TELUS COMMUNICATIONS COMPANY


TELUS COMMUNICATIONS COMPANY
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2009-017

Décision rendue
le lundi 21 septembre 2009

Motifs rendus
le jeudi 8 octobre 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par TELUS Communications Company aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur (dissidence du membre Fry) recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux achève le processus de vérification de la référence client de TELUS Communications Company conformément aux exigences de l’invitation no EN869-068067/C, en particulier, 1) en vérifiant le sens de la réponse donnée par la personne-ressource de la référence client, originellement fournie par TELUS Communications Company, à la question portant sur l’expérience obligatoire du soumissionnaire dans le questionnaire du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux ayant trait à la fourniture d’« au moins deux numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins cinq pays internationaux différents » [traduction] pendant six mois consécutifs du 19 mars 2004 au 18 mars 2009 et, si nécessaire, 2) en déterminant si une autre référence client fournie par TELUS Communications Company (provenant de la même organisation cliente) peut confirmer l’expérience du soumissionnaire par rapport à ce critère.

Si le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux reçoit confirmation que TELUS Communications Company possède l’expérience requise, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande soit que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux résilie le contrat adjugé à Rogers Communications Inc. et que celui-ci soit adjugé à TELUS Communications Company et que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à TELUS Communications Company une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés à partir de la date d’entrée en vigueur du contrat adjugé à Rogers Communications Inc. jusqu’à la date de l’adjudication subséquente du contrat à TELUS Communications Company, soit que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux verse à TELUS Communications Company une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés au cours de la durée de quatre ans du contrat si elle avait été l’adjudicataire. Le calcul du montant des profits sera fondé sur le prix indiqué dans la proposition présentée par TELUS Communications Company. En outre, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux n’exerce pas d’option de prolongation du contrat au-delà de la durée initiale de quatre ans.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande que TELUS Communications Company et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux négocient le montant de l’indemnisation et lui fassent rapport du résultat de la négociation dans les 30 jours suivant la date d’émission de l’énoncé des motifs de la présente décision.

Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnisation, TELUS Communications Company déposera auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, dans les 40 jours suivant la date d’émission de l’énoncé des motifs de la présente décision, ses observations sur la question de l’indemnisation. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception des observations de TELUS Communications Company pour déposer ses observations en réponse. TELUS Communications Company disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception des observations en réponse du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour déposer des observations supplémentaires.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à TELUS Communications Company le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 9 septembre 2009

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant
Pasquale Michaele Saroli, membre
Stephen A. Leach, membre

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Gestionnaire de l’enquête :

Michael W. Morden

   

Enquêteur :

Josée B. Leblanc

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Georges Bujold

   

Partie plaignante :

TELUS Communications Company

   

Conseillers juridiques pour la partie plaignante :

Gordon Cameron
Nancy Brooks

   

Partie intervenante :

Rogers Communications Inc.

   

Conseillers juridiques pour la partie intervenante :

C.J. Michael Flavell, c.r.
Martin G. Masse
Corinne Brulé

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Elizabeth Richards

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 

Karina Fauteux

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 22 juin 2009, TELUS Communications Company (TELUS) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte concerne l’invitation no EN869-068067/C émise par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de divers ministères en vue de la prestation de services sans frais de gestion intelligente des communications, de réponse vocale dialoguée et d’alimentation sans coupure.

2. TELUS soutient que TPSGC n’a pas agi conformément aux termes implicites et explicites de la demande de propositions (DP) quant à l’exécution raisonnable et diligente de la vérification des références requises, ce qui a eu pour résultat que TPSGC n’a pas suivi la procédure d’évaluation énoncée dans la DP. TELUS soutient aussi que TPSGC a, pendant la période d’évaluation, ajouté à un critère d’évaluation un passage qui a eu une incidence sur la façon dont sa proposition a été évaluée. Pour ces motifs, TELUS s’est opposée à la façon dont TPSGC a tenu ce marché public et à la décision d’adjuger le contrat à Rogers Communications Inc. (Rogers). Selon TELUS, si TPSGC avait agi avec vigilance et respecté la procédure d’évaluation énoncée dans la DP, il n’aurait pas déclaré sa proposition non conforme à un critère obligatoire. À titre de mesure corrective, TELUS demande ce qui suit : 1) que TPSGC résilie le contrat adjugé à Rogers et qu’il soit adjugé à TELUS; subsidiairement, 2) que TELUS reçoive une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement pu s’attendre à réaliser si sa soumission n’avait pas été rejetée. TELUS demande aussi de recevoir une indemnisation d’un montant égal aux frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa proposition en réponse à la DP et le dépôt de sa plainte auprès du Tribunal.

3. Le 29 juin 2009, le Tribunal avisait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 7 juillet 2009, le Tribunal accordait la qualité de partie intervenante à Rogers. Le 27 juillet 2009, TPSGC déposait le rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 6 août 2009, Rogers déposait ses observations sur le RIF. Le 7 août 2009, TELUS déposait ses observations sur le RIF.

5. Le 17 août 2009, le Tribunal avisait les parties qu’il tiendrait une audience publique concernant l’interprétation à donner à la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP, qui prévoit ce qui suit :

Autre référence client provenant des mêmes organisations : Si, durant l’évaluation des soumissions, il devient manifeste qu’une référence client est incapable de confirmer l’expérience du soumissionnaire, le soumissionnaire aura l’occasion de fournir, [dans les] 24 heures [suivant] la demande faite par l’autorité contractante, une seule référence client (provenant de la même organisation cliente) qui peut confirmer l’expérience du soumissionnaire. Si l’autre référence client provenant de cette organisation est elle aussi incapable de confirmer que le soumissionnaire possède l’expérience requise, la soumission sera déclarée irrecevable et ne fera l’objet d’aucun examen ultérieur.

[Traduction]

6. Le Tribunal tenait l’audience le 9 septembre 2009. L’audience était limitée aux conseillers juridiques qui avaient présenté leurs arguments respectifs et répondu aux questions du Tribunal.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

7. Les 8 novembre 2006 et 18 septembre 2007, TPSGC diffusait des demandes de renseignements (DDR) pour obtenir les commentaires de soumissionnaires intéressés à la prestation de services téléphoniques sans frais à l’intention du gouvernement. D’après TELUS, quatre grandes sociétés de télécommunications canadiennes, y compris TELUS et Rogers, recevaient la possibilité de communiquer leurs commentaires sur ce qui allait devenir la DP en question. Le 23 décembre 2008, par l’intermédiaire du MERX3 , TPSGC diffusait la DP en question en vue de l’établissement d’un contrat de quatre ans, assorti de trois options de prolongation d’un an chacune, en vue de la prestation de services sans frais de gestion intelligente des communications, de réponse vocale dialoguée et d’alimentation sans coupure. La période de soumission prenait fin le 18 mars 2009. Rogers et TELUS ont soumis toutes deux une proposition.

8. Une exigence obligatoire de la DP prévoit que le soumissionnaire doit fournir des références clients « [...] qui, collectivement, peuvent confirmer que le soumissionnaire [...] » [traduction] a fourni divers services requis4 . Dans la clause 4.2c)(i) de la partie 4 de la DP, TPSGC avise les soumissionnaires qu’il vérifiera seulement les références du soumissionnaire classé au premier rang. D’après TPSGC, après l’évaluation des propositions, mais avant les vérifications des références, TELUS était classée au premier rang des soumissionnaires.

