LES SYSTÈMES EQUINOX INC.


LES SYSTÈMES EQUINOX INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2006-045R

Décision et motifs rendus
le jeudi 12 mars 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Les Systèmes Equinox Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision de la Cour d’appel fédérale qui annulait en partie des décisions du Tribunal canadien du commerce extérieur datées des 14 et 19 février 2007 et renvoyait l’affaire au Tribunal canadien du commerce extérieur accompagnée de directives.

ENTRE

 

LES SYSTÈMES EQUINOX INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur prend note de la recommandation contenue dans le dossier no PR-2006-045 que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux n’annule pas le contrat actuel, mais qu’il n’exerce aucune option, et que si le besoin existe toujours à la fin de la période de contrat initiale, qu’il lance une nouvelle invitation concurrentielle à cet égard, conformément aux dispositions des accords commerciaux pertinents.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, le versement par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux à Les Systèmes Equinox Inc., à cause de l’occasion perdue, d’un montant égal à un quart du profit qu’elle aurait raisonnablement obtenu si elle avait été le soumissionnaire gagnant du contrat de fourniture d’un système de points de vente pour le Service correctionnel du Canada. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que Les Systèmes Equinox Inc. et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux négocient le montant de l’indemnisation et que, dans les 30 jours de la date de la présente décision, ils fassent rapport au Tribunal canadien du commerce extérieur sur le résultat de leurs négociations.

Si les parties sont incapables de s’entendre sur le montant de l’indemnisation, Les Systèmes Equinox Inc. déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours de la date de la présente décision, un exposé sur la question de l’indemnisation. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux disposera alors de 7 jours ouvrables après la réception de l’exposé de Les Systèmes Equinox Inc. pour déposer une réponse. Les Systèmes Equinox Inc. disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé en réponse du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour déposer tout autre commentaire.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Les Systèmes Equinox Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés relativement à la présente procédure, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations au Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Diane Vincent, membre

 

Pasquale Michaele Saroli, membre

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Partie plaignante :

Les Systèmes Equinox Inc.

   

Conseiller juridique pour la partie plaignante :

Gordon LaFortune

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller juridique pour l’institution fédérale :

David M. Attwater

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 5 février 2007, Les Systèmes Equinox Inc. (Equinox) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte concernait un marché (invitation no 21120-053631/B) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du Service correctionnel du Canada (SCC) pour la fourniture d’un système de points de vente (PV).

2. Equinox a allégué que TPSGC avait accordé le contrat à un soumissionnaire, Groupe LGS Inc. (LGS), dont la proposition n’était pas conforme aux exigences obligatoires de la demande de propositions (DP), que TPSGC avait permis à LGS de modifier sa proposition après la date limite de réception des soumissions et que TPSGC n’avait pas agi de la même façon envers tous les soumissionnaires, suscitant ainsi une crainte raisonnable de partialité en faveur de LGS. Equinox avait aussi allégué que TPSGC avait incorrectement déclaré sa proposition non conforme.

3. Le 14 février 2007, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur une portion de la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le Tribunal n’a pas accepté le motif de plainte d’Equinox relatif à l’évaluation incorrecte de sa soumission. Le Tribunal avait déjà décidé, dans le cadre d’une plainte précédente3 , que le motif de plainte concernant la déclaration de non-conformité de la soumission d’Equinox n’avait pas été déposé dans le délai prévu par le Règlement. En ce qui a trait au dossier no PR-2006-0454 , Equinox a soumis d’autres éléments de preuve qui ne l’avaient pas été auparavant afin d’étayer ce motif de plainte. Cependant, le Tribunal a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que la proposition d’Equinox aurait dû être déclarée conforme et, par conséquent, qu’il n’y avait pas d’indication raisonnable, relativement à la soumission d’Equinox, que la procédure de passation du marché n’avait pas été appliquée d’une manière conforme aux accords commerciaux pertinents. En réponse à une autre demande d’Equinox, qui souhaitait que le Tribunal revoie sa décision concernant les motifs de plainte qu’il avait acceptés en vue de la tenue d’une enquête, le Tribunal a confirmé sa décision du 14 février 2007 dans une lettre datée du 19 février 2007 envoyée à Equinox.

4. Le 14 mars 2007, Equinox a déposé auprès de la Cour d’appel fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal dans le dossier no PR-2006-045 de ne pas enquêter sur tous les motifs de plainte présentés par Equinox.

5. Le 20 juin 2007, le Tribunal a rendu sa décision dans le dossier no PR-2006-045, dans lequel il déterminait que la plainte était fondée et recommandait ce qui suit à titre de mesure corrective :

[...] que TPSGC n’annule pas le contrat actuel mais qu’il n’exerce aucune option. Si le besoin existe toujours à la fin de la période de contrat initiale, le Tribunal recommande que TPSGC lance une nouvelle invitation concurrentielle à cet égard, en conformité avec les dispositions des accords commerciaux pertinents.

6. Equinox et TPSGC ont déposé devant la Cour d’appel fédérale des demandes5 de contrôle judiciaire de la décision du 20 juin 2007 du Tribunal. Ces demandes de contrôle judiciaire n’ont pas encore été entendues et ont été mises en suspens en attendant que le Tribunal rende sa décision dans la présente affaire.

7. Le 16 janvier 2008, la Cour d’appel fédérale a entendu la demande de contrôle judiciaire d’Equinox déposée le 14 mars 20076 . Voici un extrait de la décision et des motifs du juge Desjardins, datés du 29 janvier 2008 :

[...]

[32] Compte tenu de la divulgation de nouveaux documents communiqués par suite de la demande d’accès à l’information, la plainte soulève des questions fondamentales quant à l’égalité d’accès de tous les fournisseurs canadiens au processus de passation d’un marché public, à l’absence de discrimination dans la procédure d’appel d’offres et à la transparence dans le processus d’appel d’offres. Ces éléments sont tous nécessaires à l’intégrité du système que les dispositions législatives invoquées visent à protéger. Bien que la Cour ait, dans l’arrêt E.H. Industries Ltd., qualifié de décision de nature administrative et non juridictionnelle la décision d’enquêter ou non sur une plainte, les nouveaux documents révèlent que la soumission d’Equinox a été modifiée par TPSGC de façon à ce jour inexpliquée et indiquent une apparence de traitement préférentiel réservé à la proposition de LGS. Le vaste pouvoir discrétionnaire reconnu au Tribunal par la jurisprudence ne va pas jusqu’à permettre au Tribunal de mettre de côté des éléments de preuve de cette nature tout en acceptant d’enquêter sur une facette étroitement liée du même processus d’appel d’offres, à savoir l’évaluation de la proposition de LGS [TRADUCTION] « en comparaison avec celle d’Equinox » (lettre du 19 février 2007).

[33] Dans sa lettre du 14 février 2007, le Tribunal a fait part de sa décision de limiter son enquête à trois questions, la troisième étant la prétention selon laquelle [TRADUCTION] « TPSGC n’a pas traité les soumissionnaires également, suscitant de ce fait une crainte raisonnable de partialité en faveur de LGS ».

