du contrat, l’accès à l’information confidentielle sera limité au personnel autorisé de TPSGC (à savoir les autorités contractantes et les vérificateurs de TPSGC). Un accès limité sera accordé à ASC Group Inc. pour lui permettre de supprimer l’information financière des copies électroniques du Volume IB de la proposition, sur de l’équipement de TPSGC. ASC Group Inc. a signé un accord de confidentialité.

Sur réception de la soumission partielle initiale, l’autorité contractante de TPSGC fera une copie de l’original électronique du Volume IB – Feuilles de travail Tabular Format© du soumissionnaire. Sous la supervision de l’autorité contractante de TPSGC et en utilisant de l’équipement appartenant à l’État, un membre d’ASC supprime l’information financière des cellules bleues des feuilles de travail de la copie faite par TPSGC. L’équipe d’évaluation technique reçoit ensuite la copie où il n’y a pas d’information financière dans les cellules bleues des feuilles de travail.

[Traduction]

26. TPSGC a aussi soutenu que, après que CGI avait communiqué avec lui en avril 2006 au sujet de cette question, il avait communiqué avec ASC et IBM et que ces deux sociétés avaient confirmé qu’elles n’entretenaient pas de relations d’affaire. Il a soutenu qu’ASC avait confirmé9 ce qui suit :

• ASC et IBM étaient « des “entités totalement distinctes”, et il n’existait aucune relation d’entreprise entre elles ».

• La mention d’IBM en tant que « société affiliée » sur son site Web se rapportait au « fait que, par le passé, IBM a assuré le soutien des produits d’ASC Group, ce qui signifie que du personnel d’IBM a été formé et autorisé pour aider et donner un service d’aide et de soutien relativement aux produits et aux outils produits par ASC Group ».

• ASC Group et IBM « n’ont pas directement effectué de travail ensemble depuis environ un an et demi », le dernier projet auquel elles ont participé ensemble remontant à la période qui se terminait le 30 novembre 2004.

27. TPSGC a soutenu qu’IBM avait confirmé ce qui suit10  :

1. IBM Canada Limited est-elle un sous-traitant, un employé, un agent ou un représentant d’ASC Group, Incorporated? Non

2. ASC Group, Incorporated est-elle un sous-traitant, un employé, un agent ou un représentant d’IBM Canada limitée? Non

3. Existe-t-il une relation quelconque de sous-traitance, d’emploi, de mandant/mandataire ou de représentation entre IBM Canada limitée et ASC Group, Incorporated? Non

[Traduction]

28. TPSGC a soutenu que, compte tenu de cette information, il n’avait pas été porté atteinte aux dispositions portant sur les conflits d’intérêts à la clause A.15 de la DP. Il a ajouté que, si l’on tenait compte aussi du fait que le rôle d’ASC dans la procédure de passation de marché public était clairement un rôle de prestation d’un soutien technique aux évaluateurs, rien ne fondait une conclusion selon laquelle « [...] une personne renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique [...]11  » croirait qu’il existe un motif donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité dans le déroulement de la procédure de passation de marché public.

29. TPSGC a demandé que la plainte soit rejetée et qu’on lui rembourse les frais qu’il avait engagés pour répondre à la plainte.

Position d’IBM

30. IBM a déclaré être d’accord sur les faits énoncés dans le RIF. Elle a déclaré qu’il n’existait aucun type de relation entre ASC et IBM donnant naissance soit à un conflit d’intérêts soit à une crainte raisonnable de partialité dans l’invitation en question. Elle a soutenu ce qui suit :

• Il n’existait aucune relation d’employé, de sous-traitance, d’emploi, de mandant/mandataire ou de représentation entre IBM et ASC au moment de la préparation et de la diffusion de l’invitation.

• ASC n’avait pas préparé l’invitation en question et n’avait pas, non plus, évalué les propositions des soumissionnaires.

