TPG TECHNOLOGY CONSULTING LIMITED

Décisions


TPG TECHNOLOGY CONSULTING LIMITED
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2007-060

Décision rendue
le jeudi 20 décembre 2007

Motifs rendus
le mardi 4 mars 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par TPG Technology Consulting Limited aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

TPG TECHNOLOGY CONSULTING LIMITED

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par TPG Technology Consulting Limited. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Serge Fréchette, membre

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Michael W. Morden

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Partie plaignante :

TPG Technology Consulting Limited

   

Conseillers juridiques pour la partie plaignante :

Ronald D. Lunau

 

Catherine Beaudoin

   

Partie intervenante :

Groupe CGI inc.

   

Conseillers juridiques pour la partie intervenante :

Simon V. Potter

 

R. Benjamin Mills

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan Clarke

 

Christianne Laizner

 

Ian McLeod

 

David Covert

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 5 octobre 2007, TPG Technology Consulting Limited (TPG) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte concernait un marché (invitation no EN869-040407/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) qui portait sur la prestation de services de soutien technique et d’ingénierie à l’appui du domaine de serveur d’entreprise, du domaine de multiplateforme et réseau et du domaine de services de soutien, y compris l’ensemble du matériel informatique, des logiciels et des activités de réseau gérés par la Direction générale des services d’infotechnologie (DGSI) de TPSGC au nom de différents ministères et clients gouvernementaux.

2. TPG a allégué que TPSGC avait modifié la méthodologie d’évaluation après la clôture de la demande de propositions (DP) en ne se conformant pas, dans son évaluation, à la méthode et aux critères publiés. TPG a allégué que la méthodologie modifiée pourrait avoir avantagé certains soumissionnaires en leur permettant de citer en référence des projets qui auraient pu obtenir une note bien moindre pour beaucoup d’exigences cotées si les références avaient été consultées et si la véritable nature de la structure de gouvernance de ces projets avait été connue de l’équipe d’évaluation. TPG a affirmé que la méthodologie d’évaluation publiée avait été faussée au point de rendre invalide la partie de l’évaluation technique ayant trait aux exigences cotées. À titre de mesure corrective, elle a donc demandé au Tribunal de recommander l’annulation de la partie des exigences cotées de l’évaluation et d’ordonner l’adjudication du contrat au soumissionnaire ayant présenté la soumission conforme la moins-disante. Elle a aussi demandé le remboursement des frais de présentation de sa plainte et de préparation de sa soumission.

3. Le 15 octobre 2007, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Aussi le 15 octobre 2007, aux termes du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a ordonné à TPSGC de reporter l’adjudication d’un contrat jusqu’à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 17 octobre 2007, Groupe CGI inc. (CGI) a demandé le statut de partie intervenante, ce qui lui a été accordé le même jour. Le 22 octobre 2007, TPSGC a certifié que le marché était urgent et qu’un retard dans l’adjudication d’un contrat serait contraire à l’intérêt public. Le 23 octobre 2007, conformément au paragraphe 30.13(4) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a publié une ordonnance d’annulation de report d’adjudication de contrat. Le 7 novembre 2007, TPSGC a déposé une requête demandant que TPG produise certains autres renseignements. Le 8 novembre 2007, le Tribunal a rejeté la requête de TPSGC. Le 9 novembre 2007, TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 26 novembre 2007, CGI et TPG ont déposé des observations sur le RIF. Le 30 novembre 2007, le Tribunal a demandé à TPG de produire certains autres renseignements au sujet du moment du dépôt de sa plainte. TPG a répondu le 4 décembre 2007. TPSGC et CGI ont déposé leurs observations sur la réponse de TPG le 6 décembre 2007 et TPG a déposé ses observations finales le 10 décembre 2007.

4. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

5. La DP visée par la plainte a été diffusée par l’intermédiaire du MERX3 le 31 mai 2006 et portait la date d’échéance modifiée du 5 septembre 2006 pour la réception des soumissions. La DP prévoyait l’attribution d’un contrat triennal comportant une option de renouvellement de quatre périodes supplémentaires d’une année chacune.