[34] Il est difficile de comprendre comment le Tribunal peut accepter d’une part d’enquêter relativement à [TRADUCTION] « la crainte de partialité en ce qui touche la façon dont la proposition de LGS Group Inc. a été évaluée en comparaison avec celle d’Equinox » (lettre du 19 février 2007) et refuser d’autre part d’examiner les motifs de la plainte d’Equinox [TRADUCTION] « portant sur l’évaluation irrégulière de la soumission d’Equinox ». Le fait d’accepter d’examiner l’évaluation de la soumission de LGS au regard de la loi applicable n’apportera pas de réponse à la question de savoir si TPSGC a traité les soumissionnaires sur un pied d’égalité (lettre du 14 février 2007) puisque tous les soumissionnaires qu’il faut prendre en considération n’auront pas été inclus dans l’enquête et l’analyse.

[35] Les nouveaux éléments de preuve obtenus par Equinox à la suite de sa demande d’accès à l’information remettent en cause la déclaration antérieure de TPSGC selon laquelle la proposition financière d’Equinox n’était pas conforme et le Canada n’a pas poussé plus loin l’évaluation de la soumission de la demanderesse (lettre de TPSGC en date du 12 décembre 2005). La preuve indique clairement que la soumission d’Equinox a bien été évaluée et qu’un montant divulgué confidentiellement a été ajouté à la soumission. Il n’est pas loisible au Tribunal de refuser d’enquêter relativement à l’évaluation de la soumission d’Equinox par TPSGC sans porter atteinte à l’apparence d’égalité d’accès des soumissionnaires aux marchés publics prescrite par l’AIC et l’ALENA.

[36] Les allégations de violations de cette nature, qui mettent en cause les principes fondamentaux de l’ACI et de l’ALENA, justifient l’intervention de la Cour.

CONCLUSION

[37] J’accueillerais la demande d’examen judiciaire avec dépens, j’annulerais en partie les décisions du Tribunal en date du 14 février 2007 et du 19 février 2007, j’ordonnerais que le Tribunal enquête de façon indépendante sur la question de savoir si la soumission d’Equinox a été irrégulièrement évaluée et j’ordonnerais que le Tribunal tienne compte, dans le cadre de l’enquête relative à la partialité, de l’existence d’un préjugé favorable ou défavorable tant à l’égard d’Equinox que de LGS.

8. Par suite de la décision de la Cour d’appel fédérale, le Tribunal, le 26 mars 2008, a informé les parties qu’il procéderait à une enquête afin de déterminer si la soumission d’Equinox avait été évaluée de façon incorrecte. Le Tribunal a aussi souligné que dans le cadre de son enquête sur la partialité, il tiendrait compte de l’existence d’un préjugé favorable ou défavorable tant à l’égard d’Equinox que de LGS. Le 14 avril 2008, TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 24 avril 2008, Equinox a déposé ses observations sur le RIF. Le 15 mai 2008, le Tribunal a demandé que TPSGC dépose des renseignements additionnels que le Tribunal jugeait pertinents. Le 29 mai 2008, TPSGC a déposé les renseignements demandés par le Tribunal. Le 10 juin 2008, Equinox a déposé ses observations sur l’exposé de TPSGC. Le 16 juin 2008, TPSGC a déposé sa réponse. Le 18 juin 2008, Equinox a déposé sa réponse à l’exposé de TPSGC.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Portée de l’enquête

9. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. De plus, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, qui, en l’espèce, sont l’Accord sur le commerce intérieur 7 , l’Accord de libre-échange nord-américain 8 et l’Accord sur les marchés publics 9 .

10. À cet égard, le Tribunal est d’avis que la Cour d’appel fédérale, dans le cadre du contrôle judiciaire, ne peut être réputée avoir ordonné au Tribunal de mener une enquête qui aurait permis à ce dernier d’outrepasser les pouvoirs que le Parlement lui a confiés aux termes de sa propre loi habilitante.

11. Dans le cadre du contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale n’a pas statué sur la décision du Tribunal du 20 juin 2007 dans le dossier no PR-2006-045. Elle a plutôt estimé que le Tribunal avait fait des erreurs susceptibles de contrôle judiciaire à un stade antérieur des procédures, dans le cadre des décisions qu’il avait prises de limiter les motifs pour lesquels il accepterait la plainte.

12. Dans le cadre de son jugement, la Cour d’appel fédérale a ordonné au Tribunal qu’il « [...] enquête de façon indépendante sur la question de savoir si la soumission d’Equinox a été irrégulièrement évaluée et [qu’il] tienne compte, dans le cadre de l’enquête relative à la partialité, de l’existence d’un préjugé favorable ou défavorable tant à l’égard d’Equinox que de LGS ».

13. Puisque la Cour d’appel fédérale n’a pas renvoyé la décision du Tribunal sur les deux motifs de plainte dans le dossier no PR-2006-045, le Tribunal est lié par la règle du functus officio en ce qui concerne ces deux motifs de plainte.

14. Par ailleurs, le Tribunal comprend que la directive de la Cour d’appel fédérale, qui l’enjoint d’« enquête[r] de façon indépendante », signifie que le Tribunal doit effectuer l’enquête, rendre une décision sur le bien-fondé des motifs de plainte concernant l’enquête et, le cas échéant, formuler des recommandations appropriées à titre de mesure corrective comme s’il s’agissait d’une nouvelle enquête sur un marché public à l’égard de ces motifs.

15. Le Tribunal a aussi tenu compte de la période d’enquête. En l’espèce, il semble que le contrat ait été attribué le 11 décembre 2005. Les parties ont fourni des documents qui portent sur une période plus récente. Le Tribunal acceptera et étudiera lesdits documents dans la mesure où ils peuvent éclairer les circonstances entourant les périodes de présentation des soumissions et d’évaluation de ces dernières.

16. Dans sa lettre du 12 décembre 200510 , TPSGC déclarait la proposition financière d’Equinox non conforme pour deux motifs :

[...]

1) les tarifs journaliers proposés ne permettent pas le calcul d’un tarif journalier unique pour les travaux comme l’exigeait la DP;

2) aucun prix unique calculable n’a été offert pour la licence d’entité, en conformité avec les conditions énoncées à l’annexe C.

[...]

[Traduction]

17. Equinox a contesté les conclusions de non-conformité auxquelles en était arrivé TPSGC et a soutenu ce qui suit :

la DP n’exigeait pas qu’une proposition financière prévoie soit un tarif journalier unique calculable pour le travail, soit un prix unique calculable pour la licence d’entité;

la preuve documentaire obtenue aux termes de la Loi sur l’accès à l’information a permis de démontrer l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part de TPSGC en faveur de LGS et au détriment d’Equinox.