• Aucun employé, entrepreneur ou consultant d’ASC n’avait participé de quelque manière à la préparation de la proposition d’IBM.

• Dans le cadre de la procédure d’appel d’offres et du processus d’évaluation, il n’y avait pas eu de communication entre IBM et ASC relativement à l’invitation.

• Il n’existait aucune preuve d’avantage ou de bénéfice, réel ou perçu, pour IBM.

31. D’après IBM, même CGI a reconnu que la découverte de nouveaux faits pouvait avoir une incidence sur la question de savoir s’il existe une crainte de partialité12 . IBM a soutenu que les éléments de preuve, comme le conclurait une personne raisonnable et renseignée13 , ne révèlent aucune crainte raisonnable de partialité qui aurait eu une incidence sur la capacité de l’équipe d’évaluation de bien évaluer les propositions.

ANALYSE DU TRIBUNAL

32. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l’espèce, sont l’Accord sur le commerce intérieur 14 , l’Accord de libre-échange nord-américain 15 et l’Accord sur les marchés publics 16 .

33. L’article 501 de l’ACI prévoit ce qui suit :

[...] le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d’achat et à favoriser l’établissement d’une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d’efficience.

34. L’article 504 de l’ACI prévoit ce qui suit :

[...]

2. Sous réserve de l’article 404 (Objectifs légitimes), le paragraphe 1 a pour effet d’interdire au gouvernement fédéral d’exercer de la discrimination :

a) entre les produits ou services d’une province ou d’une région, y compris entre ceux inclus dans les marchés de construction, et les produits ou services d’une autre province ou région;

b) entre les fournisseurs de tels produits ou services d’une province ou d’une région et les fournisseurs d’une autre province ou région.

[...]

35. L’article 1008 de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

1. Chacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités

a) soient appliquées de façon non discriminatoire [...].

36. L’article VII de l’AMP prévoit ce qui suit :

1. Chaque Partie fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités soient appliquées de façon non discriminatoires [...].

37. Le Tribunal examinera les allégations de crainte raisonnable de partialité avancées par CGI dans le contexte des dispositions applicables susmentionnées.

38. Dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada 17 , la Cour d’appel fédérale a conclu que, aux termes de l’ACI, la compétence du Tribunal pour statuer sur une plainte n’était pas limitée aux plaintes de partialité réelle, mais incluait celles portant sur des allégations de crainte raisonnable de partialité. Le critère appliqué par le Tribunal pour déterminer si les circonstances de l’espèce donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité est le critère énoncé par le juge de Grandpré, dans son opinion dissidente dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, qui était confirmée par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone 18 , laquelle opinion dissidente prévoit ce qui suit :

[À] quelle conclusion en arriverait une personne renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste19 ?

39. Pour appliquer le critère de la « personne renseignée » aux faits de l’espèce, le Tribunal estime qu’il doit examiner les deux questions suivantes : a) la possibilité qu’ASC aurait pu influencer le comité d’évaluation relativement au résultat du processus d’évaluation; b) si cette possibilité existe, la question de savoir, compte tenu des éléments de preuve qui ont été déposés, si ASC a vraisemblablement influencé le comité d’évaluation relativement au résultat du processus d’évaluation.

40. Toutefois, avant d’aborder ces deux questions, le Tribunal doit examiner la citation tirée du site Web d’ASC qui désignait IBM à titre d’une des sociétés affiliées à ASC. Dans sa plainte, CGI a indiqué ignorer la nature de la relation d’affaire qui unit ASC et IBM. À cet égard, l’affidavit de M. Robert Garth Wallace, directeur exécutif, Solutions client, Secteur public, IBM Canada limitée, a indiqué que, même si IBM a par le passé été titulaire d’une licence pour TF! d’ASC et a utilisé ce logiciel, cette relation a pris fin en novembre 2004, avant la diffusion de la DP pour les SGOB. Selon son affidavit, deux employés d’IBM ont reçu une formation pour utiliser TF! d’ASC à l’étape de la préparation de la proposition, comme l’avait autorisé TPSGC dans la DP, et qu’aucun employé, entrepreneur ou consultant d’ASC n’avait participé d’une manière quelconque à la préparation de la proposition d’IBM.