9. Le 9 avril 2009, TPSGC faisait parvenir par courriel un questionnaire à la personne-ressource de la référence client de l’une des organisations désignées à titre de référence (Société X). Mise à part la possibilité de ne pas répondre à une question, le questionnaire n’offrait à la référence client d’autre choix que celui de répondre « OUI » ou « NON » aux quatre questions qu’il contenait. Le courriel, auquel le questionnaire était joint, demandait à la personne-ressource de la référence client de répondre dans les cinq jours ouvrables suivants, c.-à-d. au plus tard à la fermeture des bureaux le vendredi 17 avril 2009.

10. Le 15 avril 2009, TPSGC avisait TELUS qu’il n’avait pas encore reçu les réponses de certaines des organisations qu’elle avait désignées à titre de référence client, y compris de la Société X. Le même jour, la personne-ressource de la référence client à la Société X faisait parvenir sa réponse à TPSGC. Dans cette réponse, la personne-ressource de la référence client à la Société X choisissait « NON » dans la liste déroulante à la question 3 ayant trait à la fourniture d’« [...] au moins 2 numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins 5 pays internationaux différents [...] » [traduction] pendant six mois consécutifs du 19 mars 2004 au 18 mars 2009.

11. Compte tenu de cette réponse, TPSGC déterminait que la proposition de TELUS n’était pas conforme aux exigences obligatoires relatives à l’expérience énoncées dans la DP. Le 8 juin 2009, TPSGC adjugeait le contrat à Rogers et avisait TELUS de l’adjudication du contrat. D’après TPSGC, la réponse de l’organisation désignée à titre de référence client était claire et sans équivoque et, conformément aux dispositions de la DP, la préséance lui a été accordée par rapport aux renseignements divergents fournis par TELUS elle-même sur son expérience de la prestation des services sans frais en question.

12. Le 8 juin 2009, la personne-ressource de la référence client à la Société X qui avait répondu au questionnaire faisait parvenir un courriel à TPSGC pour l’informer que sa réponse à la question 3 était inexacte. La personne-ressource de la référence client transmettait à TPSGC un autre questionnaire rempli, dans lequel la réponse « OUI » était choisie dans les listes déroulantes à toutes les questions, y compris la question 3. Le 9 juin 2009, le superviseur de la personne-ressource de la référence client communiquait avec TPSGC pour confirmer que TELUS avait fourni les services sans frais en question et pour aviser TPSGC que l’erreur était attribuable au fait qu’à cause de son expérience antérieure, la personne-ressource de la référence client avait interprété l’expression « numéro universel de libre appel international (UIFN) » d’une manière différente de celle de TPSGC5 . Le 12 juin 2009, TPSGC avisait TELUS et la Société X que, puisque le délai de dépôt des renseignements soumis à titre de références était écoulé, l’éclaircissement susmentionné ne pouvait être pris en compte dans la procédure d’évaluation.

13. Le 12 juin 2009, TELUS présentait une opposition à TPSGC relativement à l’évaluation de sa proposition. Elle demandait aussi que le contrat adjugé à Rogers soit résilié et qu’il soit plutôt adjugé à TELUS.

14. Le 22 juin 2009, TELUS déposait sa plainte auprès du Tribunal.

15. Le 25 juin 2009, TPSGC répondait à l’opposition de TELUS, l’avisant que TPSGC n’avait eu aucune raison de mettre en doute la réponse claire et sans équivoque fournie par la personne-ressource de la référence client à la Société X. TPSGC ajoutait qu’il aurait été incorrect que TPSGC propose à la personne-ressource de la référence client de reconsidérer ou de modifier la réponse.

POSITION DES PARTIES

TELUS

16. TELUS soutient que TPSGC a élaboré une procédure d’évaluation dans laquelle la conformité à une condition obligatoire de l’invitation dépendait d’une tierce partie non intéressée désignée à titre de référence. Elle fait valoir que, de ce fait, le soumissionnaire était en fait exclu de la procédure de vérification des références dans l’invitation et que la réussite ou l’échec des efforts d’un soumissionnaire dépendait du caractère raisonnable, du soin et de la diligence de TPSGC dans l’exécution de la partie de la tâche qui lui incombait dans la détermination de la conformité aux exigences obligatoires au nom du soumissionnaire. TELUS soutient que si TPSGC choisit, comme il l’a fait en l’espèce, de répondre à un critère obligatoire de la proposition d’un soumissionnaire, alors une disposition implicite de la DP veut que TPSGC a le devoir de le faire d’une manière raisonnable et avec un soin minutieux. TELUS soutient que les parties escomptaient que TPSGC ferait preuve d’un tel soin minutieux pour s’assurer qu’il avait reçu une réponse valable et non pas n’importe quelle réponse. TELUS ajoute qu’il était déraisonnable pour TPSGC de conclure qu’elle désignerait une référence client faisant partie d’une organisation qui ne pouvait pas confirmer qu’elle avait fourni les services en question, que TELUS désignait par l’expression services globaux sans frais. TELUS fait valoir que, dans les deux procédures de DDR et à l’occasion d’une réunion d’information sur la DDR le 1er novembre 2007, TELUS a informé TPSGC verbalement et par écrit qu’elle était conforme au critère relatif aux services globaux sans frais. De plus, dans sa proposition, TELUS, avec renseignements détaillés à l’appui, déclare expressément que la Société X confirmera son expérience de la fourniture de services globaux sans frais. TELUS ajoute que TPSGC, lorsqu’il a omis d’agir d’une manière raisonnable et diligente, a manqué à son obligation de se conformer à une disposition implicite de la procédure d’évaluation et contrevenu à l’article 506 de l’Accord sur le commerce intérieur 6 .

17. TELUS soutient que TPSGC était de plus tenu de se conformer à la procédure d’évaluation explicitement énoncée dans la DP. Elle fait valoir que la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP stipule que si une référence est « [...] incapable de confirmer [...] » [traduction] l’expérience d’un soumissionnaire, TPSGC a l’obligation de retourner demander au soumissionnaire le nom d’une deuxième personne-ressource provenant de la même organisation. TELUS soutient que TPSGC a, à dessein, aux fins de la DP en question, élaboré un questionnaire électronique destiné aux références clients dans lequel seulement deux réponses étaient possibles : « OUI » ou « NON ». TELUS fait valoir que, compte tenu d’une telle structure, la seule manière dont une référence client pouvait répondre qu’elle était « [...] incapable de confirmer [...] » l’expérience d’un soumissionnaire était de répondre « NON » lorsqu’elle était confrontée au choix entre « OUI » ou « NON ». TELUS ajoute que si une réponse « NON » ne déclenchait pas l’obligation de demander le nom d’une autre personne-ressource à la Société X, alors en aucun cas TPSGC n’allait tenter d’obtenir le nom d’une deuxième personne-ressource auprès du soumissionnaire.

