THE IMPACT GROUP

Décisions


THE IMPACT GROUP
c.
CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA
Dossier no PR-2005-050

Décision et motifs rendus
le mercredi 14 juin 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par The Impact Group aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

THE IMPACT GROUP

Partie plaignante

ET

 

LE CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le Conseil national de recherches du Canada verse à The Impact Group une indemnisation pour les frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition en réponse à l’invitation à soumissionner en question. The Impact Group déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, un exposé des frais qu’elle a engagés. Le Conseil national de recherches du Canada disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception de cet exposé pour déposer un exposé en réponse. The Impact Group disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé en réponse pour déposer des observations supplémentaires. Les parties doivent déposer leurs observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur et en effectuer la signification à l’autre partie simultanément.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Directeur de la recherche :

Marie-France Dagenais

   

Gestionnaire de l’enquête :

Michael W. Morden

   

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Partie plaignante :

The Impact Group

   

Institution fédérale :

Conseil national de recherches du Canada

   

Conseiller pour l’institution fédérale :

David M. Attwater

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 6 février 2006, The Impact Group (Impact) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché (invitation no 05-22086) passé par le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) relativement à des services liés à la formulation d’une stratégie organisationnelle.

2. Impact a allégué ce qui suit : le CNRC n’a pas évalué sa proposition en conformité avec les critères d’évaluation énoncés dans la demande de propositions (DP); le CNRC s’est servi de critères ou de facteurs qui n’étaient pas inclus dans la DP lors de l’évaluation de sa proposition; des personnes qui connaissaient mal les critères d’évaluation ont évalué les propositions; sa soumission n’a pas été évaluée dans son ensemble.

3. Le 10 février 2006, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, à l’exception du motif allégué selon lequel des personnes qui connaissaient mal les critères d’évaluation avaient évalué les propositions, puisqu’elle répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 7 mars 2006, le CNRC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 20 mars 2006, Impact a déposé ses observations sur le RIF. Le 4 avril 2006, le Tribunal a demandé au CNCR de déposer d’autres renseignements sur l’évaluation de la proposition d’Impact et l’entretien final au sujet de la proposition d’Impact. Le 19 avril 2006, le CNRC a déposé les renseignements demandés. Le 26 avril 2006, Impact a déposé auprès du Tribunal ses observations sur les renseignements déposés par le CNRC.

5. La quantité des renseignements au dossier étant suffisante pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et, conformément à l’alinéa 25c) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 , a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. La DP qui fait l’objet de la présente plainte vise des services liés à la phase 3 d’une activité de planification stratégique comprenant quatre phases et appelée Projet de renouvellement. La phase 3 porte sur l’élaboration des stratégies nécessaires pour réaliser la vision et atteindre les objectifs stratégiques définis lors de la phase 2. Au moment de la diffusion de la DP liée à la phase 3, la phase 1 était terminée et la phase 2 était en cours. La DP a été diffusée par l’intermédiaire du MERX4 le 14 octobre 2005, et la date limite pour la remise des soumissions y était fixée au 23 novembre 2005. Trois séries de questions et réponses ont été diffusées par l’intermédiaire du MERX, soit les 1er, 8 et 15 novembre 2005. Pour être considérés en vue de l’adjudication du contrat, les soumissionnaires devaient satisfaire à tous les critères obligatoires énoncés dans la DP et leur proposition technique devait obtenir au moins 70 points sur un total de 100 points dans les catégories cotées. Le CNRC a établi une grille de notation, qui n’avait pas été communiquée aux soumissionnaires dans le cadre de la DP, pour aider les évaluateurs à évaluer les parties cotées des propositions.

7. Le CNRC a reçu sept soumissions, dont l’une avait été déclarée non conforme car les renseignements financiers et techniques n’avaient pas été présentés séparément. L’équipe d’évaluation technique du CNRC a évalué les six propositions restantes entre le 30 novembre et le 20 décembre 2005. Le 5 janvier 2006, le chef de l’équipe d’évaluation technique a informé l’autorité contractante qu’une seule société, Secor, avait obtenu le seuil obligatoire de 70 points à la section des critères cotés. Le 17 janvier 2006, le chargé de projet pour le CNRC a informé Secor, de vive voix, qu’elle pouvait entreprendre les travaux de la phase 3 du Projet de renouvellement.