18. En effectuant son enquête indépendante afin de poser la question de savoir si la proposition financière d’Equinox a été évaluée incorrectement, le Tribunal se limitera donc à un examen du bien-fondé des motifs précis invoqués par TPSGC pour conclure que la proposition financière d’Equinox était non conforme, étant donné que ces motifs constituaient l’objet de la plainte originale, de même que de la question connexe de savoir si la situation a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

Première question : évaluation de la soumission d’Equinox

19. La Cour d’appel fédérale a enjoint le Tribunal d’« enquête[r] de façon indépendante sur la question de savoir si la soumission d’Equinox a été irrégulièrement évaluée ». Il y avait deux aspects de l’invitation auxquels devait se conformer chaque soumissionnaire, soit un aspect technique et un aspect financier. Les évaluateurs ont déterminé que la soumission d’Equinox était conforme sur le plan technique mais non conforme sur le plan financier.

20. Le Tribunal souligne que, dans son exposé, Equinox semblait accepter l’évaluation de sa proposition technique et se concentrait plutôt sur le traitement par TPSGC de sa proposition financière. Tel que souligné ci-dessus, le Tribunal est tenu de se limiter à l’objet de la plainte. Donc, dans le cadre de l’examen de l’évaluation de la soumission d’Equinox, le Tribunal se limitera à enquêter sur l’évaluation du volet financier.

21. Le paragraphe 506(6) de l’ACI se lit comme suit11  :

[...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

22. À cet égard, il s’agit de déterminer si la DP, interprétée correctement, exigeait soit expressément soit par déduction que la soumission prévoit un tarif journalier unique calculable pour les services professionnels d’un installateur et d’un agent de formation et un prix unique calculable pour une licence d’entité.

23. De son côté, Equinox soutient que la DP ne contenait pas les termes « tarif journalier unique calculable » ou « prix unique calculable », ces exigences étant incorrectement attribuées à la DP par TPSGC, et affirme ce qui suit :

[...] la DP ne comprend pas les termes « tarif journalier unique calculable » ou « prix unique calculable ». Ce sont plutôt des termes que TPSGC a créés par extrapolation après la diffusion de la DP [...]. Il ne s’agit pas que d’une hypothèse d’Equinox. L’exigence de fournir soit un « tarif journalier unique calculable », soit un « prix unique calculable » ne figure pas dans la DP [...]. Le fait que TPSGC reconnaisse maintenant que les concepts de « tarif journalier unique calculable » et « prix unique calculable » ont été déduits du contenu de la DP plutôt qu’énoncés dans cette dernière prouve aussi que la DP contrevenait aux dispositions du paragraphe 506(6) de l’ACI [...]12 .

[Traduction]

Tarifs journaliers proposés

24. Le paragraphe 6.2 de la section II de la partie A de la DP, qui expose l’information obligatoire minimale qui doit figurer dans la proposition financière d’un soumissionnaire, exigeait explicitement des soumissionnaires qu’ils mentionnent tous les coûts associés à la mise en œuvre de l’ensemble des besoins en établissant un barème de coûts semblable à celui qui figurait à l’annexe D de la partie B, indiquant clairement les prix unitaires ou globaux fermes et les tarifs fermes :

La proposition financière distincte déposée par le soumissionnaire doit au moins comprendre les renseignements suivants :

a) tous les frais relatifs à la mise en œuvre de l’ensemble des besoins, dont les travaux à effectuer sur demande et les options, en remplissant et en déposant un barème de coûts comparable à celui de l’annexe D de la partie B et en indiquant clairement les prix unitaires ou globaux fermes et les tarifs fermes . [...]

[Traduction, nos italiques]

25. Le Tribunal a d’abord cherché à établir si le terme « comparable à » offrait aux soumissionnaires suffisamment de latitude pour modifier le modèle de barème de coûts figurant dans la DP. De l’avis du Tribunal, le concept de comparabilité évoqué par le terme « comparable à », même si sa signification n’est pas précisée dans le libellé de la DP, viserait habituellement des éléments de forme plutôt que de contenu à l’égard des renseignements figurant dans le barème exigé. Le Tribunal reconnaît que dans certaines circonstances, une modification (par exemple un ajout ou fractionnement) de l’information demandée est légitime si, dans les faits, elle répond à une exigence de la DP. En l’espèce, la « proposition chiffrée doit contenir [...] tous les frais relatifs à la mise en œuvre de l’ensemble des besoins » et le soumissionnaire doit « indiquer clairement les prix unitaires ou globaux fermes et les tarifs fermes » et, pour ce faire, établir « un barème de coûts comparable à celui de la partie B » [nos italiques]. Cependant, on pouvait s’attendre à ce qu’un soumissionnaire qui ne respectait pas les dispositions de la DP relatives au barème des coûts fournisse quand même les renseignements requis dans la DP, y compris ceux de l’annexe, et satisfasse aux exigences obligatoires. En toute circonstance, le soumissionnaire doit quand même présenter clairement les renseignements exigés dans la DP.

26. L’annexe D (« Barème des coûts pour les biens et les services à fournir ») de la partie B (« Modèle de contrat ») de la DP comprend quatre tableaux qui énumèrent 18 éléments distincts à l’égard desquels des prix ou tarifs fermes devaient être proposés. Le Tribunal souligne que, sur ces 18 éléments distincts, seuls les éléments nos 001 (« Installateur ou agent de formation ») et 002 (« Programmeur ou développeur ») du tableau 3 (« Services professionnels et réparation de l’équipement ») indiquent les tarifs journaliers applicables par unité. Par conséquent, ce sont les seuls éléments pertinents eu égard à l’évaluation par le Tribunal du bien-fondé du premier motif, concernant un « tarif journalier unique calculable », qui ont permis à TPSGC de déclarer que la proposition financière d’Equinox n’est pas conforme.

27. Le terme « calculable » dans l’expression susmentionnée désigne vraisemblablement la possibilité de réduire les divers montants proposés pour chaque année de la période du contrat à l’égard de chacun des éléments nos 001 et 002 du tableau 3 à des tarifs journaliers uniques cumulatifs aux fins de l’évaluation des soumissions.

28. Le Tribunal est d’accord avec l’allégation d’Equinox selon laquelle la DP ne contient pas d’exigence explicite relative à la présentation d’un tarif journalier unique calculable pour ces éléments. Il s’agit donc de déterminer si l’exigence d’un tarif journalier unique calculable résulte d’une déduction faite à partir des conditions expresses de la DP et du barème de coûts qui figure à l’annexe D de la partie B de la DP.

29. Le Tribunal conclut que cette exigence sur les tarifs et prix « calculables » résulte en fait d’une déduction découlant d’une lecture en parallèle de l’article 6.2 de la section II de la partie A de la DP, où on trouve l’exigence obligatoire relative aux tarifs et prix « fermes », et de l’article 4.1 de la section III de la partie A de la DP, qui prévoit que le coût évalué équivaudra au total des coûts soumis dans le barème des coûts de l’annexe D de la partie B de la DP, qui prévoit ce qui suit :

[...]

Phase IV – Évaluation financière conformément au barème des coûts à l’annexe D de la partie B. Pour les besoins de l’évaluation des propositions, on calculera le coût évalué d’après le total des coûts proposé par les soumissionnaires dont la proposition est jugée conforme, selon le barème des coûts précisé à l’annexe D de la partie B.

