EDS CANADA INC.

Décisions


EDS CANADA INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2006-042

Décision et motifs rendus
le mardi 1er mai 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par EDS Canada Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

EDS CANADA INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte. La plainte est donc rejetée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par EDS Canada Inc. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Michael W. Morden

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Partie plaignante :

EDS Canada Inc.

   

Conseillers juridiques pour la partie plaignante :

Rajeev Sharma

 

Ivan Whitehall

 

Judith Parisien

   

Partie intervenante :

Resolve Corporation

   

Conseillers juridiques pour la partie intervenante :

Paul Conlin

 

Gregory Sommers

 

Jason Mackenzie

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Christianne M. Laizner

 

Ian McLeod

 

David D’Angela

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 1er février 2007, EDS Canada Inc. (EDS) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) (invitation no G7462-040002/D), au nom du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, pour la prestation de services à l’appui du Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPE).

2. EDS a allégué que TPSGC a évalué sa proposition en utilisant des critères secrets, non divulgués ou non expliqués. À titre subsidiaire, elle a allégué que, dans la mesure où les critères divulgués ont été appliqués, leur application et leur interprétation étaient arbitraires, discriminatoires et déraisonnables.

3. À titre de mesure corrective, en plus de demander le remboursement des frais qu’elle a engagés pour déposer sa plainte auprès du Tribunal, EDS a demandé que le contrat accordé à sa concurrente, Resolve Corporation (Resolve), soit résilié et lui soit adjugé à elle. À titre de solution de rechange, EDS a demandé de recevoir une indemnisation en reconnaissance du profit qu’elle aurait tiré de ce contrat s’il lui avait été adjugé.

4. Le 8 février 2007, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 22 février 2007, Resolve a demandé et a reçu l’autorisation d’intervenir dans l’affaire. Le 6 mars 2007, TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 19 mars 2007, EDS et Resolve ont déposé leurs observations respectives sur le RIF. Le 27 mars 2007, EDS a déposé sa réponse aux observations de Resolve sur le RIF. Le 28 mars 2007, TPSGC a demandé au Tribunal de l’autoriser à présenter des observations sur les nouveaux arguments contenus dans les observations d’EDS sur le RIF. Le Tribunal a accueilli cette demande et la réponse de TPSGC aux nouveaux arguments a été versée au dossier. Le 2 avril 2007, EDS a déposé ses observations sur la réponse de TPSGC aux observations d’EDS sur le RIF.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

5. Le marché public en question vise des services à l’appui du PCPE relativement à des prêts consentis dans le cadre de divers programmes fédéraux et provinciaux de prêts aux étudiants, décrits ci-après dans la section « Analyse du Tribunal ».

6. La demande de propositions (DP) a été diffusée par l’intermédiaire du MERX le 24 février 2006, la date de clôture étant initialement fixée au 5 avril 2006, mais ayant par la suite été reportée au 13 juin 2006. TPSGC a déclaré qu’au 13 juin 2006, il avait reçu trois propositions. Le 21 décembre 2006, TPSGC a adjugé un contrat à Resolve et en a informé, par télécopie, les autres soumissionnaires dont la proposition n’avait pas été retenue. EDS a demandé un entretien final qui a eu lieu le 22 janvier 2007.

7. Le 1er février 2007, EDS a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Question de compétence

8. En réponse à la plainte, TPSGC a soutenu que le Tribunal n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte en l’espèce. Il a soutenu que « la procédure du marché public en question vise la prestation complète de services d’aide financière fédérale et provinciale aux clients étudiants » [traduction]. TPSGC a ajouté que « de tels “services de prêts aux étudiants”, qui étaient offerts par les banques, les coopératives de crédit et autres institutions bancaires et financières canadiennes avant le 1er août 2000, sont correctement classés au titre de “services financiers” et n’entrent donc pas dans la portée du chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain 3 , de l’Accord sur les marchés publics 4 de l’OMC et du chapitre 5 de l’Accord sur le commerce intérieur 5  » [traduction]. EDS, par ailleurs, a soutenu que le besoin principal visait un administrateur d’expérience possédant des compétences clés en technologie de l’information et en gestion administrative, et non pas en services financiers.