8. La disposition 12.0 de la DP contenait les exigences suivantes au sujet de la sécurité :

[...]

12.1 Avant l’exécution des obligations prévues dans le contrat, tout le personnel associé au projet devra avoir été l’objet d’une vérification approfondie confidentiel[le] en vertu de la politique du gouvernement canadien concernant la sécurité.

12.2 De telles attestations constitueront une condition préalable à l’autorisation de tout travail à effectuer en vertu de tout accord de contrat établi par suite du présent appel d’offres. Si l’entrepreneur risque de ne pouvoir respecter le travail requis dans les délais impartis en raison d’une attestation de sécurité insuffisante, le choix se portera sur un autre entrepreneur.

9. Le 17 janvier 2006, l’autorité contractante a amorcé une vérification de sécurité visant les quatre employés proposés par Secor en vue du projet en question. Le 24 janvier 2006, l’autorité contractante a informé le chargé de projet que Secor ne répondait pas à l’exigence obligatoire portant sur les attestations de sécurité et que le CNRC ne pouvait donner suite au contrat. Le 2 février 2006, le CNRC a informé Secor que sa proposition avait été déclarée non conforme. Sous pli distinct, le 2 février 2006, le CNRC a avisé tous les soumissionnaires non retenus que l’invitation à soumissionner avait été annulée dans son ensemble.

10. Le 16 janvier 2006, le CNRC a informé Impact que sa proposition avait été déclarée non conforme, puisqu’elle n’avait pas obtenu le seuil obligatoire de 70 points. Il lui a aussi retourné sa proposition financière, non ouverte. Entre le 16 et le 19 janvier 2006, l’autorité contractante a communiqué à Impact des renseignements de base sur les résultats de l’évaluation de sa proposition. Impact a présenté une opposition au CNRC relativement au fait que sa proposition avait été déclarée non conforme et, le 24 janvier 2006, un des évaluateurs techniques a accordé un entretien final téléphonique à Impact. Le 30 janvier 2006, Impact a été avisée par courriel que l’invitation à soumissionner avait été annulée. Impact a continué à s’opposer à l’évaluation de sa proposition. Le 1er février 2006, le CNRC a avisé Impact qu’il avait réexaminé sa proposition et a soutenu que la proposition avait fait l’objet d’une évaluation équitable.

11. Le 6 février 2006, Impact a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position d’Impact

12. Au sujet de l’allégation selon laquelle le CNRC n’avait pas évalué sa proposition en conformité avec les critères d’évaluation énoncés dans la DP, Impact a soutenu que les évaluateurs n’avaient reçu aucun renseignement préalable ou directive au sujet du mandat ou des critères de notation énoncés dans la DP et qu’on ne pouvait donc s’attendre à ce qu’ils puissent évaluer les propositions correctement. D’après Impact, selon toute logique, les évaluateurs n’ont pas véritablement pris le temps de parvenir à un consensus sur 20 résultats particuliers (un pour chaque critère détaillé) pour chacune des 6 propositions recevables, tel qu’il était prévu dans la DP. Impact a soutenu que, selon toute vraisemblance, les résultats avaient été inscrits après la réunion d’établissement d’un consensus et représentaient une rationalisation subséquente à la discussion de sa proposition et non pas le résultat d’une évaluation soignée de sa proposition en fonction des critères énoncés dans la DP, ou même en fonction de critères non divulgués compris dans la grille d’évaluation.

13. Impact a aussi soutenu que les observations présentées par le CNRC à l’occasion de son entretien final ne correspondaient pas aux points attribués à certains égards, par exemple, même si le CNRC avait déclaré avoir été favorablement impressionné par les experts-conseils proposés par Impact, il avait attribué à Impact la note d’échec pour le critère lié à ce volet. Elle a affirmé que le CNRC n’avait pas pu être à la fois favorablement impressionné par les experts-conseils et lui avoir attribué une note d’échec. Elle a ajouté qu’un autre exemple d’une telle divergence entre la note attribuée et le contenu de sa proposition se rapportait aux exigences selon lesquelles un plan et un calendrier de travail étaient nécessaires. Elle a prétendu que son plan indiquait 19 tâches précises, les dates de début et de fin de chaque tâche ainsi que les ressources qui seraient affectées à chacune; pourtant, le CNRC lui a attribué une note d’échec relativement au plan et au calendrier proposés. D’après Impact, une telle évaluation est tout simplement incompatible avec le plan détaillé qu’elle avait soumis. Impact a soutenu que la DP était, pour l’essentiel, fondée sur les compétences et non pas sur la méthodologie, mais que le CNRC avait évalué les soumissions du point de vue de la méthodologie.

