INFORMATION BUILDERS (CANADA) INC.

Décisions


INFORMATION BUILDERS (CANADA) INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2007-009

Décision rendue
le lundi 16 juillet 2007

Motifs rendus
le mardi 31 juillet 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Information Builders (Canada) Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

INFORMATION BUILDERS (CANADA) INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux applique, conformément aux accords commerciaux pertinents, une procédure des marchés publics concurrentielle à l’égard du besoin visé par la présente plainte, la demande de proposition étant publiée dans les 90 jours suivant la date de la présente décision. Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande aussi que si, à la suite de la tenue d’une procédure des marchés publics concurrentielle, le contrat était accordé à un fournisseur autre que Cognos Inc., le contrat de Cognos Inc., présentement en vigueur, soit résilié et qu’un nouveau contrat soit octroyé.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Information Builders (Canada) Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Partie intervenante :

Cognos Inc.

   

Conseiller juridique pour la partie intervenante :

Phuong T. V. Ngo

   

Partie plaignante :

Information Builders (Canada) Inc.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Christianne M. Laizner

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 17 avril 2007, Information Builders (Canada) Inc. (IBI) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’un marché public (invitation no A0416-065014/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) pour la fourniture d’un logiciel d’exploitation des données.

2. IBI a allégué que l’Accord sur le commerce intérieur 2 , l’Accord de libre-échange nord-américain 3 et l’Accord sur les marchés publics 4 avaient été enfreints, car le recours à une procédure d’appel d’offres limité dans le cas de ce marché public n’était pas fondé. IBI a soutenu que TPSGC a d’une manière irrégulière écarté des renseignements qu’elle avait fournis dans sa contestation du Préavis d’adjudication de contrat (PAC) qui annonçait ce marché public et que TPSGC a donc rejeté la contestation du PAC d’une manière irrégulière.

3. À titre de mesure corrective, IBI a demandé au Tribunal de recommander que TPSGC résilie le contrat passé avec l’adjudicataire et lance une invitation concurrentielle. Subsidiairement, IBI a demandé une indemnité pour perte d’occasion, y compris pour les recettes et les profits qu’elle aurait pu tirer de la vente de licences de logiciel et des services afférents de maintenance et de soutien du logiciel ainsi que des services subséquents d’installation, de mise en œuvre, de formation et de consultation professionnelle. IBI a demandé que l’indemnisation inclue aussi l’intérêt sur les montants de ses pertes de recettes à compter de la date de l’adjudication du PAC jusqu’à la date de versement du paiement d’indemnité. IBI a de plus demandé le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation de sa plainte, plus l’intérêt sur ces coûts de préparation à compter de la date de leur engagement jusqu’à la date de leur remboursement.

4. Le 25 avril 2007, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 5 .

5. Le 27 avril 2007, TPSGC a avisé le Tribunal qu’un contrat avait été accordé à Cognos Inc. (Cognos). Le 7 mai 2007, le Tribunal a autorisé Cognos à intervenir dans l’affaire. Le 22 mai 2007, TPSGC a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 6 . Le 1er juin 2007, IBI a déposé ses observations sur le RIF. Le 13 juin 2007, TPSGC a déposé un exposé sur les observations d’IBI sur le RIF. Le 18 juin 2007, Cognos a déposé ses observations sur les observations d’IBI et l’exposé de TPSGC. Le 20 juin 2007, IBI a déposé ses observations en réponse.

6. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. Le 14 mars 2007, TPSGC a publié un PAC annonçant son intention d’accorder un contrat à Cognos. Le 27 mars 2007, IBI a présenté un énoncé de capacités à TPSGC l’avisant qu’elle pouvait fournir les biens et services requis. La clôture du PAC était fixée au 29 mars 2007.

8. Le 30 mars 2007, TPSGC a informé IBI que cette dernière n’était pas conforme aux exigences énoncées dans le PAC et qu’il avait l’intention de passer un contrat avec Cognos. Le même jour, le contrat a été accordé à Cognos7 . Le 3 avril 2007, IBI a présenté une opposition à TPSGC concernant la décision de ce dernier de déclarer non conforme la proposition d’IBI. Le 4 avril 2007, TPSGC a avisé IBI qu’il réagirait à bref délai aux préoccupations de cette dernière. TPSGC dit avoir, le 16 avril 2007, avisé IBI qu’il était en train de tenter de fixer une date pour la tenue d’une démonstration de la solution proposée par IBI.

