CASTOR CANADIEN TECHNOLOGIE INFORMATIQUE INC.

Décisions


CASTOR CANADIEN TECHNOLOGIE INFORMATIQUE INC.
c.
STATISTIQUE CANADA
Dossier no PR-2006-020

Décision et motifs rendus
le mardi 28 novembre 2006


TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Castor Canadien Technologie Informatique Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

CASTOR CANADIEN TECHNOLOQIE INFORMATIQUE INC.

Partie plaignante

ET

 

STATISTIQUE CANADA

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que Statistique Canada annule la procédure d’appel d’offres en place et lance une nouvelle invitation. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande en outre que Statistique Canada supprime les parties des exigences obligatoires 7.1 et 7.4 qui se rapportent à la certification Microsoft ou aux produits Microsoft et inclue, par exemple, des critères à cotation numérique et neutres à l’égard du fournisseur en ce qui a trait au contenu des cours et à l’expérience du soumissionnaire. Les autres exigences peuvent être maintenues.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Castor Canadien Technologie Informatique Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par Statistique Canada. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Directeur :

Marie-France Dagenais

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Philippe Cellard

 

Dominique Laporte

   

Partie plaignante :

Castor Canadien Technologie Informatique Inc.

   

Institution fédérale :

Statistique Canada

   

Conseiller juridique pour l’institution fédérale :

David M. Attwater

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 25 juillet 2006, Castor Canadien Technologie Informatique Inc. (CCTI) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’un marché public (invitation no 65544-06-0003) passé par Statistique Canada pour la prestation de formation en logiciel.

2. CCTI a allégué que Statistique Canada avait restreint, sans raison valable, la concurrence pour le besoin de fournir de la formation avec instructeur pour les outils et les technologies de développement de Microsoft et le serveur Microsoft SQL. À titre de mesure corrective, elle a demandé que le Tribunal recommande à Statistique Canada de supprimer les exigences obligatoires se rapportant à la certification Microsoft, et plus précisément les exigences obligatoires 7.1 et 7.5, et de lancer une nouvelle invitation énonçant des critères spécifiques à cotation numérique et neutres à l’égard du fournisseur en ce qui a trait au contenu des cours, à l’expérience du soumissionnaire et aux titres et qualités des instructeurs. CCTI a aussi demandé le remboursement des frais qu’elle avait engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

3. Le 1er août 2006, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 29 août 2006, CCTI a fait connaître sa préoccupation au sujet de débours possibles liés au contrat subséquent effectués entre la date d’adjudication du contrat et la date de la décision du Tribunal. Le 31 août 2006, aux termes du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a ordonné le report de l’adjudication du contrat. Le 6 septembre 2006, Statistique Canada a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Le 15 septembre 2006, CCTI a déposé ses observations sur le RIF. Le 29 septembre 2006, Statistique Canada a déposé un autre exposé. Le 3 octobre 2006, CCTI a déposé ses observations en réponse à l’exposé de Statistique Canada.

5. Étant donné qu’il y avait suffisamment de renseignements au dossier pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. L’avis de projet de marché a été diffusé par l’intermédiaire du MERX4 le 30 juin 2006. La date de clôture originale pour la remise des soumissions, fixée au 22 août 2006, a par la suite été reportée au 15 septembre 2006.

7. La DP stipule ce qui suit :

[...]

7.0 Exigences obligatoires

7.1 Expérience et références du fournisseur

Le fournisseur doit être agréé Microsoft Certified Partner Learning Solutions et doit démontrer que la société offre des formations pour les outils et les technologies de développement de Microsoft & MS SQL Server depuis au moins 2 ans.

[...]

7.4 Cours et manuels

Le fournisseur doit être en mesure d’offrir les cours officiels Microsoft obligatoires que l’on retrouve à l’annexe B au centre de formation de la SFI et à son propre centre de formation [...] Les manuels utilisés durant les cours doivent être certifié[s] Microsoft Official Curriculum .

[...]