14. En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle, dans l’évaluation de sa proposition, le CNRC s’était servi de critères ou de facteurs qui n’étaient pas inclus dans la DP, Impact a soutenu que le CNRC avait établi la grille de notation après la diffusion de la DP, qu’il avait apporté des modifications importantes à l’interprétation du libellé de la DP et qu’il avait attribué les points d’une manière subjective étrangère aux renseignements communiqués aux soumissionnaires. Elle a soutenu que le CNRC n’avait jamais révélé l’existence d’une grille d’évaluation pour la répartition des points. Elle a ajouté que les soumissionnaires ne disposaient que d’une DP narrative pour préparer leur soumission et qu’ils n’avaient aucune idée de l’importance relative qui serait accordée à l’un ou à l’autre des critères détaillés.

15. En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle sa proposition n’avait pas été évaluée dans son ensemble, Impact a soutenu que, si le CNRC avait ouvert sa proposition financière, il aurait trouvé des renseignements qui renforçaient certains points présentés dans sa proposition technique. Plus précisément, elle a soutenu que, à l’occasion de l’entretien final, le CNRC l’avait informée que « le groupe d’évaluation avait été impressionné par les experts-conseils proposés par Impact, mais que la question de savoir de quelle manière et quand ces experts participeraient aux travaux et, en général, la façon dont ils étaient intégrés au projet prêtaient à confusion »5 [traduction]. Impact a prétendu qu’elle avait traité de cette exigence dans sa proposition technique et l’avait reprise en détail dans sa proposition financière, que le CNRC avait décidé de ne pas examiner. Elle a soutenu que « la DP n’exige pas que les soumissionnaires précisent dans leur proposition technique l’ampleur de l’effort de chaque expert-conseil; cette information est requise dans la proposition financière (“le nombre de personnes affectées au travail et le nombre de jours de travail prévu ”) »6 [traduction].

16. En ce qui a trait à l’indemnisation, Impact a soutenu que soit la procédure d’évaluation viciée soit la décision sans fondement est un motif suffisant à lui seul pour justifier l’indemnisation. Elle a ajouté que, peu importe l’issue de la présente affaire, aucuns frais ne devraient être accordés au CNRC, car c’est l’absence d’un mécanisme interne au CNRC permettant d’interjeter appel qui l’avait contrainte à déposer une plainte auprès du Tribunal.

Position du CNRC

17. Le CNRC a soutenu que le Tribunal a déjà déclaré qu’il interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable7 et que les évaluateurs avaient, en l’espèce, appliqué correctement les critères d’évaluation. Il a soutenu que cette évaluation exigeait l’application d’un jugement professionnel et que, parce qu’un tel jugement peut différer selon chaque évaluateur et pour garantir l’uniformité de l’évaluation de toutes les propositions, il ne serait pas indiqué et il serait injuste que le Tribunal substitue son jugement à celui des évaluateurs relativement à l’évaluation de la proposition d’un seul soumissionnaire par l’équipe de spécialistes du domaine. Il a fait valoir que le Tribunal a déjà déclaré qu’« [...] il importe, pour des raisons de justice et d’équité, que toutes les propositions soient examinées par les mêmes évaluateurs [...] »8 .

18. Le CNRC a aussi soutenu que le Tribunal a déjà déclaré qu’il s’en remet normalement au jugement des évaluateurs lorsqu’il est convaincu qu’ils ont évalué une proposition d’une manière équitable du point de vue de la procédure9 et que, à l’exception de son allégation selon laquelle elle aurait dû obtenir davantage de points, Impact n’a déposé aucun élément de preuve que sa proposition avait été évaluée autrement que d’une manière équitable du point de vue de la procédure.

