ISE INC.


ISE INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2008-049

Décision et motifs rendus
le lundi 25 mai 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par ISE Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

ISE INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par ISE Inc. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Pasquale Michaele Saroli, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Jidé Afolabi

   

Partie plaignante :

ISE Inc.

   

Partie intervenante :

BRC Business Enterprises Ltd.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 

Karina Fauteux

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 17 février 2009, ISE Inc. (ISE) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’une demande d’offre à commandes (DOC) (invitation no E60PQ-080001/B) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de divers ministères pour la fourniture de mobilier autostable de bureau.

2. La plainte d’ISE contenait une liste d’allégations concernant le déroulement de la procédure de passation du marché public2 .

3. Le 25 février 2009, le Tribunal avisait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque celle-ci répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le Tribunal a limité son enquête à l’examen de l’allégation selon laquelle TPSGC avait, d’une manière irrégulière, déclaré non conforme la proposition d’ISE, même si cette dernière répondait aux conditions essentielles de la documentation relative à l’appel d’offres4 . Plus précisément, le motif de plainte se rapporte à l’affirmation d’ISE selon laquelle les essais effectués sur le produit qu’elle proposait suffisaient, à eux seuls, pour satisfaire aux normes de l’American National Standards Institute/Business and Institutional Furniture Manufacturer’s Association (ANSI/BIFMA), comme l’exigeait la DOC. Le Tribunal n’a pas ordonner le report de l’adjudication du contrat aux termes du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, puisque les éléments de preuve au dossier démontraient que des offres à commandes avaient déjà été délivrées; le fait était confirmé le 27 février 2009, lorsque TPSGC informait le Tribunal que 10 offres à commandes avaient été délivrées.

4. ISE demande au Tribunal, à titre de mesure corrective, de recommander que TPSGC résilie les contrats actuels et lance une nouvelle invitation à soumissionner, de recommander que TPSGC verse à ISE une indemnisation en reconnaissance de ses profits perdus et d’accorder à ISE le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de sa plainte. De plus, ISE demande que le Tribunal ordonne le report de l’adjudication de tout contrat relatif à l’invitation jusqu’à ce qu’il ait déterminé le bien-fondé de la plainte.

5. Le 10 mars 2009, le Tribunal autorisait BRC Business Enterprises Ltd. à intervenir dans l’affaire. Le 6 avril 2009, TPSGC déposait le rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 5 . Le 22 avril 2009, ISE déposait ses observations sur le RIF. BRC Business Enterprises Ltd. n’a déposé aucun document concernant l’enquête.

6. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

7. En plus du motif de plainte précis accepté aux fins d’enquête, ISE allègue, relativement aux motifs de fond, que :

« [l]es spécifications techniques ont eu pour effet de créer un obstacle inutile » au commerce;

« [l]es exigences relatives à l’essai des produits sont SANS rapport avec la capacité du fournisseur potentiel d’exécuter le contrat, particulièrement compte tenu que l’organisme d’achat achète les produits depuis plusieurs années au fournisseur potentiel ISE Inc. »;

« le contrat spécifique contient des exigences indûment onéreuses en ce sens qu’elles n’ont jamais été posées dans de telles demandes auparavant »;

« les exigences de la demande rendaient impossible l’exécution de la procédure; satisfaire à toutes les exigences était tellement difficile que plusieurs fournisseurs potentiels ont été rejetés ».

[Traduction]

ISE allègue en outre, relativement à des motifs d’ordre temporel, que :

« [i]l N’a PAS été accordé un délai suffisant pour que les fournisseurs intéressés puissent exécuter le processus de qualification »;

« [l]es délais prescrits NE permettaient PAS aux fournisseurs de préparer et de présenter leur soumission avant la date de clôture, particulièrement compte tenu que la période de soumission incluait le mois de décembre, un mois où la plupart des fournisseurs et des organismes d’homologation sont en vacances durant au moins une semaine, sinon deux »;

« [l]e calendrier des activités, et plus particulièrement l’échéancier pour les résultats des essais, a empêché ISE Inc. de présenter une soumission complète et a causé sa disqualification »;

« [c]ompte tenu de la complexité du marché public, et plus particulièrement de l’exigence onéreuse de rapports d’essai, le délai accordé N’était PAS raisonnable. Compte tenu du volume de résultats d’essai demandés, du nombre restreint de laboratoires d’essai homologués et du fait que cette exigence était une exigence nouvelle pour beaucoup de fournisseurs, le délai accordé N’était PAS raisonnable »;