7.5 Qualifications et expérience des instructeurs

Le fournisseur doit démontrer que ses instructeurs sont certifiés Microsoft Certified Trainers (MCT) et qu’ils ont les qualifications et l’expérience requises pour enseigner des cours pour les outils et les technologies de développement de Microsoft/MS SQL Server. [...]

8. Le 5 juillet 2006, CCTI a présenté une opposition à Statistique Canada. Son opposition soulevait certaines questions concernant les exigences obligatoires énoncées dans la DP et stipulait que les conditions actuelles limitaient injustement la procédure d’appel d’offres. Plus précisément, CCTI a demandé que Statistique Canada supprime les exigences obligatoires 7.1 et 7.5. Le 10 juillet 2006, Statistique Canada a diffusé la question et sa réponse par l’intermédiaire du MERX. Statistique Canada a indiqué qu’il ne supprimerait pas ces deux exigences obligatoires.

9. Le 10 juillet 2006, et de nouveau le 11 juillet 2006, CCTI a présenté d’autres demandes à Statistique Canada en vue de la suppression des deux exigences obligatoires en question. Le 12 juillet 2006, Statistique Canada a répondu à nouveau qu’il ne supprimerait pas les exigences obligatoires 7.1 et 7.5.

10. Le 13 juillet 2006, CCTI a demandé la suppression de l’exigence obligatoire 7.1 seulement et a renoncé à son opposition au sujet de l’exigence obligatoire 7.5. Le 17 juillet 2006, Statistique Canada a répondu qu’il maintiendrait l’exigence obligatoire 7.1. Le 25 juillet 2006, CCTI a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

POSITION DES PARTIES

Position de CCTI

11. CCTI a fait valoir qu’il n’est aucunement fait mention de « cours accrédités par Microsoft » [traduction] dans l’objectif déclaré de l’invitation, cet objectif étant d’obtenir de la formation avec instructeurs pour les outils et les technologies de développement de Microsoft & MS SQL Server. Elle a prétendu que la pratique qui consiste à imposer l’utilisation des produits officiels de formation de Microsoft et Microsoft Certified Partners for Learning Solutions (MCPLS) met en place un monopole dans le domaine de la formation technique Microsoft. D’après CCTI, l’inclusion de l’exigence selon laquelle le fournisseur doit être un MCPLS exige que tous les soumissionnaires se servent des mêmes cours et du même matériel de cours, ce qui implique trois conséquences : cette exigence favorise la réussite d’une soumission d’un fournisseur sélectionné au préalable par Statistique Canada; elle réduit le champ de la concurrence à une question de prix et rien d’autre; la qualité de la méthodologie et le matériel ne sont pas évalués dans de telles conditions.

12. En ce qui a trait à l’exigence obligatoire 7.5, CCTI a prétendu qu’il n’était pas nécessaire d’inclure l’exigence selon laquelle les instructeurs devaient être certifiés Microsoft Certified Trainers (MCT). Elle a soutenu que tous ses instructeurs doivent d’abord participer à un cours de préparation à la formation et qu’ils sont constamment sous la supervision d’un instructeur technique principal ayant l’expérience de l’application des technologies de développement Microsoft. Elle a ajouté qu’elle faisait appel à des MCT qui possèdent une compétence établie en rédaction et en enseignement de code de qualité production au moyen des technologies Microsoft. Elle a en outre dit qu’elle faisait appel à des instructeurs non certifiés dont le savoir dépasse celui de la plupart des MCT.

13. CCTI a soutenu que les exigences obligatoires en question limitent la procédure d’appel d’offres car elles appliquent une sélection préalable d’une solution d’un fournisseur spécifique sans concurrence ni évaluation, et limite les fournisseurs éventuels à un nombre extrêmement faible de compagnies. Elle a soutenu qu’il n’existe que deux MCPLS dans la région d’Ottawa-Gatineau.

