IMSTRAT CORPORATION INC.


IMSTRAT CORPORATION INC.
Dossier no PR-2009-049

Décision prise
le lundi 28 septembre 2009

Décision et motifs rendus
le vendredi 2 octobre 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

IMSTRAT CORPORATION INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) pour les services d’un exploitant de surveillance de l’Arctique.

3. ImStrat Corporation Inc. (ImStrat) allègue que TPSGC :

1) a incorrectement adjugé un contrat à un soumissionnaire non conforme, en particulier que le soumissionnaire n’a pas respecté le Code de conduite pour l’approvisionnement 3 en ce qui concerne les situations de conflit d’intérêts;

2) a incorrectement évalué la proposition d’ImStrat, en particulier que TPSGC a omis de prendre en considération de façon raisonnable l’expérience de ses ressources humaines proposées.

4. Le 20 juillet 2009, TPSGC émettait une demande de propositions (DP) (invitation no W8474-06JS28/B) pour les services d’un exploitant de surveillance de l’Arctique. Le 1er septembre 2009, TPSGC avisait ImStrat que, bien que sa soumission avait répondu à tous les critères obligatoires et avait été déclarée conforme, elle n’avait pas reçu la note la plus élevée et un contrat avait été adjugé à MDA Geospatial Services Incorporated (MDA). Le 2 septembre 2009, ImStrat présentait une opposition à TPSGC concernant l’évaluation de sa proposition et lui faisait part de ses préoccupations au sujet d’une situation de conflit d’intérêts concernant MDA. Le 8 septembre 2009, TPSGC fournissait à ImStrat un résumé de son évaluation technique. Le 22 septembre 2009, ImStrat déposait sa plainte auprès du Tribunal.

5. L’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine si les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain 4 , au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur 5 , à l’Accord sur les marchés publics 6 ou au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili 7 , selon le cas. En l’espèce, les quatre accords commerciaux s’appliquent.

PREMIER MOTIF

6. Dans sa plainte, ImStrat affirme que MDA est propriétaire du satellite RADARSAT-2 et que cette dernière a conclu des contrats de licence avec le Canada lui permettant d’utiliser le satellite et les images qu’il recueille. Elle affirme aussi qu’en plus des données spécifiées dans le contrat de licence, MDA offre des services et des produits à valeur ajoutée ayant trait aux images du RADARSAT-2.

7. ImStrat allègue que l’adjudication du contrat à MDA donne lieu à un conflit d’intérêts étant donné que MDA est propriétaire du RADARSAT-2 et les fonctions et les responsabilités particulières de l’exploitant de surveillance de l’Arctique. Selon ImStrat, MDA n’est pas en mesure de bien exécuter le contrat parce que la personne-ressource occupant ce poste tentera forcément de réaliser des ventes à valeur ajoutée pour MDA plutôt que de limiter les services aux besoins de la mission du MDN.

8. Le Tribunal fait remarquer que la DP renferme une clause qui traite précisément de la question du conflit d’intérêts. La clause 17 du document « 2003, Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels (2008-12-12) » est incorporée par renvoi dans la DP et prévoit ce qui suit :

17 Conflit d’intérêts / Avantage indu

1. Afin de protéger l’intégrité du processus d’approvisionnement, les soumissionnaires sont avisés que le Canada peut rejeter une soumission dans les circonstances suivantes :

a) le soumissionnaire, un de ses sous-traitants, un de leurs employés respectifs, actuels ou anciens, a participé d’une manière ou d’une autre à la préparation de la demande de soumissions;

b) le Canada juge que le soumissionnaire, un de ses sous-traitants, un de leurs employés respectifs, actuels ou anciens, a eu accès à des renseignements relatifs à la demande de soumissions qui n’étaient pas à la disposition des autres soumissionnaires et que cela donne a soumissionnaire un avantage indu.

2. Le Canada ne considère pas, qu’en soit, l’expérience acquise par un soumissionnaire qui fournit ou a fourni les biens et services décrits dans la demande de soumissions (ou des biens et services semblables) représente un avantage indu en faveur du soumissionnaire ou crée un conflit d’intérêts. Ce soumissionnaire demeure cependant assujetti aux critères énoncés plus [haut].

9. La plainte ne renferme aucun élément de preuve qui indique que MDA a participé à l’élaboration de l’invitation à soumissionner ou qu’elle avait accès à des renseignements connexes à l’invitation à soumissionner dont les autres soumissionnaires n’ont pu se prévaloir. À ce titre, le Tribunal ne constate aucun élément de preuve d’un conflit d’intérêts lors du processus d’invitation. MDA s’est classée au premier rang à l’issue de l’évaluation et, par conséquent, le contrat lui a été adjugé. De l’avis du Tribunal, toute allégation selon laquelle la personne-ressource de MDA profiterait de son poste afin de vendre des services superflus n’est que spéculation sur ce qui pourrait ou non se produire après l’adjudication du contrat et, à ce titre, cette question ne relève pas de la compétence du Tribunal.

10. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’indique pas de façon raisonnable que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents.

DEUXIÈME MOTIF

11. ImStrat soutient que les évaluateurs n’ont pas évalué sa soumission conformément aux critères énoncés dans la DP. En particulier, elle soutient que les évaluateurs n’ont pas tenu compte de façon raisonnable des critères techniques cotés et qu’ils ont attribué, de manière déraisonnable, une note de zéro à l’égard de certains des critères cotés.

12. ImStrat soutient qu’afin d’évaluer le caractère raisonnable des notes attribuées à sa soumission, on doit tenir compte du fait que tous les évaluateurs étaient des employés du MDN qui avaient travaillé avec les ressources humaines proposées par ImStrat, dans le cadre d’autres projets ou contrats et que, par conséquent, ils connaissaient l’expérience de ces derniers.

13. Le Tribunal est d’avis que, lors de l’évaluation d’une soumission, les évaluateurs ne peuvent évaluer les éléments d’une proposition qu’en utilisant les critères d’évaluation énoncés dans les documents d’appel d’offres. Bien que les évaluateurs puissent avoir à utiliser leur connaissance de l’usage courant et technique du vocabulaire pertinent afin d’interpréter ce qui est énoncé dans la soumission, il est inapproprié pour eux d’utiliser un savoir personnel qui dépasse le domaine du savoir général ou de chercher des renseignements manquants en dehors de la soumission. Autrement dit, les soumissions doivent se suffire à elles-mêmes, et les évaluateurs ne peuvent substituer leur savoir personnel aux renseignements fournis par un soumissionnaire, peu importe si les renseignements sont vagues ou incomplets.

14. La DP prévoit que « [l]e soumissionnaire doit fournir les détails complets quant à [...] quand - (dates de début et de fin) [...] les qualifications et l’expérience énoncées ont été obtenues. [...] Détails sur l’expérience, le nom de l’employeur, une description des fonctions et des responsabilités et les dates d’emploi (de mois/année à mois/année) doivent être fournis. [...] Les soumissionnaires sont avisés qu’une simple énumération d’expérience, non accompagnée de données à l’appui qui décrivent les responsabilités, les fonctions et la pertinence aux exigences, ne sera pas jugée comme la « preuve » de cette expérience aux fins de la présente évaluation » [traduction].

15. Le Tribunal fait remarquer que les curriculum vitæ des ressources proposées par ImStrat n’énoncent généralement pas l’expérience sous le format « mois/année à mois/année », mais plutôt sous le simple format « année à année » ou le format « année à jour ». Étant donné que plusieurs des critères cotés exigeaient que les ressources proposées aient un certain nombre de mois d’expérience au cours d’une période donnée8 , ImStrat avait la responsabilité de démontrer clairement dans sa proposition la façon dont elle répondait à tous et chacun des critères cotés.

16. Dans son rapport sommaire de l’évaluation technique9 , TPSGC a énoncé que « [p]artout où une cote de 0 a été attribuée, il manquait des renseignements sur les capacités actuelles » [traduction]. Lorsque TPSGC a attribué une cote de 0 à ImStrat pour de tels critères cotés, il a fait remarquer que l’expérience était en dehors de la période acceptable ou que les évaluateurs ne pouvaient trouver une preuve de l’expérience pour la période indiquée.

17. Comme il l’a dit dans le passé, le Tribunal ne substituera généralement pas son jugement à celui des évaluateurs sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à l’évaluation de la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence ou ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués10 . Après avoir examiné les éléments de preuve dans la plainte, le Tribunal est d’avis qu’aucune des conditions susmentionnées ne s’appliquent et que TPSGC n’a pas évalué la proposition d’ImStrat de manière déraisonnable.

18. Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’indique pas, de façon raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents.

19. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et considère la question pour réglée.

DÉCISION

20. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Plainte, onglet 11. Le code est incorporé par renvoi dans l’invitation au moyen du document « 2003, Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels (2008-12-12) » et se trouve sur le site Web suivant : http://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/app-acq/cndt-cndct/index-fra.html.

4 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994).

5 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm>.

6 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

7 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997). Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

8 . Plainte, onglet 5 à la p. 53.

9 . Plainte, onglet 3.

10 . Re plainte déposée par K-W Leather Products Ltd. (3 septembre 2002), PR-2002-012 (TCCE).