GIAMAC INC. S/N AUTORAIL FORWARDERS


GIAMAC INC. S/N AUTORAIL FORWARDERS
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2009-037

Décision et motifs rendus
le mercredi 25 novembre 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Giamac Inc. s/n AutoRail Forwarders aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

GIAMAC INC. S/N AUTORAIL FORWARDERS

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Giamac Inc. s/n AutoRail Forwarders. En conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 5 octobre 2009

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Gestionnaire de l’enquête :

Michael W. Morden

   

Enquêteur :

Josée B. Leblanc

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Raahool Watchmaker

 

Nick Covelli

   

Partie plaignante :

Giamac Inc. s/n AutoRail Forwarders

   

Conseillers juridiques pour la partie plaignante :

David P. S. Farrar, c.r.

 

Sheree L. Conlon

 

Tanya L. Butler

   

Partie intervenante :

SIRVA Canada LP

   

Conseillers juridiques pour la partie intervenante :

Phuong T. V. Ngo

 

Stephanie Pearce

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

David M. Attwater

 

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 

Karina Fauteux

 

Richard Casanova

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 4 août 2009, Giamac Inc. s/n AutoRail Forwarders (Giamac) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 . La plainte portait sur des marchés publics (invitations nos W0153-09HLO1/A et W0153-09HLO1/B) passés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) en vue de la prestation de services de déplacement de véhicules à moteur privés.

2. Giamac soutient que, concernant l’invitation no W0153-09HLO1/A, TPSGC lui a refusé l’occasion de corriger une erreur d’écriture dans sa soumission et a refusé de lui fournir un compte rendu en temps opportun. Concernant l’invitation no W0153-09HLO1/B, qui a remplacé l’invitation no W0153-09HLO1/A pour les mêmes services et pour laquelle Giamac prétend avoir présenté une soumission supérieure, Giamac affirme que, puisqu’elle a reçu une note beaucoup plus faible, la procédure de passation du marché public n’était pas équitable ou transparente et ne procurait pas une occasion égale à l’ensemble des fournisseurs. À titre de mesure corrective, Giamac demande ce qui suit : 1) que TPSGC résilie le contrat adjugé au soumissionnaire gagnant, SIRVA Canada LP (SIRVA), aux termes de l’invitation no W0153-09HLO1/B et l’adjuge à Giamac ou, subsidiairement, 2) que Giamac reçoive une indemnisation d’un montant égal au profit auquel elle aurait raisonnablement pu s’attendre à réaliser ou, subsidiairement encore, 3) que Giamac reçoive une indemnisation en reconnaissance de l’occasion qu’elle a perdue de se faire adjuger et d’exécuter le contrat. Giamac demande aussi de recevoir une indemnisation d’un montant égal aux frais qu’elle a engagés pour le dépôt de sa plainte auprès du Tribunal, y compris les frais juridiques.

3. Le 17 août 2009, le Tribunal informait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur une partie de la plainte, puisqu’un motif de plainte répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 . Les parties ont été avisées que le Tribunal limiterait son enquête aux allégations concernant l’invitation no W0153-09HLO1/B.

4. Le 31 août 2009, le Tribunal accordait à SIRVA la qualité de partie intervenante. Le 11 septembre 2009, TPSGC soumettait un rapport de l’institution fédérale (RIF). Le 23 septembre 2009, SIRVA déposait ses observations sur le RIF. Le 28 septembre 2009, Giamac déposait ses observations sur le RIF. Le 5 octobre 2009, le Tribunal tenait une audience à Ottawa (Ontario).

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

5. Le 14 mai 2009, TPSGC rendait disponible aux soumissionnaires par l’intermédiaire du MERX3 l’invitation no W0153-09HLO1/A. La date limite de réception des soumissions était le 15 juin 2009, et la soumission de Giamac était la seule soumission présentée. Selon Giamac, TPSGC l’a informée le 16 juin 2009 que la page 2 des cinq exemplaires de sa soumission était manquante. Selon TPSGC, le 17 juin 2009, la soumission technique de Giamac était déclarée non conforme.

