VALCOM CONSULTING GROUP INC.


VALCOM CONSULTING GROUP INC.
c.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Dossier no PR-2009-130

Décision et motifs rendus
le vendredi 4 juin 2010


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une plainte déposée par Valcom Consulting Group Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

 

VALCOM CONSULTING GROUP INC.

Partie plaignante

ET

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux réévalue l’ensemble des propositions reçues en réponse à l’invitation no W8484-07AA15/A, en utilisant l’exigence originale du sous-alinéa 3.2b)(iii)(F) de la partie 3 de la demande de propositions, sans faire de distinction entre les adresses gouvernementales et non gouvernementales.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Valcom Consulting Group Inc. le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal canadien du commerce extérieur est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en conformité avec la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public. Le Tribunal canadien du commerce extérieur se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membre du Tribunal :

Jason W. Downey, membre présidant

   

Directeur :

Randolph W. Heggart

   

Enquêteurs principaux :

Michelle Mascoll
Cathy Turner

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Partie plaignante :

Valcom Consulting Group Inc.

   

Partie intervenante :

ADGA Group Consultants Inc.

   

Conseiller juridique pour la partie intervenante :

Richard A. Wagner

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers juridiques pour l’institution fédérale :

Susan D. Clarke
Ian McLeod
Karina Fauteux

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

1. Le 10 mars 2010, Valcom Consulting Group Inc. (Valcom) déposait une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l’égard d’un marché public (invitation no W8484-07AA15/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale (MDN) en vue de la prestation de services professionnels en informatique.

2. Valcom allègue que TPSGC a modifié les critères d’évaluation après la clôture de l’invitation à soumissionner. Valcom demande, à titre de mesure corrective, que le Tribunal recommande que TPSGC réévalue l’ensemble des propositions reçues en réponse à l’invitation. Valcom demande aussi au Tribunal de recommander que TPSGC lui verse une indemnisation en reconnaissance des frais de préparation de sa soumission et de sa perte de profit.

3. Le 18 mars 2010, le Tribunal avisait les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 2 .

4. Le 22 mars 2010, TPSGC informait le Tribunal que trois contrats avaient été adjugés à ADGA Group Consultants Inc. (ADGA) et un contrat à Conoscenti Technologies Inc. Le 25 mars 2010, le Tribunal accordait à ADGA le statut de partie intervenante. Toutefois, par la suite, ADGA n’a déposé aucun exposé.

5. Le 13 avril 2010, TPSGC déposait un rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 .

6. Le 23 avril 2010, Valcom déposait des observations confidentielles sur le RIF. Le 27 avril 2010, Valcom déposait une version non confidentielle de ses observations sur le RIF.

7. Les renseignements au dossier étant suffisants pour déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

8. Le 9 avril 2009, TPSGC lançait une demande de propositions (DP) portant sur la prestation de services professionnels en informatique afin de procurer un soutien au Système d’approvisionnement des Forces canadiennes. La DP énonçait les cinq volets de travail suivants, pour lesquels des contrats distincts devaient être adjugés :

Volet A : Soutien d’application

Volet B : Services de tests et de [gestion de la configuration]

Volet C : Gestion de projet

Volet D : Soutien technique [des opérations]

Volet E : Soutien technique des serveurs déployés et [du système d’exploitation]

[Traduction]

9. Le sous-alinéa 3.2b)(iii)(F) de la partie 3 de la DP prévoit ce qui suit :

[...] Les soumissionnaires sont informés qu’il ne suffit pas de mentionner l’expérience mais qu’il doivent aussi démontrer clairement où et comment cette expérience a été acquise, en fournissant tous les renseignements afférents à la source (nom et adresse de la société), aux dates (mois et année) et aux modalités (y compris les responsabilités, les devoirs et la pertinence pour les exigences), sinon l’expérience ne sera pas prise en considération aux fins de l’évaluation [...]

[Traduction]

10. L’alinéa 4.2a)i) de la partie 4 de la DP prévoit ce qui suit :

Chaque soumission sera examinée aux fins de conformité aux exigences obligatoires de l’invitation à soumissionner. Tous les éléments de l’invitation à soumissionner qui constituent des exigences obligatoires contiendront le verbe « devoir » ou le mot « obligatoire ». Les soumissions qui ne sont pas conformes à chacune des exigences obligatoires seront considérées irrecevables et seront rejetés.

