FEMME CACHEE PRODUCTIONS INC.


FEMME CACHEE PRODUCTIONS INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2009-031

Décision et motifs rendus
le mercredi 25 novembre 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Femme Cachee Productions Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

FEMME CACHEE PRODUCTIONS INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée en partie.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que les circonstances pertinentes au marché public ne justifient pas une recommandation de mesure corrective.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Femme Cachee Productions Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Diane Vincent, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteur principal :

Cathy Turner

   

Conseillers juridiques pour le Tribunal :

Jidé Afolabi

 

Eric Wildhaber

   

Partie plaignante :

Femme Cachee Productions Inc.

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

Ian McLeod

 

Karina Fauteux

 

Lissa Mussely

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 14 juillet 2009, Femme Cachee Productions Inc. (FCP) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’un marché public (invitation no 5P131-090062/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de l’Agence Parcs Canada pour la prestation de services de production vidéographique.

2. FCP allègue ce qui suit : 1) l’équipe d’évaluation a soit fait des erreurs, soit intentionnellement écarté des renseignements fournis dans la soumission, ainsi déduisant injustement des points; 2) l’équipe d’évaluation a utilisé des critères ne figurant pas dans la demande de propositions (DP) dans son évaluation de la soumission. FCP demande, à titre de mesure corrective, que le Tribunal recommande que TPSGC résilie le contrat adjugé à Sound Venture Productions (SVP) et adjuge le contrat à FCP. À titre de solution de rechange, FCP demande au Tribunal de recommander que TPSGC lui verse une indemnisation en reconnaissance des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa soumission. Elle demande aussi que le Tribunal recommande que TPSGC fournisse à FCP une assurance écrite selon laquelle aucune des notions énoncées dans sa proposition créative ne sera utilisée par SVP dans la production de la vidéo visée par le contrat. FCP demande le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

3. Le 23 juillet 2009, le Tribunal avisait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque celle-ci répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 28 juillet 2009, TPSGC avisait le Tribunal qu’un contrat avait été adjugé à SVP. Le 28 août 2009, TPSGC déposait un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Le 25 septembre 2009, FCP déposait ses observations sur le RIF.

5. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

6. Le 21 mai 2009, TPSGC publiait la DP. La clôture des soumissions était le 10 juin 2009. Selon TPSGC, 12 sociétés ont soumis des propositions en réponse à l’invitation. Trois propositions, dont celle de FCP, ont été jugées répondre à toutes les exigences obligatoires et se sont fait attribuer au moins le minimum de 75 p. 100 pour chacune des exigences cotées. Parmi les propositions conformes, la proposition de SVP a reçu la note la plus élevée. La proposition de FPC a reçu la troisième note.

7. Selon FCP, le 29 juin 2009, elle recevait de la part de TPSGC une lettre datée du 19 juin 2009 l’informant que sa proposition n’était pas acceptée car elle n’avait pas obtenu la note la plus élevée4 . Cette lettre contenait une ventilation des notes attribuées à sa proposition à l’égard de chacune des exigences cotées. Était joint à cette lettre un relevé des commentaires formulés par les évaluateurs au cours du processus d’évaluation. Le 30 juin 2009, FCP présentait à TPSGC une opposition concernant ses préoccupations relatives aux résultats d’évaluation5 . Le 7 juillet 2009, TPSGC répondait à l’opposition de FCP6 . Le 14 juillet 2009, FCP déposait sa plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

8. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, à savoir, en l’espèce, l’Accord sur le commerce intérieur 7 .

9. FCP soutient que lorsqu’elle a reçu les renseignements de TPSGC concernant les résultats d’évaluation de sa proposition, il est devenu manifeste pour elle que les membres de l’équipe d’évaluation avaient commis plusieurs erreurs, avaient manqué ou écarté des renseignements clairement énoncés dans sa proposition et avaient injustement déduit des points de la note de FCP. Elle ajoute que certains des critères ayant servi à l’évaluation de la proposition ne figuraient manifestement pas dans la DP.

10. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

11. FCP mentionne être incapable de prétendre que sa proposition était la soumission la plus conforme8 ; elle conteste plutôt la note que sa proposition a reçue pour six critères cotés9 .

12. Le Tribunal examinera chacun de ces critères à la lumière de la jurisprudence suivante et de l’ACI. Le Tribunal a déclaré, dans le cadre de décisions précédentes, qu’il ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable au plan de la procédure10 .