19. Le CNRC a soutenu que les propositions avaient été évaluées par application des critères expressément énoncés dans la DP et que leur cotation avait été fondée sur les résultats attribués en fonction de ces critères. Il a soutenu que l’affirmation d’Impact selon laquelle il avait appliqué des critères d’évaluation qui n’étaient pas inclus dans la DP était fondée sur des observations avancées par un seul évaluateur technique et n’ont aucune pertinence par rapport à l’évaluation véritable de la proposition. Le CNRC a ajouté que le Tribunal avait déjà statué sur cette question et avait déclaré ce qui suit : « [...] la réunion d’information s’est tenue après la décision et ne peut servir à la fonder [à déclarer une proposition irrecevable] [...] »10 . Il a ajouté que, même si l’information présentée à Impact à l’entretien final n’était pas pertinente par rapport à l’évaluation véritable de sa proposition, les résultats obtenus par Impact étaient fondés sur les points reçus à l’évaluation et que ses résultats étaient justes.

20. Le CNRC a soutenu que, en conformité avec Siemens Westinghouse 11 , la grille d’évaluation produite pour aider les évaluateurs à attribuer les points était raisonnablement liée aux critères précisés dans la DP et y était pleinement comprise. Il a soutenu que les critères d’évaluation appliqués par l’équipe d’évaluation technique étaient les mêmes que ceux qui avaient été énoncés dans la DP.

21. Au sujet de l’allégation selon laquelle la proposition d’Impact n’avait pas été évaluée dans son ensemble, le CNRC a soutenu que tous les soumissionnaires avaient été informés, dans le cadre du mécanisme de questions et réponses publiées par l’intermédiaire du MERX le 8 novembre 2005, de ce qui suit :

Les propositions financières demeurent scellées et sous la garde de l’autorité contractante jusqu’à ce que l’équipe d’évaluation ait terminé l’évaluation technique. Ce n’est que lorsque les résultats de cette évaluation technique auront été soumis et examinés par l’autorité contractante que les propositions financières seront ouvertes12 .

[Traduction]

Le CNRC a soutenu qu’il ressort manifestement de ce qui précède que les renseignements techniques et financiers devaient être séparés. Le CNRC a soutenu que l’information contenue dans la proposition technique d’Impact avait été examinée durant l’évaluation et que, si Impact voulait que certains renseignements soient examinés au moment de l’évaluation technique, il lui incombait de l’inclure dans sa proposition technique.

22. Le CNRC a soutenu que, si le Tribunal devait conclure que la plainte est fondée, la mesure corrective la mieux indiquée serait que le CNRC évalue à nouveau les six propositions qui ont fait l’objet de l’évaluation technique, en tenant compte des conclusions du Tribunal. Il a prétendu que la question de l’indemnisation ne devrait être envisagée que si la proposition technique d’Impact était déclarée celle ayant obtenu le plus de points à l’évaluation.

23. Le CNRC a demandé que la plainte soit rejetée et que ses frais lui soient remboursés en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public du Tribunal (la Ligne directrice). Il a aussi demandé que, si la plainte était déclarée fondée en partie, chaque partie assume ses propres frais. Il a fait observer qu’Impact n’avait pas demandé le remboursement des frais qu’elle avait engagés.

ANALYSE DU TRIBUNAL

24. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l’espèce, sont l’Accord sur le commerce intérieur 13 , l’Accord de libre-échange nord-américain 14 et l’Accord sur les marchés publics 15 .

25. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

[...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

26. L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...].

27. L’alinéa XIII(4)c) de l’AMP prévoit ce qui suit :

c) Les adjudications seront faites conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres.

28. Le Tribunal doit examiner les trois motifs de plainte suivants : 1) le CNRC n’avait pas évalué la proposition d’Impact en conformité avec les critères d’évaluation énoncés dans la DP; 2) le CNRC s’était servi de critères ou de facteurs qui n’étaient pas inclus dans la DP pour évaluer la proposition d’Impact; 3) la soumission d’Impact n’avait pas été évaluée dans son ensemble.