« le délai prévu pour la présentation de tels rapports était indûment bref »;

« les seules installations homologuées pour l’essai des produits n’étaient pas capables de répondre à la multitude de demandes dans le délai de réponse prescrit et TPSGC a reçu avis de cette préoccupation et a décidé de ne pas en tenir compte »;

« la durée des essais eux-mêmes, par exemple les tests cycliques, dépassait le délai prévu pour la présentation des résultats d’essai »;

« la demande ne prévoyait pas de prolongation du délai dans le cas où les fournisseurs potentiels ne pouvaient pas respecter la date de présentation prévue pour des motifs INDÉPENDANTS de leur volonté ».

[Traduction]

Elle allègue en outre, relativement à des motifs liés à l’équité, que :

« [l]a procédure de qualification des fournisseurs SERVAIT à disqualifier des fournisseurs »;

« [l]es différences dans la procédure de qualification N’était PAS minimisées, en ce sens que les fournisseurs qui avaient déjà en main des résultats d’essai étaient favorisés par rapport à ceux qui devaient obtenir de nouveaux résultats d’essai »;

« la demande était partiale en faveur des sociétés qui détenaient déjà les résultats d’essai »;

« [a]ucune procédure de contestation n’a été mise à la disposition de ISE Inc. ».

[Traduction]

8. Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que « le fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ». Le paragraphe 6(2) prévoit qu’un fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les dix jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».

9. Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle a pris connaissance des faits à l’origine de l’opposition, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal. Si une partie plaignante présente une opposition auprès de l’institution fédérale dans le délai prévu, la partie plaignante peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où elle a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation par l’institution fédérale.

10. Le document d’appel d’offres était diffusé le 15 octobre 2008 et la date de clôture des soumissions était fixée au 2 décembre 2008.

11. Le document d’appel d’offres décrit clairement les exigences d’essai et les dates limites correspondantes pour la présentation des rapports d’essai. L’invitation initiale exigeait que les rapports d’essai et les formulaires afférents soient présentés avec la proposition.

12. La modification no 001 de la DOC, datée du 29 octobre 2008, modifiait la date limite de présentation des rapports d’essai et des formulaires. La modification no 007, datée du 18 novembre 2008, modifiait une fois encore la date limite de présentation des rapports d’essai et des formulaires; ces documents devaient être présentés « à la clôture des soumissions ou au plus tard à 16 h, heure normale de l’Est, le 30 décembre 2008 » [traduction]. Dans le cas des produits supplémentaires facultatifs, les rapports d’essai et les formulaires devaient être présentés avant le 31 mars 2009. Le 2 décembre 2008, ISE présentait sa proposition.

13. Le Tribunal est d’avis que, sauf relativement au motif de plainte lié à la procédure de contestation et au motif de plainte accepté pour enquête, ISE a découvert, ou aurait dû vraisemblablement découvrir, les faits à l’origine de ses plaintes le 18 novembre 2008, lorsque TPSGC diffusait la modification no 007 reportant les dates limites de présentation des rapports d’essai ou, au plus tard, le 2 décembre 2008, à la clôture des soumissions, puisqu’elle aurait alors pris pleinement connaissance des exigences de fond et des échéanciers de la DOC et des incidences de chacune, y compris quant à l’équité.

14. Aux termes de l’article 6 du Règlement, ISE devait déposer sa plainte auprès du Tribunal, ou présenter son opposition à TPSGC, dans les 10 jours ouvrables suivant la date où elle avait découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte. ISE a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 17 février 2009, soit bien après la fin du délai de 10 jours ouvrables prévu par le Règlement.

15. Comme l’énonce clairement la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd. 6 , il incombe aux fournisseurs potentiels de déposer une plainte quand ils découvrent des problèmes liés à la procédure de passation d’un marché public (ou quand ils auraient vraisemblablement dû les découvrir). Les extraits suivants de cette décision sont particulièrement pertinents :

[20] [...] Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. [...]

[28] [...] Si Hewlett-Packard était d’avis qu’une réponse aussi claire venait contredire les exigences du marché public, elle aurait dû dès lors déposer une plainte. Elle a plutôt choisi d’ignorer la réponse 95, d’adopter une attitude attentiste et de faire connaître son opposition une fois terminée la procédure de passation du marché public. Or, c’est précisément le genre d’attitude que la procédure de passation des marchés publics et le Règlement tentent de décourager.

16. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que la plainte aux motifs susmentionnés n’a pas été déposée dans les délais prescrits. Par conséquent, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte pour ces motifs et tient la question pour réglée.

17. L’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine si les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre dix de l’Accord de libre-échange nord-américain 7 , au chapitre cinq de l’ Accord sur le commerce intérieur 8 , à l’Accord sur les marchés publics 9 ou au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili 10 . En l’espèce, les quatre accords commerciaux s’appliquent.

18. Quant à l’allégation d’ISE selon laquelle aucune procédure de contestation n’a été mise à sa disposition, le Tribunal est d’avis qu’il incombe aux fournisseurs de s’informer des procédures de contestation et qu’il existait passablement d’information publique disponible sur la procédure d’opposition, y compris, par exemple, sur le site Web même de TPSGC11 . Le Tribunal fait également observer que TPSGC, le 5 février 2009, avait avisé ISE qu’elle pouvait déposer une plainte auprès du Tribunal. Enfin, même si les accords commerciaux12 imposent aux parties (c.-à-d. le Canada) ou à l’organisme d’examen (c.-à-d. le Tribunal) d’offrir un accès général à toutes leurs procédures de contestation des offres, ils ne contiennent aucune obligation précise pour l’entité acheteuse d’informer les fournisseurs de toute procédure de contestation. Par conséquent, le Tribunal conclut, relativement à ce motif de plainte, que rien n’indique, de façon raisonnable, que le marché public n’a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables.

19. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas non plus sur la plainte pour ce motif et tient la question pour réglée.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

20. Le 15 octobre 2008, TPSGC diffusait une DOC pour la fourniture de mobilier autostable de bureau. Quatre catégories différentes de meubles étaient incluses. Les soumissionnaires pouvaient présenter des propositions pour la fourniture d’une ou de plusieurs catégories de meubles. Chaque catégorie était assortie d’une liste de produits (« panier de biens »). Des propositions pouvaient également être présentées pour des produits supplémentaires facultatifs non compris dans le panier de biens. La date initiale de clôture des soumissions était le 25 novembre 2008.

21. Le paragraphe 2.1 de la partie 1 de la DOC prévoit ce qui suit :

[...] Les offrants doivent répondre au besoin conformément à l’annexe A [...].

Les OCPN seront émises auprès de tous les fournisseurs qui présenteront une soumission recevable sur le plan technique (répondant à toutes les exigences obligatoires) et qui se classeront dans l’échelle de prix indiquée dans la demande d’offre à commandes (DOC).

[Traduction]

22. Le paragraphe 6.2 de l’annexe A de la DOC prévoit ce qui suit :

Tous les caissons mobiles et les unités de rangement autostables offerts dans le cadre de la présente invitation à soumissionner doivent répondre aux critères d’acceptation selon la norme ANSI/BIFMA X5.9 lors d’essais conformes à l’essai pertinent à la norme de référence et à la description d’achat.

[Nos italiques, traduction]

23. La DOC exigeait initialement la présentation des rapports d’essai obligatoires avec les propositions, au moment de la clôture des soumissions. Le sous-alinéa 1.1.1 de la partie 4 de la DOC prévoit ce qui suit :

Les critères techniques obligatoires doivent être présentés avec la proposition (À défaut, la soumission sera déclarée non recevable)

[...]

MT4 Rapports d’essai détaillés à l’annexe A

MT5 Établissement des formulaires de rapport d’essai conformément à l’annexe E

[...]

[Traduction]

24. L’annexe E de la DOC prévoit ce qui suit :

[...] LES FORMULAIRES DE RAPPORT D’ESSAI DOIVENT AUSSI ÊTRE ÉTABLIS POUR CHAQUE SÉRIE OFFERTE ET PRÉSENTÉS AVEC VOTRE OFFRE. À DÉFAUT, VOTRE OFFRE SERA DÉCLARÉE NON CONFORME ET NE FERA L’OBJET D’AUCUNE ÉVALUATION SUBSÉQUENTE.

[...]

[Traduction]

25. À l’annexe E de la DOC, le formulaire de rapport d’essai du caisson mobile exige 12 essais distincts selon le protocole ANSI/BIFMA X5.913 .