9. Le 17 avril 2007, IBI a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

10. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l’espèce, sont l’ACI, l’ALÉNA et l’AMP.

11. Le paragraphe 506(12) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Lorsqu’un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public, une entité peut utiliser des procédures de passation des marchés publics différentes de celles décrites aux paragraphes 1 à 10, dans les circonstances suivantes :

a) pour assurer la compatibilité avec des produits existants, pour assurer le respect de droits exclusifs tels des droits d’auteur ou des droits fondés sur une licence ou un brevet, ou encore pour l’entretien de produits spécialisés, lorsque cet entretien doit être effectué par le fabricant ou son représentant;

b) lorsque, pour des raisons d’ordre technique, il y a absence de concurrence et que les produits ou services ne peuvent être fournis que par un fournisseur donné et qu’il n’existe aucune solution de rechange ou encore de produits ou services de remplacement;

[...]

12. Les alinéas 1016(2)b) et 1016(2)d) de l’ALÉNA prévoient ce qui suit :

Une entité pourra utiliser les procédures d’appel d’offres limitées dans les circonstances et sous réserve des conditions suivantes, le cas échéant :

b) lorsque, du fait qu’il s’agit de travaux d’art ou pour des raisons liées à la protection de brevets, de droits d’auteur ou d’autres droits exclusifs ou de renseignements de nature exclusive, ou en l’absence de concurrence pour des raisons techniques, les produits ou services ne pourront être fournis que par un fournisseur particulier et qu’il n’existera aucun produit ou service de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisant;

d) lorsqu’il s’agira de livraisons additionnelles à assurer par le fournisseur initial et portant sur le remplacement de pièces ou la prestation de services continus à l’égard de fournitures, de services ou d’installations déjà livrés, ou visant à compléter ces fournitures, services ou installations, et qu’un changement de fournisseur obligerait l’entité à acheter des équipements ou des services ne répondant pas à des conditions d’interchangeabilité avec des équipements ou des services déjà existants, y compris les logiciels, dans la mesure où l’achat initial s’inscrit dans le cadre du présent chapitre.

13. Les alinéas XV(1)b) et XV(1)d) de l’AMP prévoient ce qui suit :

Les dispositions des articles VII à XIV, qui s’appliquent aux procédures d’appel d’offres ouvertes ou sélectives, ne seront pas nécessairement applicables dans les circonstances définies ci-après, à la condition que l’appel d’offres limité ne soit pas utilisé en vue de ramener la concurrence en deçà du maximum possible, ou d’une manière qui constituerait un moyen de discrimination entre les fournisseurs des autres Parties ou de protection des producteurs ou des fournisseurs nationaux :

b) lorsque, du fait qu’il s’agit de travaux d’art ou pour des raisons liées à la protection de droits exclusifs, tels que des droits de brevet ou de reproduction, ou en l’absence de concurrence pour des raisons techniques, les produits ou services ne pourront être fournis que par un fournisseur particulier et qu’il n’existera aucun produit ou service de rechange ou de remplacement raisonnablement satisfaisant;

d) lorsqu’il s’agira de livraisons additionnelles à assurer par le fournisseur initial et portant sur des pièces de rechange pour des fournitures déjà faites ou des installations déjà livrées, ou destinées à compléter ces fournitures, services ou installations, et qu’un changement de fournisseur aboutirait à la livraison de matériel ou de services ne répondant pas à des conditions d’interchangeabilité avec un matériel ou service déjà existant.

14. TPSGC a soutenu qu’une condition opérationnelle de première importance était que le MAINC fournisse des outils d’exploitation des données convenables à l’utilisation des ressources de la base de données du MAINC aux utilisateurs des Premières nations des collectivités éloignées. Les largeurs de bande limitées et la fiabilité douteuse des liaisons de communication entre la base de données du MAINC et ces collectivités exigeaient une conception d’un type particulier. TPSGC a soutenu que la solution offerte par IBI ne répondait pas aux exigences obligatoires du PAC.

15. IBI soutient que sa solution logicielle répond à toutes les exigences énoncées dans le PAC. Elle a fait valoir que le PAC n’a pas expressément défini tous les critères techniques et opérationnels appliqués par TPSGC pour déterminer, d’après l’information qu’elle a soumise dans son énoncé de capacités, qu’IBI n’était pas conforme.