14. CCTI a soutenu qu’il ne fait aucun doute que la formation est une exigence opérationnelle légitime de Statistique Canada. Toutefois, la formation appliquant un produit spécifique, comme les cours du Microsoft Official Curriculum (MOC), ne peut être réputée une exigence opérationnelle. Elle a aussi soutenu que sa demande visant la suppression de l’exigence obligatoire 7.1 entraîne automatiquement la suppression de l’exigence obligatoire 7.4. CCTI a ajouté que, contrairement à l’argument de Statistique Canada selon lequel elle n’aurait pas contesté l’exigence obligatoire 7.4 dans l’opposition qu’elle avait présentée à Statistique Canada ou dans la plainte qu’elle avait déposée auprès du Tribunal, elle a déclaré ce qui suit dans son opposition datée du 5 juillet 2006 : « Nous ne sommes pas des MCPLS puisque nous offrons une solution de rechange qui est plus efficace et plus souple que la solution équivalente du MOC. À notre avis, les conditions énoncées limitent injustement la procédure d’appel d’offres aux seuls fournisseurs approuvés par Microsoft. Des cours CTES-SETC équivalents existent pour chacun des cours du MOC demandés dans le document d’appel d’offres » [traduction]. CCTI a de plus fait valoir qu’elle avait déclaré ce qui suit dans l’énoncé de sa plainte au Tribunal5  : « Il est important de prendre note à cet égard que la solution de formation CTES concurrence les produits officiels de formation Microsoft et que, de ce fait, il nous serait impossible d’être officiellement affiliée à Microsoft »6 [traduction].

15. CCTI a soutenu que, si l’exigence portant sur les MCPLS devait être supprimée sans la suppression conjointe de l’exigence portant sur le MOC, les seules compagnies qui seraient autorisées à présenter une soumission seraient celles qui détiennent la certification MCPLS et que, par conséquent, l’exigence obligatoire 7.1 s’appliquerait toujours et toute personne raisonnable comprendrait que la certification MCPLS est une exigence obligatoire. Par conséquent, CCTI a soutenu que la seule façon de véritablement supprimer l’exigence portant sur la certification MCPLS est de supprimer conjointement l’exigence portant sur le MOC.

Position de Statistique Canada

16. Statistique Canada a soutenu que CCTI n’est pas un fournisseur potentiel. Il a soutenu que CCTI n’est pas un MCPLS et est donc empêchée par Microsoft d’offrir des cours publics du MOC. Statistique Canada a soutenu que CCTI est libre d’établir un partenariat avec un MCPLS pour satisfaire aux exigences obligatoires de la DP.

17. Statistique Canada a soutenu que la formation spécialisée fournie dans le cadre du MOC est une exigence opérationnelle légitime et, selon une exigence obligatoire imposée et appliquée par Microsoft, les instructeurs de ces cours doivent être des MCT et les cours publics dispensés dans un local de formation MCPLS. Il a ajouté que les exigences obligatoires contestées sont nécessaires pour reconnaître les droits exclusifs détenus par Microsoft et, de plus, qu’une personne qui n’est pas un MCT qui enseignerait un cours du MOC enfreindrait les droits d’auteur. Statistique Canada a prétendu que la DP établit une procédure d’appel d’offres au sein des fournisseurs de formation ayant la compétence au sens de la loi pour offrir des cours du MOC.

18. Statistique Canada a souligné que CCTI n’avait pas contesté l’exigence obligatoire 7.4 dans l’opposition qu’elle lui avait présentée ou dans la plainte qu’elle avait déposée auprès du Tribunal; toutefois, dans ses observations sur le RIF, CCTI affirme qu’elle « n’a pas demandé la suppression de l’exigence portant sur le MOC » puisque cela « aurait été redondant » [traduction], étant donné qu’elle contestait l’exigence obligatoire 7.1. Statistique Canada a soutenu que l’obligation d’énoncer l’opposition « [...] avec suffisamment de précision pour permettre au Ministère d’y donner suite [...] »7 « doit nécessairement “automatiquement”, “logiquement” ou d’une autre façon empêcher l’inclusion de motifs d’opposition non précisés par CCTI » [traduction]. Statistique Canada a prétendu que le motif de plainte de CCTI lié à l’exigence obligatoire 7.4 n’avait pas été déposé dans le délai prévu au paragraphe 6(1) du Règlement.