6. Selon TPSGC, trois soumissions avaient été reçues à la date d’échéance. Il a soutenu que cinq évaluateurs techniques de la DGSI avaient participé au processus d’évaluation entre le 12 septembre et le 2 octobre 2006 et que chaque évaluateur avait, de façon individuelle, examiné, noté et classé chacune des trois propositions. Les résultats ont ensuite été communiqués à l’agent de négociation des contrats, lequel a alors effectué l’évaluation financière des propositions et calculé laquelle offrait la meilleure cote combinée quant à l’évaluation technique et au prix selon la méthodologie d’évaluation énoncée dans la DP. Entre le 27 novembre 2006 et le 1er février 2007, le Bureau de l’agent principal de gestion des risques (BAPGR) de TPSGC a procédé à un examen du processus de passation du marché et a informé l’autorité contractante que les évaluateurs avaient adhéré à la méthodologie d’évaluation énoncée dans la DP.

7. D’après TPSGC, pendant qu’il préparait son RIF à la suite de la plainte, il a tenté de valider les parties des propositions des soumissionnaires qui étaient contestées. TPSGC a déposé auprès du Tribunal des copies de lettres envoyées par lui le 29 octobre 2007 à chacune des trois références des trois soumissionnaires en vue de se renseigner sur les trois projets cités en référence dans la proposition de chaque soumissionnaire. Le 31 octobre 2007, les renseignements fournis par ces références, qui ont été déposés par TPSGC4 , ont été évalués et la vérification des renseignements de la proposition du soumissionnaire classé au premier rang s’est révélée concluante. TPSGC a soutenu avoir adjugé en conséquence le contrat à CGI le 31 octobre 2007.

8. La DP comportait les clauses pertinentes suivantes :

A. 13 Droits du Canada

Le Canada se réserve le droit de :

[...]

g) consulter en tout ou en partie les références indiquées et interroger, aux seuls frais du soumissionnaire, celui-ci et/ou une partie ou l’ensemble des ressources qu’il propose pour cette exigence dans les locaux de TPSGC, à Gatineau (Québec), à des fins de vérification et de confirmation des renseignements ou données que le soumissionnaire a produits.

[...]

A. 26 Exécution de l’évaluation

Dans son évaluation de la proposition du soumissionnaire, le Canada peut faire ce qui suit sans en avoir l’obligation :

a) obtenir des éclaircissements ou des éléments de vérification du soumissionnaire pour une partie ou l’ensemble des renseignements qu’il a fournis en réponse à la présente évaluation;

b) consulter une partie ou l’ensemble des références indiquées par le soumissionnaire en vue de vérifier et de confirmer tout renseignement et/ou d’autres noms ou leurs coordonnées qu’ils ont fournis;

[...]

A. 28 Méthodologie d’évaluation et de sélection

a) Exécution de l’évaluation par étapes : La méthodologie d’évaluation comporte plusieurs étapes décrites ci-après. Même si les étapes de la méthodologie d’évaluation et de sélection doivent être suivies, le Canada peut passer à une étape ultérieure, mais cela ne doit pas être interprété comme le fait que le Canada a conclu que l’entrepreneur a franchi avec succès toutes les étapes précédentes.

[...]

g) Étapes 6 – Vérification des références du soumissionnaire :

L’équipe d’évaluation se réserve le droit de valider une partie ou l’ensemble des renseignements du soumissionnaire par les références indiquées. Elle peut choisir de vérifier uniquement les références de la proposition la mieux classée. Elle documentera les réponses et les résultats des références du soumissionnaire le mieux classé. Si à un moment quelconque pendant la vérification des références le Canada détermine que la proposition du soumissionnaire ne satisfait pas à une exigence obligatoire de la DP, celle-ci sera jugée non conforme et rejetée. Si à un moment quelconque pendant la vérification des références le Canada détermine que la proposition du soumissionnaire ne répond pas à une exigence cotée de la DP aussi bien que ne le décrit sa proposition écrite, la note attribuée à cette partie de la proposition sera réévaluée à la baisse. Si après réévaluation la proposition de ce soumissionnaire n’est plus la proposition conforme la mieux classée, la vérification des références de ce dernier se termine et commence la vérification des références de la proposition conforme qui est alors la mieux classée.