41. TPSGC a affirmé que la mention d’IBM en tant que « société affiliée » sur le site Web d’ASC renvoyait au « fait que, par le passé, IBM avait assuré le soutien des produits d’ASC Group, ce qui signifiait que du personnel d’IBM avait été formé et autorisé pour aider et donner un service de soutien relativement aux produits et aux outils produits par ASC Group ». Aucune autre explication n’a été mise à la disposition du Tribunal, lequel fait observer que, mise à part une relation d’affaire ayant existé jusqu’en novembre 2004, il n’existe aucun élément de preuve qui porte à croire à l’existence d’un autre type de relation entre ASC et IBM. Par conséquent, la mention d’ASC selon laquelle IBM était une « société affiliée » doit être comprise dans ce contexte.

a) La possibilité qu’ASC aurait pu influencer le comité d’évaluation relativement au résultat du processus d’évaluation

42. CGI a prétendu que, en tant que membre de l’équipe d’évaluation technique, ASC avait joué un rôle intégral en ce qui avait trait à l’établissement des critères d’évaluation dans l’ÉT et à l’évaluation des propositions des soumissionnaires. TPSGC a prétendu que la participation d’ASC était limitée à la prestation d’un soutien technique aux agents des approvisionnements de TPSGC et du MDN relativement à l’utilisation de TF! et que le personnel d’ASC avait aidé à la préparation de la LI et de la DP uniquement pour veiller à ce que ces documents soient correctement libellés, formatés et organisés en vue de leur utilisation selon les exigences techniques de TF!.

43. Le Tribunal fait observer que le rôle d’ASC, comme il est décrit dans la directive sur l’évaluation des SGOB à la phase 220 , est de « faciliter l’utilisation de la méthodologie TF!, de donner des conseils sur la méthodologie TF! à tous les membres de l’équipe d’évaluation technique et de préparer des chiffriers d’analyse comparative » [traduction]. De l’avis du Tribunal, il ressort clairement des éléments de preuve au dossier que le rôle d’ASC en ce qui avait trait au processus d’évaluation était limité à la prestation d’un soutien technique à l’équipe d’évaluation relativement à l’utilisation de TF!, et que ce rôle avait été clairement divulgué à tous les soumissionnaires à la fois dans la LI et dans la DP. Un exemple de ce rôle limité est donné dans la réponse à une partie de la question 238, qui se rapporte à la suppression de l’information financière soumise par les soumissionnaires, et non communiquée à l’équipe d’évaluation technique, ainsi qu’aux détails spécifiques du processus qui allait être appliqué pour supprimer cette information financière des données reçues dans TF!, ladite réponse prévoyant ce qui suit :

Sur réception de la soumission partielle initiale, l’autorité contractante de TPSGC fera une copie de l’original électronique du Volume IB – Feuilles de travail Tabular Format© du soumissionnaire. Sous la supervision de l’autorité contractante de TPSGC et en utilisant de l’équipement appartenant à l’État, un membre d’ASC supprime l’information financière des cellules bleues des feuilles de travail de la copie faite par TPSGC. L’équipe d’évaluation technique reçoit ensuite la copie où il n’y a pas d’information financière dans les cellules bleues des feuilles de travail21 .

