ACRON CAPABILITY ENGINEERING INC.

Décisions


ACRON CAPABILITY ENGINEERING INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2006-046

Décision et motifs rendus
le mardi 10 juillet 2007


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une plainte déposée par Acron Capability Engineering Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

ACRON CAPABILITY ENGINEERING INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux laisse le contrat présentement en vigueur se poursuivre, mais n’exerce aucune option de renouvellement facultatif. Si le besoin continue d’exister après la période initiale du contrat, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux lance une nouvelle invitation à soumissionner en régime de concurrence pour répondre à ce besoin et que celle-ci soit assortie de critères d’évaluation précis et non équivoques, en conformité avec les dispositions des accords commerciaux pertinents.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Acron Capability Engineering Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Serge Fréchette, membre

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Nick Covelli

   

Partie plaignante :

Acron Capability Engineering Inc.

   

Conseillers juridiques pour la partie plaignante :

Paul Lalonde

 

Rajeev Sharma

 

Martha L. Harrison

 

Judith Parisien

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 26 février 2007, Acron Capability Engineering Inc. (Acron) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur un marché (invitation no W8475-06BM04/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour la prestation de services d’investigation technique et d’ingénierie à l’appui de divers dispositifs de simulation utilisés dans le cadre du programme avancé d’environnement synthétique canadien.

2. Acron a allégué que TPSGC a adjugé le contrat à Greenley & Associates (CAE Services professionnels) (Greenley), dont la proposition aurait dû être jugée non conforme, car elle ne satisfaisait pas à l’exigence obligatoire selon laquelle le personnel proposé devait avoir participé à un déploiement militaire. Acron a aussi allégué que TPSGC avait d’une manière irrégulière accepté une ressource proposée de Greenley qui était en situation de conflit d’intérêts et que, parce que cette ressource avait reçu du MDN une lettre indiquant qu’elle ne se trouvait pas en situation de conflit d’intérêts, un traitement préférentiel avait été accordé à Greenley avant la diffusion de l’invitation, donnant ainsi lieu à une crainte de partialité.

3. À titre de mesure corrective, Acron a demandé que le Tribunal recommande que le contrat adjugé à Greenley soit résilié et qu’il lui soit adjugé. Elle a aussi demandé que pour toutes les tâches ou commandes subséquentes déjà engagées, le Tribunal recommande que TPSGC lui verse une indemnisation en reconnaissance des profits qu’elle a perdus. À titre de solution de rechange, elle a demandé que le Tribunal recommande que TPSGC lui verse une indemnisation en reconnaissance de la totalité des profits qu’elle a perdus pour l’ensemble du projet. Elle a de plus demandé d’obtenir le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

4. Le 5 mars 2007, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 6 mars 2007, TPSGC a avisé le Tribunal qu’un contrat avait été adjugé à Greenley. Le 5 avril 2007, TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 30 avril 2007, Acron a déposé ses observations sur le RIF. Les 11 et 14 mai 2007, respectivement, TPSGC a déposé des observations confidentielles et publiques sur les observations d’Acron sur le RIF. Le 18 mai 2007, Acron a déposé ses observations en réponse aux observations de TPSGC.

5. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. Le 27 octobre 2006, TPSGC a diffusé une demande de propositions (DP). La date initiale de clôture des soumissions qui avait été fixée au 11 décembre 2006, a par la suite été repoussée au 14 décembre 2006. TPSGC dit avoir reçu deux propositions : une proposition d’Acron et l’autre de Greenley. TPSGC a déclaré que les deux propositions étaient conformes aux exigences obligatoires.

7. Selon l’une des exigences obligatoires, la ressource proposée pour les postes de commandant de la force opérationnelle interarmée, de coordonnateur de l’exercice, de commandant de la composante aérienne, de commandant de la composante maritime et de commandant de la composante terrestre, devait avoir participé à des opérations militaires, y compris à au moins un déploiement3 .

8. Le 29 janvier 2007, TPSGC a avisé les soumissionnaires que la proposition gagnante était celle de Greenley. Acron dit avoir découvert le 30 janvier 2007 que deux volets de la soumission gagnante la préoccupaient. Le 5 février 2007, TPSGC a tenu une séance d’information avec Acron au sujet de la proposition de cette dernière. Plus tard le même jour, Acron a présenté une opposition à TPSGC concernant ses préoccupations au sujet de la proposition gagnante. Le 12 février 2007, TPSGC a rejeté l’opposition d’Acron. Le 26 février 2007, Acron a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

9. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur 4 .

