CANYON CONTRACTING

Décisions


CANYON CONTRACTING
c.
AGENCE PARCS CANADA
Dossier no PR-2006-016

Décision et motifs rendus
le mardi 19 septembre 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Canyon Contracting aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

CANYON CONTRACTING

Partie plaignante

ET

 

L’AGENCE PARCS CANADA

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que l’Agence Parcs Canada verse à Canyon Contracting, en reconnaissance de l’occasion qu’elle a perdue, une indemnisation d’un montant correspondant à la moitié de 10 p. 100 de la valeur de la soumission retenue ou 6 050 $.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Canyon Contracting le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par l’Agence Parcs Canada. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseiller pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Partie plaignante :

Canyon Contracting

   

Institution fédérale :

Agence Parcs Canada

   

Conseiller pour l’institution fédérale :

Stéphanie Bouchard

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 22 juin 2006, Canyon Contracting (Canyon) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’un marché public (invitation no 5P404-16-08-05) passé par l’Agence Parcs Canada (Parcs Canada) pour l’installation de panneaux à divers endroits dans le parc national du Mont-Riding.

2. Canyon a allégué que Parcs Canada avait, de façon inappropriée, apporté des modifications aux spécifications techniques après l’adjudication du contrat. À titre de mesure corrective, elle a demandé que le Tribunal recommande à Parcs Canada de lui verser une indemnisation en reconnaissance des profits qu’elle avait perdus, au montant de 10 p. 100 du prix qu’elle avait soumissionné. Elle a aussi demandé le remboursement des frais qu’elle avait engagés pour la préparation de sa soumission et pour le dépôt de la plainte.

3. Le 30 juin 2006, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 7 juillet 2006, Parcs Canada a avisé le Tribunal qu’un contrat avait été adjugé à Colonial Custom Designs Corp.3 . Le 25 juillet 2006, Parcs Canada a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 2 août 2006, Canyon a déposé ses observations sur le RIF. Le 9 août 2006, Parcs Canada a déposé d’autres observations.

5. Étant donné qu’il y avait suffisamment de renseignements au dossier pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. Le 16 août 2005, Parcs Canada a fait parvenir un appel d’offres à quatre soumissionnaires potentiels relativement à l’invitation en question. Aux termes de l’une des modalités de l’invitation, les poteaux de soutien des panneaux devaient satisfaire aux normes prescrites pour les panneaux routiers et la conception des routes. Une conférence des soumissionnaires a été tenue le 26 août 2005 et le seul fournisseur présent était Canyon. Le 2 septembre 2005, après la conférence des soumissionnaires, un compte rendu écrit des questions de Canyon et des réponses de Parcs Canada a été transmis aux soumissionnaires potentiels. La date de clôture pour la remise des soumissions était fixée au 12 septembre 2005.

7. Parcs Canada a fait savoir que deux propositions avaient été reçues, une de Canyon et l’autre de Pattison Sign Group (Pattison), et que toutes deux avaient été déclarées conformes. Le 15 septembre 2005, Parcs Canada a accepté la proposition de Pattison, car cette dernière était la proposition conforme présentant le prix le plus bas. Le 26 septembre 2005, Pattison a présenté des dessins à Parcs Canada relativement à l’exigence selon laquelle il lui fallait prouver que les directives et les normes prescrites étaient satisfaites ou dépassées. Il semble que ces dessins aient également été transmis, aux fins d’examen, à un ingénieur du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC). Le 5 octobre 2005, Parcs Canada a envoyé une lettre à Pattison pour l’informer que les dessins n’étaient pas conformes aux spécifications énoncées dans le contrat. La lettre stipulait ce qui suit : « notamment, ils n’indiquent pas l’utilisation de poteaux de soutien profilés en I en aluminium ni ne sont-ils reliés aux directives de l’American Association of State Highway and Transportation Officials (AASHTO) et du National Cooperative Highway Research Program (NCHRP) relativement aux normes de sécurité en cas de collision ou aux paramètres de capacité d’absorption des chocs »5 [traduction]. Plutôt, les dessins montraient des poteaux ronds en aluminium dans du gravier compacté6 . Le 17 octobre 2005, l’ingénieur de TPSGC a informé Parcs Canada que les dessins n’établissaient pas la preuve de la conformité aux normes prescrites pour les panneaux routiers et la conception des bordures des routes. L’ingénieur a ajouté que les spécifications de Parcs Canada portant sur des panneaux assortis de poteaux en aluminium plantés dans du béton pouvaient elles-mêmes poser problème en termes de conformité aux normes prescrites7 . Le 6 décembre 2005, après un échange entre Parcs Canada, Pattison et TPSGC, Pattison a transmis à Parcs Canada et à l’ingénieur de TPSGC une copie d’un rapport d’une autre administration indiquant que les poteaux ronds en aluminium plantés dans du gravier comme moyen d’ancrage satisfaisaient aux directives et normes requises8 . Le 8 décembre 2005, Parcs Canada a avisé Pattison qu’elle pouvait commencer les travaux.