[...]

[Traduction, nos italiques]

30. Cela semble tout à fait logique parce que, afin de comparer les propositions financières dans le cadre du processus global d’évaluation des soumissions, TPSGC devait d’abord être en mesure de calculer un coût évalué total pour chaque soumissionnaire.

31. L’exigence sous-entendue relative à la « calculabilité » pouvait vraisemblablement être comblée en fonction de chaque élément de coût ou de l’ensemble du barème des coûts. Dans un cas comme dans l’autre, la présentation de tarifs fixes uniques (par opposition à des tarifs variables, dont l’établissement reposerait sur des facteurs ultérieurs inconnus) ou la possibilité d’extrapoler ces derniers d’une autre façon à partir du barème des coûts d’un soumissionnaire, est une condition incontournable de la capacité de calculer un coût évalué pour chaque soumissionnaire.

32. Au lieu de fournir uniquement des tarifs journaliers fermes en contrepartie des services professionnels, comme l’exigeait le tableau 3, le dossier de soumission d’Equinox comprenait un nouvel élément no 001-A, « Installateur ou agent de formation (première heure sur les lieux) (minimum une heure) »13 [traduction], qui était un ajout à l’élément no 001 existant, « Installateur ou agent de formation ».

33. Le Tribunal est d’avis qu’Equinox a créé de la confusion, en ajoutant l’élément no 001-A, au sujet de la relation entre l’« élément » lui-même (modifié par l’expression « première heure sur les lieux – minimum une heure »), l’« unité » (exprimée sur une base journalière) et les montants visant la « période du contrat » (mentionnés sur une base annuelle dans la tentative d’Equinox de dissiper la confusion après l’expiration du délai de réception des soumissions)14 . De l’avis du Tribunal, l’élément supplémentaire no 001-A, tel que présenté, empêchait réellement de calculer un tarif journalier unique pour les frais d’un « installateur et agent de formation ».

34. Le Tribunal est de plus d’avis que l’on n’aurait pas pu extrapoler un tarif journalier unique pour l’élément no 001-A à partir du barème des coûts plus général d’Equinox. À cet égard, les relations et l’interaction entre l’élément existant no 001 et le nouvel élément no 001-A ne ressortent pas clairement du barème des coûts dans le tableau 3 soumis par Equinox.

35. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’addition de l’élément no 001-A à la proposition financière d’Equinox ne respectait pas les exigences obligatoires de la DP à l’égard de la calculabilité des frais d’un « installateur et agent de formation » sur une base journalière.

Licence de logiciel

36. Sur la question de savoir si la DP prévoyait un tarif unique calculable pour une licence d’entité, les paragraphes 3.3 et 3.4 de l’annexe C (« Licence de logiciel ») de la partie B de la DP prévoient ce qui suit :

3.3 L’entrepreneur concède par les présentes à Sa Majesté la Reine du chef du Canada une licence individuelle, permanente et non exclusive permettant à l’utilisateur de se servir du logiciel sous licence conformément à ce contrat.

3.4 Le présent contrat donne au Canada le droit permettant à l’utilisateur d’installer, de copier, de déployer et d’exploiter les logiciels sous licence, ce qui lui donne le droit :

a) d’autoriser un nombre illimité d’employés individuels de l’utilisateur à se servir des logiciels sous licence; dans ce contrat, on désigne par le terme « licence d’entité » la licence qui donne droit à un nombre illimité d’employés de l’utilisateur de se servir des logiciels sous licence;

b) d’installer et d’utiliser les logiciels sous licence dans tous les établissements nécessaires pour répondre périodiquement aux besoins de l’utilisateur, notamment dans tous les établissements correctionnels actuels et projetés, de même qu’à l’administration centrale nationale et dans les bureaux régionaux du SCC;

c) d’installer et d’utiliser des logiciels sous licence sur tous les systèmes informatiques appartenant à l’utilisateur, loués à bail par lui ou exploités par ce dernier à la date du contrat et sur tous les nouveaux systèmes informatiques achetés, loués à bail ou exploités par l’utilisateur après la date de ce contrat;

d) d’utiliser les logiciels sous licence conjointement avec n’importe quel nombre de périphériques; on entend par « périphérique » les ordinateurs ou le matériel sur lesquels les logiciels pourront être installés, déployés ou exploités.

[...]

toutes ces conditions n’ont aucune incidence sur les prix indiqués dans ce contrat et n’obligent pas le Canada à acheter des licences supplémentaires ni à accepter des conditions de licence modifiées pour les logiciels sous licence.

[Traduction, nos italiques]

37. En ce qui concerne le fondement sur lequel le prix de la licence d’entité devrait être établi, l’élément no 002 du tableau 1 (« Installation initiale et logiciels ») de l’annexe D (« Barème des coûts pour les produits et les services à fournir ») de la partie B (« Modèle de contrat ») de la DP prévoit ce qui suit à l’égard de la seule l’unité , soit le « lot » :

Pour la fourniture des logiciels sous licence, conformément à la licence de logiciel, Annexe C, à la fin des essais d’acceptation du système PV à l’administration centrale nationale du SCC à Ottawa.

[Traduction, nos italiques]

38. Lorsque l’élément no 002 du tableau 1 est lu en parallèle avec l’annexe C de la partie B, on se rend compte que la DP exige la proposition d’un prix unique pour une licence d’entité (c.-à-d. une licence englobant tous les besoins en logiciels du système PV projeté, y compris l’ensemble des besoins actuels et futurs de l’ensemble des établissements existants et futurs du SCC), ladite licence devant être payée au moment de l’acceptation du système après un essai réussi à l’administration centrale du SCC.

39. Cependant, plutôt que de proposer un prix ferme unique (« par lot ») sous l’élément no 002 du tableau 1 pour le logiciel visé par la licence d’entité, Equinox a limité sa proposition pour le no 002 au prix de sa licence de logiciel pour l’administration centrale du SCC, présentant séparément les diverses composantes de son logiciel au tableau 4 de l’annexe D de la partie B de la DP par poste, hôte, serveur et Touchpad. On peut le constater dans la précision no 1 d’Equinox, où cette dernière a fourni des prix séparés de composantes de logiciels par poste et par établissement. Même si Equinox a aussi fourni un coût global pour chacun de ces éléments, à cause du potentiel de variation du nombre d’établissements et de postes, le coût de la licence de logiciel n’était pas établi de façon définitive, comme l’exigeait la DP, mais pouvait varier pendant la durée du contrat.

40. Par conséquent, le Tribunal conclut que cet aspect de la proposition financière d’Equinox était aussi non conforme à l’une des exigences obligatoires de la DP.

41. Étant donné que le Tribunal a déterminé que la proposition financière d’Equinox n’était pas conforme aux exigences obligatoires de la DP dans deux cas, le Tribunal conclut que TPSGC respectait les procédures applicables en matière de marchés publics lorsqu’il a déclaré que la proposition financière d’Equinox était non conforme.