[Traduction]

9. La plainte porte sur l’évaluation de trois projets cités en référence par les soumissionnaires pour confirmer leur expérience pertinente. Les exigences concernant ces références sont énoncées à l’article 1.3 de l’annexe D-1 de la DP qui prévoit ce qui suit :

1.3

Expérience de l’entrepreneur

 

26,10 %

1.3.1

[O] La proposition doit indiquer trois (3) références pouvant confirmer que l’entrepreneur a acquis une expérience utile dans la fourniture de ressources semblables pour des services semblables. Au moins deux de ces mentions doivent viser des contrats en cours d’exécution ou achevés avec succès dans l’année précédant la date d’émission de la présente DP (il s’agit de la date de fin du contrat). On doit indiquer trois références seulement et, pour chacune, la proposition doit donner un nom de personne-ressource et un numéro de téléphone et décrire le projet cité. Il doit aussi y avoir des éléments descriptifs confirmant la similitude du projet cité en référence pour chacun des critères suivants :

Obligatoire

0 %

1.3.2

Référence 1

Nature, portée et complexité semblables

10,44 %

1.3.2.1

[O] Le contrat doit être en cours d’exécution ou la date d’achèvement ne doit pas être antérieure de plus d’un an à la date d’émission de la présente DP.

Obligatoire

0 %

1.3.2.2

[O] Les services à contrat doivent être semblables à ceux que vise la présente invitation (p. ex. l’administration et la gestion de systèmes ainsi que le génie logiciel de systèmes seraient considérés comme semblables, mais pas l’élaboration d’applications).

Obligatoire

0 %

[Traduction]

10. Sont également liées à la plainte trois questions posées au cours du processus d’invitation. TPSGC a répondu à ces questions et à d’autres en apportant un certain nombre de modifications.

11. La question et la réponse 119, qui se trouvent dans la modification no 12, en date du 13 juillet 2006, se lisent comme suit :

Question 119 :

Annexe D-1, 1.3 Expérience de l’entrepreneur, 1.3.2, 1.3.3, 1.3.4

Le besoin exprimé par la DGSI dans la présente DP porte sur des services de gestion fonctionnelle de tâches particulières de soutien infrastructurel en intégration avec le personnel gouvernemental. Des services entièrement impartis sont tout à fait différents des relations opérationnelles qui sont en cause. Est-il juste de penser qu’un projet entièrement imparti serait inacceptable comme projet cité en référence?

Réponse 119 :

Oui, la structure de gouvernance d’une gestion fonctionnelle comme celle que vise la présente DP est fort différente de celle d’un projet entièrement imparti. Comme le précisent les critères, l’évaluation des références est fondée sur la similitude avec les travaux exécutés à TPSGC selon la définition figurant dans les exigences.

[Traduction]

12. La question et la réponse 180, qui se trouvent dans la modification no 20, en date du 15 août 2006, se lisent comme suit :

Question 180 :

OBJET : Question 119 :

Annexe D-1, 1.3 Expérience de l’entrepreneur, 1.3.2, 1.3.3, 1.3.4

Le besoin exprimé par la DGSI dans la présente DP porte sur des services de gestion fonctionnelle de tâches particulières de soutien infrastructurel en intégration avec le personnel gouvernemental. Des services entièrement impartis sont tout à fait différents des relations opérationnelles qui sont en cause. Est-il juste de penser qu’un projet entièrement imparti serait inacceptable comme projet cité en référence?

Réponse 119 :

Oui, la structure de gouvernance d’une gestion fonctionnelle comme celle que vise la présente DP est fort différente de celle d’un projet entièrement imparti. Comme le précisent les critères, l’évaluation des références est fondée sur la similitude avec les travaux exécutés à TPSGC selon la définition figurant dans les exigences.