Motifs 1 et 2 de la plainte

29. TPSGC a communiqué les quatre observations générales suivantes à Impact, au sujet de sa proposition, à l’entretien final qui a eu lieu par téléphone le 24 janvier 2006 :

• « Pas beaucoup de renseignements sur la démarche et la méthodologie d’élaboration de la stratégie »

• « Le groupe proposé était très compétent mais peu d’indications ont été données sur le temps qu’il consacrerait au projet »

• « Le calendrier de planification était vague »

• « La proposition ne tient pas compte du travail du CNRC déjà accompli »16

[Traduction]

30. Un affidavit déposé par M. Jac van Beek, un des huit évaluateurs techniques, explique leur rôle prévu et comment ces observations ont été formulées comme il suit :

Lorsque l’évaluation d’une proposition était terminée, le chef de l’équipe d’évaluation s’informait auprès de chaque évaluateur pour obtenir les observations générales sur les forces et les faiblesses de chaque proposition. Ces observations avaient pour but d’aider le soumissionnaire à comprendre de quelle manière les points avaient été attribués à sa proposition dans son ensemble et d’améliorer la présentation de ses soumissions à venir. Les observations n’avaient pas pour but d’expliquer un résultat quelconque particulier par rapport à un critère d’évaluation. Les observations consignées ont toutes été soumises à l’approbation de l’équipe d’évaluation technique et elles ne reflètent pas le point de vue personnel d’un seul évaluateur.

Le chef de l’équipe d’évaluation a résumé les observations convenues par l’équipe d’évaluation et a ensuite préparé un rapport provisoire résumant les observations de l’équipe d’évaluation technique. Les résultats obtenus par consensus et les résumés des observations ont été communiqués à tous les évaluateurs techniques pour que ces derniers les examinent et les acceptent17 .

[Traduction]

31. Le Tribunal estime qu’il ressort clairement de ce qui précède que les huit évaluateurs ont tous convenu que les quatre observations susmentionnées étaient des points importants qui devaient être communiqués à Impact pour aider cette dernière à comprendre « l’évaluation globale de sa proposition » [traduction]. L’entente des évaluateurs au sujet des quatre observations susmentionnées résultait d’un processus d’examen dans le cadre duquel on leur avait demandé leur avis et leur avait par la suite donné l’occasion d’examiner le libellé de leurs observations avant leur formulation finale. Le 24 janvier 2006, après l’établissement du libellé final des observations, M. van Beek a communiqué à Impact les observations qui avaient fait l’objet de consensus.

32. Le Tribunal ne substitue habituellement pas son jugement à celui des évaluateurs sauf s’ils ne se sont pas appliqués au moment de l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux inclus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, d’une autre manière, procédé à l’évaluation d’une manière équitable du point de vue de la procédure18 .

33. Le Tribunal estime que les quatre observations n’étaient pas destinées à transmettre à Impact des renseignements spécifiques au sujet des points qu’elle avait perdus. Toutefois, étant donné l’importance que les évaluateurs attachaient manifestement à ces observations dans l’explication du résultat global, ce résultat aurait dû d’une façon générale être conforme aux observations, s’il était bien déterminé.

34. Par conséquent, le Tribunal a examiné la notation afin de déterminer si elle était, d’une façon générale, conforme aux quatre observations, en utilisant la grille de notation détaillée de la soumission d’Impact fournie par le CNRC dans le cadre du RIF19 .

– Première observation : « Pas beaucoup de renseignements sur la démarche et la méthodologie d’élaboration de la stratégie »

35. La première observation peut raisonnablement être considérée comme pertinente aux résultats liés à la « stratégie proposée pour l’exécution du travail » et au « plan et calendrier proposés ». Par conséquent, une partie importante des points perdus par Impact aurait raisonnablement découlé, dans une certaine mesure, de cette observation, et le Tribunal estime que la note accordée à Impact pour ces éléments peut raisonnablement être qualifiée de généralement conforme à cette observation.

