MTS ALLSTREAM INC.


MTS ALLSTREAM INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2008-033

Décision rendue
le mardi 3 février 2009

Motifs rendus
le mardi 24 février 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par MTS Allstream Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

MTS ALLSTREAM INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à MTS Allstream Inc. une indemnisation en reconnaissance des profits qu’elle aurait pu tirer du contrat si ce dernier lui avait été adjugé. Le calcul du montant des profits sera fondé sur le prix indiqué dans la proposition présentée par MTS Allstream Inc. en réponse à l’invitation no M9010-091832/A portant sur des postes de radio portatifs et mobiles au nom de la Gendarmerie royale du Canada.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que MTS Allstream Inc. et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux négocient le montant de l’indemnisation et lui fassent rapport du résultat dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.

Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnisation, MTS Allstream Inc. devra déposer auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours suivant la date de la présente décision, un exposé sur la question de l’indemnisation. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception de l’exposé de MTS Allstream Inc. pour y répondre. MTS Allstream Inc. aura ensuite 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé déposé en réponse par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour présenter tout autre commentaire supplémentaire.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à MTS Allstream Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal :

Serge Fréchette, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Gestionnaire de l’enquête :

Michael W. Morden

   

Enquêteur :

Josée B. Leblanc

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Pinelopi Makrodimitris

   

Partie plaignante :

MTS Allstream Inc.

   

Conseiller juridique pour la partie plaignante :

Candace Bishoff

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller juridique pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 6 novembre 2008, MTS Allstream Inc. (MTS) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , concernant un marché (invitation no M9010-091832/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) portant sur des postes de radio portatifs et mobiles.

2. MTS a soutenu que TPSGC l’avait au départ avisée que sa proposition était conforme mais que le contrat avait été adjugé à Motorola Canada Limitée (Motorola) parce que le coût de la proposition présentée par cette dernière était moins élevé. Selon MTS, lorsqu’elle a avisé TPSGC que le contrat aurait dû lui être accordé conformément aux scénarios d’adjudication figurant dans la demande de propositions (DP), TPSGC a réévalué la soumission de MTS et incorrectement déclaré sa proposition non conforme. MTS a demandé, à titre de mesure corrective, d’être déclarée le soumissionnaire retenu et que le contrat en question lui soit adjugé. Subsidiairement, MTS a demandé à être indemnisée en reconnaissance des profits qu’elle avait perdus parce que le contrat ne lui avait pas été adjugé. En outre, elle a demandé le report de l’adjudication du contrat, ainsi que le remboursement des frais engagés pour la préparation de sa plainte et de sa soumission.

3. Le 14 novembre 2008, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Puisque les éléments de preuve dans le document de plainte indiquaient que le contrat avait déjà été adjugé, le Tribunal n’a pas produit d’ordonnance de report de l’adjudication du contrat. Le 9 décembre 2008, TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 19 décembre 2008, MTS a déposé ses observations sur le RIF. Le 6 janvier 2009, TPSGC a présenté des renseignements supplémentaires au sujet du processus de réévaluation.

4. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

5. La DP, datée du 29 août 2008, a été diffusée par l’intermédiaire du MERX3 le 2 septembre 2008. La DP autorisait les soumissionnaires à présenter des propositions selon deux scénarios distincts : le scénario 1, dans lequel le soumissionnaire ne fournirait que les postes de radio et le soutien demandés; le scénario 2, dans lequel le soumissionnaire fournirait les postes de radio et le soutien demandés et permettrait à la GRC de lui céder ses postes de radio existants pour réduire le prix global. La période de soumission a pris fin le 22 septembre 2008 et deux soumissions ont été reçues : une de MTS, l’autre de Motorola.

6. Dans une lettre datée du 21 octobre 2008, TPSGC a avisé MTS que, même si elle était conforme aux exigences obligatoires de l’invitation, sa proposition n’offrait pas le prix le plus bas, déterminé par le processus d’évaluation décrit dans la partie 4 de la DP. Par conséquent, le contrat a été adjugé à Motorola.