[Traduction]

44. Le Tribunal accueille les observations de TPSGC concernant la possibilité qu’ASC ait eu une influence directe quelconque dans les limites que lui imposait son rôle. Le rôle d’ASC était limité à veiller à l’intégration convenable de la méthodologie TF! à la procédure de passation de marché public et ne se rapportait pas à la formulation des termes de la DP, aux critères d’évaluation ou à l’évaluation comme telle des propositions. Toutefois, le Tribunal ne peut pas conclure à l’absence de toute possibilité qu’ASC ait pu influencer le résultat de l’évaluation.

b) La question de savoir si ASC a vraisemblablement influencé le comité d’évaluation relativement au résultat du processus d’évaluation

45. Ayant déterminé qu’ASC aurait, en principe, pu avoir une influence sur le comité d’évaluation relativement au résultat du processus d’évaluation, le Tribunal doit maintenant examiner les éléments de preuve pour déterminer si ASC a vraisemblablement profité de cette occasion. À cet égard, le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve ne porte à croire que le rôle d’ASC en ce qui avait trait à l’invitation en question justifie une détermination qu’elle a vraisemblablement influencé le comité d’évaluation et, de ce fait, le résultat du processus. Par exemple, si des éléments de preuve avaient été mis à la disposition du Tribunal pour établir que des employés d’ASC avaient effectivement évalué les propositions, qu’il avait été tenu compte de l’avis d’ASC durant l’évaluation des propositions pour déterminer si un soumissionnaire satisfaisait à certains critères obligatoires, que des employés d’ASC avaient transmis de l’information à un soumissionnaire ou que TPSGC s’était abstenu de veiller au bon déroulement de la procédure de passation de marché public, la détermination du Tribunal aurait pu alors être différente. Le Tribunal n’a pas pu trouver d’élément de preuve portant à croire que l’ÉT, les critères d’évaluation ou l’évaluation comme telle des propositions avaient été compromis à cause de l’inclusion d’employés d’ASC dans la procédure de passation de marché public. Il fait observer l’absence d’éléments de preuve portant à croire qu’IBM et ASC ont indûment communiqué entre elles durant la période d’appel d’offres. Le Tribunal estime également que TPSGC a agi comme il se doit pour faire en sorte que l’appel d’offres soit juste et transparent : il a avisé les soumissionnaires de la participation d’ASC, il a exigé qu’ASC signe un accord de confidentialité et il a promptement fait enquête relativement à l’opposition présentée par CGI.

46. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal ne peut conclure qu’une personne renseignée et connaissant tous les faits de l’espèce aurait conclu que l’équipe d’évaluation technique n’a pas rendu une décision juste. Le Tribunal ne peut donc conclure qu’il y a crainte raisonnable de partialité en contravention des dispositions susmentionnées dans la présente décision.

47. Le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

Frais

48. Conformément à sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (Ligne directrice), le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte.

49. La Ligne directrice fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public était moyenne, en ce sens que le marché comprenait un projet de services définis, selon la demande. La complexité de la plainte était faible, en ce sens qu’il n’y avait qu’une question en litige. Enfin, la complexité de la procédure était faible, étant donné qu’il y a eu une partie intervenante, que les parties n’ont pas été tenues de déposer des renseignements au-delà de la portée normale de la procédure, qu’il n’a pas été nécessaire de tenir une audience publique et que le délai de 90 jours a été respecté. Par conséquent, l’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente affaire est que son degré global de complexité correspond au plus bas degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

DÉCISION DU TRIBUNAL

50. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

51. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par CGI. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

4 . Le site Web d’ASC a été modifié quelque temps après que CGI avait fait connaître ses préoccupations à TPSGC en avril 2006. IBM ne figure plus au nombre des sociétés affiliées.

5 . RIF à la p. 15.

6 . RIF à la p. 10.

7 . Plainte, onglet 3.

8 . LI à la p. 2.

9 . RIF, pièces 10, 11.

10 . RIF, pièce 13.

11 . Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394.

12 . Plainte, para. 4.

13 . Supra, note 11.

14 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

15 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

16 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

17 . Cougar Aviation (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (28 novembre 2000), A-421-99 (C.A.F.).

18 . 2003 CSC 36.

19 . Supra, note 11.

20 . Plainte, onglet 3.

21 . RIF, pièce 6.