Comment TPSGC déterminera-t-il qu’un projet cité en référence est un projet entièrement imparti?

Réponse 180 :

La vérification de la nature du projet se fera par le contrôle des références.

[Traduction]

13. La question et la réponse 187, qui se trouvent dans la modification no 20, en date du 15 août 2006, se lisent comme suit :

Question 187 :

OBJET : Réponse 119 :

Oui, la structure de gouvernance d’une gestion fonctionnelle comme celle que vise la présente DP est fort différente de celle d’un projet entièrement imparti.

La DGSI a affirmé qu’elle ne céderait pas la propriété de tout matériel ou logiciel résultant de cette DP. Il n’y a pas non plus d’obligation pour le soumissionnaire d’assurer l’intégration (en matière d’emploi) de fonctionnaires en vertu de ce contrat. Tous ces facteurs caractérisent normalement les projets impartis. Si on peut penser qu’un contrat cité parmi les trois en référence comporte de ces éléments, sera-t-il considéré comme un projet imparti et donc inacceptable comme projet cité en référence?

Réponse 187 :

Pas nécessairement. La réponse 119 dit : « Comme le précisent les critères, l’évaluation des références est fondée sur la similitude avec les travaux exécutés à TPSGC selon la définition figurant dans les exigences. » Si les travaux en question sont fondés sur une gestion fonctionnelle comme ceux qui sont visés par l’exigence, ils sont admissibles. S’il s’agit d’un projet entièrement imparti, les travaux ne seront normalement pas fondés sur une gestion fonctionnelle et deviendront donc inadmissibles.

[Traduction]

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Requête aux fins de production de renseignements de TPSGC

14. Le 7 novembre 2007, TPSGC a déposé une requête demandant au Tribunal d’ordonner à TPG de répondre à la question de savoir à quel moment TPG avait d’abord entendu les rumeurs, de qui elle les avait entendues, et quelles mesures elle avait alors prises. TPSGC a également demandé de pouvoir reporter le dépôt du RIF jusqu’à ce que TPG ait produit les renseignements demandés.

15. TPSGC se référait à la section 5F du formulaire de plainte du Tribunal dont s’était servie TPG lorsqu’elle avait déposé sa plainte. Dans ce document, TPG a indiqué ce qui suit :

Le 5 septembre 2006, TPG a présenté une proposition en réponse à l’invitation no EN869-040407/A pour des services d’ingénierie et d’appui technique. IBM Canada faisait partie de l’équipe de soumission de TPG et a fourni deux des trois projets cités en référence [...].

À la suite de rumeurs non confirmées selon lesquelles les références indiquées n’avaient pas été consultées, TPG a envoyé à IBM, le 27 septembre 2007, un courriel lui demandant de communiquer avec les références qu’elle avait fournies dans la proposition afin de déterminer si celles-ci avaient été consultées par TPSGC aux fins de la DP [...].

Le 5 octobre 2007, IBM a répondu à TPG que les références n’avaient pas été consultées [...].

[Traduction]

Décision du Tribunal au sujet de la production de renseignements

16. Pour que le processus de plainte fonctionne avec efficacité, les parties doivent non seulement respecter les délais prévus par le Règlement et les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 5 , mais aussi agir en toute promptitude. En l’espèce, TPSGC a pris connaissance de la teneur de la plainte, qui constituait les faits à l’origine de sa requête, lorsqu’on lui a expédié, le 15 octobre 2007, copie de la plainte et de l’avis que le Tribunal avait décidé d’enquêter. En déposant sa requête 23 jours après, soit le 7 novembre 2007, et 2 jours seulement avant la date d’exigibilité du RIF, TPSGC n’a pas agit de manière à promouvoir l’efficacité du processus de règlement de plainte. C’est pourquoi le Tribunal a refusé sa requête et sa demande connexe de report du dépôt du RIF.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Dépôt en temps opportun

17. TPG a admis que, en raison des nombreuses interactions entre son personnel et TPSGC, elle avait entendu « quotidiennement » des rumeurs non confirmées au sujet de la DP, qu’elle a qualifiées de « rumeurs de corridor ». TPG a fait valoir que, compte tenu des décisions de la Cour d’appel fédérale6 et du Tribunal7 , elle ne pouvait agir sur la foi de ces rumeurs avant qu’elles ne soient confirmées. Elle a soutenu que, si elle avait déposé une plainte sans avoir reçu de communication officielle quelconque, la plainte aurait été déclarée prématurée.