7. Le 22 octobre 2008, MTS a envoyé un courriel à TPSGC dans lequel il lui demandait si la proposition gagnante était fondée sur le scénario 1 ou le scénario 2. Le 23 octobre 2008, TPSGC a fait savoir à MTS que la proposition gagnante était fondée sur le scénario 2 (c.-à-d. l’option de reprise). Le 23 octobre 2008, dans un courriel à TPSGC, MTS a fait remarquer que la différence entre son prix selon le scénario 1 et le prix du soumissionnaire gagnant selon le scénario 2 n’était pas supérieure à la différence minimale exigée dans la DP. Par conséquent, elle a demandé à TPSGC des éclaircissements sur le motif qui avait fondé sa décision de ne pas sélectionner la proposition valide de MTS présentée selon le scénario 1.

8. Dans une lettre datée du 30 octobre 2008, TPSGC a informé MTS qu’il l’avait avisée par erreur le 21 octobre 2008 que sa proposition était conforme. TPSGC a fait savoir à MTS qu’en fait, elle n’avait pas dûment appuyé ses prétentions de conformité, tel qu’exigé au paragraphe 1.1.1b) de la partie 4 de la DP.

9. Le 3 novembre 2008, MTS a envoyé un courriel à TPSGC dans lequel il s’opposait au fait que TPSGC avait décrit sa soumission comme étant non conforme.

10. Le 4 novembre 2008, un appel conférence a eu lieu entre MTS et TPSGC afin de tenter de régler la question. Pendant cet appel, TPSGC a informé MTS qu’il ne prendrait aucune autre mesure et que la décision d’adjuger le contrat à Motorola était définitive.

11. Le 4 novembre 2008, MTS a déposé auprès du Tribunal son exposé initial au sujet de l’invitation. Le 5 novembre 2008, le Tribunal a accusé réception de l’exposé et avisé MTS que des renseignements supplémentaires devaient lui être fournis avant qu’il ne juge que le dossier de plainte soit complet.

12. Le 6 novembre 2008, MTS a fourni au Tribunal les renseignements supplémentaires.

ANALYSE DU TRIBUNAL

13. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. De plus, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur 4 .

14. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit, notamment, que les « [...] documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

15. Le Tribunal conclut que la DP indiquait clairement les marchandises précises qui pouvaient être proposées par les soumissionnaires.

16. Le paragraphe 2i) de la partie 1 de la DP porte ce qui suit :

2. Sommaire

(i) L’entrepreneur doit fournir 243 postes de radio portatifs Motorola XTS5000, modèle 3, 800 MHz, et 32 postes de radio mobiles Motorola XTL5000 montés sur tableau de bord, 800 MHz, conformément à l’annexe « B », Base de paiement, et aux exigences de l’annexe « A », Énoncé des travaux (ÉT).

ou,

L’entrepreneur doit fournir 243 postes de radio portatifs Motorola XTS5000, modèle 3, 800 MHz, contre la reprise de 243 anciens postes de radio portatifs Motorola XTS3000, modèle 3, 800 MHz et 32 postes de radio mobiles Motorola montés sur tableau de bord, 800 MHz (aucune reprise des radios mobiles) conformément à l’annexe « B », Base de paiement, et aux exigences de l’annexe « A », Énoncé des travaux (ÉT).

[Nos italiques, traduction]

17. À la fin de la section 1.1.2 de la partie 4 de la DP, la phrase suivante était inscrite : « Toute proposition qui ne respecte pas l’un ou l’autre des critères techniques obligatoires suivants sera jugée non recevable et sera rejetée d’emblée [...] » [traduction]. La partie 4 de la DP établissait les procédures d’évaluation qui seraient employées pour choisir la proposition gagnante. La section 1.1.3 de la partie 4 énumérait ensuite 16 critères techniques obligatoires applicables aux postes de radio portatifs et 17 critères techniques obligatoires applicables aux postes de radio mobiles. Tous ces critères étaient de nature très précise et formulés de telle sorte qu’un soumissionnaire puisse les remplir ou non. Deux exemples de critères techniques obligatoires exigés dans la DP sont fournis ci-après.

