CONSEILS CRG, ANJARO INTERNATIONAL ET HUMBER COLLEGE


CONSEILS CRG, ANJARO INTERNATIONAL ET HUMBER COLLEGE
Dossier no PR-2009-129

Décision prise
le mardi 16 mars 2010

Décision et motifs rendus
le mercredi 14 avril 2010


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47

PAR

CONSEILS CRG, ANJARO INTERNATIONAL ET HUMBER COLLEGE

CONTRE

L’AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPMENT INTERNATIONAL

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

2. La plainte porte sur un marché public (invitation no 2009-A-032561-1) passé par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) en vue de la prestation de services de formation initiale et de perfectionnement professionnel destinés aux cadres de la Police nationale d’Haïti.

3. Conseils CRG, ANJARO International et Humber College (collectivement appelées CRG) allèguent que l’ACDI n’a pas respecté les méthodes et procédures d’évaluation prévues dans les documents d’invitation en ouvrant, par erreur, la proposition financière de CRG avant que l’évaluation de sa proposition technique n’ait été terminée. CRG conteste également le pointage accordé pour le volet technique de sa proposition.

4. L’alinéa 7(1)c) du Règlement exige que le Tribunal détermine si les renseignements fournis par la partie plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’Accord de libre-échange nord-américain 3 , au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur 4 , à l’Accord sur les marchés publics 5 , au chapitre Kbis de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili 6 ou au chapitre 14 de l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Pérou 7 , selon le cas. En l’espèce, à tout le moins, l’ACI s’applique8 .

5. Le 4 novembre 2008, l’ACDI publiait une demande de propositions (DP) en vue de la prestation desdits services de formation initiale et de perfectionnement professionnel. La date originale de clôture des soumissions était le 19 décembre 2008. Toutefois, à la suite de modifications apportées à la DP, cette date a été reportée au 12 janvier 2009.

6. Le 12 janvier 2009, CRG déposait une proposition technique et financière en réponse à la DP. À trois reprises, l’ACDI demandait aux soumissionnaires de prolonger la période de validité de leur proposition. Dans une lettre datée du 24 février 2010, l’ACDI avisait CRG qu’une autre association avait été sélectionnée pour la réalisation du projet. Dans une lettre datée du 26 février 2010, l’ACDI avisait encore CRG qu’une autre association avait été retenue pour la réalisation du projet. Selon la plainte, ces deux lettres étaient reçues par CRG le 1er mars 2010. Dans une autre lettre datée du 26 février 2010, l’ACDI avisait CRG que l’unité de réception des soumissions avait ouvert par erreur sa proposition financière mais que « [...] la décision de ne pas considérer sa proposition pour fins de contrat [...] » était nullement imputable à cette erreur. Selon la plainte, cette lettre était reçue par CRG le 3 mars 2010.

7. Le 5 mars 2010, CRG envoyait un courriel à l’ACDI pour l’informer qu’elle s’opposait formellement à la décision de l’ACDI de ne pas retenir sa proposition dans le cadre du présent marché public. Selon la plainte, une réunion d’information était tenue le 8 mars 2010 dans les bureaux de l’ACDI. Lors de cette réunion, l’ACDI informait CRG du pointage obtenu ainsi que des forces et faiblesses de sa proposition. Le 9 mars 2010, CRG envoyait un courriel à l’ACDI dans lequel elle demandait des réponses précises à certaines des questions qui étaient restées sans réponse suite à la réunion d’information ou pour lesquelles l’ACDI devait effectuer des recherches supplémentaires. Le 10 mars 2010, CRG déposait sa plainte auprès du Tribunal.

8. CRG conteste le pointage accordé par l’ACDI à sa proposition technique, celui-ci étant inférieur à la note de passage requise pour passer à l’étape suivante du processus d’évaluation. CRG conteste particulièrement les résultats obtenus aux exigences nos 2, 4, 7, 11, 13, 14, 17, 18, 19 et 20 énoncées à l’article 5.2 de la DP. CRG remet en question l’objectivité de cette évaluation, plus particulièrement en raison du fait que sa proposition financière ait été ouverte avant que l’évaluation de sa proposition technique ne soit terminée. Selon CRG, cette erreur, à elle seule, suscite un doute raisonnable quant à la validité et à la crédibilité du processus.

9. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit ce qui suit :

Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

10. L’article 7.1 de la DP, intitulé « Méthodes d’évaluation », prévoit ce qui suit :

Les propositions techniques seront dépouillées et notées avant le dépouillement des propositions financières. [...]

On ne dépouillera et n’évaluera la proposition financière du Consultant que si la proposition technique obtient une note égale ou supérieure à 60 %. Toutes les autres propositions financières seront retournées sans avoir été décachetées lorsque la sélection définitive sera complétée.

11. Le Tribunal est d’avis que cette méthode d’évaluation a pour but d’éviter que l’évaluation de la partie technique des propositions ne soit influencée par la connaissance des prix relatifs. Tel qu’indiqué dans Telus Integrated Communications Inc. 9 , « [...] la connaissance des prix relatifs peut compromettre, et parfois compromet, l’objectivité d’un évaluateur ».

12. Dans le cas présent, le Tribunal fait remarquer que l’ACDI affirmait clairement ce qui suit dans sa lettre du 26 février 2010 à CRG : « [...] en aucun cas l’équipe d’évaluation des propositions n’a pris connaissance ni n’a été avisé du contenu de votre proposition financière » et « [...] la décision de ne pas considérer votre proposition pour fins de contrat est nullement imputable à l’erreur que notre Unité de réception des soumissions a commise ». Outre les allégations générales avancées par CRG, le Tribunal n’a aucune indication que l’ouverture de l’enveloppe contenant la proposition financière par l’unité de réception des soumissions ait pu influencer la décision relative à l’attribution du contrat. Le Tribunal n’a, en fait, aucune raison de douter de l’affirmation contenue dans la lettre de l’ACDI datée du 26 février 2010. Dans ces circonstances, il semble bien que l’objet et le but de la méthode d’évaluation énoncée à l’article 7.1 de la DP ont été atteints. L’ouverture par erreur de la proposition financière de CRG, à elle seule, ne peut suffire à remettre en question la validité et la crédibilité de la procédure du marché public.

13. Pour ce qui est de la contestation par CRG des résultats obtenus en rapport à certaines des exigences techniques de la DP, le Tribunal fait remarquer que CRG n’a fourni aucune indication, à l’exception de l’ouverture de sa proposition financière, qui soit susceptible de démontrer que l’ACDI n’a pas appliqué correctement les critères d’évaluation énoncés dans la DP ou qu’elle a autrement évalué sa proposition technique de manière déraisonnable.

14. Par conséquent, le Tribunal conclut que les renseignements mis à sa disposition en ce moment ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux, dont notamment l’ACI.

15. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et tient la question pour réglée.

DÉCISION

16. Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

4 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

5 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

6 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

7 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009) [ALÉCP].

8 . Selon la nature précise du rôle de l’ACDI dans l’invitation à soumissionner, l’ALÉNA, l’AMP et l’ALÉCC pourraient aussi s’appliquer (l’ALÉCP ne s’applique pas en l’espèce puisqu’il est entré en vigueur le 1er août 2009 et donc après que la procédure du marché public a été entamée). Toutefois, puisque les dispositions de l’ALÉNA, de l’AMP et de l’ALÉCC qui seraient applicables en l’espèce ont une portée similaire à celles de l’ACI, le Tribunal n’a pris en considération que ce dernier accord afin de rendre une décision en vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE. Cela ne doit, de quelque façon que ce soit, être interprété comme signifiant que le Tribunal a jugé que les services visés par le marché public n’entrent pas dans la portée de l’ALÉNA, l’AMP et l’ALÉCC.

9 . (10 novembre 2000), PR-2000-019 (TCCE).