6. Le 18 juin 2009, TPSGC informait Giamac que sa soumission avait reçu une note de 74 p. 100 pour les critères cotés, soit 6 p. 100 de moins que le seuil de 80 p. 100 précisé dans la demande de propositions (DP) que les soumissionnaires étaient tenus d’obtenir pour que l’adjudication d’un contrat soit envisagée. Aucune autre soumission n’ayant été présentée, TPSGC a lancé une seconde procédure de passation du marché public, soit l’invitation no W0153-09HLO1/B.

7. Le 25 juin 2009, TPSGC rendait l’invitation no W0153-09HLO1/B disponible par l’intermédiaire du MERX. La date limite pour la réception des soumissions était le 7 juillet 2009. Selon TPSGC, deux soumissions ont été reçues – une de Giamac et une de SIRVA – et les deux ont été évaluées le 8 juillet 2009. Le 9 juillet 2009, TPSGC demandait les états financiers de Giamac, que Giamac soumettait le 15 juillet 2009. Entre-temps, le 10 juillet 2009, les évaluateurs du MDN fournissaient les résultats de leur évaluation technique à TPSGC. La soumission de Giamac a reçu 808 points (sur 1 000) tandis que la soumission de SIRVA a reçu 994 points4 .

8. Selon TPSGC, entre le 10 et le 13 juillet 2009, il a examiné les résultats de l’évaluation technique et a conclu que « [...] les points accordés [à Giamac et à SIRVA] ne correspondaient pas aux commentaires figurant sur le rapport d’évaluation [...] »5 [traduction]. Par conséquent, TPSGC a demandé que le MDN réévalue les deux soumissions. La réévaluation avait lieu le 14 juillet 2009 et, après examen des résultats de la seconde évaluation par un agent d’approvisionnement n’ayant pas participé précédemment au marché public, le MDN fournissait les résultats à TPSGC le 16 juillet 2009. Dans cette seconde évaluation, la soumission de Giamac s’est fait attribuer 575 points tandis que la soumission de SIRVA a reçu 908 points6 .

9. Par suite de la réévaluation, la soumission de Giamac n’avait plus une note lui donnant la possibilité de se faire adjuger le contrat.

10. Le 17 juillet 2009, TPSGC informait Giamac de sa note et lui disait que le contrat avait été adjugé à SIRVA. Giamac a demandé un compte rendu, que TPSGC lui a accordé le 20 juillet 2009, en remettant à Giamac des copies des feuilles d’évaluation de la seconde évaluation des soumissions présentées en réponse à l’invitation no W0153-09HLO1/B.

11. Giamac présentait une opposition à TPSGC le 21 juillet 2009.

12. Le 4 août 2009, Giamac déposait sa plainte auprès du Tribunal.

COMPÉTENCE DU TRIBUNAL

13. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.

14. L’article 30.1 de la Loi sur le TCCE définit « contrat spécifique » comme un « [c]ontrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale – ou pourrait l’être –, et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une catégorie réglementaire ».

15. L’article 3 du Règlement établit la désignation comme suit :

[...] tout contrat relatif à un marché de fournitures ou services ou de toute combinaison de ceux-ci, accordé par une institution fédérale – ou qui pourrait l’être – et visé, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie, à l’article 1001 de [l’Accord de libre-échange nord-américain][7], à l’article 502 de l’Accord sur le commerce intérieur[8], à l’article premier de l’Accord sur les marchés publics[9] ou à l’article Kbis-01 du chapitre Kbis de [l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili][10].

16. L’article 11 du Règlement prévoit ce qui suit :

Lorsque le Tribunal enquête sur une plainte, il décide si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences de l’ALÉNA, de l’Accord sur le commerce intérieur, de l’Accord sur les marchés publics ou de l’ALÉCC, selon le cas.

17. L’ACI est le seul accord commercial qui s’applique au marché public en question11 . Le Tribunal doit donc déterminer le bien-fondé de la plainte de Giamac en fonction des procédures et autres exigences établies par l’ACI. Dans la mesure où la plainte de Giamac a trait à des allégations de violations des obligations générales du droit des contrats ou de l’équité de la procédure, plutôt que des exigences de l’ACI, elle ne relève pas de la compétence du Tribunal.

18. Dans la présente enquête, la disposition pertinente de l’ACI est le paragraphe 506(6), qui prévoit que « [...] [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

19. Par conséquent, la question dont le Tribunal est saisi consiste à savoir si le marché public a été passé conformément aux critères d’évaluation énoncés dans l’invitation no W0153-09HLO1/B.