TPSGC a adjugé le contrat à un soumissionnaire non conforme

10. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Dans l’évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l’article 504. Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

11. Acron a allégué que la proposition de Greenley incluait une ressource qui ne satisfaisait pas à l’exigence obligatoire selon laquelle la ressource devait avoir participé à un déploiement opérationnel militaire. D’après Acron, une des ressources proposées par Greenley a invoqué une affectation au siège de l’OTAN à Bruxelles, en Belgique, en preuve de son expérience dans le cadre d’un déploiement. Acron a affirmé que Bruxelles ne figurait pas sur la liste des déploiements opérationnels militaires actuels ou passés des Forces canadiennes5 .

12. Selon Acron, les définitions militaires courantes du mot « déploiement » sont les suivantes :

1. Dans le contexte maritime, passage de la navigation en mode de croisière ou de prise de contact au dispositif de combat.

2. Déplacement de forces dans les zones d’opérations.

3. Mise en place de forces en formation de combat.

4. Réimplantation de forces dans de nouvelles zones d’opérations6 .

13. Acron a soutenu que les définitions du mot « déploiement » placent nettement l’accent sur la participation directe à des opérations de combat. Elle a soutenu que la définition n’englobe pas la myriade d’autres affectations du personnel ou exercices qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un déploiement véritable; autrement dit, les affectations à l’étranger ne sont pas toutes des « déploiements ».

14. TPSGC a soutenu que les ressources proposées par Greenley satisfaisaient aux exigences obligatoires énumérées dans les tableaux 11 à 15 et qu’aucune de ces ressources n’avait indiqué une affectation à Bruxelles au titre de l’expérience établissant qu’elle satisfaisait à l’exigence obligatoire portant sur au moins un déploiement militaire.

15. Après avoir reçu le RIF, Acron a déclaré que, en ce qui a trait à la non-conformité de Greenley aux exigences obligatoires, le fait qu’Acron ait reçu des renseignements inexacts sur l’affectation à l’étranger d’une des ressources proposées par Greenley est sans conséquence. Acron a maintenu son allégation et avancé qu’en fait, la proposition de Greenley incluait deux ressources qui ne satisfaisaient pas à une exigence obligatoire, à savoir la participation à un déploiement opérationnel militaire.

16. TPSGC a dit ne pas contester la définition du mot « déploiement » comme signifiant, par exemple, « [d]éplacement de forces dans les zones d’opération » ou « [r]éimplantation de forces dans de nouvelles zones d’opérations ». Toutefois, selon TPSGC, la DP exigeait que certaines des ressources proposées aient l’expérience de la « participation à des opérations militaires, y compris à au moins un déploiement » [traduction]. TPSGC a soutenu que le critère de l’expérience, dans le contexte du marché qui fait l’objet de l’espèce, n’exigeait pas que les ressources proposées aient été déployées sur le terrain. TPSGC a soutenu que le mot « participation » devait servir à englober toutes les situations où la participation avait été suffisante pour que la personne acquière une bonne connaissance du but d’une simulation. TPSGC a soutenu qu’Acron a prétendu que l’exigence obligatoire concernant l’expérience était un « déploiement » plutôt qu’une « participation à un déploiement ». Toutefois, d’après TPSGC, tous les évaluateurs ont évalué les propositions en fonction d’une interprétation plus générale de « participation à un déploiement », y compris l’évaluation d’une des ressources proposées par Acron qui, aux dires de TPSGC, n’aurait pas satisfait à l’exigence obligatoire si ce n’avait été le cas.

17. Le tableau 12 de l’appendice E de l’annexe B de la DP porte ce qui suit :

[...]

Expérience (O) Les candidats doivent avoir une expérience confirmée dans les secteurs ci-après :

A. Au moins deux (2) années au cours des six (6) dernières années de participation à des opérations militaires, y compris à au moins un déploiement, et [...]

[Traduction]

18. Le tableau 14 de l’appendice E de l’annexe B de la DP porte ce qui suit :

[...]

Expérience (O) Les candidats doivent avoir une expérience confirmée dans les domaines ci-après :

C. Au moins deux (2) années au cours des six (6) dernières années de participation à des opérations militaires maritimes, y compris à au moins un déploiement, et [...]