19. Enfin, Statistique Canada a demandé le remboursement des frais qu’il avait engagés pour répondre à la plainte.

ANALYSE DU TRIBUNAL

20. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l’espèce, sont l’Accord sur le commerce intérieur 8 , l’Accord de libre-échange nord-américain 9 et l’Accord sur les marchés publics 10 .

21. L’article 501 de l’ACI prévoit ce qui suit : « [...] le présent chapitre [Marchés publics] vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d’achat et à favoriser l’établissement d’une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d’efficience. »

22. À cette fin, les paragraphes 504(1) et 504(2) de l’ACI interdisent d’une façon générale l’exercice de discrimination entre les produits et entre les fournisseurs. Le paragraphe 504(3) prévoit ce qui suit :

Sauf disposition contraire du présent chapitre, sont comprises parmi les mesures incompatibles avec les paragraphes 1 et 2 :

[...]

g) l’exclusion injustifiable d’un fournisseur du processus d’appel d’offres.

23. Le Tribunal souligne que le but du marché était « [...] d’obtenir de la formation avec instructeurs pour les outils et les technologies de développement de Microsoft (Visual Studio, .NET, Visual Basic) & MS SQL Server. »

24. CCTI a soutenu que l’utilisation de produits officiels de formation de Microsoft assortie de MCPLS limite les soumissionnaires à l’utilisation des mêmes cours et du même matériel et réduit la concurrence à une question de prix, et que la qualité de la méthodologie et du matériel de formation n’est pas évaluée dans de telles conditions.

25. Statistique Canada a soutenu que la formation requise est une exigence opérationnelle légitime et que Microsoft impose certaines exigences obligatoires liées à la certification des instructeurs et à l’emplacement où les cours sont dispensés. Il a ajouté que la DP établit une procédure d’appel d’offres au sein des fournisseurs qualifiés par Microsoft.

26. Le Tribunal fait observer que l’exigence obligatoire 7.1, au sujet de l’expérience et des références du fournisseur de la formation, précise que ce fournisseur doit être un MCPLS. CCTI conteste cette exigence et prétend qu’une telle exigence limite la concurrence aux seuls fournisseurs qui sont des MCPLS et que des fournisseurs qui ne sont pas des MCPLS sont capables de dispenser les services de formation avec instructeurs recherchés dans le cadre du marché public en question.

27. L’alinéa 1009(2)b) de l’ALÉNA stipule ce qui suit :

2. Les procédures de qualification suivies par une entité seront conformes aux dispositions suivantes :

[...]

b) les conditions de participation des fournisseurs aux procédures d’appel d’offres [...] se limiteront aux conditions qui sont essentielles pour s’assurer que le fournisseur est en mesure d’exécuter le marché visé.

28. L’alinéa VIIIb) de l’AMP stipule ce qui suit :

[...]

b) les conditions de participation aux procédures d’appel d’offres seront limitées à celles qui sont indispensables pour s’assurer que l’entreprise est capable d’exécuter le marché en question. [...]

29. Comme il est indiqué ci-dessus, le but du marché public est d’obtenir de la formation pour certaines applications utilisées par Statistique Canada. Le Tribunal reconnaît que le besoin de formation est manifestement une exigence opérationnelle légitime, et ce fait ne soulève pas de litige chez les parties. Toutefois, une des questions en l’espèce est celle de savoir si l’exigence selon laquelle la formation doit être dispensée par un MCPLS constitue elle aussi une exigence opérationnelle légitime.

30. Dans ses observations, CCTI a clairement établi qu’elle avait offert, par le passé, des cours similaires à ceux recherchés dans le cadre du marché en question11 . Il n’y a aucun motif de douter qu’elle pourrait offrir des cours sur les applications pour lesquelles Statistique Canada tentait d’obtenir de la formation. Ainsi, le Tribunal est d’avis que CCTI est un fournisseur potentiel pour le marché public en question.

