ENTREPRISE COMMUNE DE BMT FLEET TECHNOLOGY LIMITED ET NOTRA INC.


ENTREPRISE COMMUNE DE BMT FLEET TECHNOLOGY LIMITED ET NOTRA INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2008-023

Décision et motifs rendus
le mercredi 5 novembre 2008


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par l’entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

ENTREPRISE COMMUNE DE BMT FLEET TECHNOLOGY LIMITED ET NOTRA INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par l’entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Pasquale Michaele Saroli, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Michael W. Morden

   

Enquêteur :

Josée B. Leblanc

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Partie plaignante :

Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc.

   

Conseiller juridique pour la partie plaignante :

Leonard Max, c. r.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

David M. Attwater

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 11 août 2008, l’entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. (BMT-NOTRA) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché (invitation no W8486-08JB14/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du ministère de la Défense nationale (MDN), pour la prestation de services de gestion technique et d’ingénierie.

2. BMT-NOTRA a allégué que TPSGC a, d’une manière irrégulière, adjugé le marché à un concurrent dont la proposition ne répondait pas à l’un des critères obligatoires énoncés dans la demande de propositions (DP). Plus particulièrement, BMT-NOTRA a allégué que la ressource proposée par l’adjudicataire, AMTEK Engineering Services Ltd. (AMTEK), en réponse à la catégorie « Conseiller en matière nucléaire » [traduction], ne satisfaisait pas au critère obligatoire MT2 visant l’évaluation technique dans cette catégorie (MT2).

3. À titre de mesure corrective, BMT-NOTRA a demandé au Tribunal de statuer sur la définition juste de l’expression « conseiller en matière nucléaire » énoncée dans MT2 et, si le Tribunal devait accepter l’interprétation proposée par BMT-NOTRA, de déterminer que les soumissions n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation équitable. Elle a aussi demandé une nouvelle évaluation des propositions fondée sur l’interprétation juste de l’expression « conseiller en matière nucléaire » et une nouvelle adjudication du marché fondée sur cette interprétation. Enfin, BMT-NOTRA a demandé le remboursement des frais qu’elle a engagés relativement à la plainte et que le Tribunal rende une ordonnance de report d’adjudication du contrat.

4. Le 15 août 2008, le Tribunal a avisé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque celle-ci répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le Tribunal a aussi avisé les parties qu’il ne rendrait pas d’ordonnance de report d’adjudication du contrat car un contrat avait déjà été adjugé.

5. Le 9 septembre 2008, en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 , TPSGC a déposé un rapport d’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal. Le 19 septembre 2008, BMT-NOTRA a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal.

6. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. Le 26 février 2008, TPSGC a publié la DP par l’intermédiaire du MERX4 . Selon TPSGC, deux propositions ont été reçues en réponse à l’invitation, une de BMT-NOTRA et l’autre d’AMTEK. Le 7 juillet 2008, trois représentants du MDN ont évalué les soumissions et déterminé qu’elles étaient toutes deux techniquement conformes. Le 8 juillet 2008, l’autorité contractante de TPSGC a procédé à une évaluation financière des deux propositions et a déterminé qu’AMTEK avait présenté la soumission recevable la moins-disante. Un spécialiste en approvisionnement de TPSGC a confirmé ces résultats. Le 14 juillet 2008, TPSGC a informé BMT-NOTRA qu’un contrat avait été adjugé à AMTEK. Le 23 juillet 2008, BMT-NOTRA a présenté une opposition à TPSGC, alléguant que la ressource proposée par AMTEK pour le poste de conseiller en matière nucléaire ne répondait pas aux exigences de MT2 et énonçant ce qui suit :

Je demande que vous me transmettiez, dans les sept prochains jours, une réponse par télécopieur [...] soit confirmant la véracité de cette information [à savoir que la ressource proposée par AMTEK en réponse à la catégorie « Conseiller en matière nucléaire » était bien la personne que BMT-NOTRA pensait être] soit avisant que cette information n’est pas véridique. Si l’information est vraie, alors veuillez considérer la présente comme votre notification initiale que mes clients présentent une opposition à l’adjudication du contrat à Amtek, au motif que [la ressource proposée] ne compte pas comme telle l’expérience minimum de quatre ans au cours des dix dernières années à titre de Conseiller en matière nucléaire, comme l’exige MT2 […]5 .