8. D’après la plainte, Canyon a présenté une opposition à Parcs Canada le 10 mai 2006, lorsqu’elle a initialement découvert que les spécifications des travaux avaient été modifiées. Parcs Canada a répondu à Canyon, dans une lettre datée du 11 mai 2006, mais cette dernière dit avoir reçu cette lettre par courrier ordinaire le 15 mai 2006. Entre le 15 mai et le 27 juin 2006, diverses pièces de courrier ont été échangées entre Canyon et Parcs Canada. Le 22 juin 2006, Canyon a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de Canyon

9. Canyon a soutenu que, en conformité avec la clause 10.1 des « Instructions aux soumissionnaires » [traduction], si des matériaux de rechange étaient approuvés aux fins de la soumission, un addenda au contrat devait être diffusé. Elle a soutenu qu’aucune modification n’avait été communiquée relativement à la modification des spécifications. Elle a aussi soutenu que le renvoi à un « entrepreneur capable d’utiliser d’autres poteaux » [traduction] dans le compte rendu de la conférence des soumissionnaires9 ne pouvait être réputé une modification du contrat, puisque ledit renvoi ne portait que sur la taille des poteaux10 .

10. Canyon a fait valoir qu’il n’est nulle part énoncé dans l’exigence que l’entrepreneur doit ou devrait planter les poteaux de soutien profilés en I en aluminium dans du béton. Elle a ajouté que, selon Parcs Canada, les dessins de Pattison ne sont pas conformes aux spécifications, car « ils n’indiquent pas l’utilisation de poteaux de soutien profilés en I en aluminium ni ne sont-ils reliés aux directives de l’AASHTO et du NCHRP relativement aux normes de sécurité en cas de collision ou aux paramètres de capacité d’absorption des chocs »11 .

Position de Parcs Canada

11. Parcs Canada a soutenu que la décision d’adjuger le contrat à Pattison était fondée sur le fait que la soumission de cette dernière satisfaisait pleinement aux exigences de l’invitation à soumissionner et était la soumission présentant le prix le plus bas. Elle a ajouté que ce n’est qu’après l’adjudication du contrat à Pattison que des ajustements nécessaires avaient été apportés aux spécifications des travaux et que ces ajustements étaient sans conséquence et entraient dans le champ d’application du processus administratif du contrat.

12. Parcs Canada a prétendu que l’utilisation de poteaux ronds en aluminium plutôt que des poteaux de soutien profilés en I en aluminium ne constitue pas une modification importante de sa nature et a précisé qu’elle avait déjà signalé dans les réponses transmises à tous les soumissionnaires que n’importe quel poteau de soutien pouvait être utilisé, pourvu qu’il porte l’estampille d’approbation d’un ingénieur. Elle a soutenu que le remplacement de l’ancrage dans du béton par l’ancrage dans du gravier compacté avait été rendu nécessaire du fait que TPSGC avait avisé Parcs Canada que l’aluminium se corrode lorsqu’il est planté dans du béton. Une telle corrosion était inacceptable du point de vue de la satisfaction aux normes et directives mentionnées dans l’appel d’offres. Par conséquent, Parcs Canada a permis à Pattison d’utiliser du gravier compacté, selon l’autorisation de ses ingénieurs à la satisfaction de Parcs Canada.