Critère coté R.1.3

13. Le critère coté R.1.3 prévoit ce qui suit :

Expérience de l’utilisation d’une grande variété d’outils visuels et dramatiques, p. Ex. animation graphique, illustrations originales, imagerie fixe, importation de séquences d’archives filmées, voix hors-champ et en champ. (30 points)

Nous évaluerons au minimum: recours à au moins quatre des neuf éléments d’ une production d’une vidéo d’interprétation ci-haut mentionné[e].

14. FCP conteste le commentaire d’évaluation suivant à l’égard du critère coté R.1.3 :

Il y a une variété d’éléments dans les séquences, mais pas un minimum de 4 éléments d’interprétation dans au moins une séquence donnée.

[Traduction]

15. FCP allègue que ce commentaire est inexact et indique une mauvaise évaluation de sa soumission qui a entraîné la perte de points. FCP soutient que chaque séquence contenait au moins quatre éléments d’interprétation et que FCP a inclus à sa démonstration des documents énonçant notamment au moins quatre éléments d’interprétation pour chaque séquence présentée, comme l’exigeait la DP.

16. TPSGC soutient que l’évaluation des échantillons de vidéo soumis relativement au critère coté R.1.3 doit être lue dans le contexte des dispositions de l’exigence obligatoire M.3, qui prévoit ce qui suit :

À titre d’information, une production d’un[e] vidéo d’interprétation devrait:

(1) Mettre l’accent sur le « sujet » à titre de ressource tangible.

(2) Fournir au public la possibilité de développer une affinité avec le « sujet ».

(3) Aider les gens à développer des liens intellectuels avec le sujet.

(4) Établir des liens entre l’histoire du « sujet » et l’expérience de vie des spectateurs.

(5) Amener les spectateurs à penser, ressentir et agir autrement.

(6) Raconter l’histoire du « sujet » en termes de concepts universels, ou de “ grandes idées ”, tels que la peur et le soulagement, l’hostilité et la paix, la tradition et le changement, la vie et la mort, etc.

(7) Inciter le public à s’intéresser au « sujet ».

(8) Permettre d’établir des liens entre l’intérêt collectif et individuel du public et la richesse de sens générée par le « sujet ».

(9) Aborder un synopsis complet accompagné d’une narration claire.

17. Les soumissionnaires devaient donc soumettre un enregistrement de démonstration incluant des séquences vidéo comportant au moins chacun quatre éléments d’interprétation. Le critère coté R.1.3 établit que, pour une note de passage de 75 p. 100, au moins quatre des neuf éléments devaient figurer dans une séquence.

18. TPSGC soutient que, conformément à sa lettre à FCP datée du 19 juin 2009, les notes reflétaient les conclusions consensuelles des évaluateurs. Il ajoute que les commentaires joints à la lettre, y compris celui qui précède, ont été exprimés par des évaluateurs, de façon individuelle, lors du processus d’évaluation mais peuvent ou non être reflétés dans la décision consensuelle finale. Enfin, TPSGC affirme que les réactions initiales d’évaluateurs individuels ont été communiquées à chacun des soumissionnaires pour leur fournir autant de renseignements et de commentaires que possible afin de les aider à préparer des propositions futures.

19. Le Tribunal fait remarquer que chaque séquence vidéo soumise par FCP contenait le minimum requis d’éléments d’interprétation. Si TPSGC en était venu à la conclusion que l’une des séquences vidéo ne contenait pas au moins quatre éléments d’interprétation, il aurait été tenu de rejeter la proposition au motif qu’elle ne respectait pas le critère coté R.1.3, ce qu’il n’a pas fait. L’examen des éléments de preuve permet au Tribunal de conclure que le commentaire qui précède constitue une description inexacte du motif de la décision relative à la note.