A) CRITÈRES TECHNIQUES OBLIGATOIRES À L’ÉGARD DES POSTES DE RADIO PORTATIFS

 

Critères

Remplis

Non remplis

MT.A1

Le poste de radio portatif doit être un poste de radio portatif Motorola XTS5000, modèle 3, 800 MHz (de 764 à 870 MHz).

   

B) CRITÈRES TECHNIQUES OBLIGATOIRES À L’ÉGARD DES POSTES DE RADIO MOBILES

 

Critères

Remplis

Non remplis

MT.B1

Le poste de radio mobile doit être un poste de radio portatif Motorola XTL5000, de 10 à 35 watts (de 764 à 870 MHz)

   

[Traduction]

18. De plus, le Tribunal constate que la clause B4024T (2006-08-15) des Clauses et conditions uniformisées d’achat intitulée « Aucun produit de remplacement » a été incluse à titre de référence dans la DP. Cette clause prévoit ce qui suit :

Les soumissionnaires doivent fournir les produits qui sont conformes à la description, à la marque, au modèle et/ou au numéro de pièce indiqués dans la description des articles de la demande de soumissions. Les soumissionnaires sont prévenus que les produits de remplacement ne seront pas pris en considération.

19. Étant donné les modalités de la DP, selon le Tribunal, il est clair que les soumissionnaires étaient tenus de présenter des propositions applicables à « 243 postes de radio portatifs Motorola XTS5000, modèle 3,800 MHz » et « 32 postes de radio portatifs Motorola XTL5000 montés sur tableau de bord, 800 MHz ». L’usage fréquent des mots « doit » et « doivent » dans toutes les clauses susmentionnées de la DP indique clairement que toute proposition offrant des produits de remplacement serait jugée non conforme.

20. La partie 3 de la DP contenait également les instructions de préparation des soumissions suivantes :

Section I : Soumission technique

Dans leur soumission technique, les soumissionnaires devraient démontrer leur compréhension des exigences contenues dans la demande de soumissions et expliquer comment ils répondront à ces exigences. Les soumissionnaires devraient démontrer leur capacité et décrire de façon complète, concise et claire l’approche qu’ils prendront pour effectuer les travaux.

La soumission technique devrait traiter de façon claire et suffisamment approfondie des points faisant l’objet des critères d’évaluation qui serviront à l’évaluation de la soumission. Il ne suffit pas de reprendre simplement les énoncés contenus dans la demande de soumissions [...].

[Traduction]

21. La partie 4 de la DP contenait également les instructions que voici :

[...]

1.1 Évaluation technique

Il est recommandé que les soumissionnaires incluent dans leur proposition une liste des éléments fournis, indiquant à chaque critère technique obligatoire le renvoi à la portion pertinente de leur proposition.

1.1.1 Pour établir la conformité à toutes les exigences obligatoires, le soumissionnaire doit :

a) préciser que sa proposition est CONFORME ou NON CONFORME aux exigences/paragraphes associés aux auxiliaires « doit » en caractères gras, qui désignent une exigence obligatoire ou essentielle. Les réponses possibles du soumissionnaire pour décrire sa conformité à ces exigences/paragraphes sont les mots « CONFORME » ou « NON CONFORME »;

b) démontrer sa conformité aux exigences obligatoires ou essentielles en reproduisant dans sa proposition une déclaration appuyant ou justifiant clairement ses réponses;

et/ou

démontrer clairement sa conformité aux exigences obligatoires ou essentielles en présentant toutes les caractéristiques du produit au moyen, de documents techniques, manuels, brochures ou résultats de tests publiés par le manufacturier OEM ou le vendeur. Ces informations doivent être fournies avec la proposition;

c) pour fin d’évaluation, fournir des indications claires en ce qui concerne les passages où on peut consulter l’information pertinente qui servira à l’évaluation de la proposition. Les références aux pages Web sont interdites. La proposition doit être complète en elle-même.

1.1.2 Voici la signification des mentions du paragraphe 1.1.1a) ci-dessus :

1) CONFORME : Par cette mention, le soumissionnaire affirme qu’il respecte parfaitement ou qu’il s’engage à respecter intégralement toutes les exigences ou conditions exprimées en tous points.