26. Le 29 octobre 2008, TPSGC diffusait la modification no 001 à la DOC, qui reportait au 19 décembre 2008 la date limite pour la présentation des rapports d’essai des produits énumérés dans le panier de biens, tandis que les rapports d’essai des produits supplémentaires facultatifs étaient demandés au plus tard le 31 mars 2009. Le 18 novembre 2008, TPSGC diffusait la modification no 007, qui reportait au 2 décembre 2008 la date de clôture des soumissions et reportait de nouveau, cette fois au 30 décembre 2008, la date limite de présentation des rapports d’essai des produits énumérés dans le panier de biens. La date de présentation des rapports d’essai des produits supplémentaires facultatifs demeurait inchangée.

27. Le 2 décembre 2008, ISE présentait sa proposition à l’égard des produits de la catégorie 4, « Mobilier et composants autostables de bureau – Bureau général, hauteur réglable (en position assise) ».

28. D’après TPSGC, 23 soumissions ont été reçues en réponse à la DOC, dont 10 concernaient la fourniture de produits de la catégorie 4. TPSGC a délivré deux offres à commandes pour cette catégorie.

29. Dans un courriel daté du 26 décembre 2008, ISE informait TPSGC qu’elle ne pourrait respecter la date limite fixée au 30 décembre 2008 pour la présentation de trois rapports d’essai non encore présentés et demandait le report de la date limite au 20 janvier 200914 . Le 29 décembre 2008, TPSGC refusait la demande de report de la date limite présentée par ISE15 . Le même jour, ISE présentait certains rapports d’essai supplémentaires, y compris le rapport d’essai du caisson mobile.

30. Après la date limite pour la présentation des rapports d’essai, à savoir le 30 décembre 2008, ISE a tenté de déposer d’autres éléments d’information. Selon TPSGC, aucun de ces éléments d’information ne pouvait être accepté aux fins de la soumission, puisque la date limite de présentation des rapports d’essai était passée et, de toute façon, qu’aucun de ces éléments d’information n’était pertinent quant à l’exigence portant sur un rapport d’essai pour le caisson mobile.

31. Le 30 janvier 2009, TPSGC informait ISE que sa proposition avait été déclarée non conforme, puisque le rapport d’essai présenté à l’égard du caisson mobile n’était pas conforme au paragraphe 6.2 de l’annexe A de la DOC.

32. Le 5 février 2009, ISE présentait une opposition à TPSGC à l’égard de la décision de ce dernier de déclarer non conforme la proposition d’ISE. Le 6 février 2009, TPSGC avisait ISE que sa décision ne serait pas modifiée et confirmait que le rapport d’essai présenté à l’égard du caisson mobile était incomplet et ne répondait pas aux critères d’acceptation prévus dans les exigences de l’ANSI/BIFMA. Le même jour, ISE répondait à TPSGC comme il suit : « Il est, selon nous, entendu que les essais qui ont été effectués sur le caisson étaient tout ce qui était exigé pour satisfaire aux exigences de l’ANSI/BIFMA »16 [traduction].

33. Le 17 février 2009, ISE déposait sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

34. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables, qui, en l’espèce, sont l’ALÉNA, l’ACI, l’AMP et l’ALÉCC.

35. TPSGC soutient qu’une exigence prescrivait que les fournisseurs présentent obligatoirement les rapports d’essai désignés pour tous les produits énumérés dans leur soumission. En particulier, un formulaire de rapport d’essai pour les caissons mobiles proposés par les fournisseurs figure au nombre des rapports d’essai obligatoires figurant dans la liste comprise à l’annexe E de la DOC17 . Le formulaire de rapport d’essai énumère 12 éléments obligatoires devant faire l’objet d’essai selon les normes ANSI/BIFMA indiquées, les résultats devant être présentés avec la soumission du fournisseur.

36. TPSGC soutient que la proposition d’ISE incluait certains des rapports d’essai requis, mais pas tous. Plus particulièrement, il soutient que même si la proposition incluait un formulaire de rapport d’essai à l’égard des caissons mobiles et précisant que les essais avaient été effectués, les rapports pertinents aux essais obligatoires qui prouvaient leur exécution n’étaient pas inclus.

37. Dans ses observations sur le RIF, ISE soutient que le motif de plainte accepté par le Tribunal porte sur la question de savoir si TPSGC a, d’une manière irrégulière, déclaré la proposition d’ISE non conforme même si cette proposition était conforme aux exigences essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres. ISE ajoute que, selon le dictionnaire en ligne Merriam Webster, le mot « essential » (essentiel) signifie « of the utmost importance » (de la plus haute importance) et que, selon le site Web de l’Université Princeton, à l’adresse www.Princeton.edu, le mot « essential » (essentiel) signifie « absolutely necessary; vitally necessary » (absolument nécessaire; d’importance vitale). Elle poursuit en mettant en doute le fait que les essais retardés étaient absolument nécessaires ou de la plus haute importance pour l’évaluation de sa soumission complète.