[Traduction]

11. La modification no 001 à la DP a été publiée le 15 mai 2009 et fournissait des réponses aux questions présentées par des soumissionnaires potentiels.

12. Sont pertinentes à la présente plainte les réponses fournies aux questions 36 et 42, relativement à l’exigence dans la DP selon laquelle les soumissionnaires doivent fournir des renseignements exhaustifs, c.-à-d. le nom et l’adresse de la société. Les questions et réponses prévoient ce qui suit :

Question 36 Concernant 3.2b)(F) à la p. 11, où il est indiqué que le soumissionnaire doit fournir « tous les renseignements afférents à la source (nom et adresse de la société) », veuillez confirmer que, pour l’adresse, le soumissionnaire doit indiquer la ville et la province ou le pays, si l’expérience a été acquise à l’extérieur du Canada, plutôt qu’une adresse municipale.

Réponse 36 Les soumissionnaires doivent fournir le nom et l’adresse de la société. Cette adresse doit être conforme à la convention d’adressage du lieu géographique de la société.

Question 42 Concernant la partie 3 – Instructions de préparation de la soumission, à la p. 11, le sous-alinéa 3.2b)(iii)(F), où les instructions indiquent :« [...] en fournissant tous les renseignements afférents à la source (nom et adresse de la société) [...] ». Le client aurait-il l’obligeance d’examiner la possibilité de les modifier de manière à ce qu’elles ne mentionnent que le nom de la société? Nous avons constaté que nous éprouvions des difficultés à fournir les adresses de sociétés qui ont déménagé, qui ont été fusionnées ou qui ont été vendues à d’autres sociétés.

Réponse 42 Voir la réponse 36.

[Traduction]

13. La modification no 002 à la DP a été publiée le 4 juin 2009. Est pertinente pour la présente plainte la réponse suivante fournie à la question 8 :

Question 8 : Concernant l’alinéa 3.2.b(F), à la p. 11 de 171 : Les soumissionnaires sont avisés que la seule mention de l’expérience sans démontrer [...] tous les renseignements afférents à la source (nom et adresse de la société) [...] » relativement à la modification 1, questions et réponses 36 et 42, le client aurait-il l’obligeance de préciser la raison pour laquelle il exige [des soumissionnaires] qu’ils fournissent les adresses des clients mentionnés dans le curriculum vitæ des ressources? Compte tenu de notre enquête exhaustive sur cette exigence, nous croyons savoir que la plupart des ressources ne peuvent pas retracer l’adresse de projets qui ont été réalisés il y a plusieurs années pour des sociétés privées; la plupart de ces sociétés étant déménagées, certaines étant fusionnées avec des concurrents et d’autres ayant fermé leurs portes. Le client aurait-il l’obligeance d’envisager la possibilité de modifier cette exigence de manière à ce qu’elle ne vise que le nom du client donné comme référence dans le curriculum vitæ des ressources?

Réponse 8 : Le Canada n’est pas prêt à modifier cette exigence pour l’instant.

[Traduction]

14. La date de clôture des soumissions était le 17 juin 2009.

15. Selon TPSGC, 10 sociétés, y compris Valcom, ont présenté au total 21 propositions à l’égard des cinq volets.

16. Aux fins de la présente plainte, seuls les volets B, C et E4 sont pertinents.

17. Le 2 novembre 2009, TPSGC avisait Valcom que sa proposition relative au volet B avait été jugée non conforme puisqu’elle ne répondait pas aux exigences obligatoires, plus particulièrement à l’exigence d’adressage.

18. TPSGC a aussi avisé Valcom que sa proposition relative au volet C ne répondait pas à l’exigence d’adressage, mais qu’elle avait aussi été jugée irrecevable par rapport à d’autres exigences obligatoires5 .

19. Plus tard en novembre 2009, TPSGC a entrepris un réexamen de l’application des exigences d’adressage aux diverses propositions présentées par les soumissionnaires. Suivant ce réexamen, TPSGC a conclu que, pour les références gouvernementales indiquant un ministère ou organisme donné, la Couronne devait connaître les adresses précises. Par ailleurs, les mentions par les soumissionnaires de projets non gouvernementaux sans adresse complète, c.-à-d. n’incluant pas une adresse municipale, seraient toujours considérées non conformes aux exigences d’adressage détaillées de la DP6 .