20. À titre d’observation générale, le Tribunal ne peut accepter l’approche de TPSGC selon laquelle les commentaires présentés avec la note consensuelle sous chaque critère évalué, dans un document adopté par un groupe d’évaluation et joint à une lettre informant le soumissionnaire de son évaluation, doivent être lus comme ayant été « exprimés par chaque évaluateur lors du processus d’évaluation mais peuvent ou non se refléter dans la décision consensuelle finale » [traduction]11 . Il est raisonnable pour FCP et tout autre soumissionnaire dans des circonstances semblables d’interpréter ces commentaires comme reflétant les opinions du groupe d’évaluation dans son ensemble et soutenant la note consensuelle, sauf s’il est expressément mentionné qu’une remarque provient de l’un des membres de l’équipe d’évaluation seulement et ne reflète pas la note consensuelle. En l’espèce, le Tribunal conclut que le commentaire de TPSGC associé au critère coté R.1.3 aurait pu amener FCP à comprendre qu’elle n’a pas obtenu plus de la note minimale de conformité en raison d’une confusion quant à la question de savoir si chacune des vidéos contenait quatre éléments d’interprétation. Dans la présente affaire, compte tenu des renseignements confidentiels soumis dans la réponse de TPSGC à la plainte12 , le Tribunal estime qu’il n’est pas déraisonnable pour les évaluateurs d’attribuer une note minimale à l’enregistrement de démonstration soumis par FCP, qui comprend le nombre minimal d’éléments d’interprétation dans chacune des séquences vidéo soumises. Par conséquent, le Tribunal estime que les éléments de preuve n’indiquent pas que les évaluateurs ont appliqué de façon déraisonnable leur jugement à l’égard de la notation de ce critère; ils semblent avoir tenu compte de tous les éléments pertinents dans la proposition de FCP. Par conséquent, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs.

Critère coté R.2.3

21. Le critère coté R.2.3 prévoit ce qui suit :

Mesure dans laquelle l’équipe d’évaluation peut visualiser le traitement proposé pour la production et caractère approprié de celui-ci (25 points)

Nous évaluerons au minimum: facilité à visualiser la structure et l’approche créative du traitement proposé du scénario.

22. FCP conteste le commentaire d’évaluation suivant à l’égard du critère coté R.2.3 :

Le concept est intéressant mais l’utilisation du pluvier siffleur en tant que principal oiseau soulève des inquiétudes compte tenu de son statut d’« espèce en voie de disparition ». L’oiseau symbole du parc est le balbuzard pêcheur tandis que l’aigle est l’oiseau spirituel des Micmacs.

[Traduction]

23. FCP soutient que ce commentaire est incompatible avec les directives données dans la DP et indique donc une mauvaise évaluation de sa soumission qui a entraîné une perte de points. Selon FCP, la DP mentionne le pluvier siffleur trois fois et demande que la vidéo stimule une conversation parmi les spectateurs au sujet du fait qu’il s’agit d’une espèce en voie de disparition réhabilitée dans le parc. Elle ajoute que la DP ne mentionne ni le balbuzard pêcheur ni l’aigle et que ceux-ci ne figurent pas dans la longue liste des oiseaux natifs du parc publiée sur le site Web de Kouchibouguac.

24. Après examen des renseignements confidentiels soumis dans la réponse de TPSGC à la plainte relative au critère coté R.2.3, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve n’indiquent pas que les évaluateurs ont appliqué de façon déraisonnable leur jugement à l’égard de la notation de ce critère. Devant un critère que le Tribunal estime essentiellement subjectif, le groupe d’évaluation semble avoir tenu compte de tous les éléments pertinents dans la proposition de FCP et avoir évalué la proposition par rapport à cette exigence de la DP. Par conséquent, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs.

Critère coté R.3.2

25. Le critère coté R.3.2 prévoit ce qui suit :

Plan/calendrier de projet

Plan de travail et calendrier détaillés de projet comprenant un diagramme/ tableau de gestion de projet (la taille des polices utilisées pour le diagramme NE DOIT PAS être inférieure à Arial 10 pt ou l’équivalent) qui illustre les activités, étapes et réalisations importantes. Le plan de travail/diagramme doit également prévoir l’apport, l’examen et l’approbation du client pendant toute la durée du projet en réponse aux exigences de l’énoncé des travaux. (25 points)

Nous évaluerons au minimum: détails suffisants sur les tâches, les étapes et les réalisations attendues; calendrier convenable et réaliste; inclusion de l’apport du client dans le plan et l’approche.

REMARQUE : Les soumissionnaires devraient prévoir de 4 à 5 jours ouvrables pour l’approbation des scénarios et la formulation d’une rétroaction par le client.

26. FCP conteste les commentaires d’évaluation suivants à l’égard du critère coté R.3.2 :

Le nombre de jours n’est pas toujours réaliste pour chaque étape d’approbation.