13. Parcs Canada a soutenu que l’alinéa 514(2)a) de l’Accord sur le commerce intérieur 12 énonce clairement que la procédure de passation d’un marché débute « [...] au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir, et se poursuit jusqu’à l’attribution du marché ». Elle a soutenu que les modifications avaient été apportées après l’adjudication du contrat et n’avaient absolument aucun rapport avec le processus d’évaluation des soumissions comme tel. Parcs Canada a donc soutenu que le Tribunal n’avait pas compétence pour statuer en l’espèce. Elle a fait référence à Liftow Limited 13 à l’appui de sa position.

14. Enfin, Parcs Canada a demandé le remboursement des frais qu’elle avait engagés pour répondre à la plainte.

ANALYSE DU TRIBUNAL

15. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, à savoir, en l’espèce, l’ACI.

16. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « [...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

17. L’appel d’offres original énonçait les exigences techniques suivantes :

3. Poteaux de soutien des panneaux

L’entrepreneur doit fournir deux options de poteaux de soutien qui respectent ou dépassent les directives courantes de l’AASHTO pour le soutien des panneaux et les normes courantes du NCHRP relatives à la sécurité en cas de collision.

L’option 1 désignera des poteaux de soutien profilés en I en aluminium plantés dans du béton.

L’option 2 désignera des poteaux en bois Microllam LVL.

[Traduction]

18. De plus, l’appel d’offres indiquait ce qui suit : « L’entrepreneur est tenu de soumettre deux prix fixes pour l’achèvement des travaux. Le prix fixe “A” se rapportera à tous les travaux utilisant les poteaux de soutien profilés en I en aluminium plantés dans du béton. Le prix fixe “B” désignera tous les travaux utilisant les poteaux de soutien en bois Microllam LVL »14 [traduction].

19. Par suite de la conférence des soumissionnaires, à laquelle seule Canyon était présente, Parcs Canada a transmis les questions et les réponses suivantes concernant les poteaux et les ancres à tous les soumissionnaires :

Q3. Des poteaux d’une taille différente peuvent-ils être utilisés pour soutenir les panneaux?

R3. L’entrepreneur peut utiliser d’autres poteaux; toutefois, tous les poteaux de soutien utilisés doivent être assortis de l’estampille d’approbation d’un ingénieur.

Q6. Les pièces d’ancrage à vis sont habituellement en acier. Parcs Canada modifiera-t-elle le contrat pour remplacer les ancres en béton par des ancres en acier.

R6. Oui, des ancres en acier peuvent être utilisées.

[Traduction]

20. Le Tribunal conclut que les soumissionnaires étaient tenus de soumettre deux prix fixes pour l’achèvement des travaux : un prix dans le cas de l’option 1 et un autre dans le cas de l’option 2. Le Tribunal fait observer que le type de poteaux lié à chacune des options était très spécifique et présentait un caractère obligatoire. Canyon et Pattison ont toutes deux soumis deux prix fixes, un pour chacune des options, tel qu’il était requis. Le 15 septembre 2005, Parcs Canada a avisé Pattison que son offre était acceptée et a fait référence au prix soumis par Pattison pour l’option 1.

21. Selon le Tribunal, les questions et réponses issues de la conférence des soumissionnaires n’ont pas modifié les spécifications obligatoires. Contrairement à l’affirmation de Parcs Canada selon laquelle « tout poteau de soutien pouvait être utilisé, à condition de porter l’estampille d’approbation d’un ingénieur »15 [traduction], le Tribunal est d’avis que ce n’est pas simplement « tout » poteau approuvé par un ingénieur, indépendamment de sa forme, sa composition ou sa résistance, qui pouvait être utilisé. Selon le Tribunal, la réponse à la question no 3 communiquée à tous les soumissionnaires ne peut se lire sans tenir compte de la question elle-même. Plus précisément, la question demandait seulement si « des poteaux d’une taille différente » [traduction] pouvaient être utilisés. Les éléments de preuve contemporains portent à conclure que Parcs Canada et les deux soumissionnaires interprétaient la condition prescrite comme exigeant soit des poteaux de soutien profilés en I en aluminium soit des poteaux Microllam LVL.