18. TPSGC a soutenu qu’il incombait à TPG de vérifier le plus rapidement possible s’il y avait un fondement suffisant à de telles rumeurs pour justifier le dépôt d’une plainte auprès du Tribunal. Selon TPSGC, le fait que TPG a déposé sa plainte à la même date qu’elle a reçu la confirmation d’IBM suggère que TPG connaissait déjà la réponse qu’elle recevrait.

19. CGI a fait valoir que TPG n’offrait aucune explication raisonnable pour avoir attendu jusqu’au 27 septembre 2007 pour confirmer l’information relative à la vérification des références. Elle a allégué que TPG avait délibérément refusé de fournir au Tribunal les renseignements expressément demandés, bien que TPG ait eu connaissance de ces renseignements et en ait eu le contrôle. CGI a soutenu que, de ce fait, le Tribunal ne pouvait que tirer des conclusions défavorables à TPG et conclure que TPG avait eu connaissance ou devrait avoir eu connaissance des faits à l’origine de sa plainte bien en dehors des délais fixés par le Règlement.

20. Le Tribunal conclut que la plainte a été déposée dans les délais prescrits par le Règlement. La DP précise que, en cas de vérification des références, celle-ci devait avoir lieu avant l’adjudication d’un contrat. Le Tribunal ne peut trouver dans la DP aucune disposition exigeant que TPSGC tienne les soumissionnaires au courant des diverses étapes de son évaluation. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que TPG n’avait aucun moyen de savoir à quel étape TPSGC aurait dû vérifier les références, chose qui, selon les allégations, n’a pas été faite. De ce fait, le Tribunal conclut que TPG pourrait raisonnablement avoir attendu l’adjudication du contrat pour vérifier les rumeurs quant à la question de savoir si la vérification des références avait eu lieu. D’après les éléments de preuve, TPG a vérifié les rumeurs environ un mois avant la date d’adjudication du contrat et a déposé sa plainte dans les 10 jours ouvrables suivant la réception de la confirmation d’IBM. La plainte a donc été déposée dans les délais fixés par le Règlement.

Fond de la plainte

21. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal est tenu de déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, soit en l’espèce l’Accord sur le commerce intérieur 8 , l’Accord de libre-échange nord-américain 9 et l’Accord sur les marchés publics 10 .

22. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

[...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

23. L’article 1013 de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

1. La documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables [...]. La documentation contiendra également :

[...]

h. les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions, et les éléments des coûts à prendre en compte pour l’évaluation des prix de soumission, tels que frais de transport, d’assurance et d’inspection et, dans le cas de produits ou services d’une autre Partie, droits de douane et autres frais d’importation, taxes et monnaie du paiement [...].

24. L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

d) l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres [...].

25. L’article XII de l’AMP prévoit ce qui suit :

[...]

2. La documentation relative à l’appel d’offres remise aux fournisseurs contiendra tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent présenter des soumissions valables, notamment [...]

h) les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions, et les éléments des coûts à prendre en compte pour l’évaluation des prix de soumission, tels que frais de transport, d’assurance et d’inspection et, dans le cas de produits ou services d’autres Parties, droits de douane et autres impositions à l’importation, taxes et monnaie du paiement [...].

26. L’alinéa XIII(4)c) de l’AMP prévoit ce qui suit :

c) Les adjudications seront faites conformément aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l’appel d’offres.