Le nombre de jours prévu pour le tournage dans le parc est énoncé et est quelque peu réaliste – je ne suis pas certain qu’il suffira. Nous croyons qu’une période de 12 jours est plus réaliste qu’une période de 7 jours.

[Traduction]

27. FCP soutient qu’à l’égard du premier commentaire, le nombre de jours est réaliste. Elle affirme qu’elle a prévu plus de temps que ce dont elle a besoin dans la plupart des cas. À l’égard du deuxième commentaire, FCP conteste deux aspects de l’évaluation : 1) elle déclare que la DP ne mentionne pas 12 jours de tournage, tandis qu’il ressort que sa soumission à l’égard de ce critère est jugée par rapport à une telle période proposée; 2) le nombre de jours de tournage requis pour produire toute vidéo est directement lié au concept créatif de la vidéo (p. ex. certains longs métrages de 90 minutes sont tournés en 18 jours, tandis que d’autres en prennent 60; cela dépend beaucoup de la façon dont ils sont tournés). FCP soutient qu’étant donné que chaque soumission est censée avoir son propre concept créatif, elle n’estime pas qu’il y ait un nombre optimal de jours de tournage applicable à toutes les soumissions.

28. Compte tenu des renseignements confidentiels soumis dans la réponse de TPSGC à la plainte, le Tribunal estime que la mention selon laquelle « [...] une période de 12 jours est plus réaliste qu’une période de 7 jours » ne peut pas être raisonnablement interprétée, dans les circonstances, comme l’introduction dans l’évaluation d’un critère non énoncé dans la DP. Au contraire, le Tribunal estime que, dans le contexte, ce commentaire peut raisonnablement être interprété comme étant fait par les évaluateurs en fonction de leur propre expérience quant au temps qui serait nécessaire, de façon réaliste, pour accomplir le travail énoncé dans le plan de travail détaillé de FCP et dans son échéancier de projet. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve ne démontrent pas que les évaluateurs ont appliqué de façon déraisonnable leur jugement à l’égard de la notation de ce critère; ils semblent avoir tenu compte de tous les éléments pertinents dans la proposition de FCP. Par conséquent, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs.

Critère coté R.4.1

29. Le critère coté R.4.1 prévoit ce qui suit13  :

Expérience antérieure de la production de vidéos semblables dans les mêmes fonctions.

30. FCP conteste le commentaire d’évaluation suivant à l’égard du critère coté R.4.1 :

Au moins 3 membres de l’équipe ont travaillé ensemble sur au moins un échantillon de l’enregistrement de démonstration (seulement 3 ont travaillé ensemble sur 3 échantillons). Des renseignements légèrement supérieurs au nombre minimal de points sont fournis car davantage de membres de l’équipe ont travaillé ensemble sur l’échantillon de l’enregistrement de démonstration fourni.

[Traduction]

31. FCP allègue que ce commentaire est inexact et indique une mauvaise évaluation de sa soumission et l’introduction dans le processus d’évaluation de critères ne figurant pas dans la DP. FCP indique que le nombre maximal de membres de l’équipe travaillant sur un échantillon était de quatre. Pour 9 des 12 échantillons, au moins deux membres de l’équipe ont travaillé ensemble, tandis que pour 4 des échantillons, au moins 3 membres de l’équipe ont travaillé ensemble.

32. Dans le RIF, TPSGC reconnaît que la DP n’établit pas un minimum à cet égard. Il indique toutefois que l’équipe d’évaluation a décidé que le fondement raisonnable de l’attribution d’une note minimale de conformité de 75 p. 100 serait qu’au moins trois des employés proposés du soumissionnaire jouant les sept rôles énoncés au critère coté R.4 doivent avoir travaillé ensemble sur une production antérieure. TPSGC indique aussi que l’équipe d’évaluation a décidé que des points supplémentaires pouvaient être attribués si plus de trois des employés proposés du soumissionnaire pour les sept rôles mentionnés ont déjà aussi travaillé ensemble.

33. Le Tribunal conclut que l’adoption de cette méthode d’évaluation constitue l’introduction par les évaluateurs de critères ne figurant pas dans la DP. On ne pouvait déduire une telle méthodologie à la lecture du critère coté R.4.1 figurant dans la DP. Cela est contraire au paragraphe 506(6) de l’ACI. Par conséquent, ce motif de plainte est fondé.