18. TELUS souligne par ailleurs que ce n’est qu’après avoir été avisée que le contrat ne lui serait pas adjugé qu’elle a découvert que TPSGC avait ajouté la phrase soulignée ci-après à la question se rapportant à la confirmation de la fourniture à l’organisation de la référence client des services décrits à la clause 3.2a)(iii)(D) de la partie 3 de la DP :

3/ Au moins 2 numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins 5 pays internationaux différents (le même numéro sans frais pour au moins 5 pays internationaux) pendant une période de 6 mois consécutifs, du 19 mars 2004 au 19 mars 2009. (Nota : nous désignons ce service par l’expression numéro universel de libre appel international (UIFN)).

[Traduction]

19. TELUS fait valoir que l’ajout de ce passage a joué en sa défaveur car elle n’était pas en mesure d’informer la Société X de la teneur dudit passage et, comme le soulignait le superviseur de la personne-ressource de la référence client dans un courriel daté du 9 juin 2009, « [...] [l]’erreur découle de l’interprétation différente du terme UIFN faite par [la personne-ressource de la référence client] et celle faite par TPSGC, attribuable à l’expérience antérieure particulière de [cette personne-ressource de la référence client] » [traduction].

20. TELUS affirme ne jamais désigner son service de numéro global sans frais par le terme « UIFN »; par conséquent, ses clients ne sont pas habitués à ce terme. Elle soutient qu’en s’éloignant du libellé de la DP, TPSGC a introduit une expression que TELUS n’a pas utilisée lorsqu’elle a informé la Société X de la procédure d’évaluation. TELUS fait valoir qu’en introduisant l’expression UIFN, TPSGC a introduit un nouveau facteur dans la procédure d’évaluation, ce qui est contraire à ses obligations en vertu de l’article 506 de l’ACI.

TPSGC

21. TPSGC soutient que la réponse non équivoque de la personne-ressource de la référence client indique que TELUS n’a pas fourni les services requis. TPSGC fait valoir que la position de TELUS n’est pas raisonnable, c.-à-d. que TPSGC aurait dû donner à TELUS une occasion de fournir le nom d’une autre personne-ressource provenant de la même organisation cliente qui contredirait son ou sa collègue et corrigerait ou modifierait la réponse précédente. TPSGC ajoute qu’il n’est ni raisonnable ni logique d’interpréter les dispositions de la DP comme étant destinées à aider les soumissionnaires à changer ou à modifier l’information fournie par leurs références clients. Il souligne qu’aucune ligne directrice n’indique, dans la DP, la façon dont TPSGC pondérerait les réponses différentes ou contradictoires et déciderait quelle réponse est la bonne. TPSGC soutient que cela montre bien la difficulté soulevée par l’interprétation que fait TELUS de la disposition de la DP ayant trait à une « Autre référence client ».

22. TPSGC avance qu’il incombait à TELUS de faire en sorte que la référence client qu’elle désignait dans sa soumission était informée sur la procédure et prête à fournir des réponses convenables au questionnaire. TPSGC ajoute avoir communiqué avec TELUS alors qu’il n’avait pas encore reçu de réponse de la Société X et qu’à ce moment, TELUS aurait dû elle-même faire preuve de diligence pour veiller à ce que la personne-ressource de la référence client à la Société X comprenne les questions et puisse confirmer que TELUS avait fourni les services prétendus. TPSGC souligne que TELUS allègue par ailleurs qu’il n’a pas soigneusement évalué la réponse « manifestement erronée » [traduction]. TPSGC dit avoir évalué convenablement et équitablement les réponses claires et sans équivoque de la personne-ressource de la référence client et qu’il aurait été injuste pour les autres soumissionnaires et incompatible avec la DP que TPSGC prenne des mesures menant à une modification des réponses de la Société X.

23. En ce qui a trait à la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP, TPSGC soutient qu’une lecture ordinaire de cette disposition établit qu’elle ne s’applique qu’au cas où une personne-ressource de la référence client aurait indiqué ne pas pouvoir répondre à une question. Par exemple, TPSGC soutient que la disposition de la DP concernant une « Autre référence client » était destinée à aider un soumissionnaire qui avait soumis le nom d’une personne-ressource de la référence client provenant d’une organisation qu’il était impossible de joindre (c.-à-d. qui était en congé, n’était plus à l’emploi de l’organisation, etc.) ou qui n’était pas au courant des services fournis par le soumissionnaire et était donc « incapable de confirmer » l’expérience du soumissionnaire ayant trait à la fourniture de services à l’organisation.

24. Quant à l’argument de TELUS selon lequel le libellé de la question 3 et celui de la clause 3.2a)(iii)(D) de la partie 3 de la DP sont différents, TPSGC soutient que, mis à part l’insertion de dates précises à l’intention des références clients, le questionnaire reprenait le libellé exact de la clause 3.2a)(iii)(D). TPSGC souligne que l’expression « numéro universel de libre appel international (UIFN) » était assortie d’un renvoi à plusieurs endroits dans la DP7 . TPSGC affirme aussi que rien ne fonde le commentaire du superviseur de la personne-ressource de la référence client selon lequel l’interprétation du terme « UIFN » faite par cette personne-ressource était différente de celle faite par TPSGC à cause de l’expérience antérieure particulière de cette personne-ressource de la référence client. Selon TPSGC, une telle observation confirme que la personne-ressource de la référence client voulait effectivement dire que TELUS n’avait pas fourni les services (sans égard à la question de savoir si cette réponse était fondée sur un malentendu), plutôt que de dire « ne peut pas confirmer » ou « ne sait pas ».

Rogers

25. Rogers est d’accord avec la position et les arguments de TPSGC. Elle ajoute que la plainte de TELUS est fondée, en partie, sur l’argument selon lequel TPSGC a contrevenu à une « disposition implicite » de la DP. Rogers fait valoir qu’il s’agit d’un argument fondé sur le droit des contrats et non sur celui des traités, qui ne peut fonder une plainte auprès du Tribunal. Rogers ajoute que l’ACI, qui fonde la compétence du Tribunal en l’espèce, impose à TPSGC de tenir la procédure d’évaluation d’une manière juste et transparente, ne défavorisant pas un soumissionnaire particulier. Elle ajoute que le devoir de TPSGC se rapporte à la procédure dans son ensemble et à l’ensemble des soumissionnaires et que l’ACI n’impose en aucune façon à TPSGC le devoir de traiter la soumission de TELUS en conformité avec quelque obligation de diligence particulière que ce soit.

26. Rogers soutient que le Tribunal a précédemment déclaré que lorsqu’ils examinent un élément obligatoire d’une proposition, les évaluateurs doivent le faire d’une manière stricte8 et que TPSGC n’a pas le pouvoir d’interpréter autrement l’information claire et sans ambiguïté fournie par TELUS ou, en l’espèce, par l’organisation de la référence client. Rogers soutient qu’il incombait à TELUS de faire en sorte que sa proposition soit conforme à tous les éléments essentiels, et particulièrement aux critères obligatoires de l’invitation, y compris en veillant à ce que sa référence client fournisse la confirmation requise. Ce fardeau lui incombait particulièrement, puisque TELUS pouvait assurer un suivi auprès de la référence client pour faire en sorte qu’elle soumette la confirmation nécessaire. D’après Rogers, rien n’indique que la personne-ressource de la référence client à la Société X ait exprimé une préoccupation quelconque, soit à TELUS soit à TPSGC, concernant le questionnaire ou son libellé, ou que cette personne-ressource ne pouvait pas répondre au questionnaire. Selon Rogers, pour faire droit à l’argument de TELUS, il faudrait que le Tribunal fasse dire à la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP quelque chose qu’elle ne dit pas.