16. Le nœud de la question en l’espèce est de savoir si TPSGC et son ministère client, le MAINC, se sont conformés aux dispositions susmentionnées des accords commerciaux en recourant à une procédure d’appel d’offres limité, particulièrement à la suite de la contestation du PAC par IBI. Le Tribunal est d’avis que tel n’a pas été le cas.

17. Il incombe à l’institution fédérale d’établir et de justifier le besoin de recourir à une procédure d’appel d’offres limité. Dans la décision qu’il a rendue dans Sybase Canada Ltd. 8 , le Tribunal a déclaré ce qui suit :

[...] Le Tribunal est d’avis qu’il convient d’interpréter au sens étroit les exceptions à la procédure d’appel d’offres en régime de concurrence. S’il est déposé des éléments de preuve qui indiquent qu’un appel d’offres restreint n’est pas justifié, il incombe aux ministères du gouvernement de démontrer qu’il est correct, en fait et en droit, de recourir à de telles exceptions. Comme l’énonce une décision de la Commission de révision des marchés publics du Canada, Enconaire (1984) Inc. et Environmental Growth Chambers, Ltd. : « Il n’appartient pas au plaignant de prouver qu’un cas doit faire l’objet d’un appel d’offres. Les appels d’offres sont la norme la condition essentielle normale de la règle. C’est au gouvernement de prouver qu’il doit avoir recours à un appel d’offre[s] unique ». [...]9 .

[Notes omises]

18. Les besoins doivent être exprimés en termes de résultats requis, non pas de solutions. Dans un véritable environnement de concurrence, les soumissionnaires ont l’occasion d’offrir des solutions qui pourraient présenter des caractéristiques et des démarches différentes, tout autant qu’un prix différent. Lorsqu’elle choisit le cadre restrictif des procédures d’appel d’offres limité, l’institution fédérale doit le faire pour des raisons qui s’inscrivent dans les étroits paramètres des accords commerciaux qui permettent le recours à un fournisseur exclusif. Lorsqu’une telle démarche est appliquée, un PAC doit satisfaire à l’examen de fond prévu par les accords commerciaux pour résister à une contestation.

19. Le Tribunal est convaincu que TPSGC a, dans un premier temps, pris en compte la contestation d’IBI, puisqu’il a accusé réception de la contestation et a amorcé un dialogue avec IBI. Toutefois, selon le Tribunal, ce dialogue s’est révélé insuffisant en bout de ligne et a mené au refus de consentir la procédure régulière à IBI. Étant donné que les motifs valables pour fonder le recours par l’institution fédérale aux procédures d’appel d’offres limité sont étroitement définis dans les accords commerciaux, le seuil pour avoir gain de cause lors d’une contestation devrait être plutôt bas. Il est clair qu’IBI était convaincue qu’elle pouvait offrir une solution viable, mais qu’on ne lui avait pas accordé une attention suffisante. Le PAC a pris fin le 29 mars 2007, et le contrat a été octroyé le lendemain. Le Tribunal fait observer que les règles établies par TPSGC permettent à un fournisseur de contester un PAC jusqu’à la date de clôture. Par conséquent, la période d’examen d’une contestation peut se prolonger au-delà de cette date de clôture. TPSGC semble avoir agi avec une précipitation indue lorsqu’il a octroyé le contrat alors que la contestation d’IBI était toujours courante. Même si la réussite d’une contestation d’un PAC n’aurait donné aucun droit à la partie contestataire d’être choisie comme adjudicataire, elle aurait eu pour effet le remplacement de la procédure d’appel d’offres limité ou l’achat auprès d’un fournisseur unique par une procédure d’appel d’offres en régime de concurrence. Lorsqu’elle est appliquée d’une manière régulière, la contestation donne la possibilité à la partie qui la présente de se faire entendre et protège la procédure en régime de concurrence.

20. Le Tribunal fait observer qu’un PAC, de par sa nature même, est un instrument qui ne contient souvent qu’une brève description du besoin particulier pour lequel une solution est recherchée. Il est donc à prévoir qu’une contestation d’un PAC, par un fournisseur potentiel qui estime que sa solution de rechange est viable, ne contiendra pas le même niveau de détail qu’une réponse à une demande de propositions (DP) en régime de concurrence. En l’espèce, le Tribunal est d’avis que TPSGC et le MAINC ont décidé de rejeter la contestation d’IBI en se fondant sur une information incomplète, le caractère incomplet de cette information pouvant facilement s’expliquer, puisqu’elle avait été fournie en réponse à un PAC, non pas à une DP.