Critère coté R.5.1

34. Le critère coté R.5.1 prévoit ce qui suit :

Ventilation détaillée des prix

Le prix ferme devrait être ventilé en catégories et en postes budgétaires pour les biens et services nécessaires à l’exécution complète du projet. Chaque poste budgétaire devrait indiquer les prix unitaires des tarifs horaires, quotidiens ou hebdomadaires, selon le cas. La durée des travaux pour chaque service et la quantité des biens devraient être clairement indiquées. Chaque poste budgétaire devrait comporter un prix calculé, soit : tarif x durée des travaux pour les services, ou prix unitaire x quantité pour les biens. (25 points)

Nous évaluerons au minimum: détails suffisants en ce qui concerne les catégories, les postes budgétaires, les prix/tarifs unitaires et la durée des travaux; structures et ventilations de budget cohérentes (p. ex. : par phase de production).

35. FCP conteste le commentaire d’évaluation suivant à l’égard du critère coté R.5.1 :

Il est difficile de comparer l’échéancier et la ventilation des coûts car certains sont calculés en semaines et d’autres en jours et le budget est souvent calculé en heures. Il est difficile d’estimer les journées de déplacement avec l’échéancier fourni; l’équipe porte à confusion puisque les gens ont des honoraires quotidiens différents.

[Traduction]

36. FCP allègue que ce commentaire est inexact et indique une mauvaise évaluation de sa soumission qui a entraîné une perte de points. FCP soutient que sa proposition précisait les journées d’exploration et les journées de production, lesquelles correspondent exactement aux coûts de production figurant dans son budget. Elle ajoute que sa proposition précisait par tranches le temps postérieur à la production, lequel correspondait exactement aux coûts postérieurs à la production figurant dans son budget. FCP soutient que, dans la section sur les coûts de déplacement de son budget, tous les membres de l’équipe, sans exception, se sont fait attribuer les mêmes honoraires quotidiens.

37. Compte tenu des renseignements confidentiels soumis dans la réponse de TPSGC à la plainte, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve n’indiquent pas que les évaluateurs ont appliqué déraisonnablement leur jugement à l’égard de la notation de ce critère; ils semblent avoir tenu compte de tous les éléments pertinents dans la proposition de FCP. Par conséquent, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs.

Critère coté R.5.2

38. Le critère coté R.5.2 prévoit ce qui suit :

Correspondance avec le plan du projet

La proposition financière du soumissionnaire devrait fournir suffisamment de détails pour indiquer à l’équipe d’évaluation comment et où les fonds seront dépensés. La proposition financière devrait correspondre au plan de projet proposé et s’appuyer sur celui-ci. (25 points)

Nous évaluerons au minimum: détails suffisants sur la manière dont les fonds seront affectés; correspondance avec le plan de projet; hypothèses, coût-efficacité, plan de projet.

39. FCP conteste le commentaire d’évaluation suivant à l’égard du critère coté R.5.2 :

Les estimations de déplacement n’étaient pas réalistes (400 $ pour des vols?).

[Traduction]

40. FCP allègue que ce commentaire est inexact et indique une mauvaise évaluation de sa soumission qui a entraîné une perte de points. FCP soutient que même si elle n’a pas inclus la source des coûts des vols dans sa proposition, elle est d’avis que les évaluateurs les ont contestés arbitrairement et à tort.

41. À l’examen des éléments de preuve, y compris la note attribuée selon ce critère, le Tribunal conclut que les éléments de preuve ne démontrent pas que les évaluateurs ont appliqué déraisonnablement leur jugement à l’égard de la notation selon ce critère; ils semblent avoir tenu compte de tous les éléments pertinents dans la proposition de FCP. Par conséquent, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs.

Conclusion

42. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que TPSGC a utilisé des critères ne figurant pas dans la DP pour évaluer la proposition de FCP, contrairement au paragraphe 506(6) de l’ACI, de sorte qu’il conclut que la plainte est fondée en partie.

Mesure corrective

43. Ayant conclu au bien-fondé d’un motif de plainte soulevé par FCP, le Tribunal doit maintenant recommander la mesure corrective appropriée.