Deuxième question : partialité

Allégation de partialité en faveur de LGS et au détriment d’Equinox

42. À l’appui de sa prétention de crainte raisonnable de partialité en faveur de LGS, Equinox a allégué que les évaluateurs avaient permis à LGS de modifier sa soumission, avaient modifié la DP à l’égard des imprimantes de reçus, avaient demandé et accepté des renseignements supplémentaires sur le lecteur de code à barres offert, avaient répondu aux questions de LGS en dehors des délais alloués, avaient omis de transmettre ces questions et réponses à Equinox et avaient permis à LGS d’enfreindre le paragraphe 3.4 de l’énoncé de travail en ce qui concerne la licence de logiciel.

43. À l’appui de son allégation de crainte raisonnable de partialité contre elle, Equinox a soutenu notamment que l’existence du document d’évaluation financière relatif à sa proposition démontre que TPSGC avait en fait accepté sa soumission financière (avec les précisions qu’elle avait fournies) et que TPSGC avait joué un rôle actif dans la modification de sa soumission, au détriment d’Equinox, et qu’à aucun moment TPSGC avait informé Equinox qu’un certain montant avait été ajouté au prix qu’elle proposait ni expliqué pour quelle raison cet ajout était justifié.

44. Eu égard aux allégations d’Equinox concernant la partialité15 , TPSGC a formulé les commentaires suivants :

[...] l’acceptation par inadvertance de la modification d’une soumission, ce que TPSGC nie expressément, ne justifie pas, en tout ou en partie, une crainte de partialité [...] l’ajout d’options sans conséquences sur le contrat accordé à LGS ne justifiait pas, en tout ou en partie, une crainte de partialité [...] répondre à une question de LGS ne justifiait pas, en tout ou en partie, une crainte de partialité [...] les déclarations de LGS pendant les négociations du contrat et après l’attribution du contrat peuvent avoir été différentes des engagements pris dans la proposition et formalisés dans le contrat, déclarations qui, TPSGC le nie expressément, n’ont pas justifié, en tout ou en partie, une crainte de partialité [...] la décision de ne pas diffuser les questions et réponses n’a pas justifié, en tout ou en partie, une crainte de partialité [...] la tentative d’estimer le coût réel de la proposition financière n’a pas justifiée, en tout ou en partie, une crainte de partialité [...] conclure qu’une proposition est non conforme, à quelque moment que ce soit, ne constitue pas une preuve de partialité16 .

[Traduction]

45. TPSGC a soutenu que la plus grande partie, sinon la totalité de la « preuve de partialité » n’a aucun lien avec la décision de déclarer la proposition financière d’Equinox non conforme. Abordée de façon réaliste et concrète, les « éléments de preuve de partialité » n’amèneraient pas une personne bien informée à conclure que la décision de déclarer la proposition financière d’Equinox non conforme était sous-tendue par des motifs de partialité. Il a soutenu que les circonstances dans lesquelles la décision en cause a été prise ne justifient pas une crainte raisonnable de partialité.

46. Dans le dossier no PR-2002-07017 , le Tribunal a abordé la question de la crainte raisonnable de partialité. Dans son exposé des motifs, le Tribunal a invoqué l’arrêt Cougar Aviation Ltd. c. Canada 18 , dans lequel la Cour d’appel fédérale avait conclu que, aux termes de l’ACI, « [...] la compétence du Tribunal pour statuer sur une plainte n’était pas limitée aux plaintes de partialité réelle, mais incluait celles portant sur des allégations de crainte raisonnable de partialité [...] ».

47. Le critère appliqué par le Tribunal pour déterminer si les circonstances de l’espèce donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité est celui énoncé dans l’opinion dissidente du juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie 19 , critère qui a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone 20 , laquelle opinion dissidente stipulait ce qui suit :

[...] à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra[it] pas une décision juste21 ?

48. Comme premier motif pour lequel il avait jugé non conforme la proposition financière d’Equinox, TPSGC a cité le fait que les tarifs journaliers proposés ne permettaient pas l’établissement d’un tarif journalier unique calculable pour l’ensemble du travail exigé par la DP.

49. Comme il l’a déjà expliqué, le Tribunal est d’avis qu’une exigence de « calculabilité » émane en effet de la lecture en parallèle de l’exigence obligatoire énoncée au paragraphe 6.2 de la section II de la partie A de la DP, soit l’obligation de proposer des tarifs et prix « fermes », et des dispositions du paragraphe 4.1 de la section III de la partie A de la DP, qui prévoient que le coût évalué équivaudra aux coûts totaux proposés selon le barème des coûts de l’annexe D de la partie B de la DP.

50. Cependant, même si le Tribunal, par suite de sa propre analyse indépendante, estime que la proposition financière d’Equinox ne satisfaisait pas à l’exigence relative à la « calculabilité », le Tribunal est d’accord avec l’observation de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 35 de sa décision, selon laquelle « [l]a preuve indique clairement que la soumission d’Equinox a bien été évaluée et qu’un montant divulgué confidentiellement a été ajouté à la soumission ».

51. Le terme « évaluation » peut faire l’objet d’un vaste éventail d’interprétations, de l’analyse détaillée jusqu’à l’appréciation plus limitée qui se borne à déterminer si une proposition, à première vue, contient suffisamment de renseignements pour permettre le passage à l’analyse approfondie.

52. L’existence de fiches d’évaluation financière indiquant des montants pour les propositions d’Equinox et de LGS, subdivisées par catégorie et compilées, démontre que TPSGC a effectué au moins une évaluation sommaire de la proposition d’Equinox22 . Ce qui est plus important, l’évaluation était suffisamment détaillée pour déboucher sur des montants précis visant les éléments mêmes sur lesquels s’appuyait le rejet de la proposition financière d’Equinox. Le Tribunal est donc d’avis qu’une évaluation de la proposition financière d’Equinox a bien eu lieu.

53. On trouve au dossier quatre fiches d’évaluation chiffrée dont le caractère évolutif montre qu’elles n’ont pas été établies indépendamment par des évaluateurs différents, mais qu’elles avaient un caractère séquentiel. Cette opinion est soutenue par l’interprétation que fait le Tribunal du paragraphe 61 du RIF-123 , dans lequel TPSGC a présenté ces fiches comme un processus en évolution, en réaction aux précisions fournies par Equinox. À cet égard, la dernière des quatre fiches d’évaluation chiffrée au dossier contient des montants entrés pour chacun des 18 éléments distincts à l’égard desquels la DP exigeait la proposition d’un prix ferme.

54. Equinox soutient qu’en évaluant sa proposition financière, TPSGC a ajouté à tort un montant forfaitaire important à sa soumission, sans avis, explication ou justification24 . Equinox soutient que n’eût été de l’ajout inexpliqué de ce montant à sa soumission, le coût par point de sa soumission aurait été inférieur à celui de LGS25 .