38. ISE soutient que les exigences d’essai à l’égard du caisson mobile comprenaient des essais mesurant la résistance, la stabilité, la sécurité et la durabilité. Les essais de durabilité, de par leur nature même, exigent l’essai d’un produit sur une longue période. ISE soutient que l’essai avait commencé le 19 novembre 2008 et n’avait pas été terminé avant le 30 janvier 2009. Elle soutient avoir inclus, avec sa proposition, les résultats de tous les essais, sauf ceux de durabilité, car le laboratoire d’essai ne les avait pas terminés à temps. D’après ISE, les essais essentiels seraient ceux de résistance, de stabilité et de sécurité et toutes les questions à l’égard de la durabilité du produit auraient été réglées à la fin des essais cycliques, ISE en ayant alors présenté les résultats.

39. ISE fait valoir que la DOC demandait la présentation d’environ 93 essais distincts et qu’elle avait présenté en retard six de ces essais, soit environ 6. p. 100. Elle soutient qu’un retard de présentation de 6 p. 100 des résultats n’est pas une raison suffisante pour affirmer que les essais manquants étaient de la plus haute importance ou absolument nécessaires pour évaluer sa soumission. ISE ajoute que les six résultats retardés se rapportaient à un caisson mobile sur une soumission totale à l’égard de 34 produits obligatoires et de 81 produits facultatifs, et que le défaut de présenter à temps des essais d’un produit qui représente moins de 1 p. 100 de sa soumission totale ne doit pas invalider cette dernière, puisque ce 1 p. 100 n’est pas absolument nécessaire pour évaluer sa soumission.

40. ISE soutient que le panier de biens à l’égard desquels elle a présenté une réponse était expressément pour des bureaux de hauteur réglable, et que d’autres paniers de biens visaient le mobilier de hauteur fixe. Elle affirme que les éléments essentiels, c.-à-d. les éléments absolument nécessaires à l’évaluation sont ceux qui permettent le réglage; un élément non essentiel à l’évaluation est un classeur mobile de hauteur fixe, non réglable.

41. Le Tribunal fait observer que la date limite de présentation des résultats d’essai obligatoires a été prorogée deux fois, d’abord le 19 décembre 2008, puis enfin le 30 décembre 2008. ISE a présenté une proposition le 2 décembre 2008. Le Tribunal constate que la proposition d’ISE incluait certains, mais non tous les résultats d’essai requis. Le 26 décembre 2008, ISE demandait un nouveau report du délai de présentation des rapports d’essai. Le 29 décembre 2008, TPSGC refusait cette demande. Par la suite, ISE a présenté certains autres rapports d’essai, y compris le rapport d’essai pour le caisson mobile. De plus, après la fin du délai de présentation des rapports d’essai, à savoir le 30 décembre 2008, ISE a tenté de présenter d’autres renseignements les concernant.

42. ISE reconnaît avoir présenté en retard six des résultats d’essai exigés18 . Ce point n’est pas contesté. Toutefois, elle soutient que les résultats d’essai manquants n’étaient pas « essentiels » pour l’évaluation et ne justifient donc pas la déclaration de non conformité de sa proposition par TPSGC.

43. Le Tribunal n’accueille pas l’argument susmentionné. La DOC énonçait clairement les exigences à l’égard des essais, de même que les critères d’évaluation obligatoires. La conséquence du défaut de présenter l’information requise était également claire : « Les critères techniques obligatoires doivent être présentés avec la proposition (À défaut, la soumission sera déclarée non recevable) ».

44. Le Tribunal est d’avis que c’est la prérogative de l’entité acheteuse de définir ses propres besoins d’approvisionnement19 et, par extension, les exigences obligatoires de l’invitation à soumissionner à l’égard de ces besoins. Le Tribunal indiquait par le passé que « même si TPSGC a le droit d’établir les paramètres d’une DP, il doit le faire d’une manière raisonnable. TPSGC n’est pas autorisé à établir des conditions impossibles à satisfaire »20 . Par conséquent, la prérogative de l’entité qui procède à l’acquisition quant à la définition des besoins est soumise au caractère raisonnable de cette définition. Les « exigences essentielles » sont celles qui sont clairement « obligatoires » aux termes d’une invitation. Si un soumissionnaire est d’avis qu’une telle exigence est déraisonnable, il lui incombe de prendre les mesures pour obtenir réparation dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement. En l’absence de telles mesures, permettre à un soumissionnaire de déterminer sommairement quelles exigences sont « essentielles » et quelles exigences ne le sont pas porterait atteinte au fonctionnement et à l’intégrité du mécanisme de passation des marchés publics.

45. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

[...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

46. L’alinéa 1015(4)a) de l’ALÉNA prévoit ce qui suit :

[P]our être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation.

47. L’alinéa XIII(4)a) de l’AMP prévoit ce qui suit :

Pour être considérées en vue de l’adjudication, les soumissions devront être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation. [...]

48. L’alinéa Kbis-10(1)a) de l’ALÉCC prévoit qu’au moment de sa présentation, la soumission doit « être conforme aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ».

49. À cet égard, en l’absence d’autorisation expresse dans l’invitation à soumissionner, l’institution fédérale n’a pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas tenir compte, de modifier ou d’alléger les exigences obligatoires de l’invitation à soumissionner après la date limite fixée pour la présentation des soumissions.

50. La responsabilité de vérifier qu’une proposition est conforme à tous les éléments essentiels d’une invitation incombe ultimement au soumissionnaire. Dans Trans-Sol Aviation Service Inc. 21 , le Tribunal déclarait ce qui suit :

11. Le Tribunal est d’avis qu’il revient en dernier ressort au soumissionnaire de vérifier qu’une proposition est conforme à tous les éléments essentiels d’une invitation et qu’elle reflète bien son intention. Par conséquent, il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition et de vérifier qu’elle est conforme à tous les éléments essentiels. [...]

51. Dans IBM Canada Ltée 22 , le Tribunal déclarait ce qui suit :

Le Tribunal reconnaît que la conformité des fournisseurs potentiels à toutes les conditions obligatoires des documents d’appel d’offres est une des pierres angulaires de l’intégrité de tout mécanisme de passation des marchés publics. Par conséquent les entités doivent procéder à une évaluation complète et rigoureuse de la conformité des propositions des soumissionnaires aux conditions obligatoires. [...]

52. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC n’a pas contrevenu aux accords commerciaux applicables lorsqu’il a déclaré la proposition d’ISE non conforme, selon les termes de la DOC.

53. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

Frais

54. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente affaire est que son degré de complexité correspond au premier degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice. La complexité du marché était moyenne, étant donné qu’il portait sur un besoin de divers types de mobilier, répartis en quatre catégories différentes, devant être fournis à des ministères et des sociétés mandataires du gouvernement. La complexité de la plainte était faible, en ce sens qu’elle traitait de la question de l’évaluation des propositions. La complexité de la procédure de la plainte était également faible, étant donné qu’il n’y avait qu’une partie intervenante et aucune observation supplémentaire. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire donnée par le Tribunal eu égard au montant de l’indemnisation est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

55. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

56. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par ISE. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . Plainte, pièces jointes 1, 3.

3 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

4 . Le libellé précis du motif de plainte est le suivant : « La soumission reçue d’ISE Inc. ÉTAIT conforme aux conditions essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres » [traduction].

5 . D.O.R.S./91-499.

6 . 2002 CAF 284 (CanLII).

7 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d’Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

9 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

10 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC].

11 . Code de conduite pour l’approvisionnement, <http://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/app-acq/cndt-cndct/index-fra.html>.

12 . Alinéa 1017(1)o) de l’ALÉNA, alinéa 514(2)g) de l’ACI, paragraphe XX(3) de l’AMP et paragraphe Kbis-13(5) de l’ALÉCC.

13 . RIF, pièce 1 à la p. 61.

14 . RIF, pièce 4.

15 . RIF, pièce 5.

16 . RIF, pièce 13.

17 . RIF, pièce 1 à la p. 61.

18 . Observations sur le RIF à la p. 1.

19 . Re plainte déposée par FLIR Systems Ltd. (25 juillet 2002), PR-2001-077 (TCCE) à la p. 17.

20 . Re plainte déposée par MTS Allstream Inc. (5 août 2005), PR-2004-061 (TCCE) au para. 67.

21 . Re plainte déposée par Trans-Sol Aviation Service Inc. (1er mai 2008), PR-2008-010 (TCCE) au para. 11.

22 . Re plainte déposée par IBM Canada Ltée (5 novembre 1999), PR-99-020 (TCCE) à la p. 7.