– Deuxième observation : « Le groupe proposé était très compétent mais peu d’indications ont été données sur le temps qu’il consacrerait au projet »

36. La partie de l’observation concernant le temps consacré par les ressources proposées pourrait, d’une façon raisonnable, être considérée comme pertinente aux résultats liés à « l’équilibre général de l’équipe », à « la stratégie proposée pour l’exécution du travail » et aux « plan et calendrier proposés ». Par conséquent, une partie importante des points perdus par Impact aurait raisonnablement découlé, dans une certaine mesure, de cette observation, et le Tribunal estime que la note accordée à Impact pour ces éléments peut raisonnablement être qualifiée de généralement conforme à cette observation.

37. La partie de l’observation qui prévoyait que « le groupe proposé était très compétent » pourrait raisonnablement être considérée comme pertinente aux résultats liés à l’« expérience du personnel proposé », à la « connaissance et expérience de l’élaboration de stratégies », à l’« expérience de la planification stratégique avec de grandes organisations scientifiques » et aux « connaissances approfondies des méthodes et des pratiques de gestion du changement ». Par conséquent, le Tribunal se serait normalement attendu à une tendance positive marquée dans les résultats attribués pour ces éléments. Plutôt, les résultats correspondant à ces éléments montrent une importante perte de points qui n’est manifestement pas compatible avec l’opinion établie par consensus du groupe selon laquelle le groupe proposé était très compétent. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que, à l’attribution de notes à ces parties de la proposition d’Impact, les évaluateurs n’ont pas appliqué les critères énoncés dans la DP et doivent avoir suivi d’autres critères, non divulgués.

– Troisième observation : « Le calendrier de planification était vague »

38. La troisième observation peut raisonnablement être considérée comme pertinente aux résultats liés aux « plan et calendrier proposés ». Par conséquent, une partie importante des points perdus par Impact aurait raisonnablement découlé, dans une certaine mesure, de cette observation, et le Tribunal estime que la note accordée à Impact pour ces éléments peut raisonnablement être qualifiée de généralement conforme à cette observation.

– Quatrième observation : « La proposition ne tient pas compte du travail du CNRC déjà accompli »

39. La quatrième observation peut raisonnablement être considérée comme pertinente aux résultats liés à la « démonstration d’une compréhension du travail » et la « stratégie proposée pour l’exécution du travail ». Par conséquent, une partie importante des points perdus par Impact aurait raisonnablement découlé, dans une certaine mesure, de cette observation, et le Tribunal estime que la note accordée à Impact pour ces éléments peut raisonnablement être qualifiée de généralement conforme à cette observation.

40. À la lumière de la discussion qui précède concernant la partie de la deuxième observation qui est liée à la compétence du groupe, le Tribunal conclut que les deux premiers motifs de plainte sont fondés.

Motif 3 de la plainte

41. Le troisième motif de la plainte est que la proposition d’Impact n’avait pas été évaluée dans son ensemble. La DP prescrit que les soumissionnaires doivent présenter des propositions techniques et financières distinctes, chacune devant satisfaire à des exigences séparées et distinctes20 . Aux termes de la clause 1.1 de la DP, les propositions techniques et financières doivent être présentées dans des enveloppes distinctes. Les questions et réponses publiées par l’intermédiaire du MERX le 8 novembre 2005 comprenaient ce qui suit : « Les propositions financières ne seront pas ouvertes et demeureront sous la garde de l’autorité contractante jusqu’à ce que l’équipe d’évaluation ait terminé l’évaluation technique. » La clause 6.1 de la DP prévoit ce qui suit au sujet des propositions techniques : « [...] Les propositions qui obtiendront moins de 70 points sur 100 points seront jugées irrecevables et seront éliminées du processus de sélection [...] ».

42. En l’espèce, le CNRC a évalué la proposition technique d’Impact, a conclu qu’elle n’avait pas obtenu suffisamment de points pour être recevable et, par conséquent, n’a pas examiné la proposition financière d’Impact. Le processus semble conforme aux dispositions de la DP (sauf pour la notation des éléments liés à la compétence du groupe, comme il a été discuté dans le cadre de l’examen des motifs 1 et 2 de la plainte).

43. Par conséquent, le Tribunal ne peut trouver aucune indication que le CNRC a contrevenu à ses obligations aux termes des accords commerciaux à cet égard et conclut que ce motif de plainte n’est pas fondé.