27. Rogers fait valoir que la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP ne devait pas être déclenchée si la personne-ressource de la référence client était pleinement capable de répondre et, en fait, répondait. Rogers soutient que la clause 4.2c)(i) de la partie 4 de la DP prévoyait un cas où une référence client soumettrait des renseignements contradictoires par rapport à ceux fournis par un soumissionnaire et que cette clause informait les soumissionnaires que les réponses fournies par la référence client aurait préséance. Rogers ajoute que dans Fleetway, le Tribunal a averti TPSGC de ne pas demander à un soumissionnaire des éclaircissements sur la façon dont sa proposition satisfait une exigence obligatoire. Rogers fait valoir que le Tribunal a conclu qu’une telle demande d’éclaircissements, après le dépôt de tous les documents de soumission, constitue une modification non permise.

28. Quant à l’affirmation de TELUS au sujet de l’ajout d’un passage à la question 3 du questionnaire, Rogers soutient qu’il s’est agi d’une note entre crochets, précisant que TPSGC désigne « ce service » par l’expression « numéro universel de libre appel international ». Selon Rogers, TPSGC n’a pas ajouté de nouvelles qualifications techniques ni demandé à la référence de confirmer l’existence d’un service supplémentaire et n’a donc pas contrevenu à l’article 506 de l’ACI.

ANALYSE

Analyse de la majorité

29. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. De plus, à la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. En outre, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents. En l’espèce, seul l’ACI 9 s’applique.

30. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit : « [...] Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. » Cette exigence prévoit implicitement que l’entité acheteuse est tenue de procéder à l’évaluation des offres d’une manière équitable, en stricte conformité des méthodes et des critères d’évaluation qui ont été indiqués dans les documents d’appel d’offres.

31. L’alinéa 4.2a) de la partie 4 de la DP porte l’avertissement suivant relativement à l’évaluation technique :

Chaque soumission fera l’objet d’un examen pour déterminer si elle satisfait aux critères obligatoires de l’appel d’offres. Tous les éléments de l’appel d’offres qui sont des critères obligatoires sont expressément désignés par les mots « doit », « devra » ou « obligatoire ». Les soumissions qui ne sont pas conformes à chacun et à tous les critères obligatoires seront déclarées irrecevables et rejetées.

[Nos italiques, traduction]

32. Cet avertissement est réitéré à l’alinéa 4.3a) de la partie 4 de la DP :

Une offre doit être conforme aux exigences de l’appel d’offres et satisfaire à tous les critères obligatoires de l’évaluation technique pour être déclarée recevable.

[Nos italiques, traduction]

33. En vertu de la clause 3.2a)(iii) de la partie 3 de la DP, les coordonnées de la personne-ressource de la référence client constituaient un élément obligatoire de la soumission technique Cette clause prévoyait ce qui suit :

Coordonnées de la personne-ressource de la référence client (obligatoire à la clôture des soumissions) : Le soumissionnaire doit fournir dans sa soumission les coordonnées d’une personne-ressource relativement à une ou plusieurs références clients qui, collectivement, peuvent confirmer[...].

[Traduction]

34. Le fait que TELUS a satisfait à ce critère obligatoire en désignant une personne-ressource de ses références clients et en fournissant ses coordonnées n’est pas contesté.

35. La référence client devait confirmer, notamment, les services particuliers suivants :

[...] que le soumissionnaire a fourni à tous ses clients gouvernementaux et commerciaux, considérés collectivement, pendant 6 mois consécutifs durant les 5 années précédant immédiatement la date de clôture des soumissions :

[...]

(D) au moins 2 numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins 5 pays internationaux différents (le même numéro sans frais pour au moins 5 pays internationaux).

[Nos italiques, traduction]

36. Le Tribunal est donc d’avis que la DP informait les soumissionnaires qu’un critère obligatoire de la soumission technique était que le soumissionnaire devait désigner des références clients en mesure de fournir la confirmation décrite à la clause 3.2a)(iii) de la partie 3 de la DP.

37. Aux termes de la clause 4.2c)(i) de la partie 4 de la DP, la responsabilité de procéder aux vérifications des références clients dans le cadre de son évaluation technique des soumissions incombe exclusivement à TPSGC, comme il suit :

Le Canada vérifiera les références du soumissionnaire classé au premier rang seulement. Le Canada procédera à la vérification des références par écrit au moyen de courriels (sauf si la personne-ressource de la référence client ne peut être jointe que par téléphone). Le Canada fera parvenir des demandes de vérification des références par courriel à toutes les personnes-ressources désignées par le soumissionnaire classé au premier rang le même jour. Le Canada doit recevoir les réponses dans les 5 jours ouvrables suivants. Le troisième jour ouvrable après l’envoi des courriels, s’il n’a pas reçu de réponse, le Canada avisera le soumissionnaire par courriel, afin de permettre à ce dernier de communiquer directement avec sa référence pour veiller à ce que cette dernière réponde au Canada dans les 5 jours ouvrables. Dans chaque cas où l’information fournie par une référence sera différente de l’information fournie par le soumissionnaire, l’information fournie par la référence prévaudra.

[Nos italiques, traduction]

38. La portée de l’obligation de TPSGC de vérifier les références, qui fait partie intégrante de son évaluation technique de la soumission classée au premier rang, ne peut être déterminée à partir de la clause 4.2c)(i) de la partie 4 considérée isolément. Cette portée doit plutôt être déterminée par la lecture de cette clause dans le contexte de l’ensemble de la DP et, plus précisément, à la lumière du fait que, d’après les termes de l’invitation, la confirmation par la référence client de la fourniture des services décrits à la clause 3.2a)(iii) de la partie 3 de la DP était une condition préalable à l’adjudication du contrat au soumissionnaire classé au premier rang. Par conséquent, la conformité au paragraphe 506(6) de l’ACI aurait exigé que TPSGC, à qui incombait en vertu des dispositions sur l’évaluation des soumissions énoncées dans la DP la responsabilité de vérifier les références clients du soumissionnaire classé au premier rang (TELUS), procède à la vérification des références (y compris la formulation du questionnaire) d’une manière à obtenir des réponses claires et non équivoques des références désignées par le soumissionnaire.

39. Pour censément s’acquitter de son obligation prévue à la clause 4.2c)(i) de la partie 4 de la DP, TPSGC a fait parvenir un questionnaire à la personne-ressource de la référence client désignée à la Société X, ledit questionnaire portant ce qui suit :

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada

Service sans frais

Invitation no EN869-6-8067/C

Questions de vérification des références désignées dans la réponse du soumissionnaire

[...]

Telus a désigné votre organisation à titre de référence client en réponse à un appel d’offres de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), gouvernement du Canada (GC).

La définition des termes et des acronymes contenus dans les questions figure à la dernière page du présent document.

Veuillez confirmer que Telus a fourni à votre organisation les services suivants :

[...]

3/ Au moins 2 numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins 5 pays internationaux différents (le même numéro sans frais pour au moins 5 pays internationaux) pendant une période de 6 mois consécutifs, du 19 mars 2004 au 18 mars 2009. (Nota : nous désignons ce service par l’expression numéro universel de libre appel international [UIFN]).