9. Après avoir examiné les éléments de preuve mis à sa disposition et les observations, le Tribunal a conclu qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte. L’analyse du Tribunal est présentée ci-après.

10. La section 1.3 de l’énoncé de travail (ÉT) décrit les fonctions que le fournisseur de services (c’est-à-dire le soumissionnaire retenu) doit accomplir comme suit :

1.3 ÉTENDUE DES TRAVAUX

Le fournisseur de services sera tenu d’administrer les comptes dès le traitement des contrats de prêt jusqu’à leur remboursement complet tout en assurant la sécurité et la protection des renseignements personnels des emprunteurs. Son travail comprendra également la prestation de services de gestion des versements des Subventions canadiennes pour l’accès aux études. Il assurera la prestation de services financiers et de services connexes, y compris la vérification des contrats de prêt, la gestion de la période d’exonération d’intérêts durant les études et la supervision du remboursement des prêts. Le fournisseur de services sera responsable de communiquer avec les emprunteurs durant la durée des prêts, y compris, sans s’y limiter, au sujet des éléments suivants :

• consolidation de leur dette,

• mesures de gestion de leur dette,

• renseignements détaillés sur leurs responsabilités quant au remboursement.

Le fournisseur de services doit aussi assurer la gestion des cas, y compris répondre aux demandes de renseignements des emprunteurs, assurer la gestion des prêts et le recouvrement des prêts en souffrance. Il doit également fournir des services en ligne et des services dans les deux langues officielles du Canada ainsi que des services aux personnes ayant des besoins spéciaux et aux emprunteurs qui étudient à l’extérieur du Canada.

En outre, le fournisseur de services sera responsable de la prestation de services administratifs liés à certains aspects des régimes de prêts précédents (prêts garantis et prêts à risques partagés décrits à la section 1.8, « Aperçu du Programme canadien de prêts aux étudiants »).

[Traduction]

11. La section 2.2 de l’ÉT ventile l’ensemble du processus de prêts aux étudiants en sept étapes distinctes, le fournisseur de services étant responsable des étapes 2 à 6 du processus :

Étape 1 – Demande et confirmation

Étape 2 – Constitution d’un dossier de prêt

Étape 3 – Gestion du compte pendant les études/le délai de grâce

Étape 4 – Consolidation et remboursement du prêt

Étape 5 – Gestion de la dette

Étape 6 – Traitements durant la durée du prêt

Étape 7 – Recouvrement de créances

12. Le Tribunal constate que la figure 2.1 de l’ÉT subdivise ces étapes du processus en sous-tâches. Le Tribunal est d’avis que certaines des sous-tâches des étapes 2 à 6 du processus peuvent nettement être considérées comme des services financiers (p. ex. 2.4 « Verser le paiement », 4.1 « Effectuer la consolidation du prêt », 4.2 « Traiter le remboursement du prêt », 5.2 « Réviser les modalités de remboursement du prêt ») [traduction], que certaines autres pourraient être considérées comme relevant de services de la technologie de l’information (p. ex. 2.3 « Créer et transmettre le dossier de paiement », 6.6 « Autres exigences de rapport ») [traduction] et que certaines autres encore pourraient être considérées à la fois des services administratifs ou des services de gestion de programme (p. ex. 2.2 « Valider les renseignements sur l’emprunteur », 3.4 « Gérer le compte », 5.1 « Gérer la relation avec les emprunteurs en difficultés financières ») [traduction]. De plus, certaines tâches semblent englober une combinaison de certains ou de la totalité de ces types de services (p. ex. 6.1 à 6.4 « Gérer les cas spéciaux ») [traduction].