27. TPG a fait valoir que les réponses de TPSGC aux questions 119, 180 et 187 avaient modifié les critères d’évaluation de la DP initiale et rendaient obligatoire la vérification des références dans le cadre de l’évaluation technique. Elle a allégué que, en reprenant la procédure d’évaluation presque un an après que les résultats, censés être définitifs, avaient été calculés en novembre 2006, TPSGC non seulement n’a pas tenu compte du fond même de la plainte, selon laquelle la méthodologie d’évaluation avait changé à la suite du processus des questions et réponses, mais que cette mesure était aussi hautement irrégulière, contraire aux pratiques ministérielles et était telle qu’elle n’avait pas accordé suffisamment de temps aux références pour répondre.

28. TPSGC a fait valoir que son droit de vérifier les renseignements des soumissionnaires n’était nullement modifié par les questions et réponses 119, 180 et 187. À son avis, ces réponses ne lui créaient pas l’obligation de vérifier le respect de l’exigence obligatoire quant à la nature des projets cités en référence, c.-à-d. si les projets étaient « entièrement impartis » ou « fondés sur une gestion fonctionnelle »). TPSGC a allégué que, si son intention avait été de nettement modifier la DP de sorte que les références soient utilisées pour l’évaluation au lieu de la vérification, il aurait alors apporté des modifications expresses à la formulation des principales dispositions A.13, A.26 et A.28 de la DP. Il a allégué qu’il n’avait pas apporté de tels changements.

29. TPSGC a fait valoir que, même s’il considère que la vérification des renseignements par contrôle des références était un droit du Canada, il avait pris des mesures pour vérifier les propositions des soumissionnaires par rapport aux exigences indiquées par TPG. Selon TPSGC, les résultats de cette vérification avaient confirmé les résultats initiaux. TPSGC a soutenu que, suivant son interprétation de la décision du Tribunal dans SNC Technologies Inc. 11 , la vérification des renseignements des soumissionnaires peut être effectuée par la Couronne jusqu’au moment de l’adjudication du contrat. Il a soutenu que, de ce fait, il avait effectué la vérification des renseignements des soumissionnaires en consultant toutes les références soumises par ces derniers pour ce qui est des exigences obligatoires quant à la « gestion fonctionnelle ». Selon TPSGC, cette vérification a confirmé que la proposition de CGI était la mieux classée et que les propositions d’IBM et de TPG conservaient leurs rangs respectifs.

30. CGI a convenu avec TPSGC que la réponse 180 ne modifiait pas les dispositions expresses de la DP (c.-à-d. A.13, A.26[b] et A.28 [g]), qui stipulaient toutes que TPSGC aurait pu consulter les références des soumissionnaires sans en avoir eu l’obligation. Elle a allégué que, dans les cas où TPSGC avait l’intention d’apporter un tel changement, il en signalait l’importance en incluant des énoncés à ce sujet dans de nouvelles modifications à la DP. Elle a fait observer qu’aucun énoncé semblable ne se rattachait à la réponse 180. Cette réponse n’était, aux yeux de CGI, qu’une réaffirmation que TPSGC se réservait toute latitude de vérifier tout renseignement contenu dans les propositions des soumissionnaires.

31. Le Tribunal conclut que les dispositions A.13, A.26 et A.28 de la DP indiquaient clairement que la vérification des projets cités en référence par les soumissionnaires était facultative et que l’alinéa A.28(g) précise que TPSGC pourrait avoir choisi d’exercer cette vérification seulement dans le cas de la proposition la mieux classée. Toutefois, le Tribunal est d’avis qu’en donnant comme réponse à la question 180 que « la vérification de la nature du projet se ferait par le contrôle des références », TPSGC se trouvait à modifier les dispositions de vérification de la DP. Pour établir si l’exigence obligatoire relative aux projets cités en référence dans la DP était respectée, TPSGC se devait de déterminer la nature des projets cités par les soumissionnaires. Le Tribunal est d’avis que la formulation très générale de la réponse à la question 180 indique que, contrairement à l’orientation initiale de la DP et à la position de TPSGC, la procédure d’évaluation a été modifiée de façon à obliger TPSGC à faire une vérification des références de tous les soumissionnaires pour déterminer si cet aspect des exigences obligatoires avait été respecté. À cet égard, le Tribunal considère que les arguments de TPG sont probants.