Réponse de confirmation : CHOISIR [cliquer sur ce champ affichait une liste déroulante comprenant l’invite « SÉLECTION » offrant les choix « OUI » et « NON »]

[Nos italiques, traduction]

40. Le questionnaire comprenait également un glossaire des termes utilisés. En ce qui a trait à la plainte, le glossaire fournissait la définition suivante :

Terme

Définition

[...]

[...]

UIFN

Le service de numéro universel de libre appel international permet d’accéder au même numéro sans frais à partir de multiples endroits internationaux.

[Traduction]

41. Personne ne conteste le fait que la structure du menu déroulant du questionnaire était conçue de sorte que l’invite de sélection ne permettait qu’une de deux réponses électroniques au choix, à savoir « OUI » ou « NON », relativement à chacun des services précisés pour lequel la confirmation de la référence client était recherchée. À cet égard, le questionnaire ne comprenait aucun champ distinct permettant à la référence client de poser des questions ou de présenter des observations.

42. Malgré les affirmations contraires de TPSGC et de Rogers, la réponse « NON » d’une référence client n’était ni claire ni sans équivoque, puisque les limites inhérentes à la structure « OUI » et « NON » du questionnaire ne permettaient pas une telle clarté. En ce sens, la réponse « NON » d’une référence client concernant le troisième service énuméré dans la liste devait être interprétée à la lumière du sommaire d’introduction du questionnaire électronique de TPSGC, qui portait ce qui suit : « Veuillez confirmer que Telus a fourni à votre organisation les services suivants [...] » [nos italiques, traduction]. Comprise de cette façon, la réponse « NON » aurait pu signifier ce qui suit : 1) que le service n’avait effectivement pas été fourni, 2) que la référence client ne pouvait donner la confirmation demandée parce qu’elle ne savait pas si le service avait ou non été fourni ou 3) que la référence client ne pouvait pas donner la confirmation demandée parce qu’elle ne comprenait pas la description du service particulier visé par la demande de confirmation. Par conséquent, une réponse « NON », considérée objectivement, n’était ni claire ni sans équivoque10 .

43. Étant donné l’ambiguïté inhérente d’une réponse « NON » relativement à l’un ou l’autre des critères de service décrits dans le questionnaire tel que structuré par TPSGC lui-même et le fait que cet exercice visait à confirmer la conformité de la soumission de TELUS, le paragraphe 506(6) de l’ACI obligeait TPSGC à veiller à procéder à la vérification des références et à l’évaluation de manière à obtenir une réponse claire et sans équivoque de la référence client de TELUS. À ce titre, de l’avis du Tribunal, TPSGC avait l’obligation d’aller au-delà de la réponse « NON » fournie par la personne-ressource de la référence client à la Société X pour en discerner la véritable signification. À ce titre, de l’avis du Tribunal, TPSGC se devait de déterminer si la réponse fournie par la référence client différait véritablement de l’information fournie par le soumissionnaire, comme le prescrit la clause 4.2c)(i) de la partie 4 de la DP et, par extension, le paragraphe 506(6) de l’ACI.

44. L’ambiguïté aurait pu être évitée si TPSGC avait, par exemple, inclus la troisième option « INCAPABLE DE CONFIRMER » dans son questionnaire électronique et/ou avait simplement reformulé le sommaire d’introduction comme il suit afin d’obtenir une réponse non équivoque : « TELUS a-t-elle fourni à votre organisation les services suivants? ». Toutefois, il ne l’a pas fait, et il ne peut s’exonérer maintenant de son obligation aux termes de la DP de procéder à une vérification des références adéquate en affirmant, notamment, que son interprétation de la réponse « NON » était « raisonnable ».

45. Dans Northern Lights Aerobatic Team, Inc. 11 , le Tribunal a déclaré ce qui suit :

51. Une entité acheteuse satisfera à ses obligations aux termes [du paragraphe 506(6) de l’ACI] lorsqu’elle procédera « [...] à une évaluation raisonnable, de bonne foi, des documents de soumission concurrents présentés en réponse à [l’invitation] [...] ». Le Tribunal interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable.

52. Dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, renvoyant à la décision précédemment rendue par la Cour suprême du Canada dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit :

La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le Tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

[Notes omises]

46. Le Tribunal est d’avis que le même principe s’applique à l’examen par le Tribunal des évaluations d’une entité acheteuse régies par les accords commerciaux. Par le passé, le Tribunal a affirmé qu’il ne substituerait pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’il n’ait pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure12 .

47. En l’espèce, étant donné l’ambiguïté inhérente à une réponse « NON », qui se prête raisonnablement à au moins trois interprétations possibles en raison de la façon dont TPSGC a choisi de formuler son questionnaire, il n’existe aucune explication défendable à l’appui de la décision de TPSGC d’interpréter ce « NON » comme signifiant que le service n’a pas été fourni.

48. Le Tribunal fait observer qu’en vertu de la clause 2.1c) de la partie 2 de la DP, la clause uniformisée d’achat ci-après est intégrée par renvoi dans l’appel d’offres :

2.1 Instructions, clauses et conditions uniformisées

[...]

c) Le document 2003 (2008-05-12) Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels, est incorporé par renvoi dans l’appel d’offres et en fait partie intégrante. En cas de conflit entre les dispositions de 2003 et le présent document, le présent document prévaut.

[Nos italiques, traduction]

49. Il convient de prendre particulièrement note de la section 15 du document « 2003 (2008-12-12) Instructions uniformisées – Biens ou services – Besoins concurrentiels », qui prévoit ce qui suit :

15 Déroulement de l’évaluation

1. Lorsque le Canada évalue les soumissions, il peut, sans toutefois y être obligé, effectuer ce qui suit :

a) demander des précisions ou vérifier l’exactitude de certains renseignements ou de tous les renseignements fournis par les soumissionnaires relatifs à la demande de soumissions;

b) communiquer avec l’une ou toutes les personnes citées en référence pour vérifier et attester l’exactitude des renseignements fournis par les soumissionnaires;

[...]

[Nos italiques]

50. Toutefois, même s’il était possible de plaider que l’obligation de TPSGC aux termes de la DP, correctement comprise, d’effectuer la vérification des références jusqu’à une conclusion claire et sans équivoque est contradictoire par rapport à la discrétion que lui accorde la section 15 ci-dessus de vérifier ou de valider certains renseignements ayant trait aux références clients, la première disposition prévaudrait conformément à la disposition sur la résolution des conflits intégrée dans la clause 2.1c) de la partie 2 de la DP.

51. Enfin, le Tribunal n’est pas convaincu par l’affirmation selon laquelle chercher au-delà de la réponse « NON » donnée par la référence client aurait équivalu à une modification de la soumission13 , puisqu’il ne se serait agi de rien de plus que la deuxième étape de l’exercice de vérification des références de TPSGC, rendue nécessaire par la manière dont TPSGC a choisi de structurer son questionnaire en premier lieu14 . En effet, la vérification et la validation par TPSGC de la réponse de la référence client à son questionnaire auraient tout à fait été conformes au pouvoir discrétionnaire conféré à TPSGC par la section 15 ci-dessus.