DÉCISION DE NE PAS ENQUÊTER SUR DES MOTIFS DE PLAINTE

20. Dans sa plainte, Giamac énonce au total trois motifs de plainte relativement aux deux invitations. Concernant l’invitation no W0153-09HLO1/A, Giamac allègue 1) qu’elle n’a pas eu l’occasion de fournir la page manquante de sa soumission et 2) qu’on a refusé de lui fournir un compte rendu. Comme indiqué ci-dessus, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur ces deux motifs de plainte. Le Tribunal a décidé d’enquêter sur le troisième motif de plainte relativement à l’invitation no W0153-09HLO1/B, et ce motif est examiné ci-après.

Premier motif — Giamac n’a pas eu l’occasion de fournir la page manquante de sa soumission

21. Giamac prétend que la page manquante figurait dans son propre exemplaire de la soumission et que TPSGC avait agi de façon inappropriée en ne lui permettant pas de corriger cette erreur d’écriture dans les exemplaires de TPSGC en soumettant la page manquante12 .

22. Il ressort de la DP qu’il incombait au soumissionnaire de présenter une soumission complète.

23. L’invitation no W0153-09HLO1/A intégrait par renvoi les « Instructions uniformisées 2003 – Biens ou services – Besoins concurrentiels (2008-12-12) »13 , qui prévoient ce qui suit :

04 Présentation des soumissions

[...]

2. Il appartient au soumissionnaire :

[...]

c) de déposer une soumission complète au plus tard à la date et à l’heure de clôture;

[...]

24. En outre, le texte principal de la DP contenait la disposition suivante :

PIÈCE JOINTE 1 DE LA PARTIE 4

PROCÉDURES D’ÉVALUATION

[...]

1.1 Critères techniques cotés

[...]

[...] Les propositions seront évaluées uniquement en fonction du contenu et des renseignements fournis dans la proposition du soumissionnaire. Il appartient au soumissionnaire de s’assurer que suffisamment de renseignements sont fournis pour permettre l’évaluation convenable de ces critères.

[Traduction]

25. Le Tribunal n’a pu trouver aucune indication raisonnable que la page manquante avait été retirée de la soumission de Giamac après sa réception par TPSGC.

26. Le Tribunal a donc conclu à l’absence d’indication raisonnable que le marché public n’a pas été passé conformément au paragraphe 506(6) de l’ACI, et il a décidé de ne pas ouvrir d’enquête sur ce motif de plainte.

Deuxième motif — TPSGC a refusé de fournir un compte rendu en temps opportun

27. Giamac soutient qu’elle a demandé à plusieurs reprises un compte rendu à TPSGC concernant l’invitation no W0153-09HLO1/A, mais que TPSGC a refusé, prétendant que la procédure de passation du marché public n’était pas terminée.

28. Ni l’ACI ni la DP n’exige de l’entité acheteuse qu’elle fasse un compte rendu au soumissionnaire non retenu.

29. Par conséquent, le Tribunal ne pouvait conclure à une indication raisonnable que le marché public n’avait pas été passé conformément à l’ACI, et il a décidé de ne pas enquêter sur ce motif de plainte.

DÉCISION D’ENQUÊTER SUR UN MOTIF DE PLAINTE

Troisième motif — La procédure de passation du marché public n’était pas équitable, transparente ou concurrentielle et n’a pas procuré la même occasion à tous les fournisseurs

30. Comme il a été indiqué ci-dessus, le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que les documents d’appel d’offres « [...] doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ». Par conséquent, si le Tribunal conclut que l’évaluation n’était pas conforme aux documents d’appel d’offres, parce qu’elle n’a pas suivi les exigences d’évaluation prescrites ou pour des raisons de partialité, il y a contravention au paragraphe 506(6).

31. À cet égard, Giamac soutient que le paragraphe 506(6) de l’ACI a été violé à l’égard de l’invitation no W0153-09HLO1/B pour les motifs suivants :

a) il y a eu une « [...] chute inexplicable des notes relatives à une soumission améliorée pour essentiellement la même invitation [...] »14 [traduction];

b) la décision de réévaluer était inéquitable sur le plan de la procédure;

c) la réévaluation elle-même a été effectuée de façon inéquitable sur le plan de la procédure.