[Traduction]

8. Le 31 juillet 2008, TPSGC a répondu à l’opposition de BMT-NOTRA, sa réponse énonçant ce qui suit : « [...] l’équipe d’évaluation a déterminé que toutes les ressources proposées dans la soumission d’Amtek répondaient aux titres et qualités exigés dans toutes les catégories [...] » [traduction] et « [...] aucun motif ne fonde une révision par TPSGC de l’adjudication de ce contrat à Amtek »6 [traduction]. Le 11 août 2008, BMT-NOTRA a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

9. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables qui, en l’espèce, sont l’Accord sur le commerce intérieur 7 , l’Accord de libre-échange nord-américain 8 et l’Accord sur les marchés publics 9 .

10. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « [...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

11. L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA et l’alinéa XIII(4)c) de l’AMP prévoient, d’une façon similaire, que l’adjudication des marchés sera conforme « aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l’appel d’offres ».

12. L’alinéa A.12c) de la section 3 de la DP, intitulée « INSTRUCTIONS POUR LA PRÉPARATION DES SOUMISSIONS » [traduction], prévoit ce qui suit : « La pièce jointe 1 à la section 4, Procédures d’évaluation, comprend des instructions supplémentaires dont les soumissionnaires doivent tenir compte dans la préparation de leur soumission technique » [traduction]. La section 2 de cette pièce jointe prévoit ce qui suit :

2. Évaluation technique

2.1 La soumission technique doit répondre aux critères obligatoires de l’évaluation technique énoncés dans les tableaux ci-dessous. Le soumissionnaire doit produire les documents nécessaires à l’appui de la conformité.

2.2 Les soumissions qui ne satisfont pas aux critères obligatoires de l’évaluation technique seront déclarées irrecevables. Chaque critère doit être traité séparément.

[Traduction]

13. La section 3.5 de la pièce jointe 1 à la section 4, qui énumère les critères obligatoires pour l’évaluation technique concernant la catégorie « Conseiller en matière nucléaire », prévoit ce qui suit :

3.5 Conseiller en matière nucléaire

Le soumissionnaire doit satisfaire ou dépasser toutes les exigences particulières de la présente invitation :

[...]

 

MT2

Le soumissionnaire doit démontrer que chaque ressource proposée compte au moins quatre (4) années d’expérience au cours des dix (10) dernières années à titre de Conseiller en matière nucléaire touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire.

[...]

 

[Traduction]

14. BMT-NOTRA a soutenu que, en ce qui a trait à l’industrie nucléaire canadienne, il n’existe que deux organismes de réglementation : a) la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN); b) dans le cas particulier du MDN, le Directeur général – Sûreté nucléaire (DGSN). BMT-NOTRA a soutenu qu’il n’existe pas d’autres « normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire » légalement contraignants si ce n’est les normes et règlements imposés et surveillés par ces deux organismes. Elle a ajouté qu’il s’ensuit nécessairement que si une personne conseille une entité qui ne participe pas ou n’envisage pas de participer à une activité autorisée par l’un de ces deux organismes, cette personne ne donne pas des conseils touchant les « normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire », comme le prévoit MT2.

15. Selon BMT-NOTRA, il s’ensuit, en termes concrets, que l’expérience dont il est question dans MT2 ne peut s’acquérir que si une personne ou une société exécute une activité autorisée soit par la CCSN soit par le DGSN. Elle a fait valoir que pour qu’une personne compte une « expérience […] à titre de Conseiller en matière nucléaire touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire », cette personne doit avoir directement exécuté le mandat de conseiller au titre de ressource dans le cadre d’un contrat autorisant l’activité visée parce que, sans une telle autorisation, il n’existerait aucune obligation de se conformer à de tels règlements ou normes. BMT-NOTRA a prétendu que le mot « expérience » dans ce contexte suppose nécessairement que le conseiller a précisément exercé une telle fonction et, vraisemblablement, que l’activité autorisée visée dans ses fonctions de conseiller satisfaisait à des exigences de conformité prescrites par les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire. À cet égard, BMT-NOTRA a avancé que l’expression « quatre années » supposait clairement que la durée cumulative des fonctions à titre de conseiller relativement à une telle activité autorisée, ou à de telles activités autorisées, devait totaliser 48 mois au cours des 10 années précédant la date de présentation de la soumission.