52. La deuxième étape de l’exercice de vérification des références était également nécessaire pour élucider « manifestement » la question de savoir si la référence client était « incapable » de fournir la confirmation demandée à cause de son ignorance quant à savoir si le service avait effectivement été ou non fourni, ou de son incapacité à comprendre la description du service spécifique visé par la demande de confirmation, autrement dit pour savoir s’il y avait lieu d’invoquer la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP15 , qui prévoit ce qui suit :

Autre référence client provenant des mêmes organisations : Si, durant l’évaluation des soumissions, il devient manifeste qu’une référence client est incapable de confirmer l’expérience du soumissionnaire, le soumissionnaire aura l’occasion de fournir, [dans les] 24 heures [suivant] la demande faite par l’autorité contractante, une seule référence client (provenant de la même organisation cliente) qui peut confirmer l’expérience du soumissionnaire. Si l’autre référence client provenant de cette organisation est elle aussi incapable de confirmer que le soumissionnaire possède l’expérience requise, la soumission sera déclarée irrecevable et ne fera l’objet d’aucun examen ultérieur.

[Nos italiques, traduction]

53. Compte tenu que TPSGC ne s’est pas acquitté des obligations que lui conférait la DP en conformité avec le paragraphe 506(6) de l’ACI, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

Analyse du membre Fry

54. Je suis d’accord avec mes collègues sur le fait que la plainte est fondée, mais pour des motifs différents.

55. Il n’est pas contesté que TELUS était le soumissionnaire recevable ayant présenté la soumission au prix total le plus bas (c.-à-d. le soumissionnaire classé au premier rang). Il n’est pas non plus contesté que TPSGC a fait parvenir, par courrier électronique, un questionnaire (reproduit dans l’analyse de la majorité) à la personne-ressource de la référence client que TELUS avait désignée, que la personne-ressource de la référence client, en réponse à la question concernant les services décrits à la clause 3.2a)(iii)(D) de la partie 3 de la DP, a choisi la réponse « NON » dans le menu déroulant du questionnaire et que la personne-ressource de la référence client a retourné le questionnaire à TPSGC sans soumettre d’autres observations sur ce point.

56. Les clauses 3.2a)(iv) et 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP exigent que TPSGC prenne des mesures supplémentaires dans certaines situations propres aux communications avec (ou aux tentatives de communication avec) des références clients. Ces clauses prévoient ce qui suit :

(iv) Correction des coordonnées des personnes-ressources de la référence client : Si, durant l’évaluation des soumissions, il devient manifeste que les coordonnées de l’un quelconque des représentants sont erronées, il sera permis au soumissionnaire de fournir l’adresse, le numéro de téléphone, le numéro de télécopieur ou l’adresse électronique exacts. Si la personne désignée n’est pas disponible au moment nécessaire durant la période d’évaluation, le soumissionnaire peut fournir le nom et les coordonnées d’une autre personne-ressource provenant de la même organisation cliente. Il ne sera pas permis aux soumissionnaires de soumettre une autre organisation cliente à titre de référence après la clôture des soumissions.

(v) Autre référence client provenant des mêmes organisations : Si, durant l’évaluation des soumissions, il devient manifeste qu’une référence client est incapable de confirmer l’expérience du soumissionnaire, le soumissionnaire aura l’occasion de fournir, [dans les] 24 heures [suivant] la demande faite par l’autorité contractante, une seule référence client (provenant de la même organisation cliente) qui peut confirmer l’expérience du soumissionnaire. Si l’autre référence client provenant de cette organisation est elle aussi incapable de confirmer que le soumissionnaire possède l’expérience requise, la soumission sera déclarée irrecevable et ne fera l’objet d’aucun examen ultérieur.

[Traduction]

57. La clause 3.2a)(iv) de la partie 3 de la DP permet à un soumissionnaire de corriger les coordonnées de la personne-ressource de sa référence client, dont son adresse par exemple, s’il devient manifeste que l’information initialement fournie est erronée. Cette clause permet aussi au soumissionnaire de soumettre une autre référence client s’il devient manifeste que la référence client initialement fournie n’est pas disponible au moment voulu durant la période d’évaluation. Aucune de ces situations ne s’applique aux faits de l’espèce.

58. De plus, la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP permet à un soumissionnaire de fournir une autre référence client « [s]i, durant l’évaluation des soumissions, il devient manifeste qu’une référence client est incapable de confirmer l’expérience d’un soumissionnaire [...] » [traduction].

59. TPSGC n’a pas donné à TELUS l’occasion de fournir une autre référence client. Cette omission s’explique du fait que TPSGC considérait que la portée de l’expression « incapable de confirmer l’expérience du soumissionnaire » n’englobe que les situations où une référence client est incapable de répondre à une question sur les références parce qu’elle ne dispose pas de suffisamment d’information. Selon TPSGC, l’expression susmentionnée ne s’applique pas à une situation où la référence client indique que les services en question n’ont pas été fournis. De l’avis de TPSGC, la réponse « NON » qu’il a reçue dans le cas qui fait l’objet de l’espèce signifiait que la référence client indiquait que les services n’avaient pas été fournis.

60. À mon avis, selon l’usage normal des mots, plusieurs types différents de circonstances peuvent donner lieu à une situation où une personne est « incapable de confirmer » un fait allégué. Par exemple, cette personne peut être « incapable de confirmer » un fait parce qu’elle considère que l’allégation de fait est inexacte ou, par ailleurs, parce qu’elle ne détient pas suffisamment d’information pour savoir si cette allégation est inexacte ou non.

61. Selon moi, il est impossible de conclure clairement si la réponse « NON » de la référence client de TELUS signifie que les services en question n’ont pas été fournis par cette dernière ou que la référence client ne possédait pas suffisamment d’information pour savoir s’ils avaient été fournis. Toutefois, à mon avis, toujours selon l’usage ordinaire des mots, comme je l’ai précédemment indiqué, ces deux possibilités entrent dans la portée de l’expression « incapable de confirmer ».

62. TPSGC et Rogers n’ont pas pu montrer au Tribunal une disposition précise quelconque de la DP en général, ou s’inscrivant dans le contexte de la clause 3.2a)(v) de la partie 3 en particulier, qui exigerait une interprétation plus stricte de l’expression en cause.

63. À mon avis, la structure de l’ensemble de la DP porte à croire que l’interprétation plus large est celle qu’il y a lieu de privilégier en l’espèce. Aux termes de la DP, si une référence client ne confirme pas qu’un soumissionnaire fournit les services en question, la soumission de ce dernier est alors rejetée, ce qui est de toute évidence une conséquence extrêmement grave pour ce dernier. La clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP semble être la seule clause à offrir la possibilité de corriger une situation où la référence client aurait commis une erreur, c.-à-d. lorsque les services en question ont effectivement été fournis, mais que la référence client, par erreur, répond par la négative. Si l’interprétation étroite préconisée par TPSGC dans son argumentation était retenue, la soumission d’un soumissionnaire qui a offert les services en question pourrait quand même être déclarée irrecevable à cause d’un éventail de réponses erronées de la personne-ressource de la référence client sur lesquelles le soumissionnaire n’a aucune emprise, par exemple une erreur de fait, une erreur de frappe au clavier (de sorte que le choix « NON » est saisi plutôt que « OUI ») ou une réponse intentionnellement erronée que pourrait donner une personne-ressource de la référence client qui aurait une dent contre TELUS ou son propre employeur. La possibilité d’un tel résultat dramatique, attribuable à des circonstances qui échappent à la volonté du soumissionnaire, porte à croire qu’une interprétation libérale convient mieux ici, au vu de l’ensemble de la DP.