32. TPSGC ne conteste pas qu’elle a, dans une très courte période, publié deux invitations distinctes mais similaires, qui ne différaient que relativement à des aspects mineurs15 . Les dates limites de présentation des soumissions étaient le 15 juin et le 7 juillet 2009, soit seulement un écart de 22 jours.

33. Giamac a reçu beaucoup moins de points pour les critères cotés dans sa seconde soumission (575) que dans sa première soumission (740). Cette importante diminution a fait en sorte que le contrat a été adjugé à SIRVA. La seconde soumission de Giamac a reçu des notes inférieures pour 7 des 9 critères cotés pour lesquels sa première soumission avait reçu des points16 .

34. Les notes relatives à 8 des 11 critères cotés étaient fondées sur l’échelle suivante, inclues dans les deux DP17  :

Pourcentage de points possible

Motifs de la distribution des pourcentages

0 %

Inapproprié – Aucun renseignement fourni ou est considéré incapable de respecter l’exigence

40 %

Faible – Est considéré peu en mesure de respecter l’exigence

60 %

Moyen – Est considéré suffisamment en mesure de respecter l’exigence

80 %

Bon – Est considéré très en mesure de respecter l’exigence

100 %

Très bon – Est considéré extrêmement en mesure de respecter ou de surpasser l’exigence

[Traduction]

35. Pour ces huit critères, la note de Giamac a été diminuée de deux niveaux (c.-à-d. de « très bon » à « moyen ») à trois reprises et de un niveau à trois reprises. Pour les deux autres fois, la note est demeurée au même niveau. Pour les trois critères auxquels le tableau qui précède ne s’appliquait pas, les guides de notation étaient aussi fournis dans les DP18 . La note de Giamac a diminué de 50 p. 100 relativement à un des trois critères pour lesquels sa première soumission s’était fait attribuer des points.

36. Giamac affirme que, malgré une note inférieure, sa seconde soumission était supérieure à sa première, car elle comportait non seulement la page manquante de sa première soumission, mais aussi de plus amples renseignements. Selon Giamac, aucun renseignement de la première soumission n’a été retiré et la seconde soumission était mieux organisée et plus détaillée que la première. La comparaison des deux soumissions confirme que la seconde soumission de Giamac semble effectivement contenir davantage de renseignements.

37. Comme il a été indiqué ci-dessus, les composantes techniques des soumissions présentées en réponse à l’invitation no W0153-09HLO1/B ont été réévaluées avant l’adjudication du contrat à SIRVA. La seconde soumission de Giamac a initialement reçu des notes similaires à celles de sa première soumission. En fait, la note de Giamac est initialement passée de 740 points à 808 points. Étant donné qu’elle avait la soumission la moins disante, cette note aurait été suffisante pour que Giamac se fasse adjuger le contrat. Cependant, la réévaluation des soumissions a fait baisser la note de Giamac à 575 points et le contrat a été adjugé à SIRVA.

38. Le Tribunal a entendu les témoignages de l’autorité contractante de TPSGC qui était responsable des deux invitations et des trois évaluateurs du MDN qui ont évalué la soumission de Giamac et de SIRVA en réponse à la seconde invitation. Deux des évaluateurs du MDN ont aussi participé à l’évaluation de la première soumission de Giamac.

39. Selon son témoignage à l’audience, l’autorité contractante de TPSGC a pris la mesure inhabituelle d’évaluer les aspects financiers des soumissions avant la fin de l’évaluation technique. Il a témoigné qu’il n’était pas habituel de faire l’évaluation financière avant la fin de l’évaluation technique mais qu’il tentait de faire les choses aussi rapidement que possible puisque le marché était urgent19 .

40. Dans l’état des choses à la fin de l’évaluation technique initiale et de l’évaluation financière, la soumission de Giamac l’emportait sur celle de SIRVA. L’autorité contractante de TPSGC le savait, mais pas son superviseur20 .

41. L’autorité contractante de TPSGC a témoigné que son superviseur et elle ont examiné les évaluations du MDN et estimaient que les points attribués à Giamac n’étaient pas compatibles avec les commentaires des évaluateurs du MDN21 . Il s’est donc chargé de veiller à ce que l’adjudication du contrat à Giamac résiste à toute contestation de l’évaluation technique22 . Son superviseur et elle ont décidé conjointement de demander la réévaluation23 .

42. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi TPSGC n’avait pas demandé la réévaluation de la soumission présentée par Giamac pour la première invitation, compte tenu que l’approche d’évaluation relative à cette invitation semblait semblable à l’approche relative à l’évaluation initiale concernant la seconde invitation, l’autorité contractante de TPSGC a témoigné que la réévaluation de la première soumission de Giamac n’aurait rien changé. Compte tenu de l’absence de la page 2 de sa première soumission, Giamac n’aurait pas pu atteindre le nombre minimal de points nécessaire pour pouvoir se faire adjuger le contrat aux termes de la première procédure de passation du marché public. Le témoin a aussi affirmé que, compte tenu de l’urgence du marché, TPSGC a adopté l’avis que la meilleure approche consistait à procéder à la seconde invitation24 .

43. Le Tribunal fait remarquer que TPSGC a aussi demandé la réévaluation de la soumission de SIRVA pour garantir l’uniformité quoiqu’elle n’ait pas constaté le même genre de problème pour l’évaluation de la soumission de SIRVA que pour celle de la soumission de Giamac25 . Par suite de la réévaluation, le nombre de points attribué à la soumission de SIRVA est passé de 994 à 908, de sorte que seule la soumission de SIRVA pouvait faire l’objet d’une adjudication de contrat conformément à la DP.

44. Les évaluateurs du MDN ont tous témoigné à l’audience qu’ils convenaient maintenant que l’évaluation initiale des soumissions présentées en réponse à l’invitation no W0153-09HLO1/B et que l’évaluation des soumissions présentées en réponse à la DP no W0153-09HLO1/A avaient été faites incorrectement26 . Les évaluateurs ont témoigné qu’ils avaient soit donné à Giamac le bénéfice du doute soit lire entre les lignes de la soumission de Giamac lors de leur attribution initiale de points. Ils ont témoigné qu’ils avaient donné crédit à Giamac pour avoir étayé des énoncés dans sa soumission en fonction de leurs connaissances personnelles du rendement de Giamac ou de l’attente de rendement de Giamac même si Giamac n’avait pas étayé ces énoncés dans ses soumissions27 .

45. Le Tribunal a examiné les commentaires consensuels des évaluateurs concernant les points attribués dans l’évaluation initiale des secondes soumissions et conclut que l’impression de l’autorité contractante de TPSGC, selon laquelle les points n’étaient pas compatibles avec les commentaires dans certains cas, n’était pas déraisonnable.

46. Le Tribunal juge crédible les dépositions des témoins de TPSGC et du MDN concernant le motif de changement entre les points attribués dans l’évaluation relative à l’invitation no W0153-09HLO1/A et ceux attribués dans la seconde évaluation relative à l’invitation no W0153-09HLO1/B et estime que les éléments de preuve n’indiquent aucune partialité de la part de TPSGC ou de l’équipe d’évaluation technique du MDN28 . Les éléments de preuve indiquent que ni l’autorité contractante de TPSGC ni son superviseur n’a conseillé les évaluateurs du MDN quant à la question de savoir si leurs points ou leurs commentaires causaient problème29 .

47. De plus, les résultats de l’évaluation financière n’auraient pas pu influencer les points attribués lors de la réévaluation des critères techniques puisque les évaluateurs techniques ignoraient les résultats de l’évaluation financière au moment où ils ont procédé à la réévaluation technique30 .

48. Par conséquent, le Tribunal estime que la diminution importante des notes de l’évaluation à l’égard de l’invitation no W0153-09HLO1/A par rapport à la seconde évaluation à l’égard de l’invitation no W0153-09HLO1/B n’indique pas une violation de l’ACI.

49. Le Tribunal examinera maintenant l’allégation de Giamac selon laquelle la décision de réévaluer l’invitation W0153-09HLO1/B était inéquitable sur le plan de la procédure au motif qu’elle a été prise après la publication des résultats de l’évaluation financière.