55. Il semble en fait qu’une évaluation détaillée de la soumission d’Equinox a été effectuée et que les quatre fiches de pointage ont été établies par étapes successives dans le cadre de l’évaluation par l’équipe de TPSGC de la proposition financière d’Equinox. Quoiqu’il en soit, que les quatre fiches de pointage représentent les étapes successives d’une seule évaluation ou qu’il s’agisse de quatre évaluations séparées ou indépendantes, il n’en demeure pas moins que TPSGC aurait dû être en mesure d’obtenir de ses propres évaluateurs et de fournir au Tribunal une explication convaincante du montant significatif qui avait été ajouté à la soumission d’Equinox sur la dernière des quatre fiches de pointage. Son ampleur et ses répercussions potentielles pour le classement des soumissionnaires ne peuvent l’assimiler à un simple fait accessoire dont il n’est pas nécessaire de tenir compte et dont l’origine et l’objet auraient pu se perdre au cours du processus d’évaluation.

56. Le Tribunal comprend, selon les éléments de preuve qui lui ont été soumis, que l’évaluation financière avait été effectuée par une équipe de TPSGC. Cette équipe, ou l’autorité contractante seule, a produit quatre fiches de pointage successives sur la proposition financière d’Equinox. L’exposé de TPSGC affirme ce qui suit au paragraphe 61 du RIF-1 :

On trouve dans les dossiers de TPSGC plusieurs documents d’évaluation des propositions financières. En essayant de comprendre et d’estimer la proposition financière d’Equinox et après avoir obtenu des clarifications, l’autorité contractante a produit divers brouillons du document d’évaluation [...].

[Traduction]

Au paragraphe 63 du RIF-1, TPSGC poursuit en ces termes :

TPSGC ne peut véritablement expliquer toutes ces données différentes. On estime que, pour la présente version du document de travail, l’agent de négociation des contrats a formulé certaines hypothèses sur le fait que le système PV offert par Equinox exigeait certains des équipements périphériques et logiciels énumérés au tableau 4 de l’annexe D de la proposition financière d’Equinox [...].

[Traduction]

57. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas offert une explication raisonnable et convaincante, étayée par des éléments de preuve documentaire ou bien un ou plusieurs affidavits de membres de l’équipe d’évaluation financière ou de l’autorité contractante. Ce montant n’aurait pas pu, de façon raisonnable, demeurer inexpliqué si une équipe de quatre évaluateurs, comme ce doit être le cas, et non une seule autorité contractante, comme l’a laissé entendre TPSGC, avait effectué une évaluation financière et produit cette fiche de pointage qui constitue la dernière d’une série. Ce montant additionnel inscrit sur la fiche de pointage laisse entendre que selon la propre opinion de PWGSC, la solution d’Equinox était en effet calculable et supérieure à celle de LGS. Or, l’impossibilité de calculer le montant de la soumission est l’un des motifs invoqués pour le rejet de la proposition d’Equinox.

58. Cependant, TPSGC a décidé de ne pas se prévaloir de l’occasion qui lui était donnée de dissiper toute impression de mauvaise foi en donnant ladite explication; TPSGC a plutôt opté pour les hypothèses, les conjectures et la divulgation sélective de renseignements et a déclaré ce qui suit :

TPSGC ne peut véritablement expliquer toutes ces données différentes. On estime que, pour la présente version du document de travail, l’agent de négociation des contrats a formulé certaines hypothèses sur le fait que le système PV offert par Equinox exigeait certains des équipements périphériques et logiciels énumérés au tableau 4 de l’annexe D de la proposition financière d’Equinox [...].26

[Traduction, nos italiques]

59. TPSGC a ajouté ce qui suit :

TPSGC estime que l’agent de négociation des contrats a utilisé le document d’évaluation no 1 pour déterminer le coût évalué de la proposition d’Equinox après avoir tenté de corriger les erreurs décrites aux paragraphes 57 et 63 du RIF no 1. Le document d’évaluation no 1 est en fait un document de travail [...] TPSGC comprend que le montant dont on allègue l’ajout à la proposition financière d’Equinox représente le coût additionnel, qui corrige ces erreurs, estimé par l’agent de négociation des contrats [...] TPSGC soutient que rien ne limitait le droit de TPSGC de déclarer la proposition financière d’Equinox non conforme aux exigences obligatoires après qu’il ait tenté de chiffrer la proposition et d’obtenir des précisions de cette dernière27 .

[Traduction, nos italiques]

60. Dans son enquête initiale, le Tribunal a déploré l’incapacité des entités publiques visées par ce marché public (TPSGC et le SCC) de retrouver les documents pertinents relatifs au marché en question et le défaut apparent des intéressés de conserver en leur possession lesdits documents.

61. Dans la présente enquête, le Tribunal a demandé les documents supplémentaires suivants des entités publiques visées :

Tous les documents relatifs à l’évaluation technique et financière des propositions d’Equinox et de LGS qui se trouvent en la possession de TPSGC ou du Service correctionnel du Canada. Sont inclus l’ensemble des notes des évaluateurs de même que les fiches de pointage, individuelles et regroupées. Les documents comprennent aussi l’ensemble des communications entre TPSGC, le SCC et Equinox ou LGS jusqu’au moment de l’attribution du contrat28 .

[Traduction]

62. Les documents soumis au Tribunal, même s’ils étaient nombreux, se sont révélés plutôt incomplets. Par exemple, même si sept évaluateurs ont été nommés, seules les fiches de pointage de quatre de ces évaluateurs ont été produites et elles concernaient toutes le soumissionnaire gagnant. Aucune des sept fiches de pointage des sept mêmes évaluateurs relatives à l’évaluation technique de la soumission d’Equinox n’a été fournie. Aucune explication sérieuse n’a été formulée au sujet de cet écart dans l’état des dossiers des deux soumissionnaires, alors qu’ils concernaient les mêmes évaluateurs. Selon l’exposé de TPSGC, on n’a retrouvé aucune fiche de pointage pour Equinox et le Tribunal n’a eu accès à aucun élément de preuve direct confirmant cette perte de documents officiels. À la fin, seulement quatre des fiches de pointage originales ont été remises au Tribunal.

63. L’obligation des entités acheteuses en matière de conservation de documents est énoncée clairement à l’alinéa 1017p) de l’ALÉNA, qui s’applique au présent marché public. Il prévoit ce qui suit :

chacune des Parties fera en sorte que ses entités conservent des documents complets sur tous les marchés, y compris un registre de toutes les communications ayant influé sur chaque marché, pendant une période minimale de trois ans à compter de la date d’adjudication, afin qu’il soit possible de vérifier si le processus de passation des marchés aura été appliqué d’une manière conforme au présent chapitre.

64. De plus, la jurisprudence du Tribunal révèle clairement que la conservation de documents n’est pas simplement souhaitable et utile dans le cadre du processus, mais qu’il s’agit d’une obligation de toute entité publique partie à un marché public.

65. Le Tribunal comprend que les fiches d’évaluation chiffrée peuvent être remplies à la main, comme en l’espèce. Il comprend aussi que, en l’espèce, l’établissement du pointage final était effectué par consensus; il est donc possible que les évaluateurs aient jugé redondantes leurs fiches de pointage individuelles établies à la main une fois que leurs résultats avaient été incorporés au document reflétant le consensus général. Cependant, cette possibilité n’explique pas pour quelle raison les fiches de pointage relatives à la soumission gagnante ont été conservées alors que celles qui avaient trait à la soumission d’Equinox n’ont pas été conservées par les mêmes évaluateurs ou dans les dossiers ministériels correspondants.