20. Par conséquent, TPSGC a entrepris une réévaluation de la proposition de Valcom relative au volet B quant à la question de l’adresse incomplète. Les résultats de l’examen devaient aussi être pris en considération dans l’évaluation continue de sa proposition relative au volet E. En ce qui concerne le volet C de la proposition de Valcom, aucun autre examen n’a été nécessaire puisque la proposition avait été jugée non conforme pour des raisons non liées à la question de l’adresse7 .

21. Le 4 février 2010, TPSGC avisait Valcom par courriel que sa proposition relative au volet E était jugée non conforme à l’égard de l’exigence d’adressage et qu’un contrat avait été adjugé à ADGA8 .

22. Le 24 février 2010, TPSGC avisait Valcom qu’à la suite du réexamen de sa proposition relative au volet B, à l’égard de la question de l’adresse incomplète, la proposition était maintenant jugée recevable, puisque l’expérience de travail donnée était suffisante pour permettre de satisfaire aux exigences minimales d’adressage. Toutefois, Valcom a été avisée que sa proposition n’avait pas été retenue puisqu’elle n’offrait pas le prix par point le plus bas.

23. Dans un courriel du 26 février 2010, Valcom présentait une opposition à TPSGC et demandait le réexamen de ses autres propositions (pour les volets C et E).

24. Dans un courriel en réponse à la même date, TPSGC avisait Valcom que la méthodologie d’évaluation modifiée qui avait été appliquée au volet B avait aussi été appliquée au volet E, mais que les résultats n’avaient pas changé.

25. Quant au volet C, sa proposition n’avait pas été réévaluée puisqu’elle avait été jugée non conforme à certaines exigences obligatoires de l’invitation qui n’étaient pas liées à la question de l’adresse.

26. Le 10 mars 2010, Valcom déposait sa plainte auprès du Tribunal dans le délai prescrit.

ANALYSE DU TRIBUNAL

27. Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte.

28. À la conclusion de l’enquête, il doit déterminer si la plainte est bien fondée, en fonction des critères, procédures et autres exigences établis par règlement pour le contrat spécifique.

29. L’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, lesquels sont en l’espèce l’Accord sur le commerce intérieur 9 , l’Accord de libre-échange nord-américain 10 , l’Accord de libre-échange Canada-Chili 11 et l’Accord sur les marchés publics 12 .

30. L’Accord de libre-échange Canada-Pérou 13 ne s’applique pas en l’espèce puisqu’il est entré en vigueur le 1er août 2009, soit après la publication de la DP.

31. Le paragraphe 506(6) de l’ACI prévoit que « [l]es documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères. »

32. L’alinéa 1013(1)h) de l’ALÉNA prévoit que « [l]a documentation relative à l’appel d’offres qu’une entité remettra aux fournisseurs devra contenir tous les renseignements nécessaires pour leur permettre de présenter des soumissions valables, notamment [...] les critères d’adjudication, y compris tous les éléments, autres que le prix, qui seront pris en considération lors de l’évaluation des soumissions [...] ».

33. L’alinéa 1015(4)a) de l’ALÉNA prévoit que « pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation ». L’alinéa 1015(4)d) prévoit que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiés dans la documentation relative à l’appel d’offres ».

34. L’AMP et l’ALÉCC contiennent aussi des dispositions similaires.

35. Valcom soutient que l’objectivité du processus d’évaluation pour l’ensemble des propositions présentées dans le processus de passation du marché public a manifestement été compromise, faisant en sorte que l’ensemble du processus de passation du marché public a été compromis.

36. Valcom soutient que lorsqu’un critère d’évaluation peut être la cause du rejet d’une proposition, ce même critère ne doit pas changer après la date de clôture de l’invitation ni pendant l’évaluation des autres propositions présentées en réponse à la même invitation.

37. TPSGC soutient qu’il est bien établi par le Tribunal qu’au cours d’un processus d’évaluation, les évaluateurs peuvent examiner, vérifier et, si nécessaire, modifier des conclusions initiales ou provisoires rendues à une étape antérieure du processus. À cet égard, TPSGC fait valoir que les évaluateurs ont appliqué leur méthode modifiée à l’égard de la question de l’adresse incomplète, tenant compte des projets énumérés auprès de ministères et organismes gouvernementaux, malgré le manque de renseignements détaillés sur les adresses.

38. Le Tribunal fait remarquer qu’il ressort du libellé du sous-alinéa 3.2b)(iii)(F) de la partie 3 de la DP que TPSGC voulait que les soumissionnaires fournissent des adresses détaillées lorsqu’ils décrivaient leur expérience de travail. Il est aussi clair que cette disposition n’établit aucune distinction entre les critères d’adressage gouvernementaux et les critères d’adressage non gouvernementaux.