MESURE CORRECTIVE

44. Ayant conclu que la plainte est fondée en partie, le Tribunal doit maintenant recommander un moyen convenable de réparer le préjudice causé à Impact en raison des lacunes du processus d’évaluation.

45. À cet égard, l’extrait pertinent de l’article 30.15 de la Loi sur le TCCE prévoit ce qui suit :

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d’offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

(4) Le Tribunal peut, sous réserve des règlements, accorder au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres.

46. Le Tribunal estime que l’application de critères non énoncés dans la DP est une irrégularité grave dans la procédure de passation du marché public. Il ne s’agit pas d’un cas où un critère de la DP aurait été mal interprété; il est clair que les évaluateurs du CNRC étaient d’avis que le groupe proposé était compétent, mais ont évalué les critères pertinents sur une base entièrement différente. Le Tribunal est d’avis qu’une lacune d’une telle gravité relativement à l’évaluation porte un préjudice à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication. Les éléments de preuve ne permettent pas de déterminer si les évaluateurs ont agi de la sorte parce qu’ils ne comprenaient pas suffisamment bien leurs responsabilités ou s’ils ont agi de mauvaise foi à l’égard d’un ou de plusieurs soumissionnaires.

47. La mesure dans laquelle Impact et les autres soumissionnaires ont vraisemblablement subi un préjudice n’est pas claire. Les éléments de preuve n’indiquent pas si l’irrégularité dans l’évaluation des critères se rapportant au personnel a été limitée à la soumission d’Impact ou si elle s’est étendue à toutes les soumissions. Si la soumission d’Impact avait été correctement évaluée, Impact aurait pu recevoir suffisamment de points pour que sa soumission soit recevable et aurait pu remporter le contrat. Les notes obtenues par les autres soumissionnaires auraient aussi pu être différentes si les bons critères d’évaluation avaient été appliqués. D’après le Tribunal, il n’est pas évident que le CNRC aurait donné suite au contrat si la soumission d’Impact ou celle de l’un ou l’autre des autres soumissionnaires non retenus avait été déclarée recevable.

48. Toutefois, il est évident qu’Impact n’a pas reçu l’évaluation à laquelle elle aurait dû s’attendre selon ce qui était énoncé dans la DP. Si Impact avait connu les critères qui seraient appliqués, elle aurait vraisemblablement structuré sa soumission différemment ou décidé de ne pas présenter de soumission.

49. Étant donné la gravité de la violation à la procédure d’évaluation, le Tribunal estime que le montant de l’indemnisation qui s’impose est un montant qui correspond à la totalité des frais raisonnables engagés par Impact pour la préparation de sa soumission.

50. Étant donné qu’Impact n’a pas présenté de demande de remboursement de ses frais, le Tribunal n’accordera pas de frais dans la présente affaire.

DÉCISION DU TRIBUNAL

51. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

52. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que le CNRC verse à Impact une indemnisation pour les frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition en réponse à l’invitation à soumissionner en question. Impact déposera auprès du Tribunal, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, un exposé des frais qu’elle a engagés. Le CNRC disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception de cet exposé pour déposer un exposé en réponse. Impact disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé en réponse pour déposer des observations supplémentaires. Les parties doivent déposer leurs observations auprès du Tribunal et en effectuer la signification à l’autre partie simultanément.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

5 . Sommaire de la réclamation d’Impact à la p. 4.

6 . Ibid.

7 . Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (6 octobre 2005), PR-2005-004 (TCCE).

8 . Re plainte déposée par Canadian Computer Rentals (3 août 2000), PR-2000-003 (TCCE) à la p. 6.

9 . Re plainte déposée par Mirtech International Security Inc. (3 juin 1997), PR-96-036 (TCCE).

10 . Re plainte déposée par Service Star Building Cleaning Inc. (22 janvier 1999), PR-98-027 (TCCE) à la p. 5.

11 . Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux , [2002] 1 C.F. 292 (C.A.), para. 43.

12 . RIF, pièce 3.

13 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

14 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

15 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

16 . RIF, para. 64.

17 . Affidavit de M. van Beek, paras 5, 6.

18 . Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).

19 . RIF, pièce 5.

20 . DP, para. 6.1 dans le cas de la proposition technique, para. 7.0 dans le cas de la proposition financière.