66. En ce qui concerne les documents électroniques, comme les courriels, le Tribunal estime que ces éléments sont habituellement récupérables. Donc, les documents sous forme électronique, comme les courriels, devraient être au moins aussi faciles d’accès que les dossiers sur copie papier, sinon plus.

67. Les demandes de documents supplémentaires du Tribunal ont permis d’obtenir de nombreux documents qui se sont révélés utiles dans l’examen de la présente plainte. Cependant, la réponse s’accompagnait aussi de considérations très hypothétiques sur le cours des événements, d’explications toutes théoriques de la disparition de dossiers et de suppositions sur les raisonnements qui ont débouché sur le rejet de la soumission d’Equinox. Les hypothèses sont des arguments, mais non des éléments de preuve et le Tribunal est frappé par le manque d’efforts pour étayer ces hypothèses par des documents plus pertinents ou des déclarations de personnes visées par le processus.

68. Aucune de ces hypothèses et aucun de ces raisonnements ne justifie la perte ou la destruction des documents qui auraient du être prêts à être produits en preuve. Cette perte ou cette destruction est nettement contraire à l’obligation des entités acheteuses en matière de conservation des dossiers.

69. L’absence de documents ou de portions de documents dont on sait qu’ils ont déjà existé empêche le Tribunal d’examiner à fond les circonstances entourant la sélection du soumissionnaire gagnant et le rejet des soumissionnaires perdants. Dans les circonstances, le Tribunal ne peut pas conclure que l’accès aux dossiers est impossible parce qu’ils ont été dissimulés volontairement. Cependant, à tout le moins, cette impossibilité d’accès découle de la négligence de respecter les obligations des accords commerciaux pertinents. Lorsqu’il est clair que des dossiers ou des portions de dossiers sont manquants, le Tribunal conclut à l’existence d’une situation contraire aux obligations commerciales. Il ne peut en tirer, au mieux, que des inférences neutres et, au pire, des inférences négatives.

70. Dans les circonstances, et compte tenu des raisons invoquées par TPSGC pour rejeter l’évaluation financière d’Équinox, le Tribunal considère approprié de tirer des inférences négatives de cette absence d’explication raisonnable relative aux montants précis calculés pour chacun des 18 éléments distincts pour lesquels la DP exigeait une proposition d’un prix ferme et, en particulier, au montant ajouté à la soumission d’Equinox sur la fiche d’évaluation chiffrée. Il en conclut que la façon dont TPSGC a évalué la proposition financière d’Equinox, combinée à l’incapacité ou à la réticence de TPSGC eu égard à l’explication du montant additionnel figurant sur la fiche d’évaluation, appuie la conclusion qu’il existe une crainte raisonnable de partialité.

71. L’absence de prix unique calculable pour la licence d’entité, conformément aux conditions figurant à l’annexe C de la DP, est le second motif invoqué par TPSGC pour juger la proposition financière d’Equinox non conforme.

72. Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal conclut que la DP exigeait en fait la présentation d’un prix unique pour une licence d’entité (c.-à-d. licence englobant tous les logiciels requis par le système PV projeté, y compris l’ensemble des besoins actuels et futurs dans la totalité des établissements existants et futurs du SCC).

73. Cependant, alors que TPSGC insistait sur le respect strict de cette exigence obligatoire par Equinox, il autorisait LGS à offrir un arrangement de licence de logiciel qui ne portait pas sur l’ensemble de l’entité, mais qui était plutôt limité à un nombre précis d’établissements29 , comme l’indique une modification ultérieure du contrat. En novembre 2005, LGS avait déjà indiqué clairement à TPSGC qu’elle était incapable d’offrir une licence de logiciel d’entité. Le Tribunal en conclut que cette déclaration, faite pendant le processus d’évaluation financière, signifie que TPSGC savait que LGS était incapable de satisfaire à cette exigence obligatoire. L’autorité contractante ne pouvait pas ignorer que, dans le cadre du même processus d’évaluation, un autre soumissionnaire, soit Equinox, n’avait pas eu la même possibilité de modifier l’arrangement qu’il proposait en relation avec la licence de logiciel.

74. Le Tribunal est d’avis que la différence de traitement de TPSGC à l’égard d’Equinox, d’une part, et de LGS, d’autre part, concernant la même exigence obligatoire de licence de logiciel dans la DP donne lieu à une crainte raisonnable de partialité.

75. Enfin, en tenant compte du fait que le processus d’évaluation financière pour les deux soumissions a été effectué au cours d’une période relativement brève et à peu près en même temps, du fait qu’il fallait réaliser le processus de soumission dans les 120 jours (période pendant laquelle le prix offert demeurerait valide), divers aspects de ce processus de soumission, vus dans leur globalité, ne font que confirmer l’idée selon laquelle il est raisonnable qu’une crainte de partialité naisse du traitement inégal des soumissionnaires.

76. De plus, le Tribunal souligne de nouveau que l’autorité contractante a l’obligation de conserver toute l’information pertinente dans un processus d’évaluation de soumissions, ce qu’elle n’a pas fait.

Conclusion

77. Par la suite de l’analyse qui précède, le Tribunal, après avoir enquêté de façon indépendante, conclut ce qui suit :

1) La proposition financière d’Equinox était non conforme.

2) TPSGC, malgré sa prétention à l’effet contraire, a évalué la proposition financière d’Equinox et y a ajouté un montant important, qu’il n’a pas réussi à expliquer de façon convaincante, donnant ainsi lieu à une crainte raisonnable de partialité au détriment d’Equinox.

3) Les évaluateurs ont permis à LGS de modifier sa soumission après l’expiration du délai de réception des soumissions, mais n’ont pas accordé le même avantage à Equinox, donnant ainsi naissance à une crainte raisonnable de partialité en défaveur d’Equinox et en faveur de LGS.

4) Étant donné que la soumission d’Equinox est non conforme et parce qu’il a été déterminé précédemment dans le dossier no PR-2006-045 que la soumission de LGS était non conforme, on peut en conclure qu’il n’y avait pas de soumissionnaire conforme dans le cadre de cet appel d’offres.

78. Le Tribunal conclut de plus, à la fois dans sa décision antérieure dans le dossier no PR-2006-045 et en l’espèce, que l’appel d’offres aurait dû être annulé et repris au complet.

MESURE CORRECTIVE

79. En recommandant une mesure corrective, le Tribunal doit tenir compte, aux termes du paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment les suivants :

[...]