31. Dans sa réponse à l’opposition présentée par CCTI le 5 juillet 2006, Statistique Canada a déclaré ce qui suit :

La certification Microsoft Certified Partner Learning Solutions est attribuée aux organismes qui ont démontré, de l’avis de Microsoft, leurs connaissances expertes, leur engagement à respecter les normes minimales de la prestation de cours, à disposer d’instructeurs certifiés Microsoft, à satisfaire aux normes minimales régissant le matériel et les installations, et leur engagement à satisfaire les besoins du client et à assurer le contrôle de la qualité. Seul un MCPLS peut bénéficier des services d’adaptation des cours Microsoft offerts à l’égard des produits officiels de formation Microsoft12 .

[Traduction]

32. De l’avis du Tribunal, exiger que les services sollicités soient ceux qu’offre une catégorie spécifique de fournisseurs (à savoir, en l’espèce, les MCPLS), ne constitue pas une exigence opérationnelle légitime. Une telle condition n’est pas indiquée et contrevient à l’alinéa 1009(2)b) de l’ALÉNA et à l’alinéa VIIIb) de l’AMP. Elle contrevient en outre à l’alinéa 504(3)g) de l’ACI, puisqu’elle exclut de façon injustifiable certains fournisseurs, y compris CCTI, du processus d’appel d’offres.

33. L’exigence obligatoire 7.4 se rapporte aux cours du MOC que le fournisseur doit pouvoir offrir. Statistique Canada a soutenu que CCTI n’avait pas contesté cette exigence lorsqu’elle lui avait présenté son opposition ou lorsqu’elle avait déposé sa plainte auprès du Tribunal; il a soutenu que la plainte à ce motif n’avait donc pas été déposée dans le délai prévu au paragraphe 6(1) du Règlement.

34. Le Tribunal reconnaît que CCTI n’a pas fait spécifiquement mention de l’exigence obligatoire 7.4 dans les oppositions qu’elle a présentées à Statistique Canada et dans sa plainte au Tribunal. Toutefois, tant dans ses oppositions que dans sa plainte, CCTI a contesté le fait que la DP, dans son libellé actuel, exige la prestation de cours du MOC. Par exemple, au moment de présenter sa première opposition à Statistique Canada, CCTI a déclaré ce qui suit : « À notre avis, les conditions énoncées limitent injustement la procédure d’appel d’offres aux seuls fournisseurs approuvés par Microsoft. Des cours CTES-SETC équivalents existent pour chacun des cours du MOC demandés dans le document d’appel d’offres »13 [traduction]. Dans sa plainte, CCTI a affirmé ce qui suit : « L’inclusion de l’exigence obligatoire 7.1 exige que tous les soumissionnaires potentiels utilisent les mêmes cours et le même matériel didactique »14 [traduction]. Elle a aussi soutenu ce qui suit dans sa plainte : « S’il est permis que les exigences obligatoires continuent de s’appliquer et que la structure de la DP n’est pas modifiée, la solution de formation CTES sera éliminée de l’appel d’offres sans évaluation ni concurrence au seul motif que nous ne sommes pas officiellement affiliés à Microsoft Corporation. Il est important de noter à cet égard que la solution de formation CTES concurrence les produits officiels de formation Microsoft et que, de ce fait, il nous serait impossible d’être officiellement affiliée à Microsoft »15 [traduction]. De plus, eu égard à la mesure corrective recherchée, CCTI a demandé que le marché fasse l’objet d’un nouvel appel d’offres assorti de critères spécifiques à cotation numérique et neutres à l’égard du fournisseur en ce qui a trait au contenu de la formation, à l’expérience du soumissionnaire et aux titres et qualités des instructeurs. Une telle mesure corrective supposait la suppression de l’exigence selon laquelle les cours dispensés doivent appliquer le MOC. Le Tribunal conclut que le libellé qui précède constituait une contestation en temps opportun des deux exigences obligatoires 7.1 et 7.4.