16. BMT-NOTRA a soutenu que, d’après son interprétation de l’expérience de la ressource proposée par AMTEK à partir de renseignements glanés de « [...] sources [...] actives dans le domaine des invitations à soumissionner [...] »10 [traduction] anonymes, la ressource proposée n’avait pas accumulé, à l’automne 2007, les quatre années d’expérience nécessaire. BMT-NOTRA a également dit ne pas croire que la ressource proposée ait obtenu quelque contrat que ce soit lié à une activité autorisée depuis l’automne 2007. Dans sa plainte, BMT-NOTRA a produit une liste de ce qu’elle croit être l’expérience professionnelle précise de la ressource proposée ainsi qu’une évaluation de cette expérience en fonction de son interprétation de MT2. À cet égard, BMT-NOTRA a soutenu que le calcul de l’expérience totale de la ressource proposée montre que cette dernière ne comptait pas les 48 mois d’expérience requis11 .

17. Pour sa part, TPSGC a fait valoir que la DP ne définissait pas spécifiquement l’expression « conseiller en matière nucléaire » et qu’aucune question n’avait été soulevée durant la période de soumission au sujet de la définition de cette expression. Il a soutenu que pour arriver à une interprétation valable de MT2, le Tribunal devait tenir compte des tâches et des produits à livrer attendus du conseiller en matière nucléaire, selon l’énumération qu’en donne la section 3.8 de l’annexe « A » de la DP, « ÉNONCÉ DE TRAVAIL » (ÉT) [traduction]12 ; de la vaste portée des documents de réglementation et règlements de la CCSN; des Directives et ordonnances administratives de la Défense du DGSN et ses Directives et ordres en matière de sûreté nucléaire; de la signification très étendue de l’expression « touchant ». D’après TPSGC, cette expression donne la plus vaste extension possible au lien entre l’expérience professionnelle du « conseiller en matière nucléaire » et les « normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire ».

18. TPSGC a soutenu que le sens de l’expression « normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire » est facilement compris dans le vaste contexte du régime de réglementation nucléaire au Canada. À cet égard, il a souligné les diverses responsabilités de la CCSN quant à l’administration de la Loi sur la responsabilité nucléaire 13 , la tenue d’évaluations environnementales en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale 14 , la mise en œuvre de l’accord bilatéral entre le Canada et l’Agence internationale de l’énergie atomique sur la vérification des matières nucléaires et la publication de règlements administratifs, de règlements et de documents de réglementation connexes (traitant plus en détail d’exigences aussi diverses que celles liées au dépistage de matières déposées dans la thyroïde et aux systèmes d’arrêt de réacteurs) en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires 15 . En ce qui a trait au DGSN, TPSGC a en outre invoqué les responsabilités de ce dernier quant à la publication de directives et d’ordonnances administratives et de directives et d’ordonnances de sûreté nucléaire (concernant les exigences pour la gestion des matières nucléaires et la radioprotection; l’autorisation et le contrôle des activités nucléaires; l’utilisation, la manutention, l’entreposage et l’entretien des sources de rayonnement ionisant; le transport, l’emballage/l’étiquetage; les dossiers, les inspections, les rapports et les vérifications; la prévention de la contamination par des substances nucléaires; le déclassement et l’évacuation; la sûreté des visites de navires à propulsion nucléaire au Canada; l’intervention en cas d’urgence nucléaire).

19. TPSGC a soutenu que l’expérience touchant les règlements et les documents de réglementation connexes de la CCSN du conseiller en matière nucléaire proposé par AMTEK et les diverses directives du DGSN constituait donc une expérience valable touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire.

20. TPSGC a soutenu que l’expérience requise pour MT2 comprenait, sans s’y limiter, le travail de la nature ou du genre défini dans la DP au titre des tâches du conseiller en matière nucléaire ou les produits à livrer qui étaient pertinents ou se rapportaient logiquement aux règlements canadiens et aux documents et directives de réglementation énumérés sur les sites Web de la CCSN et du DGSN. De ce fait, TPSGC a soutenu que les évaluateurs avaient conclu, d’une manière raisonnable, à la lumière des renseignements contenus dans la proposition d’AMTEK, que la ressource proposée par cette dernière comptait manifestement le nombre nécessaire d’années d’expérience à titre de conseiller en matière nucléaire touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire.

21. TPSGC a soutenu que si l’interprétation que donne BMT-NOTRA de MT2 était acceptée, le libellé de MT2 devait, plutôt, prévoir ce qui suit :

« Le soumissionnaire doit démontrer que chaque ressource proposée compte au moins quatre (4) années d’expérience à titre de Conseiller en matière nucléaire exécutant, au titre de ressource dans le cadre d’un contrat, un mandat de conseiller et s’acquittant directement de l’obligation de conseiller une entité autorisée soit par la Commission canadienne de sûreté nucléaire soit par le Directeur général – Sûreté nucléaire en vue de la conformité efficace aux normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire auxquels l’entité doit se conformer16  ».

[Traduction]

22. TPSGC a soutenu que l’interprétation de MT2 donnée par BMT-NOTRA ne correspond pas au langage clair et simple de la DP et que l’interprétation appliquée par les évaluateurs techniques reflétait une interprétation raisonnable de MT2, lu dans le bon contexte.

23. À cet égard, TPSGC a soutenu que le Tribunal ne devrait pas intervenir dans une décision rendue par les évaluateurs techniques sauf dans les cas où elle serait réputée déraisonnable au vu des éléments de preuve ou d’autres renseignements qui, à son avis, font foi.

24. Dans Northern Lights Aerobatic Team, Inc. 17 , le Tribunal a déclaré ce qui suit :

[...]

51. Une entité acheteuse satisfera à ses obligations aux termes [du paragraphe 506(6) de l’ACI et de l’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA] lorsqu’elle procédera « [...] à une évaluation raisonnable, de bonne foi, des documents de soumission concurrents présentés en réponse à [l’invitation] [...] ». Le Tribunal interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable.

52. Dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, renvoyant à la décision précédemment rendue par la Cour suprême du Canada dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit :

La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

De l’avis du Tribunal, le même principe s’applique à l’examen par le Tribunal des évaluations d’une entité acheteuse aux termes des accords commerciaux. Par le passé, le Tribunal a affirmé qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure.

[...]

[Notes omises]

25. La question dont le Tribunal est saisi est donc celle de savoir si la détermination de TPSGC selon laquelle le conseiller en matière nucléaire proposé par AMTEK répondait aux exigences de MT2 était raisonnable étant donné les circonstances. La détermination de TPSGC sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal.

26. Le Tribunal conclut que MT2 peut se subdiviser en quatre sous-critères obligatoires, dont deux portent sur le fond et les deux autres sont d’ordre temporel. Selon le Tribunal, MT2 prescrit qu’une ressource proposée doit compter i) au moins quatre années d’expérience (critère temporel) ii) à titre de conseiller en matière nucléaire (critère de fond) iii) touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire (critère de fond) iv) au cours des 10 dernières années (critère temporel).

27. Étant donné la nature et la portée des allégations dont le Tribunal est saisi, les questions d’ordre temporel n’entreront en jeu que si le Tribunal devait conclure que TPSGC a interprété les critères de fond d’une manière déraisonnable.

28. Le Tribunal observe que l’expression « conseiller en matière nucléaire » n’a pas été définie dans la DP et pourrait, dans son sens large, désigner toute personne donnant des conseils relatifs à des questions liées au domaine nucléaire. Le Tribunal est d’avis que l’expression, dans le contexte de son emploi dans la DP, doit se rapporter logiquement aux 25 tâches et produits à livrer énoncés pour le conseiller en matière nucléaire à la section 3.8 de l’ÉT.

29. Quant au deuxième critère de fond selon lequel les avis donnés devaient être des avis « touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire », ce critère, selon le Tribunal, dénote une nette intention de restreindre le sens de l’expression « conseiller en matière nucléaire », pour les fins de l’invitation à soumissionner. Le Tribunal doit donc examiner plus à fond la signification des expressions « touchant » et « normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire ».

30. Dans CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général) 18 , la Cour suprême du Canada a examiné l’expression « preuve touchant la commission d’une infraction » et déclaré ce qui suit :

D’après son sens ordinaire, l’expression « preuve touchant la commission d’une infraction » est compréhensive et englobe tous les éléments qui pourraient jeter la lumière sur les circonstances d’un événement qui paraît constituer une infraction. Selon le sens naturel et ordinaire de cette expression, est visé par le mandat tout ce qui a trait ou se rapporte logiquement à l’incident faisant l’objet de l’enquête, aux parties en cause et à leur culpabilité éventuelle.