64. À la lumière de ce qui précède, je suis d’avis que l’expression « incapable de confirmer » doit être interprétée dans son sens large et que, dans le cas particulier qui fait l’objet de l’espèce, la réponse de la référence client signifiait que manifestement la personne-ressource de la référence client était « incapable de confirmer l’expérience du soumissionnaire ». Par conséquent, la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP exigeait de TPSGC qu’il donne à TELUS l’occasion de fournir, dans les 24 heures suivant la demande par l’autorité contractante, une seule référence client provenant de la même organisation cliente qui pouvait confirmer l’expérience de TELUS.

65. Étant donné que TPSGC n’a pas satisfait à cette exigence, je considère que la plainte est fondée.

Mesure corrective (point de vue de la majorité)

66. Lorsqu’il recommande une mesure corrective, le Tribunal est régi par les paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, qui prévoient ce qui suit :

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d’offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

67. Par conséquent, dans sa décision de recommander des mesures correctives pertinentes en l’espèce, le Tribunal, en conformité avec le paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, a tenu compte de tous les facteurs intervenant dans le marché visé, y compris les observations des parties en ce qui a trait aux mesures correctives possibles.

68. À cet égard, aucun élément de preuve ne porte à croire, et le Tribunal ne croit pas, que l’une ou l’autre des parties a agi de mauvaise foi.

69. Cependant, le défaut de TPSGC de procéder à la vérification des références en conformité avec les critères de la DP a constitué une grave irrégularité dans la procédure des marchés publics étant donné qu’aux termes de l’invitation la confirmation par la référence client de la fourniture des services comme le prescrit la clause 3.2a)(iii) de la partie 3 de la DP était un critère obligatoire pour que la soumission technique soit déclarée recevable.

70. Le défaut de TPSGC de procéder correctement à la vérification des références a nui aux intérêts de TELUS, qui était le soumissionnaire classé au premier rang. De plus, puisque TELUS avait présenté la soumission la moins-disante, ce défaut de TPSGC de procéder correctement à la vérification des références a empêché l’atteinte d’un objectif clé du mécanisme d’adjudication qui, comme le précise l’article 501 de l’ACI, est de « [...] réduire les coûts d’achat [...] »

71. Rogers soutient que le Tribunal doit prendre en compte le fait qu’elle a amorcé l’exécution du contrat depuis son adjudication. Elle ajoute qu’il ne serait pas indiqué que le Tribunal recommande la résiliation du contrat à un moment où considérablement de temps et d’argent ont été engagés de bonne foi et que l’exécution du contrat est bien en cours. Rogers ajoute que la demande de TELUS qui veut que le contrat soit résilié et que celui-ci lui soit adjugé n’est pas justifiée compte tenu des circonstances. Elle fait valoir que TELUS est responsable du défaut de la référence client à fournir les réponses affirmatives requises au questionnaire. Rogers soutient que, de ce fait, TELUS ne devrait pas avoir droit aux avantages du contrat et ajoute que si elle a droit à quoi que ce soit, ce pourrait être au remboursement des frais de préparation de sa soumission.

72. Le Tribunal prend acte de la déclaration de Rogers selon laquelle elle a déjà franchi d’importantes étapes en vue de l’exécution du contrat. Toutefois, même s’il a été adjugé, le contrat ne doit débuter qu’en décembre 2009 et sa durée pourrait s’étendre, au total, sur quatre ans et se prolonger au-delà, étant donné les trois prolongations facultatives d’un an chacune. En outre, l’indemnisation de Rogers, si le contrat devait être résilié, sera une question à régler entre Rogers et TPSGC.

73. Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal recommande ce qui suit :

1. que TPSGC remplisse son obligation prévue dans la DP d’effectuer le processus de vérification des références jusqu’à sa conclusion sans équivoque et définitive 1) en vérifiant le sens de la réponse donnée par la personne-ressource de la référence client, originellement fournie par TELUS, à la question portant sur l’expérience obligatoire du soumissionnaire dans le questionnaire de TPSGC ayant trait à la fourniture d’« [a]u moins deux numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins 5 pays internationaux différents » pendant six mois consécutifs du 19 mars 2004 au 18 mars 2009 et, si nécessaire, 2) en déterminant si une autre référence client fournie par TELUS (provenant de la même organisation cliente) peut confirmer l’expérience du soumissionnaire par rapport à ce critère;

2. si, à la suite de la recommandation 1) ci-dessus, TPSGC reçoit confirmation que le service a été dispensé, que TPSGC, à son choix :

a) résilie le contrat adjugé à Rogers et que celui-ci soit adjugé à TELUS et que TELUS reçoive une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés à partir de la date d’entrée en vigueur du contrat adjugé à Rogers jusqu’à la date de l’adjudication subséquente du contrat à TELUS;

b) ou s’il décide de ne pas résilier le contrat, verse à TELUS une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés au cours de la durée initiale de quatre ans du contrat;

3. que TPSGC laisse le contrat expirer après sa durée initiale de quatre ans sans exercer d’options de prolongation.

Mesure corrective (point de vue du membre Fry)

74. Les pièces de correspondance en provenance de la personne qui était désignée à titre de référence client de TELUS et du superviseur de cette personne après la réponse initiale à la vérification des références indiquent clairement que cette personne estimait, en fait, que TELUS avait offert les services en question à cette organisation désignée comme référence client. Par conséquent, à mon avis, il est clair que si TPSGC avait donné à TELUS une occasion de fournir une autre référence, cette autre personne aurait confirmé que TELUS avait fourni les services en question. Le cas échéant, TELUS aurait remporté le contrat, puisqu’elle était le soumissionnaire le moins-disant.

75. Par conséquent, je recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC, à son choix :

a) soit résilie le contrat adjugé à Rogers et que celui-ci soit adjugé à TELUS, et que TELUS reçoive une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés à partir de la date d’entrée en vigueur du contrat adjugé à Rogers jusqu’à la date de l’adjudication subséquente du contrat à TELUS;

b) soit, s’il décide de ne pas résilier le contrat, verse à TELUS une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés au cours de la durée initiale de quatre ans du contrat et laisse le contrat expirer après sa durée initiale de quatre ans sans exercer d’option de prolongation.

Frais

76. Le Tribunal accorde à TELUS le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) et est d’avis que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré moyen de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 2). La Ligne directrice fonde l’évaluation du degré de complexité sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public était moyenne, car celui-ci visait la prestation de services liés à un projet défini. La complexité de la plainte était moyenne, puisqu’elle portait sur l’interprétation de critères d’évaluation ambigus. Enfin, la complexité de la procédure était également moyenne, car même si une audience orale a été tenue, la question en litige était simple, il n’y a pas eu de requête, il n’y a eu qu’une seule partie intervenante et le délai de 90 jours a été respecté. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 2 400 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

77. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

78. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal (dissidence du membre Fry) recommande que TPSGC achève le processus de vérification de la référence client de TELUS conformément aux exigences de l’invitation no EN869-068067/C, en particulier, 1) en vérifiant le sens de la réponse donnée par la personne-ressource de la référence client, originellement fournie par TELUS, à la question portant sur l’expérience obligatoire du soumissionnaire dans le questionnaire de TPSGC ayant trait à la fourniture d’« au moins deux numéros globaux sans frais aboutissant au Canada qui ont été utilisés pour des appels provenant d’au moins cinq pays internationaux différents » [traduction] pendant six mois consécutifs du 19 mars 2004 au 18 mars 2009 et, si nécessaire, 2) en déterminant si une autre référence client fournie par TELUS (provenant de la même organisation cliente) peut confirmer l’expérience du soumissionnaire par rapport à ce critère.