22. La clause 10 des « Instructions aux soumissionnaires » stipule ce qui suit :

Approbation de matériaux de rechange

Durant la période de soumission, les matériaux de rechange proposés seront pris en considération à condition que des données techniques complètes parviennent, par écrit, au gestionnaire de projet au moins sept (7) jours avant la date de clôture pour la remise des soumissions. Dans le cas où les matériaux de rechange seraient approuvés aux fins de la soumission, un addenda au document d’appel d’offres sera diffusé.

[Traduction]

Le Tribunal fait observer que les modifications des spécifications étaient autorisées en conformité avec la clause susmentionnée. Toutefois, cette clause est très précise quant à la marche à suivre pour proposer des « matériaux de rechange ». Elle précise que le gestionnaire de projet doit recevoir les demandes visant des matériaux de rechange au moins sept jours avant la date de clôture pour la remise des soumissions. La clause stipule aussi que, dans le cas où une solution de rechange était approuvée, un addenda aux documents d’appel d’offres serait diffusé. Le Tribunal fait observer qu’aucune solution de rechange n’a été approuvée durant la période d’invitation et qu’aucun addenda n’a été diffusé.

23. Parcs Canada, comme l’indique sa lettre datée du 5 octobre 2005 à Pattison, a rejeté les dessins de Pattison, puisqu’ils n’étaient pas conformes aux spécifications du contrat, à savoir, qu’ils n’indiquaient pas l’utilisation de poteaux de soutien profilés en I en aluminium ni n’étaient-ils reliés aux directives de l’AASHTO et aux normes du NCHRP concernant la sécurité en cas de collision ou aux paramètres de la capacité d’absorption des chocs.

24. Il est vrai que, après quelques entretiens entre les ingénieurs de Pattison et ceux de TPSGC, ces derniers sont convenus qu’un tuyau creux en aluminium planté dans du gravier compacté satisferait, si les conditions nécessaires étaient réunies, aux directives et normes applicables. Il est également vrai que l’ingénieur de TPSGC a également fait part d’un problème concernant les spécifications de Parcs Canada qui était lié à l’utilisation d’ancres en béton. Toutefois, aucun de ces faits n’a soustrait Parcs Canada à son obligation de passer le marché public en conformité avec les modalités de ses documents d’appel d’offres. Aux termes d’une des conditions obligatoires, chaque soumissionnaire était tenu de soumettre une option désignant l’utilisation de poteaux de soutien profilés en I en aluminium. Canyon a, à son insu, tranché le conflit relatif aux ancres en béton lorsqu’elle a demandé, à la conférence des soumissionnaires, si elle pouvait, plutôt, utiliser un ancrage en acier, une solution que Parcs Canada avait jugée acceptable16 .

25. En fin de compte, les modifications apportées à l’exigence étaient importantes et contredisaient carrément les spécifications originales. La modification d’une condition obligatoire dans un marché, après la réception des soumissions ou même après l’adjudication d’un contrat, n’est pas une simple question d’administration du contrat. En effet, en l’espèce, un nouveau marché a été amorcé après que Parcs Canada eût décidé d’accepter, au lieu de poteaux de soutien profilés en I en aluminium, des poteaux ronds en aluminium plantés dans du gravier compacté. Lorsqu’il a été découvert que les spécifications originales n’étaient pas acceptables ou qu’une solution de rechange beaucoup moins coûteuse pouvait satisfaire aux normes voulues (même si cette solution de rechange ne répondait pas aux spécifications obligatoires), Parcs Canada aurait dû résilier tout contrat adjugé et lancer un nouvel appel d’offres.

26. En procédant de la manière dont elle l’a fait, Parcs Canada a en fait négocié un contrat à fournisseur unique portant sur un besoin différent. Par conséquent, le Tribunal conclut que Parcs Canada a contrevenu à l’ACI en ne suivant pas la procédure de passation du marché énoncée à l’article 506 de l’ACI, qui prévoit ce qui suit :

[...]

1. Chaque Partie veille à ce que les marchés publics visés par le présent chapitre soient passés conformément aux procédures prévues au présent article.

2. L’appel d’offres doit être lancé au moyen de l’une ou plusieurs des méthodes suivantes :

a) le recours à un système électronique d’appel d’offres auquel tous les fournisseurs canadiens ont également accès;

b) la publication de l’appel d’offres dans un ou plusieurs quotidiens préalablement désignés et auquel tous les fournisseurs canadiens ont facilement accès;

c) le recours à des listes de fournisseurs [...]

27. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte de Canyon est fondée.

Mesure corrective

28. Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit, conformément au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de services visés par le contrat spécifique, notamment des suivants :

[...]

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

29. Pour décider de la mesure corrective à recommander en l’espèce, le Tribunal a examiné les facteurs pertinents au marché public, y compris les facteurs susmentionnés. Les principaux facteurs applicables à l’espèce sont que les actions de Parcs Canada, lorsqu’elle a effectivement passé outre à ses exigences originales, ont causé un préjudice d’une ampleur importante à l’intégrité du mécanisme d’adjudication. Toutefois, recommander en l’espèce de lancer une nouvelle procédure de passation du marché ne serait pas raisonnable, puisque les travaux sont déjà achevés.

30. Étant donné ce qui précède, le Tribunal estime que Canyon doit recevoir une indemnisation en reconnaissance de l’occasion qu’elle a perdue de remporter le contrat et d’en tirer des profits. Comme il a déjà été indiqué, Canyon a estimé que ses profits représentaient 10 p. 100 du prix qu’elle avait soumissionné. Toutefois, il n’est pas certain que, si la procédure indiquée avait été respectée, la soumission de Canyon aurait été retenue. Le Tribunal est d’avis que le seul montant fiable sur lequel appliquer le facteur de 10 p. 100 est le montant même de la soumission qui a été retenue. Étant donné qu’il y avait deux soumissionnaires, le Tribunal estime que Canyon devrait recevoir une indemnisation d’un montant égal à la moitié de 10 p. 100 de la valeur de la soumission retenue ou 6 050 $.

31. Comme il a déjà été indiqué, Canyon a aussi demandé le remboursement des frais qu’elle avait engagés pour la préparation de sa soumission. Selon le Tribunal, accorder le remboursement des frais de préparation d’une soumission est normalement incompatible avec une indemnisation en reconnaissance de profits perdus. Un fournisseur potentiel à qui on attribue un contrat, qu’il en tire des profits ou non, assumera les frais de préparation de sa soumission dans le cadre du cours normal de son activité commerciale. Puisqu’il a recommandé que Canyon reçoive une indemnisation correspondant à la moitié des profits qu’elle a perdus, selon le calcul susmentionné, le Tribunal est d’avis que Canyon doit donc assumer elle-même les frais de préparation de sa soumission dans le cadre des frais afférents à son activité commerciale.

32. Le Tribunal accorde à Canyon le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente affaire est que son degré de complexité correspond au premier degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). La complexité du marché lui-même était faible, en ce sens qu’il concernait l’installation de 54 panneaux à divers endroits dans le parc national du Mont-Riding. La complexité de la plainte était moyenne, en ce sens qu’elle traitait d’une question concernant les modifications apportées aux exigences entre la diffusion de l’appel d’offres et l’adjudication du contrat. La procédure de la plainte était simple, étant donné que le calendrier normal de 90 jours a été respecté, qu’il n’y a pas eu de partie intervenante et qu’aucune requête n’a été déposée. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal eu égard au montant de l’indemnisation est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

33. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

34. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que Parcs Canada verse à Canyon, en reconnaissance de l’occasion qu’elle a perdue, une indemnisation d’un montant correspondant à la moitié de 10 p. 100 de la valeur de la soumission retenue ou 6 050 $.

35. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Canyon le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par Parcs Canada. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Colonial Custom Designs Corp. est la société sous-traitante de Pattison Sign Group.

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . RIF, pièce 7.

6 . RIF, pièce 6.

7 . RIF, pièce 8.

8 . RIF, pièce confidentielle 9.

9 . RIF, pièce 2.

10 . RIF, pièce 12, lettre du 15 mai 2006, para. 2.

11 . RIF, pièce 7.

12 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.intrasec.mb.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

13 . Re plainte déposée par Liftow Limited (13 octobre 1999), PR-99-017 (TCCE) à la p. 5.

14 . Section 12 des spécifications dans l’appel d’offres.

15 . RIF, section III, para. 7.

16 . RIF, pièce 2, question no 6.