35. L’exigence obligatoire 7.4 précise que les cours dispensés doivent appliquer le MOC. Là encore, de l’avis du Tribunal, le besoin de formation est manifestement une exigence opérationnelle légitime. Toutefois, l’obligation selon laquelle les cours dispensés doivent appliquer le MOC ne constitue pas une telle exigence légitime. Il est possible que de meilleurs cours soient offerts sur le marché et la sélection des cours doit s’inscrire dans une procédure d’appel d’offres. Demander que les cours du MOC soient offerts constitue une exclusion injustifiable de fournisseurs, comme CCTI, qui pourraient offrir des cours qui satisferaient les mêmes fins. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’exigence obligatoire 7.4 contrevient à l’alinéa 504(3)g) de l’ACI.

36. CCTI conteste en outre l’exigence obligatoire 7.5 selon laquelle les instructeurs du fournisseur doivent être des MCT. De l’avis du Tribunal, l’exigence obligatoire 7.5 diffère sensiblement des exigences obligatoires 7.1 et 7.4, en ce sens qu’elle ne limite pas la concurrence aux fournisseurs qui offrent un service plutôt prédéterminé. L’exigence obligatoire 7.5 peut être interprétée comme une qualification technique convenable pour établir la capacité technique des fournisseurs. La légitimité d’une telle exigence se trouve corroborée par le fait que CCTI a dit faire appel à des MCT qui possèdent une compétence établie en rédaction et en enseignement de code de qualité production au moyen des technologies Microsoft. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’exigence obligatoire 7.5 ne contrevient pas à l’ACI, à l’ALÉNA ou à l’AMP.

37. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte de CCTI est fondée.

MESURE CORRECTIVE

38. Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit, conformément au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

[...]

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

39. Pour décider de la mesure corrective à recommander en l’espèce, le Tribunal a examiné les facteurs pertinents au marché public, y compris les facteurs susmentionnés. Le principal facteur pertinent à l’espèce est que le besoin de services de formation a été limité aux seuls fournisseurs détenant la certification et les produits Microsoft. De plus, puisque le Tribunal a ordonné le report de l’adjudication du contrat le 31 août 2006, aucun contrat n’a été adjugé et, par conséquent, aucun engagement n’a été pris à l’endroit d’un soumissionnaire quelconque.

40. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal recommande que Statistique Canada annule la procédure d’appel d’offre en place et lance une nouvelle invitation. Le Tribunal recommande en outre que Statistique Canada supprime les parties des exigences obligatoires 7.1 et 7.4 qui se rapportent à la certification Microsoft ou aux produits Microsoft et inclue, par exemple, des critères à cotation numérique et neutres à l’égard du fournisseur en ce qui a trait au contenu des cours et l’expérience du soumissionnaire. Les autres exigences peuvent être maintenues.

41. Le Tribunal accorde à CCTI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au deuxième degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 2). La complexité du marché lui-même était moyenne, en ce sens qu’il concernait la prestation de services de formation en logiciel sur une période de deux ans. La complexité de la plainte était elle aussi moyenne, en ce sens qu’elle traitait de questions concernant le caractère restrictif de certaines des exigences obligatoires. La procédure de la plainte était simple, étant donné qu’il n’y a pas eu d’intervenantes et qu’aucune requête n’a été déposée. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal eu égard au montant de l’indemnisation est de 2 400 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

42. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

43. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que Statistique Canada annule la procédure d’appel d’offres en place et lance une nouvelle invitation. Le Tribunal recommande en outre que Statistique Canada supprime les parties des exigences obligatoires 7.1 et 7.4 qui se rapportent à la certification Microsoft ou aux produits Microsoft et inclue, par exemple, des critères à cotation numérique et neutres à l’égard du fournisseur en ce qui a trait au contenu des cours et à l’expérience du soumissionnaire. Les autres exigences peuvent être maintenues.

44. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à CCTI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par Statistique Canada. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

5 . Plainte, para. 4.

6 . Auparavant appelé matériel didactique Microsoft Official Curriculum/MOC. Voir l’appendice B joint à la plainte, et l’appendice 5, « Glossary » (Glossaire).

7 . Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [2000] A.C.F. no 1946, para. 74 (C.A.F.).

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

9 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis mexicains, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

10 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

11 . Plainte à la p. 8.

12 . RIF, pièce 7.

13 . Plainte à la p. 12.

14 . Plainte à la p. 8.

15 . Plainte à la p. 6.