21. Le Tribunal conclut que l’affirmation d’IBI selon laquelle elle pouvait offrir une solution de rechange était suffisamment convaincante pour exiger sa prise en considération dans un environnement de concurrence. Le Tribunal est d’avis que la position adoptée par TPSGC et le MAINC et selon laquelle il fallait des « cubes » pour que la solution soit la bonne indique qu’ils avaient à l’esprit une solution déterminée à l’avance et non pas un résultat recherché. Il est possible de concevoir qu’un tel résultat aurait pu être atteint au moyen d’une solution de rechange qui n’utilisait pas de « cubes », comme la solution qui, au dire d’IBI, était équivalente à la solution de Cognos. Le Tribunal est également d’avis qu’en concluant que la réalisation de la solution d’IBI allait dépendre d’un logiciel d’une tierce partie, TPSGC et le MAINC ont jugé d’avance la solution d’IBI sans lui donner une occasion suffisante de montrer si sa solution allait exiger ou pas un logiciel d’une tierce partie.

22. La partie contestataire en l’espèce, ayant établi qu’elle se croyait capable de répondre, au moins d’une des manières possibles, aux besoins opérationnels à l’origine du marché public, n’a pas reçu la possibilité de répondre, en régime de concurrence, à un énoncé des besoins pleinement détaillé. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a contrevenu au paragraphe 506(12) de l’ACI, aux alinéas 1016(2)b) et 1016(2)d) de l’ALÉNA et aux alinéas XV(1)b) et XV(1)d) de l’AMP.

23. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte d’IBI est fondée.

Mesure corrective

24. Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit, conformément au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de biens ou de services visés par le contrat spécifique, notamment des suivants :

[...]

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

25. Pour décider de la mesure corrective à recommander en l’espèce, le Tribunal a examiné les facteurs pertinents au marché public, y compris les facteurs susmentionnés. Le principal facteur applicable à l’espèce est qu’un fournisseur potentiel n’a pas eu la possibilité de livrer concurrence pour le travail requis en offrant une solution aux besoins opérationnels du MAINC.

26. Par conséquent, le Tribunal recommande que TPSGC applique, conformément aux accords commerciaux pertinents, une procédure des marchés publics concurrentielle à l’égard du besoin visé par la présente plainte, la DP étant publiée dans les 90 jours suivant la date de la présente décision. Si, à la suite de la tenue d’une procédure des marchés publics concurrentielle, le contrat est accordé à un fournisseur autre que Cognos, le Tribunal recommande aussi que le contrat de Cognos Inc. présentement en vigueur soit résilié et qu’un nouveau contrat soit octroyé.

Frais

27. Le Tribunal accorde à IBI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente affaire est que son degré de complexité correspond au deuxième degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice. La complexité du marché lui-même était moyenne, en ce sens qu’il concernait la fourniture de licences et la maintenance d’un logiciel d’exploitation des données. La complexité de la plainte était également moyenne, en ce sens qu’elle traitait de questions liées aux procédures d’appel d’offres limité et au recours à un PAC. La complexité de la procédure de la plainte était elle aussi moyenne, étant donné qu’il y a eu une intervenante et le dépôt d’observations supplémentaires par les parties. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal eu égard au montant de l’indemnisation est de 2 400 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

28. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

29. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC applique, conformément aux accords commerciaux pertinents, une procédure des marchés publics concurrentielle à l’égard du besoin visé par la présente plainte, la demande de proposition étant publiée dans les 90 jours suivant la date de sa décision. Le Tribunal recommande aussi que si, à la suite de la tenue d’une procédure des marchés publics concurrentielle, le contrat était accordé à un fournisseur autre que Cognos, le contrat de Cognos, présentement en vigueur, soit résilié et qu’un nouveau contrat soit octroyé.

30. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à IBI le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

5 . D.O.R.S. /93-602 [Règlement].

6 . D.O.R.S./91-499.

7 . Un avis d’adjudication de contrat a été publié par l’intermédiaire du MERX, le Service électronique d’appel d’offres du Canada, le 9 avril 2007.

8 . Re plainte déposée par Sybase Canada Ltd. (30 juillet 1997), PR-96-037 (TCCE) [Sybase].

9 . Sybase aux pp. 10-11.