79. Si TPSGC reçoit confirmation que TELUS possède l’expérience requise, le Tribunal recommande soit que TPSGC résilie le contrat adjugé à Rogers et que celui-ci soit adjugé à TELUS et que TPSGC verse à TELUS une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés à partir de la date d’entrée en vigueur du contrat adjugé à Rogers jusqu’à la date de l’adjudication subséquente du contrat à TELUS, soit que TPSGC verse à TELUS une indemnisation d’un montant égal aux profits qu’elle aurait raisonnablement réalisés au cours de la durée de quatre ans du contrat si elle avait été l’adjudicataire. Le calcul du montant des profits sera fondé sur le prix indiqué dans la proposition présentée par TELUS. En outre, le Tribunal recommande que TPSGC n’exerce pas d’option de prolongation du contrat au-delà de sa durée initiale de quatre ans.

80. Le Tribunal recommande que TELUS et TPSGC négocient le montant de l’indemnisation et lui fassent rapport du résultat de la négociation dans les 30 jours suivant la date d’émission de l’énoncé des motifs de la présente décision.

81. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant de l’indemnisation, TELUS déposera auprès du Tribunal, dans les 40 jours suivant la date d’émission de l’énoncé des motifs de la présente décision, ses observations sur la question de l’indemnisation. TPSGC disposera ensuite de 7 jours ouvrables après la réception des observations de TELUS pour déposer ses observations en réponse. TELUS disposera ensuite de 5 jours ouvrables après la réception des observations en réponse de TPSGC pour déposer des observations supplémentaires.

82. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TELUS le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S. /93-602 [Règlement].

3 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

4 . DP, partie 3, section I, division 3.2a)(iii)(D).

5 . Plainte, onglet L-2.

6 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

7 . TPSGC a fait référence aux sections 4.3.1.2, 4.3.3.1 et 4.3.3.2 de l’« Énoncé de travail » joint en annexe A à la DP.

8 . Re plainte déposée par Fleetway Inc. (21 avril 2004), PR-2003-075 (TCCE) [Fleetway].

9 . Selon les codes de la Classification fédérale des approvisionnements, les services en question sont classés sous le numéro d’identification des biens et services D304A, « Transmission de données » qui, conformément à la section B de l’annexe 1001.1b-1 de l’Accord de libre-échange nord-américain, est exclu dans la liste du Canada. D’une façon similaire, la section B de l’annexe Kbis-01.1-4 de l’Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili exclut les services en question pour le Canada. L’annexe 4 de l’Accord sur les marchés publics, qui renferme la liste des services visés pour le Canada, n’inclut pas les services en question.

10 . À cet égard, le Tribunal est d’accord avec TELUS sur le fait que cette structure particulière du questionnaire est un facteur important et que nulle part dans le questionnaire la personne-ressource de la référence client ne pouvait présenter une observation quelconque. Par exemple, nulle part la référence client pouvait-elle indiquer « Ne comprend pas », « Incertain » ou d’autres observations de cette nature. Voir la plainte, para. 53-54.

11 . Re plainte déposée par Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE).

12 . Re plainte déposée par Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom d’excelITR) (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE); Re plainte déposée par Vita-Tech Laboratories Ltd. (18 janvier 2006), PR-2005-019 (TCCE); Re plainte déposée par Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. (23 juin 2003), PR-2002-060 (TCCE).

13 . L’expression « modification de la soumission » désigne un changement ou une modification à une soumission, soit par le soumissionnaire soit par l’entité acheteuse, après la date limite de réception des soumissions.

14 . Toutefois, si à la deuxième étape de la vérification la référence client initiale avait confirmé que la réponse « NON » voulait dire que le service n’avait pas été fourni et que TPSGC avait néanmoins poursuivi et invoqué la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP pour demander une autre référence client, cela aurait constitué, de l’avis du Tribunal, une modification non permise de la soumission.

15 . À cet égard, il ressort manifestement d’une lecture contextuelle de la clause 3.2a)(v) de la partie 3 de la DP que ladite clause n’est destinée qu’à prévoir les situations où la personne désignée de l’organisation de la référence client est incapable de fournir la confirmation demandée à cause d’un défaut de connaissances ou de compréhension. Plus précisément, compte tenu que la clause 3.2a)(iii) exige, au titre de condition de recevabilité de la soumission technique, que le soumissionnaire désigne une ou plusieurs références clients qui peuvent confirmer la prestation de chacun des services qui y sont énumérés et que la clause 3.2a)(iv) prévoit les cas de coordonnées erronées des personnes-ressources et de non-disponibilité de la référence client, il semble logique d’interpréter la clause 3.2a)(v) comme étant destinée à prévoir les autres situations où la référence client est incapable de fournir les confirmations essentielles à cause de son ignorance quant à savoir si oui ou non le service en question a effectivement été fourni ou de son incapacité à comprendre la description du service visé par la demande de confirmation. Le Tribunal est d’avis que la clause 3.2a)(v) ne doit pas être interprété comme offrant la possibilité de modifier une réponse d’une référence client. Cette opinion est confirmée dans la phrase de conclusion de la clause 4.2c)(i) de la partie 4 de la DP qui prévoit ce qui suit : « Dans chaque cas où l’information fournie par une référence sera différente de l’information fournie par le soumissionnaire, l’information fournie par la référence prévaudra » [nos italiques, traduction]. Plus précisément, si une réponse « NON » claire et sans équivoque d’une référence client initiale n’est pas jugée concluante, c.-à-d. si l’information divergente fournie par l’« autre référence client » dont il est fait mention à la clause 3.2a)(v) était la seule information déterminante de la question de savoir si un service énuméré avait ou non été effectivement fourni, alors ce fait aurait normalement été indiqué dans le libellé de la phrase de conclusion de la clause 4.2c)(i). Toutefois, selon le Tribunal, l’emploi du mot « référence » plutôt que de l’expression « autre référence client » dans la disposition sur la primauté de la clause 4.2c)(i) est un emploi délibéré et révélateur de l’intention selon laquelle, qu’elle provienne de la référence initiale ou de l’autre « référence », une réponse claire et sans équivoque qu’un service énuméré n’avait pas été fourni prévaudrait sur les affirmations divergentes du soumissionnaire et serait jugée déterminante. Le Tribunal est d’accord avec les arguments avancés par Rogers sur ce point (voir Transcription de l’audience publique, 9 septembre 2009, aux pp. 84-85). En effet, attribuer une plus vaste portée à l’expression « incapable de confirmer » qui se trouve dans la clause 3.2a)(v) de sorte qu’elle engloberait également les cas de négation que des services particuliers aient été fournis soulèverait la possibilité très concrète de réponses contradictoires de la référence client, provenant de la même organisation, en ce qui a trait à l’expérience du soumissionnaire.