13. TPSGC a soutenu que l’examen de la totalité des documents de l’invitation fait ressortir que l’acquisition porte sur des « services financiers et services connexes ». Il a soutenu que les services administratifs auxiliaires requis sont normaux dans le contexte de la prestation des services de toute institution financière ou autre organisation. Il a soutenu que le fournisseur de services exécute principalement des services de gestion de comptes de prêts à des clients, qui sont des « services financiers » assimilables aux services offerts par une banque, à cette exception près que ce sont des fonds publics qui sont gérés et prêtés plutôt que des fonds privés.

14. EDS, par contre, a soutenu que le mécanisme de notation des propositions et l’ÉT indiquent clairement que l’essentiel de la DP relève de la technologie de l’information, de la gestion des processus d’affaire et des services administratifs connexes. Elle a ajouté, à titre d’exemple, que la section 1.11 de l’ÉT, intitulée « Vision d’avenir de la prestation des services » [traduction], décrit des éléments clés qui comprennent les suivants : « Guichet de services en ligne », « Services en ligne », « Fichier client unique », « Sécurité et protection de la vie privée », « Infrastructure » et « Partenaires en prestation de services » [traduction]. EDS a soutenu que les éléments susmentionnés relèvent de la technologie de l’information, de la gestion des processus d’affaire et des services administratifs connexes.

15. EDS a également soutenu que l’ÉT a explicitement exclu les services qui pourraient être considérés d’un caractère purement financier comme les demandes de prêt, la détermination de l’admissibilité, la confirmation, le financement et le recouvrement de créances. Elle a également soutenu que la section 2.4.1.5.3 de l’ÉT énonce expressément que le fournisseur de services n’est pas responsable de la fourniture d’une installation de paiement et de dépôt, ni des fonds remboursés par les emprunteurs. EDS a souligné que le financement comme tel du programme demeure aussi la responsabilité du gouvernement.

16. Étant donné ce qui précède, EDS a soutenu que l’ÉT a trait à des questions financières dans une mesure très faible par rapport à l’ensemble des services dispensés et qu’il est impossible de conclure que le caractère essentiel du contrat se rapporte à des services financiers et services connexes.

17. Le paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE prévoit que « [t]out fournisseur potentiel peut [...] déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. »

18. L’article 30.1 de la Loi sur le TCCE définit l’expression « contrat spécifique » de la façon suivante :

« contrat spécifique » Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale ou pourrait l’être , et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une catégorie réglementaire.

19. Le paragraphe 3(1) du Règlement prévoit ce qui suit :

Pour l’application de la définition de « contrat spécifique » à l’article 30.1 de la Loi, est un contrat spécifique tout contrat relatif à un marché de fournitures ou services ou de toute combinaison de ceux-ci, accordé par une institution fédérale ou qui pourrait l’être et visé, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie, à l’article 1001 de l’ALÉNA, à l’article 502 de l’Accord sur le commerce intérieur ou à l’article premier de l’Accord sur les marchés publics.

20. En ce qui a trait à l’ACI, l’annexe 502.1B prévoit que les services suivants ne sont pas visés au chapitre cinq (et donc pas visés à l’article 502) :

. . .

[...]

(d) financial services respecting the management of government financial assets and liabilities (i.e. treasury operations), including ancillary advisory and information services, whether or not delivered by a financial institution;

d) les services financiers se rapportant à la gestion de l’actif et du passif du gouvernement (par exemple, les opérations sur le Trésor), y compris les services accessoires de consultation et d’information, qu’ils soient ou non fournis par une institution financière;

. . .

[...]

21. L’article 200 de l’ACI, « Définitions d’application générale », définit l’expression « service financier » comme suit :

« service financier » Service ou produit de nature financière, qui est régi par une mesure adoptée ou maintenue par une Partie ou par un organisme public auquel la loi délègue des pouvoirs de réglementation ou de surveillance. Sont notamment compris parmi les services financiers les services suivants :

a) l’acceptation de dépôt;

b) les services de prêts et de placements;

c) l’assurance;

d) l’administration de successions, fiducies et mandats;

e) les valeurs mobilières;

f) toutes formes d’intermédiation financière ou de marché, notamment la distribution de produits financiers.