39. En réponse à la question 36 de la modification no 001 à la DP, TPSGC a précisé que les noms et adresses des sociétés qui doivent être fournis doivent être conformes à la convention d’adressage du lieu géographique de la société. La DP ne contient pas de définition de « convention d’adressage », et TPSGC n’en a pas fournie au moyen du processus de questions et réponses.

40. Le Tribunal est d’avis qu’au Canada, une adresse doit au moins inclure le numéro de porte, le nom de la rue, le nom d’une ville ou d’une localité, ainsi que la province ou le territoire. Si quelqu’un cherchait une adresse, ce sont ces paramètres qui permettraient d’orienter la personne. Quant aux codes postaux, le Tribunal est d’avis que même s’ils sont utiles dans certains cas, ils sont généralement réservés à la livraison du courrier par Postes Canada, de sorte qu’ils ne sont pas essentiels à la détermination d’une adresse en soi.

41. En réponse à la question 42 de la modification no 001 à la DP, TPSGC a été clair lorsqu’un soumissionnaire potentiel a demandé une modification de l’exigence en question et a simplement renvoyé à la réponse à la question 36.

42. Le Tribunal fait remarquer que la DP exigeait l’adresse de l’ensemble des références et n’établissait aucune distinction sur la question de savoir si cette exigence pouvait être modifiée ou éliminée pour un type de référence donné ou si elle pouvait s’appliquer à certaines organisations et non pas à d’autres.

43. Le Tribunal est d’avis que TPSGC exigeait une « démonstration claire » [traduction] de « tous les renseignements » [traduction] relatifs à l’adresse. C’est ce qu’indique la DP et ce que précisent les modifications à la DP. Le Tribunal est d’avis que si TPSGC avait voulu d’autre chose, il l’aurait fait connaître dans une modification à la DP.

44. Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC a unilatéralement modifié les critères d’évaluation et assoupli les exigences d’adressage pour les références gouvernementales, ce qui est contraire aux exigences de la DP et aux explications fournies au moyen du processus de questions et réponses, particulièrement aux réponses 36 et 42.

45. Les soumissionnaires sont en droit de connaître la façon dont l’évaluation sera effectuée. À cet égard, ils se fient sur la DP et sur les modifications ultérieures pour élaborer une proposition. Le Tribunal est d’avis que rien dans la DP n’aurait pu permettre à un soumissionnaire de savoir qu’une distinction serait faite entre les exigences d’adressage gouvernementales et les exigences d’adressage non gouvernementales.

46. Le Tribunal reconnaît qu’une telle modification pourrait être considérée bénéfique pour Valcom puisqu’elle semble avoir permis à l’une de ses propositions d’être jugée conforme, plutôt que le cas contraire. Cependant, le Tribunal est d’avis qu’une telle considération n’est pas pertinente puisque la seule question qu’il doit se poser consiste à savoir si le processus de passation du marché public a été appliqué conformément aux accords commerciaux pertinents.

47. Le Tribunal conclut que l’adoption de la méthodologie d’évaluation modifiée constitue l’introduction par TPSGC de critères d’évaluation non mentionnés dans la DP. Cette nouvelle méthodologie n’aurait pu être prévue pendant la période de soumission au moyen des diverses versions de la DP et du processus de questions et réponses.

48. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’utilisation de critères non énoncés dans la DP par TPSGC en vue de l’évaluation de la proposition de Valcom constitue une violation des accords commerciaux pertinents et détermine donc que la plainte est fondée.

Mesure corrective

49. Ayant déterminé que la plainte de Valcom est fondée, le Tribunal doit maintenant recommander la mesure corrective appropriée.

50. À cet égard, le Tribunal est assujetti au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, lequel prévoit ce qui suit :

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

51. Le Tribunal estime que le fait de ne pas évaluer une soumission conformément aux critères obligatoires énoncés dans la DP constitue une irrégularité grave dans la procédure de passation du marché public puisque l’évaluation porte sur des éléments obligatoires et influence donc directement la qualification des fournisseurs potentiels. Pour apprécier l’importance d’une telle question, on n’a qu’à penser qu’une simple exigence d’adressage de la sorte suffit pour complètement rejeter un fournisseur potentiel, dont le reste de la soumission pourrait être conforme.