[Traduction]

19. Le Tribunal est d’avis qu’il ressort de ce qui précède que la participation du candidat à des opérations militaires doit inclure au moins un déploiement. Cette exigence dépasse le stade de la planification et suppose une participation à l’action. Cette interprétation du Tribunal se fonde sur le sens courant des mots employés ainsi que sur la construction grammaticale du libellé de la phrase décrivant l’exigence obligatoire. Le premier membre de cette phrase décrit l’exigence obligatoire en termes généraux. Il exige au moins deux ans, au cours des six dernières années, de participation à des opérations militaires ou maritimes, selon le cas. Toutefois, ce membre de la phrase est suivi d’une virgule et d’un second membre qui se lit comme suit : « y compris à au moins un déploiement ». Selon le Tribunal, cette construction particulière indique clairement que, au-delà de l’exigence générale concernant la participation à des opérations militaires ou maritimes, il doit aussi être établi que la personne en question a également participé à un déploiement. Cette construction particulière de la phrase retenue par les rédacteurs ne peut logiquement s’expliquer autrement. S’ils avaient voulu limiter l’exigence au simple fait d’avoir participé d’une manière générale à des opérations militaires, comme l’a affirmé TPSGC, les rédacteurs n’auraient pas ajouté le deuxième membre de la phrase.

20. Le Tribunal fait observer l’absence de définition ou d’explication ultérieure de l’expression « participation à des opérations militaires, y compris à au moins un déploiement » utilisée au tableau 12 de l’appendice E de l’annexe B de la DP ou du libellé similaire utilisé au tableau 14.

21. Dans ses observations sur le RIF, Acron a présenté des définitions du mot « déploiement » tirées d’un dictionnaire militaire en ligne intitulé « MilTerms »7 . Le Tribunal fait observer que TPSGC n’a pas contesté ces définitions. L’extrait suivant de ces définitions est d’un intérêt particulier : « Le déploiement englobe toutes les activités, de la station d’origine ou d’appartenance jusqu’à la destination, plus précisément y compris les États-Unis intracontinentaux, les tronçons de mouvements interthéâtres et intrathéâtres, les zones d’étape et les zones d’attente »8 [traduction]. Cette définition établit également une distinction entre « déploiement » et « planification du déploiement ».

22. Le Tribunal est d’avis que si TPSGC et le MDN avaient eu l’intention que l’expression « y compris à au moins un déploiement » signifie simplement la participation à un déploiement, alors l’exigence aurait été clairement libellée d’une telle manière. Le Tribunal a été influencé dans sa décision par le fait que le critère d’évaluation en question était une exigence obligatoire et, de ce fait, devrait être défini précisément et interprété étroitement. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas appliqué le critère de sélection conformément à l’exigence énoncée dans la DP et, par conséquent, n’a pas tenu le marché public d’une manière conforme au paragraphe 506(6) de l’ACI. Le Tribunal conclut donc que ce motif de plainte est fondé.

Conflit d’intérêts/crainte de partialité

23. Acron soutient que Greenley a inclus dans sa proposition une personne qui se trouve en situation de conflit d’intérêts en raison de ses relations antérieures avec une société de modélisation et de simulation dont les employés travaillent à une installation à laquelle le bureau du programme avancé d’environnement synthétique canadien fournit des simulateurs, du financement et des ressources.

24. Acron a soutenu que le MDN a remis à la personne en question une lettre indiquant qu’il n’y avait pas de situation de conflit d’intérêts et que cette personne pouvait être proposée à titre de ressource. Acron a ajouté qu’elle n’avait pas découvert l’existence de cette lettre et que, le cas échéant, elle aurait immédiatement soulevé la question auprès de TPSGC et du MDN. Acron a fait valoir qu’une telle situation donne lieu à une crainte de partialité en faveur de Greenley, puisque cette dernière a obtenu un traitement préférentiel avant la diffusion des documents d’invitation à soumissionner sans que tous les soumissionnaires en soient informés.

25. TPSGC a soutenu que la participation antérieure à une activité du programme avancée d’environnement synthétique canadien ne donne pas naissance à un conflit d’intérêts aux fins du marché public qui fait l’objet de l’espèce, particulièrement du fait que la simulation militaire est un secteur en croissance hautement spécialisé qui ne compte qu’un petit nombre d’intervenants de l’industrie au Canada. TPSGC a également fait valoir qu’un entrepreneur titulaire ne perd pas le droit de soumissionner pour un besoin qui se répète parce qu’il a remporté le contrat précédent. TPSGC a ajouté qu’aucun soumissionnaire ni aucune ressource d’un soumissionnaire n’avait participé, de quelque façon que ce soit, à l’élaboration de la DP, qu’aucun soumissionnaire n’avait obtenu une information sur la DP différente de l’information reçue par un autre et qu’aucun soumissionnaire n’avait été partie à une relation irrégulière.