22. Le Tribunal examinera d’abord si l’alinéa b), « les services de prêts [...] », peut s’appliquer en l’espèce. L’ACI ne définit pas cette expression. L’expression « services de prêts » ne semble pas non plus être d’usage courant puisqu’elle ne figure dans aucun des dictionnaires spécialisés consultés par le Tribunal6 .

23. Le Tribunal est d’avis que les « services de prêts » peuvent s’interpréter comme signifiant, selon le cas :

a) uniquement l’octroi comme tel de prêts (en acceptant la prémisse que le prêt constitue un service à l’emprunteur);

b) les services financiers liés à des prêts (c.-à-d. des services dont la nature se rapporte aux aspects fondamentaux de prêts, ce qui correspondrait à l’introduction de la définition de « service financier » déjà énoncée ci-dessus);

c) tous les services concernant les prêts (c.-à-d. une interprétation en langage courant de l’expression).

24. La portée de l’interprétation à donner à l’expression « services de prêts » revêt ici un caractère important. Comme il a déjà été indiqué, l’ÉT incluait plusieurs opérations qui sont clairement des opérations financières du type relevant normalement d’une banque, mais incluait aussi plusieurs types de tâches de nature non financière concernant les prêts.

25. Le Tribunal a examiné la question de savoir si l’expression « services de placements », l’autre composante à l’alinéa b) de la définition de « service financier » et une expression plus répandue, peut aider à interpréter la portée d’application de l’expression « services de prêts ». Les services de placements sont généralement définis comme incluant des services tant sur les aspects de fond que sur les aspects administratifs des placements (p. ex. des conseils sur la nature des placements à faire, le suivi du portefeuille de l’investisseur, la prestation d’information à l’investisseur au sujet de son placement). D’une manière similaire, les services d’administration de successions, fiducies et mandats, à savoir l’alinéa d) de la définition, sont généralement compris comme incluant certains services à caractère non fondamental (p. ex. faire rapport sur l’état des biens).

26. Compte tenu des termes énoncés ci-dessus, le Tribunal est d’avis que l’expression « tous les services concernant les prêts » (c.-à-d. l’interprétation en langage courant) est la meilleure interprétation de l’expression « services de prêts ». Le Tribunal conclut donc que les services recherchés dans la DP sont des « services financiers » au sens de l’article 200 de l’ACI. Le Tribunal fait observer que même si certains des services associés à la prestation du PCPE qui ne relèvent pas de la responsabilité du fournisseur de services peuvent également être considérés comme des « services financiers », cela n’enlève rien au fait que les services fournis par le fournisseur de services sont comme tels des « services financiers ».

27. Le Tribunal a ensuite examiné si ces « services financiers » sont visés dans l’exclusion énoncée à l’annexe 502.1B de l’ACI. Comme il a déjà été indiqué, l’alinéa 1d) de l’annexe 502.1B porte que « les services financiers se rapportant à la gestion de l’actif et du passif du gouvernement (p. ex les opérations sur le Trésor), y compris les services accessoires de consultation et d’information, qu’ils soient ou non fournis par une institution financière », ne sont pas visés au chapitre cinq.

28. En termes comptables, il est clair que les fonds du Trésor qui servent à consentir les prêts sont « l’actif du gouvernement », comme le sont les prêts une fois consentis, puisque le gouvernement a le droit d’en recevoir le remboursement. En outre, les services en question sont des services « se rapportant à la gestion » de cet actif du gouvernement. Le Tribunal fait observer que, vu le manque de cohérence apparent entre la version anglaise et la version française de l’alinéa 1d) de l’annexe 502.1B de l’ACI, l’exclusion ne se limite pas nécessairement aux « opérations sur le Trésor »7 . Le Tribunal constate aussi que l’alinéa 1d) de l’annexe 502.1B indique expressément que les services financiers exclus ne sont pas nécessairement fournis par une institution financière.