44. À cet égard, le paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE prévoit ce qui suit :

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

45. Le Tribunal est d’avis que le fait de ne pas évaluer une proposition en conformité avec les critères énoncés dans la DP donne naissance à une grave irrégularité dans la procédure des marchés publics qui cause préjudice à l’intégrité et à l’efficacité du mécanisme d’adjudication. Les soumissionnaires doivent pouvoir se fier aux critères d’évaluation prescrits lorsqu’ils préparent leur proposition. Autrement, les soumissionnaires sont incapables d’optimiser leurs efforts pour obtenir le contrat. Cependant, les éléments de preuve n’indiquent pas que les évaluateurs n’ont pas agi de bonne foi lorsqu’ils ont effectué leur évaluation.

46. Compte tenu de tous les aspects de la présente affaire, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucun effet sur le résultat final du processus d’appel d’offres pour FCP, qu’il s’agisse pour elle d’avoir la soumission la plus conforme ou d’obtenir le contrat, qui soit attribuable à la violation du paragraphe 506(6) de l’ACI. Le Tribunal accepte l’observation de TPSGC selon laquelle même si FCP avait obtenu des notes parfaites pour tous les critères cotés en litige, sa proposition aurait néanmoins reçu moins de points techniques que la proposition gagnante. Il en est naturellement de même s’il y a une augmentation potentielle jusqu’à concurrence du maximum de points attribués pour un seul critère, comme c’est le cas en l’espèce. Étant donné les conclusions du Tribunal selon lesquelles un seul critère coté a été mal évalué, même si une évaluation convenable de ce critère avait entraîné une note parfaite, une telle augmentation de points aurait néanmoins été insuffisante pour que la soumission de FCP devienne la proposition gagnante. Par conséquent, le Tribunal conclut que FCP n’a subi aucun préjudice par suite du motif de plainte fondé susmentionné. Ainsi, le Tribunal ne recommandera pas de mesure corrective en l’espèce.

Frais

47. Le Tribunal accorde à FCP le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte. Pour décider du montant de l’indemnisation en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une affaire sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure. L’indication provisoire données par le Tribunal relativement à la présente plainte est que son degré de complexité correspond au deuxième degré de complexité prévu à l’annexe A de la Ligne directrice. Le marché public était modérément complexe car il portait sur des questions de critères d’évaluation subjectifs relatifs aux services de production vidéographique. La procédure de plainte n’était pas complexe puisqu’il n’y a eu aucune requête, aucun intervenant et aucune observation supplémentaire de la part des parties. Par conséquent, comme le prévoit la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation donnée par le Tribunal est de 2 400 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

48. Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée en partie.

49. Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que les circonstances pertinentes au marché public ne justifient pas une recommandation de mesure corrective.

50. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à FCP le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 2, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 2 400 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut présenter des observations auprès du Tribunal, en conformité avec sa Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . RIF confidentiel, pièce 2.

5 . Ibid., pièce 4.

6 Ibid., pièce 5.

7 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI]. Les services de production vidéographique sont exclus de l’Accord de libre-échange nord-américain en vertu de la section B de l’annexe 1001.1b-2 puisqu’ils relèvent de la catégorie T, Services de communication, de photographie, de cartographie, d’impression et de publication. L’Accord sur les marchés publics ne s’applique pas parce que les services de production vidéographique ne figurent pas dans la liste des services visés énoncés à l’annexe 4. Les services de production vidéographique sont exclus de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili en vertu de la section B de l’annexe Kbis-01.1-4 puisqu’ils relèvent de la catégorie T, Services de communication, de photographie, de cartographie, d’impression et de publication.

8 . Observations de FCP sur le RIF à la p. 11.

9 . FCP a reconnu avoir fait une erreur relative au critère coté R.3.1. Par conséquent, le Tribunal n’évaluera pas davantage ce critère.

10 . Re plainte déposée par Vita-Tech Laboratories Ltd. (18 janvier 2006), PR-2005-019 (TCCE); Re plainte déposée par Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE).

11 . RIF à la p. 10, para. 15.

12 . Cette version confidentielle de la réponse de TPSGC à la plainte a été mise à la disposition de FCP.

13 . Même si la plainte fait référence au critère coté R.4.1, l’essence des commentaires figurant dans la plainte porte sur le critère coté R.4.2, qui prévoit ce qui suit : « Mêmes personnes et dans les mêmes catégories de services que dans les échantillons [de la] vidéo de démonstration. »