2) NON CONFORME : Cette mention signifie que le soumissionnaire ne peut pas affirmer qu’il respecte parfaitement ou qu’il s’engage à respecter entièrement les exigences ou les conditions exprimées en tous points.

[...]

2. Méthode de sélection

2.1 Une soumission doit respecter les exigences de la demande de soumissions et satisfaire à tous les critères d’évaluation techniques obligatoires pour être déclarée recevable.

2.2 L’État va déterminer parmi les propositions valides reçues quelle est la soumission valide la moins élevée pour le scénario 1 et la soumission valide la moins élevée pour le scénario 2. Si la soumission valide la moins élevée pour le scénario 2 est inférieure d’au moins 97 200,00 $ à la soumission valide la moins élevée pour le scénario 1, la soumission valide la moins élevée pour le scénario 2 sera recommandée en vue de l’attribution d’un contrat, sinon la soumission valide la moins élevée pour le scénario 1 sera recommandée en vue de l’attribution d’un contrat. Dans le cas où il n’y a pas de soumission valide pour le scénario 2, la soumission valide la moins élevée pour le scénario 1 sera recommandée en vue de l’attribution d’un contrat. Dans le cas où il n’y a pas de soumission valide pour le scénario 1, aucun contrat ne sera attribué.

[Traduction]

22. À la lumière des éléments de preuve au dossier, le Tribunal est d’avis qu’il n’existait qu’une seule interprétation raisonnable de la proposition présentée par MTS. Le Tribunal conclut que, dans sa proposition, MTS offrait à TPSGC exactement les produits demandés et que, en soumettant sa proposition, elle s’engageait à offrir ces produits.

23. TPSGC a soutenu que le paragraphe 1.1.1a) de la partie 4 de la DP indiquait que les soumissionnaires devaient « préciser » la conformité à chaque exigence obligatoire (p. ex. l’emploi du mot « CONFORME » ou « NON CONFORME » dans chaque cas). De plus, TPSGC a soutenu que le paragraphe 1.1.1b) indiquait que les soumissionnaires devaient « démontrer » cette conformité en fournissant de la documentation ou des déclarations à l’appui. Le Tribunal ne voit pas comment l’exigence de démontrer la conformité permettrait de mieux comprendre le sens d’une proposition dans laquelle un fournisseur s’engage à fournir exactement le produit demandé. Dans ce cas, le fait d’exiger de la documentation ou des déclarations à l’appui est non seulement redondant mais exige également le respect non raisonnable de la forme au détriment du fond. À cet égard, le Tribunal conclut qu’il est révélateur que, le 29 septembre 2008, pendant la phase d’évaluation initiale, des évaluateurs de la GRC aient avisé TPSGC qu’ils traiteraient la soumission de MTS comme une soumission conforme.

24. Par ailleurs, le Tribunal remarque qu’il existe une ambiguïté dans la section 1.1.1 de la partie 4 de la DP. Grâce à un examen attentif de la disposition, il constate l’absence d’une conjonction entre les paragraphes b) et c). L’absence du mot « et » ou « ou » à la fin du paragraphe b) ouvre la voie à plus d’une interprétation raisonnable. L’une d’elles consisterait à lire la disposition comme si le mot « et » figurait entre les paragraphes b) et c). Cette façon de faire rendrait les exigences des trois paragraphes obligatoires. Par contre, si on lisait comme si le mot « ou » figurait entre les paragraphes b) et c), il serait raisonnable d’avancer que seule une des trois exigences devrait être remplie. En appliquant le principe contra proferentem à cette question, les ambiguïtés doivent être interprétées comme étant en défaveur de la partie qui a rédigé la disposition ambiguë. En l’espèce, cette partie est TPSGC.

25. Par conséquent, étant donné la définition du mot « conforme » dans la DP, telle qu’elle est stipulée à la section 1.1.2 de la partie 4, le Tribunal est d’accord avec l’allégation de MTS selon laquelle d’avoir répondu « conforme » à chaque critère technique obligatoire établissait « le respect total ou l’accord complet ou l’acceptation intégrale de chaque exigence ou condition énoncée, en tous points ». En d’autres termes, en répondant à chaque critère technique obligatoire par le mot « conforme », MTS remplissait l’exigence imposée aux soumissionnaires en vertu de la section 1.1.1 de la partie 4.