32. Malgré son interprétation de l’exigence relative à la vérification des références, TPSGC a en réalité procédé ou tenté de procéder à une vérification des références de tous les soumissionnaires avant l’adjudication du contrat. TPG affirme que cette vérification était inappropriée parce qu’elle aurait dû se faire plus tôt, qu’elle avait été confié à une nouvelle équipe d’évaluation, que les questions posées étaient inadéquates et que les références consultées n’avaient pas eu le temps de bien répondre.

33. Le Tribunal souligne que la DP ne donnait aucune indication sur la façon dont la vérification des références devait être exécutée. Compte tenu du libellé des dispositions A.13, A.26 et A.28 de la DP, modifiées par la réponse 180, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas été déraisonnable dans sa façon d’exécuter cette vérification.

34. Le Tribunal souligne que, pour qu’elle ait été jugée déposée dans les délais fixés par le Règlement, toute plainte relative aux exigences de la DP quant au mode d’exécution de la vérification des références aurait dû être déposée dans les 10 jours ouvrables suivant le moment où les dispositions pertinentes de la DP avaient été lues par les fournisseurs éventuels.

35. En résumé, le Tribunal considère que TPSGC n’a pas été déraisonnable dans les mesures qu’il a prises pour exécuter la vérification requise des références dans le cadre de son évaluation. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

Frais

36. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte. Le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) et est d’avis que la complexité de la présente plainte correspond au degré moyen de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 2). La Ligne directrice fonde l’évaluation du degré de complexité sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public était grande, parce que celui-ci portait sur l’entretien d’un ensemble complexe d’ordinateurs et de systèmes informatiques. La complexité de la plainte était moyenne, parce que le motif de plainte concernait l’évaluation des exigences cotées. Enfin, la complexité de la procédure était moyenne, étant donné qu’il y avait une seule requête, une partie intervenante et aucune audience publique, que le délai de 90 jours a été respecté, mais que les parties ont dû produire des renseignements au-delà de la portée normale de la procédure. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 2 400 $.

37. Enfin, CGI a fait valoir que le Tribunal devait lui accorder le remboursement de ses frais, y compris les honoraires professionnels. À son avis, la plainte de TPG portait directement atteinte à sa réputation, ce qui l’a obligé à intervenir en l’espèce afin de se défendre contre les allégations de TPG qui étaient, selon elle, dénuées de tout fondement.

38. Le Tribunal n’accordera pas à CGI le remboursement de ses frais. Conformément à des décisions récentes12 , le Tribunal conclut que la partie intervenante ne doit pas être remboursée parce qu’elle a choisi d’intervenir et n’a pas soulevé de nouvelles questions de fond importantes dans le cadre de la procédure.

DÉCISION DU TRIBUNAL

39. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

40. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par TPG. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant final de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

4 . Pièce confidentielle 8 du RIF.

5 . D.O.R.S./91-499.

6 . TPG Technology Consulting Ltd. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2007 CAF 291 (CanLII) au para. 41 où la Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal doit pouvoir se fonder sur une « [...] ligne de communication autorisée si on [veut] que le processus soit conforme à l’objet de la Loi [...] ».

7 . Re plainte déposée par TPG Technology Consulting Ltd. (12 septembre 2007), PR-2007-033 (TCCE). Le Tribunal avait décidé de ne pas enquêter sur la plainte et avait affirmé qu’il « [...] n’accord[ait] aucun poids à des sources anonymes, qui ne peuvent pas être vérifiées, invoquant des actes préjudiciables présumés […] ».

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

9 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d’Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

10 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

11 . Re plainte déposée par SNC Technologies Inc. (16 septembre 2005), PR-2005-010 (TCCE).

12 . Re plainte déposée par Canadian North Inc. (15 mai 2007), PR-2006-026R (TCCE); Re plainte déposée par Bosik Vehicle Barriers Ltd. (6 mai 2004), PR-2003-082 (TCCE); Re plainte déposée par Bell Mobilité (14 juillet 2004), PR-2004-004 (TCCE); Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE).