NEOSOFT TECHNOLOGIES INC.


NEOSOFT TECHNOLOGIES INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2008-061

Décision et motifs rendus
le mercredi 5 août 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Neosoft Technologies Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

NEOSOFT TECHNOLOGIES INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à Neosoft Technologies Inc. une indemnisation en reconnaissance des profits qu’elle a perdus parce qu’elle a été privée du contrat en question. Le calcul du montant de la perte de profit sera fondé sur le prix soumis par Neosoft Technologies Inc. dans la proposition qu’elle a présentée en réponse à l’invitation no K8A01-080193/A qui portait sur l’acquisition d’un système de contrôle pour dynamomètre par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux au nom du ministère de l’Environnement.

En se fondant sur cette recommandation, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que Neosoft Technologies Inc. et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux négocient le montant de l’indemnisation et lui fassent rapport du résultat de la négociation dans les 30 jours suivant la date de la présente décision. Si les deux parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnisation, Neosoft Technologies Inc. déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours suivant la date de la présente décision, ses observations sur la question de l’indemnisation. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux disposera de 7 jours ouvrables après la réception des observations de Neosoft Technologies Inc. pour déposer ses observations en réponse. Neosoft Technologies Inc. disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception des observations en réponse du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour déposer ses observations supplémentaires.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Neosoft Technologies Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Directeur :

Dominique Laporte

   

Enquêteur principal :

Michael W. Morden

   

Enquêteur :

Josée B. Leblanc

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

 

Alain Xatruch

   

Partie plaignante :

Neosoft Technologies Inc.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services

 

gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 

Karina Fauteux

 

Alex Kaufman

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 25 mars 2009, Neosoft Technologies Inc. (Neosoft) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur le marché public (invitation no K8A01-080193/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de l’Environnement (EC) pour la fourniture d’un système de contrôle pour dynamomètre.

2. Neosoft allègue que sa proposition a été évaluée de façon irrégulière. Plus particulièrement, elle allègue que sa proposition n’a pas été évaluée selon les critères énoncés dans la demande de proposition (DP). À titre de mesure corrective, Neosoft demande que le Tribunal recommande qu’elle soit dédommagée pour sa perte de profit relative à ce marché public. Neosoft demande également le remboursement des frais qu’elle a engagés relativement à la plainte et à la préparation de sa proposition en réponse à la DP.

3. Le 31 mars 2009, le Tribunal avisait les parties qu’il acceptait d’enquêter sur la plainte, puisque celle-ci répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Le 2 avril 2009, TPSGC accusait réception de la plainte de Neosoft et confirmait qu’un contrat avait été octroyé à Innosiv Engineering Inc. (Innosiv).

4. Le 15 mai 2009, TPSGC déposait auprès du Tribunal le rapport de l’institution fédérale (RIF), accompagné de deux pièces confidentielles. Le 22 mai 2009, Neosoft déposait ses observations sur le RIF. Le 8 juin 2009, le Tribunal transmettait les deux pièces confidentielles à Neosoft, après avoir reçu l’accord de TPSGC. Le 11 juin 2009, Neosoft déposait ses observations sur ces pièces.

5. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. Le 19 novembre 2008, TPSGC publiait la DP par l’entremise du système MERX3 . La clôture des soumissions avait lieu le 14 janvier 2009. Selon TPSGC, trois soumissionnaires, dont Neosoft et Innosiv, ont présenté des propositions en réponse à la DP. Seule la proposition d’Innosiv a été jugée conforme.

7. Le 28 janvier 2009, Neosoft envoyait un courriel à TPSGC afin de connaître les résultats du marché public. Le 29 janvier 2009, TPSGC envoyait, à deux reprises, des questions à Neosoft concernant sa proposition. Le même jour, Neosoft répondait à ces questions. Le 5 février 2009, Neosoft envoyait un courriel à TPSGC afin d’obtenir des nouvelles concernant le marché public et de savoir si sa proposition était la moins-disante. Le même jour, TPSGC répondait à Neosoft que le contrat avait été adjugé à Innosiv sans mentionner si sa proposition était la moins-disante. Le 10 mars 2009, Neosoft envoyait un courriel à TPSGC demandant le montant du contrat adjugé à Innosiv. Le 12 mars 2009, TPSGC informait Neosoft du montant du contrat (48 200 $ plus taxes). Le même jour, Neosoft demandait des explications à TPSGC étant donné que sa proposition était de 35 280 $ plus taxes, donc offrait un prix plus bas que celui d’Innosiv, et que la DP prévoyait que « [l]a soumission recevable au prix global le plus bas sera recommandée en vue de l’attribution d’un contrat » [traduction]. Encore le même jour, TPSGC répondait que la proposition de Neosoft ne satisfaisait pas aux critères de l’évaluation technique. Le même jour, Neosoft demandait à TPSGC de lui indiquer les critères exacts auxquels sa proposition technique ne satisfaisait pas ainsi que de lui envoyer la liste des critères d’évaluation qui avaient été utilisés et les résultats de son évaluation. Le 13 mars 2009, TPSGC indiquait à Neosoft les deux critères d’évaluation qu’elle n’avait pas respectés. Le même jour, Neosoft avisait TPSGC qu’elle ne trouvait pas ces deux critères d’évaluation dans la DP et demandait s’ils avaient été disponibles pendant la période d’invitation.

8. Le 16 mars 2009, n’ayant pas reçu de réponse de TPSGC, Neosoft présentait son opposition à TPSGC l’avisant qu’il y avait un important problème puisque les deux critères d’évaluation utilisés par TPSGC n’étaient pas inclus dans la DP et que, de plus, Neosoft satisfaisait à ces deux critères. Neosoft demandait aussi que le contrat lui soit attribué ou qu’elle soit dédommagée pour ses pertes. Le 18 mars 2009, TPSGC envoyait à Neosoft une réponse préparée par EC qui fournissait des renseignements sur les caractéristiques et les avantages de la soumission d’Innosiv par rapport à celle de Neosoft. Le 25 mars 2009, après avoir tenté une dernière fois de clarifier la situation auprès de TPSGC, Neosoft déposait sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

9. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, qui, en l’occurrence, sont l’Accord sur le commerce intérieur 4 et l’Accord de libre-échange nord-américain 5 . Selon les renseignements fournis dans la plainte, le marché visait des biens ayant une valeur estimative moindre que les seuils monétaires applicables en vertu de l’Accord sur les marchés publics 6 et de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili 7 . Par conséquent, le Tribunal considère que les accords en question ne s’appliquent pas en l’espèce.

10. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

11. L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA prévoit, d’une façon similaire, que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ».

12. Par conséquent, il s’agit de déterminer si TPSGC a évalué les soumissions conformément aux critères d’évaluation énoncés dans la DP.

13. Les dispositions de la DP qui sont pertinentes en l’espèce prévoient ce qui suit :

PARTIE 4 – PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

[...]

1.1.1 Critères techniques obligatoires

Pour qu’une soumission soit jugée recevable, le soumissionnaire doit respecter les conditions applicables de la DP et se conformer à l’annexe « A » – Exigences.

[...]

2. Méthode de sélection

2.1 Méthode de sélection – Critères techniques obligatoires seulement

Une soumission doit respecter les exigences de la demande de soumissions et satisfaire à tous les critères d’évaluation techniques obligatoires pour être déclarée recevable. La soumission recevable au prix global le plus bas sera recommandée en vue de l’attribution d’un contrat.

[...]

ANNEXE « A » – EXIGENCES

Tous les travaux doivent être exécutés conformément aux :

SPÉCIFICATIONS DES EXIGENCES D’ENVIRONNEMENT CANADA APPLICABLES AU SYSTÈME DE CONTRÔLE D’UN DYNAMOMÈTRE À CHÂSSIS À 4 ROUES MOTRICES.

Spécifications sur le logiciel de contrôle du dynamomètre à châssis (à 4 et 2 roues motrices) / à moteur

La Division de la recherche et de la mesure des émissions met à niveau les systèmes de contrôle de ces dynamomètres à châssis et à moteur. Le nouveau système est muni d’un contrôleur d’ordinateur programmable à l’aide des composantes de National Instruments ©.

Il permet de simuler l’inertie pour contrôler le dynamomètre à châssis.

Il a la capacité de contrôler les unités d’absorption du courant à partir de freins magnétiques, de moteurs monophasés et de moteurs CC.

Il permet le contrôle PID de la vitesse, du couple et de la position du papillon du moteur testé.

Il permet d’effectuer un contrôle en suivant une trace sur un fichier informatique.

Il permet d’acquérir des données multicanaux à des taux ajustables.

Il possède au moins 32 entrées numériques (de 5 VDC à 250 VAC).

Il possède au moins 4 entrées de mesure de fréquence.

Il possède au moins 16 sorties numériques.

Il possède au moins 8 entrées pour thermocouples.

Il possède au moins 16 entrées générales (< 10VDC).

Il permet de modifier/d’ajouter facilement des canaux pour des instruments spéciaux.

Il possède une interface utilisateur personnalisable reposant sur National Instruments Labview ©.

Il est muni d’alarmes intégrées qui sont personnalisables.

Son matériel repose sur des composantes de National Instruments ©.

[Traduction]

14. D’après le courriel de TPSGC du 13 mars 2009, les deux seuls critères d’évaluation que Neosoft n’avait pas respectés sont les suivants :

Possède beaucoup d’expérience dans le contrôle de processus ou de l’expérience connexe des dynamomètres. Il s’agit d’un projet complexe et l’expérience dans ce domaine est essentielle à sa réussite (non conforme).

Des membres de l’équipe possèdent de l’expertise en génie électrique. Étant donné la présence de haute tension/courant élevé, d’un transformateur, de moteurs et de beaucoup de câblage, un ingénieur électricien doit faire partie de l’équipe sélectionnée puisque la principale fonction du projet consiste à contrôler tout ce matériel de manière sécuritaire (non conforme).

[Traduction]

15. Neosoft soutient donc que sa proposition a été évaluée sur la base de critères qui n’étaient pas énoncés dans la DP. Elle est d’ailleurs de l’avis que le contrat aurait dû lui être attribué puisque sa proposition satisfaisait à tous les critères obligatoires de la DP et proposait un prix plus bas que celle de l’adjudicataire.

16. Dans son RIF, TPSGC concède que la plainte de Neosoft a du mérite en ce qui a trait à l’évaluation des propositions. Selon TPSGC, la proposition de Neosoft a été rejetée en fonction de critères qui n’auraient pas dû être utilisés. Par conséquent, il est d’avis que le Tribunal devrait accueillir la plainte. Par contre, il indique qu’il n’y a pas lieu d’accorder une indemnisation à Neosoft puisque sa proposition n’était quand même pas conforme aux exigences techniques de la DP. TPSGC concède toutefois que Neosoft devrait avoir droit au remboursement des frais liés à la préparation et au traitement de la plainte.

17. Le Tribunal convient avec Neosoft et TPSGC que la proposition de Neosoft a été évaluée en fonction de critères qui n’étaient pas énoncés dans la DP. En effet, il est clair que les deux critères d’évaluation mentionnés dans le courriel du 13 mars 2009 de TPSGC ne se retrouvaient pas dans la DP et que, par conséquent, ils n’auraient pas dû être utilisés pour rejeter la proposition de Neosoft. Le Tribunal conclut donc que TPSGC a enfreint le paragraphe 506(6) de l’ACI et l’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA en évaluant et en rejetant la proposition de Neosoft en fonction de critères qui n’étaient pas énoncés dans la DP, tel que cité plus haut.

18. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que la plainte de Neosoft est fondée.

Mesure corrective

19. Ayant déterminé que la plainte est fondée, le Tribunal doit maintenant recommander un moyen convenable de réparer le préjudice causé à Neosoft.

20. Dans le cadre de la recommandation d’une mesure corrective, le Tribunal est régi par les paragraphes 30.15(2), 30.15(3) et 30.15(4) de la Loi sur le TCCE, qui prévoient ce qui suit :

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d’offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

(4) Le Tribunal peut, sous réserve des règlements, accorder au plaignant le remboursement des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres.

21. Par conséquent, pour recommander une mesure corrective appropriée en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché en question, y compris les facteurs énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Ce faisant, le Tribunal a aussi tenu compte des observations faites par TPSGC et Neosoft quant au redressement approprié.

22. Le Tribunal estime que l’application de critères non énoncés dans la DP est une irrégularité grave dans la procédure de passation du marché public. Le Tribunal est d’avis qu’une lacune d’une telle gravité relativement à l’évaluation de soumissions porte un préjudice important à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication dans son ensemble. Le Tribunal fait observer que, si les experts techniques avaient considéré que des critères techniques additionnels étaient nécessaires afin de sélectionner le meilleur soumissionnaire, ils auraient pu simplement les inclure dans la DP lorsqu’elle a été rédigée. Bien que les éléments de preuve en l’espèce ne permettent pas de conclure que les évaluateurs ont agi de mauvaise foi, il demeure néanmoins qu’il y a eu une irrégularité grave dans la procédure.

23. Pour ce qui est du préjudice causé à Neosoft, TPSGC soutient que la procédure n’a en effet causé aucun tort à Neosoft en sus des frais liés à la plainte, étant donné que sa proposition ne satisfaisait pas à plusieurs des critères techniques de la DP. Donc, selon TPSGC, aucune indemnisation ne doit être accordée à Neosoft puisqu’elle n’aurait pas eu droit au contrat. TPSGC a soumis de la documentation de ses experts techniques dans laquelle les experts indiquaient que la solution proposée par Neosoft ne serait pas réalisable telle que proposée et fournissaient des exemples de problèmes qui seraient peut-être survenus si elle avait été acceptée8 . De plus, TPSGC indique, pour des raisons qui n’avaient pas été mentionnées dans son courriel du 13 mars 2009, que la solution proposée par Neosoft ne satisfaisait pas à quatre des critères techniques énoncés à l’annexe A de la DP.

24. Pour sa part, Neosoft allègue que les soi-disant non-conformités techniques invoquées par TPSGC dans le RIF sont des détails d’une importance négligeable et ont seulement été présentés après le dépôt de sa plainte au Tribunal. Selon elle, étant donné que sa proposition a été rejetée uniquement en fonction de critères qui n’étaient pas énoncés dans la DP, il est raisonnable de croire que le contrat lui aurait été attribué si ces critères n’avaient pas été utilisés. De toute façon, elle allègue que sa proposition respectait les exigences techniques de la DP puisque sa proposition indiquait qu’il était possible que certains des éléments de la solution proposée soit modifiés après un examen détaillé des systèmes actuels. Dans le pire des scénarios, Neosoft prétend qu’elle aurait assumé le coût supplémentaire de quelques composantes qui ne représenterait qu’un très faible pourcentage du prix proposé.

25. Le Tribunal doit considérer si le résultat de la procédure d’évaluation aurait été différent si les évaluateurs n’avaient pas appliqués les deux critères contestés à la soumission technique de Neosoft. Le 12 mars 2009, Neosoft demandait à TPSGC des explications détaillées des résultats de l’évaluation. Spécifiquement, Neosoft posait les questions suivantes : « Pourriez-vous me dire exactement ce qui n’était pas satisfaisant dans notre proposition technique? Pourriez-vous m’envoyer la liste des critères d’évaluation qui ont été utilisés, ainsi que le résultat de notre évaluation9 ? » Le 13 mars 2009, TPSGC informait clairement Neosoft des motifs pour lesquels sa proposition avait été rejetée.