50. À l’égard de cette allégation, Giamac prétend que les lignes directrices de l’évaluation de TPSGC31 exigeaient que l’évaluation technique soit terminée en premier et que l’équité de la procédure oblige le gouvernement à suivre ses propres processus internes énoncés dans ces lignes directrices. Plus particulièrement, Giamac affirme que :

[...] une fois qu’un organisme administratif établit ses propres règles et procédures, il doit les suivre.

Et s’il ne les suit pas [...] une fois qu’il a contrevenu à ses propres procédures, il brime l’attente légitime du fournisseur, qui comprend la façon dont le processus aura lieu, et lorsque ce processus n’a pas lieu conformément à ses propres lignes directrices, cela crée une iniquité de sa part. Il y a donc une attente légitime de la part du fournisseur que l’autorité suivra ses propres lignes directrices32 .

[Traduction]

51. Le Tribunal n’est pas d’accord. Comme il a été énoncé ci-dessus, le Tribunal a compétence pour déterminer s’il y a eu violation d’un accord commercial, en l’espèce l’ACI. Si le processus d’évaluation était inéquitable, en ce qu’il était partial ou qu’une procédure particulière dans les documents d’appel d’offres n’a pas été respectée, il y a violation du paragraphe 506(6) de l’ACI. Toutefois, le Tribunal n’a pas compétence pour analyser la question de savoir si l’institution fédérale s’est comportée de façon équitable sur le plan de la procédure dans l’abstrait, c.-à-d. indépendamment des dispositions pertinentes de l’accord commercial.

52. Comme il a été mentionné ci-dessus, TPSGC a affirmé qu’il était inhabituel de faire l’évaluation financière après la fin de l’évaluation technique. Toutefois, les documents d’appel d’offres ne contiennent aucune clause limitant la capacité du gouvernement de procéder à une réévaluation ou d’établir des exigences procédurales à cet égard. Les documents d’appel d’offres exigent que les évaluations technique et financière soient fondées sur les critères pertinents pour chacune, c.-à-d. que les critères techniques doivent être évalués d’après des exigences applicables à ces critères, qui ne comportent pas l’examen des résultats de l’évaluation financière. Les documents d’appel d’offres n’exigent cependant pas que l’évaluation technique soit terminée avant l’évaluation financière.

53. Les lignes directrices d’évaluation de TPSGC susmentionnées n’ont pas été remises aux soumissionnaires et ne peuvent donc pas être considérées comme faisant partie des documents d’appel d’offres. Par conséquent, toute violation des lignes directrices de TPSGC n’équivaut pas à une violation de l’ACI 33 . Le Tribunal fait aussi remarquer qu’il estime que le libellé des lignes directrices d’évaluation n’exige pas que l’évaluation technique se fasse en premier.

54. Par conséquent, le Tribunal estime que la décision de réévaluer ne contrevenait pas à l’ACI.

55. Le Tribunal examinera maintenant l’allégation de Giamac selon laquelle la réévaluation des soumissions présentées aux termes de l’invitation W0153-09HLO1/B a eu lieu d’une façon inéquitable sur le plan de la procédure.

56. Comme il a été mentionné ci-dessus, le Tribunal a compétence pour examiner les allégations d’iniquité en matière de procédure seulement dans la mesure où la violation des dispositions des accords commerciaux est invoquée.

57. Les éléments de preuve n’ont pas établi qu’un acte donné pendant la réévaluation, de la part de TPSGC ou du MDN, constituait une iniquité contrairement aux exigences de l’ACI.

Frais

58. Le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte. Le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice) et est d’avis que la présente plainte correspond au plus haut degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice (degré 3). La Ligne directrice fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. La complexité du marché public était moyenne, en ce sens qu’il portait sur un projet défini de services, à commander au fur et à mesure des besoins. La complexité de la plainte était moyenne, car la question en litige comportait l’interprétation des critères d’évaluation. La complexité de la procédure était élevée, étant donné qu’il y a eu une audience publique, que les parties ont dû présenter des renseignements dépassant la portée normale des procédures et que l’instance a exigé le recours au délai d’enquête de 135 jours. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 4 100 $.

59. Le Tribunal n’accorde aucun frais à SIRVA.

60. Le Tribunal rejette l’argument de Giamac selon lequel des frais doivent lui être accordés nonobstant l’issue au motif qu’un compte rendu convenable de la part de TPSGC aurait éliminé la nécessité de l’instance. Le Tribunal souligne que si tel était le cas, il se serait raisonnablement attendu à ce que Giamac se désiste des procédures après avoir reçu l’explication contenue dans le RIF.