26. Le Tribunal ne substitue généralement pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure5 . Le Tribunal est d’avis qu’en l’espèce, l’interprétation et l’application des exigences applicables ne sont ni raisonnables ni équitables. Le Tribunal conclut que TPSGC a enfreint le paragraphe 506(6) de l’ACI en n’appliquant pas dûment les critères d’évaluation et, par conséquent, en déclarant incorrectement que la soumission de MTS était non conforme.

27. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte de MTS est fondée.

Mesure corrective

28. Ayant conclu que la plainte est fondée, le Tribunal doit maintenant trouver un redressement approprié au préjudice subi du fait des lacunes de la procédure de passation du marché public.

29. Sur ce plan, le paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE porte ce qui suit :

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

30. Le Tribunal est d’avis que, s’il n’avait été des actions de TPSGC, MTS aurait obtenu le contrat en fonction de sa proposition selon le scénario 1, puisque la proposition de Motorola selon le scénario 2 ne remplissait ou ne dépassait pas l’écart de prix minimal exigé par la DP. Bien que rien ne prouve que TPSGC ou la GRC ait agi de mauvaise foi, les actions de TPSGC ont entraîné le résultat exactement opposé à celui que cette invitation particulière, et la procédure de passation de marchés publics en général, cherche à atteindre, c.-à-d. adjuger le contrat au soumissionnaire dont la proposition remplit le mieux les exigences énoncées dans la DP. Par conséquent, le Tribunal conclut que les actions de TPSGC ont causé un préjudice à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication. Puisque le contrat a été accordé en octobre 2008 et qu’il exigeait que tous les produits livrables soient reçus au plus tard le 31 mars 2009, le Tribunal ne souhaite pas perturber les activités de la GRC en recommandant l’annulation du contrat actuel à cette étape tardive.

31. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande que TPSGC accorde à MTS une indemnité en reconnaissance des profits qu’elle aurait pu tirer du contrat si ce dernier lui avait été adjugé. Cette indemnité reposera sur la proposition présentée par MTS en réponse à l’invitation no M9010-091832/A.

Frais

32. Le Tribunal accorde à MTS le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) et est d’avis que le degré de complexité de la présente plainte correspond au plus bas degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). La Ligne directrice fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public était moyenne, en ce sens qu’il portait sur des articles légèrement complexes disponibles dans le commerce et incluait un élément de service d’entretien pendant la période de garantie de cinq ans. La complexité de la plainte était faible, car le motif de la plainte ne concernait qu’un seul critère. Enfin, le degré de complexité de la procédure était faible, étant donné qu’il n’y avait ni requêtes, ni parties intervenantes, ni audiences publiques, que le délai de 90 jours a été respecté et que les parties n’ont pas eu à produire des exposés au-delà de la procédure normale. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

33. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

34. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande que TPSGC accorde à MTS une indemnité en reconnaissance des profits qu’elle aurait pu tirer du contrat si ce dernier lui avait été adjugé. Le calcul du montant des profits sera fondé sur le prix indiqué dans la proposition présentée par MTS en réponse à l’invitation no M9010-091832/A portant sur des postes de radio portatifs et mobiles au nom de la GRC.

35. Le Tribunal recommande que MTS et TPSGC négocient le montant de l’indemnisation et lui fassent rapport du résultat dans les 30 jours suivant la date de sa décision.

36. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnisation, MTS devra déposer auprès du Tribunal, dans les 40 jours suivant la date de sa décision, un exposé sur la question de l’indemnisation. TPSGC disposera de 7 jours ouvrables après la réception de l’exposé de MTS pour y répondre. MTS disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception de l’exposé déposé en réponse par TPSGC pour présenter tout autre commentaire supplémentaire.

37. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à MTS le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . Re plainte déposée par Vita-Tech Laboratories Ltd. (18 janvier 2006), PR-2005-019 (TCCE); Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).