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

80. Compte tenu des conclusions du Tribunal, au moment de l’attribution du marché, TPSGC n’avait pas à sa disposition de soumission conforme. Étant donné que le marché a été attribué à LGS le 11 décembre 2005, TPSGC et le SCC ont déjà vu s’écouler plus de trois ans sur la durée de ce contrat de cinq ans. Par conséquent, le Tribunal ne peut que supposer qu’une partie substantielle de l’ensemble des besoins a été mise en œuvre. Compte tenu des dispositions de l’alinéa 30.15(3)e) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est donc d’avis qu’il n’est pas raisonnable de recommander que le contrat actuel soit résilié et que les besoins fassent immédiatement l’objet d’un nouveau concours. À cet égard, le Tribunal rappelle sa recommandation dans le dossier no PR-2006-045 que TPSGC n’annule pas le contrat actuel, mais qu’il n’exerce aucune option, et que si le besoin existe toujours à la fin de la période de contrat initiale, il lance une nouvelle invitation concurrentielle à cet égard, conformément aux dispositions des accords commerciaux pertinents.

81. Les conclusions du Tribunal selon lesquelles les circonstances donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité en défaveur d’Equinox et en faveur de LGS révèlent l’existence de graves irrégularités dans la procédure de passation du marché public au sens de l’alinéa 30.15(3)a) de la Loi sur le TCCE. De plus, en omettant de déclarer les deux soumissions non conformes et en décidant plutôt d’attribuer le contrat à LGS, TPSGC a privé Equinox de l’occasion de soumissionner dans le cadre d’un nouvel appel d’offres, agissant ainsi de façon à causer un préjudice aux intérêts d’Equinox au sens de l’alinéa 30.15(3)b). Le Tribunal conclut de plus que l’incapacité ou la réticence de TPSGC eu égard à son obligation de répondre de façon complète aux besoins d’information du Tribunal a causé un préjudice à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication, au sens de l’alinéa 30.15(3)c).

82. Le Tribunal recommande donc que TPSGC indemnise Equinox pour la perte de cette occasion de tirer profit de la fourniture d’un système PV au SCC. Le Tribunal souligne que quatre propositions ont été reçues en réponse à la DP. Le Tribunal recommande donc que le montant par lequel Equinox sera indemnisée pour cette occasion perdue soit égal à un quart du profit qu’elle aurait raisonnablement obtenu si elle avait été le soumissionnaire gagnant du contrat de fourniture d’un système PV pour le SCC.

Indemnisation

83. Le Tribunal accorde à Equinox le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés relativement à la présente procédure. Le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) et est d’avis que la présente affaire a un degré de complexité correspondant au degré le plus élevé mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 3). La Ligne directrice prévoit la détermination du degré de complexité d’une plainte en fonction de trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. Le marché était complexe, car il comprenait la fourniture d’un système PV de remplacement dans 51 établissements du SCC partout au Canada. La plainte était aussi complexe car elle concernait un vaste éventail de questions autres que la simple détermination de la conformité de la soumission gagnante, notamment les allégations de modification de soumissions et la crainte de partialité, et elle était fondée en grande partie sur des documents, pas toujours complets, reçus par Equinox par l’intermédiaire d’une demande d’accès à l’information. En ce qui concerne la procédure de plainte, l’affaire a été renvoyée au Tribunal pour décision, ce qui a exigé la présentation de nombreuses observations par les parties. Par conséquent, conformément à la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 4 100 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

84. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

85. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal prend note de la recommandation contenue dans le dossier no PR-2006-045 que TPSGC n’annule pas le contrat actuel, mais qu’il n’exerce aucune option, et que si le besoin existe toujours à la fin de la période de contrat initiale, il lance une nouvelle invitation à cet égard, conformément aux dispositions des accords commerciaux pertinents.

86. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, le versement par TPSGC à Equinox, à cause de l’occasion perdue, d’un montant égal à un quart du profit qu’elle aurait raisonnablement obtenu si elle avait été le soumissionnaire gagnant du contrat de fourniture d’un système PV pour le SCC. Le Tribunal recommande qu’Equinox et TPSGC négocient le montant de l’indemnisation et que, dans les 30 jours de la date de la présente décision, ils fassent rapport au Tribunal sur le résultat de leurs négociations.

87. Si les parties sont incapables de s’entendre sur le montant de l’indemnisation, Equinox déposera auprès du Tribunal, dans les 40 jours de la date de la présente décision, un exposé sur la question de l’indemnisation. TPSGC disposera alors de 7 jours ouvrables après la réception de l’exposé d’Equinox pour déposer une réponse. Equinox disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé en réponse de TPSGC pour déposer tout autre commentaire.

88. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Equinox le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés relativement à la présente procédure, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations au Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Re plainte déposée par Les Systèmes Equinox Inc. (15 février 2006), PR-2005-052 (TCCE).

4 . Re plainte déposée par Les Systèmes Equinox Inc. (20 juin 2007) (TCCE).

5 . Dossiers nos A-336-07 et A-343-07.

6 . Systèmes Equinox Inc. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2008 CAF 36 (CanLII).

7 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

8 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

9 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

10 . Plainte, pièce 4.

11 . Dans le même ordre d’idées, l’ALÉNA et l’AMP prévoient respectivement ce qui suit :

Article 1013 : Documentation relative à l’appel d’offres

1. La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...].

Article XII - Documentation relative à l’appel d’offres

2. La documentation relative à l’appel d’offres remise aux fournisseurs contiendra tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent présenter des soumissions valables [...].

12 . Voir les para. 49, 50, 52 de l’exposé public d’Equinox en réponse déposé le 24 avril 2008.

13 . Plainte confidentielle, pièce 5, lettre du 11 octobre 2005 : « L’élément 001-A du tableau 3 de la proposition financière a pour objet de remplacer la disposition sur les temps de déplacement et d’attente » [traduction].

14 . Ibid.

15 . Plainte, para. 212.

16 . RIF, para. 47, 61, 64, 74, 84, 86, 96.

17 . Re plainte déposée par Prudential Relocation Canada Ltd. (30 juillet 2003) (TCCE).

18 . Cougar Aviation Ltd. c. Canada (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) 2000 CanLII 16572 (C.A.F.).

19 . [1978], 1 R.C.S. 369 (C.S.C.).

20 . [2003] 1 R.C.S. 884 (C.S.C.).

21 . [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394.

22 . Documents confidentiels supplémentaires déposés par TPSGC le 29 mai 2008, Livre 1, élément 18, feuille de calcul de l’évaluation financière.

23 . Le RIF-1 désigne le RIF reçu le 19 mars 2007 relativement à l’enquête dans le dossier no PR-2006-045.

24 . Equinox allègue de plus qu’au cours d’une séance d’information tenue le 6 janvier 2006, les évaluateurs de TPSGC n’ont pas expliqué pour quelle raison ce montant additionnel avait été ajouté à la soumission d’Equinox et qu’ils ont simplement nié qu’une nouvelle version de la soumission d’Equinox avait été effectuée. Voir plainte, para. 186.

25 . Plainte confidentielle, para. 67.

26 . RIF-1, para. 63.

27 . RIF reçu le 14 avril 2008 relativement à l’enquête dans le dossier no PR-2006-045R, para. 31, 32, 37.

28 . Lettre du Tribunal datée du 15 mai 2008.

29 . Livre classé protégé 3C, courriel du 29 novembre 2005.