26. S’il y avait eu d’autres critères significatifs contribuant à la décision de TPSGC de rejeter la proposition de Neosoft, le Tribunal considère que TPSGC les auraient indiqués dans son courriel, compte tenu de la demande de Neosoft d’une explication détaillée.

27. Par conséquent, d’après les renseignements au dossier, le Tribunal est d’avis que si les évaluateurs avaient compris que ces deux critères ne devaient pas être utilisés, TPSGC aurait conclu que la proposition de Neosoft était conforme. Même s’il y avait des défauts techniques importants dans la proposition de Neosoft, comme l’allègue TPSGC, il reste que ces éléments n’étaient pas des éléments de motivation dans la décision de rejeter la proposition de Neosoft et celle-ci aurait ainsi été acceptée comme étant conforme. Par conséquent, le Tribunal conclut que Neosoft a subi un préjudice d’avoir perdu l’occasion de gagner le marché et d’en profiter.

28. Le Tribunal est donc d’avis que la mesure corrective appropriée en est une qui reconnaît les profits que Neosoft aurait pu tirer du contrat si ce dernier lui avait été adjugé. En tenant compte des circonstances du présent marché public, un facteur important qui s’applique à la présente affaire est le fait que la livraison des marchandises a sans doute déjà été faite.

29. Puisque TPSGC a déclaré qu’un seul autre soumissionnaire avait présenté une soumission conforme, et qu’il est clair que la proposition de Neosoft était plus basse que celle de l’autre soumissionnaire, le Tribunal recommande que TPSGC verse à Neosoft une indemnisation en reconnaissance des profits que cette dernière a perdus parce qu’elle a été privée du contrat en question. Le calcul du montant de la perte de profit sera fondé sur le prix soumis par Neosoft dans la proposition qu’elle a présentée en réponse à l’invitation no K8A01-080193/A.

Frais

30. Le Tribunal accorde à Neosoft le remboursement des frais raisonnables qu’elle à engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

31. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire donnée par le Tribunal relativement à la présente affaire est que son degré de complexité correspond au plus bas degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 1). La complexité du marché lui-même était faible, étant donné qu’il visait seulement un produit et comprenait un élément lié à la mise en service. La complexité de la plainte était faible, car elle ne portait que sur une évaluation fondée sur une liste de caractéristiques précises qui déterminaient la réussite ou l’échec. Enfin, la complexité de la procédure était aussi faible, puisque TPSGC a convenu que la plainte était fondée, qu’il n’y avait aucune requête ou partie intervenante, et qu’une audience ne s’est pas avérée nécessaire. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

32. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

33. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC verse à Neosoft une indemnisation en reconnaissance des profits qu’elle a perdus parce qu’elle a été privée du contrat en question. Le calcul du montant de la perte de profit sera fondé sur le prix soumis par Neosoft dans la proposition qu’elle a présentée en réponse à l’invitation no K8A01-080193/A qui portait sur l’acquisition d’un système de contrôle pour un dynamomètre par TPSGC pour le compte d’EC.

34. En se fondant sur cette recommandation, le Tribunal recommande que Neosoft et TPSGC négocient le montant de l’indemnisation et lui fassent rapport du résultat de la négociation dans les 30 jours suivant la date de la présente décision. Si les deux parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnisation, Neosoft déposera auprès du Tribunal, dans les 40 jours suivant la date de la présente décision, ses observations sur la question de l’indemnisation. TPSGC disposera de 7 jours ouvrables après la réception des observations de Neosoft pour déposer ses observations en réponse. Neosoft disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception des observations en réponse de TPSGC pour déposer ses observations supplémentaires.

35. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Neosoft le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

6 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

7 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997).

8 . Version confidentielle du RIF, onglet A (documentation confidentielle des experts techniques).

9 . Plainte de Neosoft à la p. 4.