Cette interprétation s’appuie sur le sens donné par le juge Dickson à une expression pratiquement identique dans l’arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 39 :

À mon avis, les mots « quant à » ont la portée la plus large possible. Il signifie, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large. [Je souligne.]19

31. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que l’expression « touchant » est destinée à exprimer un lien de la plus vaste extension possible entre deux sujets connexes qui, en l’espèce, sont l’expérience du conseiller en matière nucléaire proposé et les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire.

32. Quant à l’expression « les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire », bien qu’elle ne soit pas expressément définie dans la DP, le Tribunal est d’avis qu’elle prend logiquement tout son sens par renvoi au régime global de réglementation du Canada dans le domaine nucléaire, y compris l’éventail des activités de la CCSN et du DGSN et les divers règlements administratifs, règlements et dispositifs connexes produits par ces deux entités dans le cadre de leurs divers secteurs de responsabilités.

33. Par conséquent, en tenant compte de :

i) la large portée juridiquement associée à l’expression « touchant » et d’autres expressions similaires,

ii) l’éventail des activités de la CCSN et du DGSN et des divers règlements administratifs, règlements et documents de réglementation connexes ainsi que les directives et ordonnances que ces entités produisent,

iii) le vaste éventail des responsabilités du conseiller en matière nucléaire telles qu’elles sont énoncées à la section 3.8 (Tâches et produits à livrer) de l’ÉT,

iv) la norme de révision pertinente,

le Tribunal conclut que l’interprétation faite par BMT-NOTRA de l’expression « conseiller en matière nucléaire touchant les normes et règlements canadiens dans le domaine nucléaire » est indûment étroite et non corroborée par l’interprétation de cette expression dans le contexte global de la DP20 . Le Tribunal conclut, plutôt, que l’interprétation faite par TPSGC reflète une lecture raisonnable, éclairée par le contexte, des critères de fond pour MT2. Étant donné la conclusion qui précède, il n’est pas nécessaire que le Tribunal examine la question de savoir si la ressource proposée d’AMTEK satisfaisait ou non aux critères d’ordre temporel pour MT2.

34. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

Frais

35. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte. Le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) et est d’avis que le degré de complexité de la plainte correspond au premier degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1).

36. La Ligne directrice fonde l’évaluation du degré de complexité sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public était moyenne, en ce sens qu’il portait sur un projet moyennement indéfini, à savoir des services permanents de gestion technique et d’ingénierie, à commander au fur et à mesure des besoins. La complexité de la plainte était faible, car elle traitait de l’interprétation d’une seule disposition ou d’un seul critère. Enfin, la complexité de la procédure était faible, en ce sens qu’il n’y a pas eu de requête, de partie intervenante et d’audience publique, que le délai de 90 jours a été respecté et que les parties n’ont pas été tenues de déposer des renseignements au-delà de la portée normale de la procédure. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

37. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

38. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par BMT-NOTRA. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

5 . Plainte, onglet 6 au para. 3.

6 . Plainte, onglet 7.

7 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

8 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

9 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

10 . Plainte, onglet 2 au para. 5.

11 . Plainte, onglet 3 aux para. 5, 6.

12 . TPSGC a souligné que la liste n’était pas complète et que cette section avertit spécifiquement les soumissionnaires que « [l]es tâches énumérées sont comprises, mais sans s’y limiter, dans [...] » [traduction].

13 . L.R.C. 1985, c. N-28.

14 . L.C. (1992), c. 37.

15 . L.C. 1997, c. 9.

16 . RIF à la p. 15.

17 . (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE).

18 . [1999] 1 R.C.S. 743.

19 . [1999] 1 R.C.S. 743 aux pp. 750-751.

20 . Le Tribunal observe que BMT-NOTRA concède implicitement, au paragraphe 6(5) de l’onglet 2 de sa plainte, que son interprétation pourrait être jugée trop étroite et que MT2 pourrait admettre une interprétation d’une plus vaste portée : « Enfin, en prévision d’une proposition selon laquelle la portée de ma définition du mot “expérience” est en l’espèce trop étroite [...] » [traduction].