26. TPSGC a soutenu qu’il n’existe aucune allégation ni preuve précises que le rôle joué par la personne à l’installation en question ait conféré à Greenley un avantage indu sur les autres soumissionnaires ou que Greenley ait eu accès, en raison de ce rôle, à d’autres renseignements qui l’ont aidé dans sa soumission. TPSGC a de plus soutenu que personne à l’installation en question n’avait participé, d’une manière quelconque, à l’élaboration de l’exigence en question. Au sujet de la lettre censée avoir été remise à cette personne, TPSGC a déclaré que ni TPSGC ni le MDN n’en connaissent l’existence.

27. Dans Cougar Aviation Ltd. c. Canada (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) 9 , la Cour d’appel fédérale a conclu que, aux termes de l’ACI, la compétence du Tribunal pour statuer sur une plainte n’était pas limitée aux plaintes de partialité réelle, mais incluait celles portant sur des allégations de crainte raisonnable de partialité. Le critère appliqué par le Tribunal pour déterminer si les circonstances de l’espèce donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité est le critère énoncé par le juge de Grandpré dans son opinion dissidente dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, confirmée par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone 10 , laquelle opinion dissidente porte ce qui suit :

[À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?11

28. Le Tribunal n’est pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition, que les relations antérieure de la personne en question avec une société de modélisation et de simulation, ou sa participation antérieure à des projets du MDN, ait eu quelque influence que ce soit sur la rédaction de la DP ou incité les évaluateurs à accorder un traitement de faveur à Greenley. Le Tribunal est donc d’avis qu’Acron n’a pas réussi à soumettre des éléments de preuve amenant à conclure à l’existence d’une indication de situation de conflit d’intérêts ou d’un motif de crainte raisonnable de partialité. Le Tribunal conclut donc que ce motif de plainte n’est pas fondé.

MESURE CORRECTIVE

29. Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit, conformément au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fourniture ou service visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

[...]

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

30. Pour décider de la mesure corrective à recommander en l’espèce, le Tribunal a examiné les facteurs pertinents au marché public, y compris les facteurs susmentionnés. Le principal facteur qui s’applique à l’espèce est qu’un contrat a déjà été adjugé et que, probablement, le travail a commencé.

31. Le Tribunal fait observer que, même s’il n’a pas agi de mauvaise foi, TPSGC a incorrectement appliqué les critères d’évaluation aux soumissions tant de Greenley que d’Acron et que, si la démarche avait été bien appliquée en ce qui a trait au mot « déploiement », les deux soumissions auraient été déclarées non conformes. Le Tribunal fait de plus observer qu’Acron n’était pas le plus bas soumissionnaire. Le Tribunal ne peut donc recommander l’adjudication du contrat à Acron.

32. Le Tribunal recommande que TPSGC laisse le contrat présentement en vigueur se poursuivre, mais n’exerce aucune option de renouvellement facultatif. Si le besoin continue d’exister après la période initiale du contrat, le Tribunal recommande que TPSGC lance une nouvelle invitation à soumissionner en régime de concurrence pour répondre à ce besoin et que celle-ci soit assortie de critères d’évaluation précis et non équivoques, en conformité avec les dispositions des accords commerciaux pertinents.

Frais

33. Le Tribunal accorde à Acron le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente affaire est que son degré de complexité correspond au deuxième degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 2). Le marché était complexe, en ce sens qu’il concernait la prestation de ressources techniques multiples à l’appui de diverses activités du projet d’environnement synthétique pour le MDN. La complexité de la plainte était moyenne, en ce sens qu’elle traitait de questions concernant l’évaluation des soumissions et de questions de conflit d’intérêts. La complexité de la procédure de la plainte était elle aussi moyenne, étant donné que les deux parties ont déposé des observations supplémentaires. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal eu égard au montant de l’indemnisation est de 2 400 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

34. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

35. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que TPSGC laisse le contrat présentement en vigueur se poursuivre, mais n’exerce aucune option de renouvellement facultatif. Si le besoin continue d’exister après la période initiale du contrat, le Tribunal recommande que TPSGC lance une nouvelle invitation à soumissionner en régime de concurrence pour répondre à ce besoin et que celle-ci soit assortie de critères d’évaluation précis et non équivoques, en conformité avec les dispositions des accords commerciaux pertinents.

36. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Acron le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . DP, appendice E de l’annexe B, tableaux 11 à 15.

4 . 18 juillet 1994, Gaz C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . Plainte, pièce 17.

6 . Observations sur le RIF, para. 11. 

7 . Ibid., onglet 1.

8 . Ibid.

9 . (28 novembre 2000), A-421-99 (C.A.F.).

10 . 2003 CSC 36.

11 . [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394.