29. Le Tribunal est donc d’avis que ces services sont exclus de l’ACI en vertu de l’annexe 502.1B.

30. EDS a soutenu que le principe fondamental selon lequel il faut interpréter étroitement les exceptions veut que le Tribunal applique une interprétation étroite à l’expression « services financiers ». EDS a invoqué la décision rendue par le Tribunal dans IBM Canada Limitée 8 à l’appui de son argument.

31. Dans des affaires précédentes9 où la question de savoir si une exclusion devait s’appliquer n’était véritablement pas claire, le Tribunal a choisi l’interprétation étroite puisque cette dernière est la plus conforme à l’esprit des accords commerciaux. Toutefois, le Tribunal est d’avis que la question est, en l’espèce, suffisamment claire pour enlever sa pertinence à une telle application étroite.

32. Le Tribunal examinera maintenant la question de sa compétence en vertu de l’ALÉNA. La Liste du Canada, Section B Services exclus, à l’annexe 1001.1b-2 énumère les types de contrats exclus. L’annexe indique que tous les contrats se rapportant au code L du Système commun de classification, « Services financiers et services connexes », sont exclus. Le Tribunal est d’avis que les services acquis en l’espèce sont de nature financière ou se rapportent à des services financiers. Le Tribunal conclut donc que le marché public en l’espèce est exclu en vertu de l’ALÉNA.

33. Quant à la compétence du Tribunal en vertu de l’AMP, l’annexe 4 du Canada à l’appendice 1 donne une liste des services auxquels le Canada accorde une protection. L’annexe 4 ne comprend ni « les services financiers et services connexes », ni « les services de prêts », ni aucune autre catégorie de services que le Tribunal estimerait comprendre les services en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal détermine que l’AMP ne s’applique pas au marché public en question.

34. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte ne se rapporte pas à un contrat spécifique. Par conséquent, il conclut aussi qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte et la rejette.

Frais

35. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte.

36. La Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public du Tribunal (la Ligne directrice) fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte la complexité de la procédure. La complexité du marché public était élevée, comme en font foi le caractère élaboré et technique de la DP et de l’ÉT. La complexité de la plainte était élevée, car en plus d’englober une question de compétence difficile et complexe, les motifs de plainte étaient eux aussi passablement complexes. Enfin, la complexité de la procédure était élevée aussi, car il y a eu une partie intervenante, les parties ont été obligées de soumettre des renseignements dépassant la portée normale des procédures et il y a eu un échange inhabituellement élevé de pièces de correspondance concernant les questions de fond et de procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal est que la présente affaire a un degré de complexité qui correspond au plus haut degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 3). En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 4 100 $. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

DÉCISION DU TRIBUNAL

37. Le Tribunal conclut qu’il n’a pas compétence pour enquêter sur la plainte. La plainte est donc rejetée.

38. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par EDS. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

5 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

6 . Derek French, Dictionary of Accounting Terms, Londres, Financial Training Publications, 1985; Jerry M. Rosenberg, Dictionary of Banking and Financial Services, 2e éd., New York, Wiley & Sons, 1985; Dictionary of Banking Terms, Hauppauge, Barron’s Educational Series, 1997; Encyclopaedia of Banking Finance, 9e éd., Pasadena, Salem Press, 1991.

7 . L’alinéa 1d) de l’annexe 502.1B de la version française de l’ACI contient l’expression « par exemple », que l’on peut considérer comme l’équivalent de l’abréviation anglaise « e.g. ».

8 . Re plainte déposée par IBM Canada Limitée (10 avril 2003), PR-2002-040 (TCCE).

9 . Voir, par exemple, Re plainte déposée par McNally Construction Inc. (6 décembre 2001), PR-2001-026 (TCCE).