DÉCISION DU TRIBUNAL

61. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

62. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par Giamac. En conformité avec la Ligne directrice, l’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 3, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 4 100 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Service électronique d’appel d’offres du Canada.

4 . RIF, para. 5.

5 . Transcription de l’audience publique, 5 octobre 2009, à la p. 52.

6 . RIF, para. 5.

7 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

8 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

9 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

10 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

11 . Selon la DP, les services fournis sont catégorisés selon la Classification fédérale des approvisionnements, au code V502A – Services de déménagement. Conformément à la section B de l’annexe 1001.1b-2 de l’ALÉNA et à la partie 1 de la section B de l’annexe Kbis-01.1-4 du chapitre Kbis de l’ALÉCC, les services de déménagement ne sont pas visés. L’annexe 4 de l’appendice 1 du Canada de l’AMP fournit une liste des services visés par le Canada; les services de déménagement ne sont pas visés. Par conséquent, le marché n’est pas visé par l’AMP.

12 . À la rubrique 5(F) de sa plainte, Giamac déclare que TPSGC l’a informée que conformément à « [...] l’art. 4 des Instructions uniformisées 2003 – Biens ou services – Besoins concurrentiels, [...] le soumissionnaire doit présenter une soumission complète au plus tard à la date de clôture [...] » [traduction].

13 . <http://sacc.pwgsc.gc.ca/sacc/query.do?lang=fr&id=2003&date=2008/12/12&ei....

14 . Plainte, rubrique 5(F), énoncé détaillé des faits et des arguments.

15 . La seconde invitation a fait passer la durée du contrat de un an à deux ans et a ajouté quatre paragraphes à l’énoncé de travail relatif à la participation de l’entrepreneur aux réunions d’examen de l’avancement des travaux, à la préparation des ordres du jour de ces réunions, à la rédaction de procès-verbaux à ces réunions et à la préparation d’un journal des activités de suivi.

16 . En raison de la page manquante, la première soumission de Giamac n’a reçu aucun point pour 2 des 11 critères cotés.

17 . Invitation no W0153-09HLO1/A à la p. 18; invitation no W0153-09HLO1/B à la p. 17.

18 . Invitation no W0153-09HLO1/A aux pp. 19-21; invitation no W0153-09HLO1/B aux pp. 18-20.

19 . Transcription de l’audience publique, 5 octobre 2009, à la p. 79.

20 . Ibid. à la p. 52.

21 . Ibid. à la p. 94.

22 . Ibid. aux pp. 82-83.

23 . Ibid. à la p. 52.

24 . Ibid. à la p. 54.

25 . Ibid. aux pp. 97, 99.

26 . Ibid. aux pp. 103, 130, 143, 152.

27 . Ibid. aux pp. 103, 131, 152.

28 . Le Tribunal fait remarquer que même si l’un des témoins de Giamac a affirmé qu’en gérant les contrats conclus par Giamac avec le MDN elle avait eu avec l’une des évaluatrices des désaccords susceptibles d’avoir donné lieu à de la partialité de sa part, elle n’était au courant d’aucune partialité dans ses relations avec elle concernant les contrats actuels. Transcription de l’audience publique, 5 octobre 2009, à la p. 38. À l’audience, Giamac a déclaré qu’elle n’alléguait pas que de la partialité de la part de cette évaluatrice avait faussé l’évaluation à l’égard de la seconde invitation. Transcription de l’audience publique, 5 octobre 2009, à la p. 202.

29 . Transcription de l’audience publique, 5 octobre 2009, aux pp. 58, 104.

30 . Ibid.

31 . Affidavit de Jeffrey Campbell, pièce jointe 2, article 5.0.

32 . Transcription de l’audience publique, 5 octobre 2009, à la p. 205.

33 . Une violation des lignes directrices pourrait constituer une preuve de partialité, mais, en l’espèce, comme il a été mentionné ci-dessus, le Tribunal estime que les éléments de preuve n’indiquent pas qu’il y ait eu partialité de la part de TPSGC ou du MDN.