52. En matière de critères obligatoires, les deux parties sont liées par un ensemble de règles très strictes, et le soumissionnaire devrait pouvoir bénéficier de la même rigueur que celle que l’autorité contractante elle-même exige par l’entremise la DP.

53. Le Tribunal estime que l’ampleur du préjudice causé à Valcom est quand même faible compte tenu que le changement a permis à Valcom de se qualifier pour le volet B alors qu’elle aurait autrement été rejetée. On n’a présenté aucun élément de preuve relatif à quelconque autre partie qui aurait subi un préjudice à la suite du critère obligatoire modifié.

54. Néanmoins, le Tribunal se préoccupe toujours de maintenir l’intégrité et l’efficacité du processus d’appel d’offres. À cet égard, l’impartialité et l’équité sont des considérations fondamentales.

55. En l’espèce, le Tribunal est d’avis que la modification d’un critère obligatoire compromet l’intégrité du processus d’appel d’offres puisque la modification a trait à l’équité et à la transparence de l’évaluation du bien-fondé de la proposition des soumissionnaires.

56. Les soumissionnaires doivent pouvoir se fier aux critères d’évaluation prescrits afin de formuler leur proposition. Autrement, les soumissionnaires sont incapables d’optimiser leurs efforts pour être le soumissionnaire choisi.

57. Bien qu’un tel changement soit très irrégulier, les éléments de preuve n’indiquent pas que les évaluateurs n’agissaient pas de bonne foi lorsqu’ils ont procédé à leur évaluation.

58. Compte tenu de tous les aspects de cette affaire et de la mesure dans laquelle le contrat a été exécuté, le Tribunal est d’avis que la mesure corrective appropriée consiste à recommander que TPSGC réévalue l’ensemble des propositions reçues, conformément à l’exigence initiale du sous-alinéa 3.2b)(iii)(F) de la partie 3 de la DP, sans faire de distinction entre les adresses gouvernementales et non gouvernementales.

Frais

59. Le Tribunal accorde à Valcom le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte.

60. Pour déterminer le montant des frais accordés en raison de la présente plainte, le Tribunal tient compte de sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui fonde l’évaluation du degré de complexité d’une plainte sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

61. Selon l’avis provisoire du Tribunal, la présente plainte a un niveau de complexité correspondant au premier niveau de complexité mentionné à l’annexe A de la Ligne directrice. Même si le marché public était modérément complexe, puisqu’il portait sur cinq volets de catégories de services professionnels, la complexité de la plainte était pour sa part faible car elle ne portait que sur une question de critère d’évaluation obligatoire.

62. De son côté, la procédure de plainte n’était pas complexe puisqu’il n’y avait aucune requête et aucune observation supplémentaires des parties.

63. Par conséquent, conformément à la Ligne directrice, l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(2) et 30.15(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC réévalue l’ensemble des propositions reçues en réponse à l’invitation no W8484-07AA15/A, en utilisant l’exigence originale du sous-alinéa 3.2b)(iii)(F) de la partie 3 de la DP, sans faire de distinction entre les adresses gouvernementales et non gouvernementales.

64. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Valcom le remboursement des frais raisonnables qu’elle a engagés pour la préparation et le traitement de la plainte, ces frais devant être payés par TPSGC. L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1, et l’indication provisoire du montant de l’indemnisation est de 1 000 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à l’indication provisoire du degré de complexité ou à l’indication provisoire du montant de l’indemnisation, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec la Ligne directrice. Le Tribunal se réserve la compétence de fixer le montant définitif de l’indemnisation.


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

2 . D.O.R.S./93-602 [Règlement].

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . La DP contenait cinq volets et Valcom a présenté des propositions en réponse à trois des cinq volets.

5 . RIF confidentiel, pièces 13, 14.

6 . RIF, para. 48.

7 . RIF, para. 49.

8 . RIF confidentiel, pièce 18.

9 . 18 juillet 1994, Gaz. C. 1995.I.1323, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <http://www.ait-aci.ca/index_fr/ait.htm> [ACI].

10 . Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

11 . Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Chili, R.T.C. 1997, no 50 (entré en vigueur le 5 juillet 1997) [ALÉCC]. Le chapitre Kbis, intitulé « Marchés publics », est entré en vigueur le 5 septembre 2008.

12 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm> [AMP].

13 . Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, en ligne : le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international <http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-... (entré en vigueur le 1er août 2009).